N° 246

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 1999-2000

Annexe au procès verbal de la séance du 1 er mars 2000.

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission des Affaires sociales (1) à la suite d'une mission effectuée du 23 au 30 juillet 1999 par une délégation chargée d'étudier la situation sanitaire et sociale en Guyane ,

Par MM. Jean DELANEAU, Jacques BIMBENET, Louis BOYER, Bernard CAZEAU, Guy FISCHER, Francis GIRAUD, Alain GOURNAC, Jean-Louis LORRAIN et Philippe NOGRIX,

Sénateurs.

(1) Cette commission est composée de : MM. Jean Delaneau, président ; Jacques Bimbenet, Louis Boyer, Mme Marie-Madeleine Dieulangard, MM. Guy Fischer, Jean-Louis Lorrain, Louis Souvet, vice-présidents ; Mme Annick Bocandé, MM. Charles Descours, Alain Gournac, Roland Huguet, secrétaires ; Henri d'Attilio, François Autain, Jean-Yves Autexier, Paul Blanc, Mme Nicole Borvo, MM. Jean-Pierre Cantegrit, Bernard Cazeau, Gilbert Chabroux, Jean Chérioux, Philippe Darniche, Christian Demuynck, Claude Domeizel, Jacques Dominati, Michel Esneu, Alfred Foy, Serge Franchis, Francis Giraud, Claude Huriet, André Jourdain, Philippe Labeyrie, Roger Lagorsse, Dominique Larifla, Henri Le Breton, Dominique Leclerc, Marcel Lesbros, Jacques Machet, Georges Mouly, Lucien Neuwirth, Philippe Nogrix, Mme Nelly Olin, MM. Lylian Payet, André Pourny, Mme Gisèle Printz, MM. Henri de Raincourt, Bernard Seillier, Martial Taugourdeau, Alain Vasselle, Paul Vergès, André Vezinhet, Jean-Pierre Vial, Guy Vissac.

Départements et territoires d'outre-mer - Santé publique .

TRAVAUX DE LA COMMISSION

Le mercredi 27 octobre 1999, sous la présidence de M. Jean Delaneau, président, la commission a entendu une communication de M. Jean Delaneau, sur la mission d'information qui s'est déroulée en Guyane du 23 au 30 juillet 1999 en vue de dresser un bilan de la situation sanitaire et sociale de ce département.

M. Jean Delaneau a précisé qu'il avait jugé utile de faire un bref compte rendu de cette mission avant que la commission n'examine le budget de l'outre-mer le mercredi 10 novembre prochain.

Revenant sur l'objectif de la mission, il a précisé qu'elle s'inscrivait dans le cadre de la préparation de l'examen, par le Parlement, du projet de loi d'orientation sur les départements d'outre-mer annoncé par le Gouvernement. Il a indiqué à ce propos que la commission ne manquerait pas de se saisir pour avis de ce texte, rappelant qu'elle avait toujours été très attentive à la situation de l'outre-mer, où les difficultés sociales sont tout particulièrement exacerbées.

M. Jean Delaneau a souligné qu'au terme d'un programme de travail particulièrement dense et varié, la délégation était en mesure de dresser un état des lieux de la situation sanitaire et sociale de la Guyane. Il a ainsi observé qu'en dépit de nombreux atouts, la Guyane connaissait actuellement une crise de développement tout particulièrement sensible sur le plan sanitaire et social.

Abordant la question démographique, il a insisté sur la croissance particulièrement rapide de la population. Il a constaté que le dernier recensement évaluait la population à 157.000 personnes, soit une croissance de 37 % entre 1990 et 1999. Mais il a précisé que beaucoup des interlocuteurs de la délégation avaient estimé ce chiffre à 200.000 habitants. Il a rappelé que, pendant trois siècles et jusqu'en 1946, la population guyanaise avait stagné autour de 25.000 habitants.

Il a observé que deux causes principales étaient à l'origine de cette augmentation : une forte natalité et une immigration très importante, la population immigrée atteignant 70.000 personnes, soit près de 40 % de la population.

Mais il a également insisté sur les deux particularités de cette population, à savoir sa jeunesse, 45 % des habitants ayant moins de 20 ans, et sa diversité ethnique.

Sur le plan sanitaire, M. Jean Delaneau a estimé que la situation était préoccupante comme en témoignaient certains indicateurs : un taux de mortalité périnatale qui atteint 26 , la persistance du paludisme, la propagation du virus du Sida, les ravages de la toxicomanie, les menaces pesant sur la chaîne alimentaire.

Sur le plan de l'emploi et de l'insertion, il a rappelé que le chômage touchait 13.000 personnes, soit environ le quart de la population active. Constatant qu'il faudrait créer 25.000 emplois d'ici 2006 pour seulement stabiliser le taux de chômage du fait des évolutions démographiques, et observant que le nombre d'emplois avait diminué en 1998, il s'est inquiété du risque d'une dégradation de la situation de l'emploi. Il a également insisté sur la structure particulière de l'emploi dans ce département, où 56 % des emplois salariés relèvent du secteur public.

Il a jugé d'autant plus inquiétante la situation de l'emploi que le niveau de formation était faible. A cet égard, il a indiqué que 60 % des demandeurs d'emploi avaient un niveau de formation inférieur ou égal au niveau V bis.

Observant une croissance du nombre d'allocataires du revenu minimum d'insertion (RMI), il a souligné que celui-ci concernait directement ou indirectement 10 % de la population du département.

Face à ce constat d'une situation sanitaire et sociale très dégradée, M. Jean Delaneau a estimé que l'action publique restait très en retrait.

Il a ainsi observé que les structures sanitaires locales étaient saturées du fait d'un nombre insuffisant de lits et de personnels médicaux.

Il a également estimé que les résultats de la politique d'insertion étaient faibles. Soulignant l'absence de formation en alternance, il a indiqué que l'organisation du service public de l'emploi connaissait un certain retard avec l'absence de mission locale et d'entreprises d'insertion. Il s'est étonné de l'orientation de la politique de l'emploi dans ce département où l'on demande aux entreprises d'embaucher des personnes non qualifiées et où le secteur public et parapublic se réserve les personnes les plus qualifiées, notamment par l'intermédiaire des emplois-jeunes.

Au regard de ce bilan qu'il a qualifié de sombre, M. Jean Delaneau a considéré que la mission d'information avait d'ores et déjà permis de dégager deux enseignements principaux.

En premier lieu, il a insisté sur la nécessité de mettre en oeuvre un plan de rattrapage pour la Guyane, notamment en matière sanitaire et sociale. Il a indiqué que ce plan devait avoir trois objectifs prioritaires : mise à niveau de certaines infrastructures car il existe toujours des communes sans eau potable, électricité et téléphone, mise à niveau des structures sanitaires par une augmentation des moyens matériels et humains, effort très important en matière de formation face au risque d'une explosion du chômage.

En second lieu, il a estimé nécessaire d'adapter la réglementation applicable en Guyane aux spécificités locales pour pouvoir résoudre les problèmes avec souplesse. Il a jugé qu'une application automatique des normes métropolitaines ne pouvait apporter des réponses efficaces et pouvait même avoir des effets pervers.

A cet égard, il a cité quatre exemples d'inadaptation des normes métropolitaines dans le domaine de la santé : le non-remboursement des anti-paludéens qui sont considérés comme des " médicaments de confort " en métropole, le regroupement des activités de maternité alors que, dans certains cas, il est préférable de garder cette activité dans les centres de santé, l'application de la couverture maladie universelle dans un département où plus de 20 % de la population relève de l'aide médicale, le passage aux 35 heures dans le secteur sanitaire et social où il existe des difficultés de recrutement alors que les aides financières ne prennent pas en considération les spécificités des DOM.

Il a alors proposé d'inscrire, dans le budget du secrétariat d'Etat à l'outre-mer, les crédits relatifs à l'action sanitaire et sociale, figurant pour l'instant au budget du ministère de l'emploi et de la solidarité. Il a observé que cette opération permettrait une plus grande adaptation des politiques publiques aux besoins, soulignant qu'un tel transfert avait déjà eu lieu en matière d'emploi et de logement.

M. Alain Gournac a déclaré partager le souci d'adaptation de la réglementation. Il a cité l'exemple du statut de l'hôpital de Saint Laurent du Maroni, où plus de la moitié des naissances étaient le fait de mères étrangères. Il a alors proposé de doter l'hôpital d'un statut international pour prendre en compte cette spécificité. De la même manière, il a souligné l'inadaptation des règles de remboursement des médicaments.

M. Philippe Nogrix a estimé que l'on avait sans doute péché par orgueil en voulant faire de la Guyane l'image de la métropole. Il a rappelé les spécificités de ce département, plus proche du continent sud-américain que des Caraïbes avec lesquelles il est trop souvent assimilé.

Il a observé que la situation guyanaise exigeait la mise en place de structures de formation de base, notamment en matière de lutte contre l'illettrisme. Il a indiqué que l'expérience des H'mongs prouvait qu'une politique ambitieuse de développement pouvait réussir.

Il s'est néanmoins inquiété des conséquences de la politique actuelle, estimant que les aides budgétaires à la personne, et notamment le RMI, risquaient de pousser les Guyanais à perdre leurs traditions.

En conclusion, M. Jean Delaneau a indiqué qu'il souhaitait que chaque membre de la délégation puisse lui adresser ses observations pour la préparation du rapport d'information. Il a insisté, une nouvelle fois, sur la nécessité de prendre en compte les spécificités guyanaises, et notamment l'appartenance au continent amérindien, pour l'application des politiques publiques.

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