2. Une réelle liberté d'organisation dans la mise en oeuvre des compétences transférées

a) Retrouver l'esprit de la décentralisation

La décentralisation repose sur un triptyque " liberté d'initiative, diversité, responsabilité ".

Si l'Etat transfère des compétences aux collectivités locales, c'est parce qu'il estime que ces compétences seront exercées de manière plus efficace à un niveau de proximité.

Quelle peut être la signification de cette démarche si le cadre juridique d'exercice de la compétence est tellement détaillé que les collectivités locales ne disposent plus d'aucune marge d'appréciation ?

Le bilan établi par votre mission d'information a mis en évidence que l'Etat avait de plus en plus la tentation de confier des compétences aux collectivités locales en définissant au préalable l'objectif à atteindre et les moyens à mettre en oeuvre en prévoyant, en outre, des sanctions pour le cas où une collectivité n'aurait pas respecter ces prescriptions.

Il y a là une déviation manifeste de l'esprit de la décentralisation. Retrouvant de vieux réflexes, l'Etat traite les collectivités locales comme des acteurs mineurs incapables par eux-mêmes de promouvoir l'intérêt général.

Or, de deux choses l'une : soit l'Etat considère que le domaine de compétences en cause est d'intérêt national, il lui revient alors de le prendre en charge seul sans solliciter les collectivités locales ; soit il estime que ce domaine compétences, tout en relevant principalement de ces dernières, justifie néanmoins son intervention. Il lui appartient alors de s'inscrire dans le cadre d'un partenariat équilibré avec les collectivités locales.

Tel est le sens de l'Etat contractuel " à la française " dont votre mission d'information souhaite l'émergence.

Or les dispositifs récents témoignent au contraire d'un retour de l'Etat tutélaire, dont les relations avec les collectivités locales sont marquées du sceau de la suspicion.

Votre mission d'information juge indispensable un retour à l'esprit de la décentralisation qui permet une gestion de proximité fondée sur l'initiative et respectant la diversité des réalités locales.

A cette fin les collectivités locales doivent disposer d'une véritable liberté d'organisation dans la mise en oeuvre de leurs compétences.

b) Quelles voies juridiques pour mieux garantir le respect des compétences locales ?

Le bilan établi par votre mission d'information a rappelé que la définition des compétences des collectivités locales dans un cadre défini par le législateur était apparue comme un progrès par rapport à la situation antérieure pendant laquelle les collectivités avaient subi de multiples transferts de charges imposés par l'Etat tutélaire.

Or ce rôle de la loi, conforme d'ailleurs aux exigences constitutionnelles telles qu'elles ont été précisées par le Conseil constitutionnel, n'a pas suffi à mettre un terme à ces transferts de charges imposés. Le bilan figurant dans la première partie du présent rapport le met clairement en évidence.

Plus grave, les dispositifs législatifs récents, adoptés de part la volonté du Gouvernement et de la majorité de l'Assemblée nationale, contre la position exprimée par le Sénat, font ressortir que la loi ordinaire, loin d'être protectrice des compétences locales, peut être source de contraintes excessives tant en ce qui concerne le contenu des compétences que les moyens de leur exercice en particulier sur le plan financier .

Votre rapporteur a précédemment rappelé le caractère relativement elliptique des dispositions de l'article 72 de la Constitution, qui fixe le principe de la libre administration par des conseils élus " dans les conditions prévues par la loi " et de l'article 34, qui confie au législateur le soin de définir les principes fondamentaux " de la libre administration des collectivités locales, de leurs compétences et de leurs ressources ".

Dès lors, votre mission d'information s'est interrogée sur le point de savoir si ce cadre constitutionnel ne devait pas être précisé pour mieux assurer le respect de la libre administration des collectivités locales.

Elle a donc pris connaissance avec le plus grand intérêt de la proposition de loi constitutionnelle issue de l'initiative de M. le président du Sénat, qui tendrait à inscrire dans la loi fondamentale la garantie de l'autonomie fiscale des collectivités locales, le principe de compensation intégrale et concomitante des transferts de compétences et de charges et qui consacrerait le rôle de représentant des collectivités territoriales de la République dévolu au Sénat par la Constitution, en lui conférant un pouvoir législatif équivalent à celui de l'Assemblée nationale pour les projets et propositions de loi relatifs aux collectivités locales. 337( * )

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