B. POURQUOI L'ÉTAT RECENTRALISE-T-IL ?

Quel est l'intérêt pour l'Etat de contrôler l'évolution des recettes des collectivités locales ? Pourquoi consacrer autant de moyens financiers à la réduction de l'autonomie financière des collectivités locales ?

1. Améliorer la justice fiscale ?

La transformation d'impôts locaux en dotations de l'Etat présente au moins un avantage : elle allège d'autant la charge fiscale pesant sur les contribuables et, ce faisant, permet de remédier aux injustices qui résultent de l'inadaptation des bases des impôts locaux.

Alléger la pression fiscale ?

Ce point a été mis en avant par le Gouvernement à l'occasion des débats sur la suppression de la part salariale de la taxe professionnelle et sur la suppression de la part régionale de la taxe d'habitation.

Quoi qu'il en soit, la volonté du gouvernement de réduire le poids des prélèvements obligatoires n'apparaît pas clairement à la lumière de l'évolution du taux global de prélèvements obligatoires depuis 1997. Le taux de pression fiscale est en effet passé de 44,8 % du produit intérieur brut en 1996 à 44,9 % en 1997 et 1998, avant d'atteindre un pic historique en 1999 avec 45,7 %.

S'agissant de la fiscalité des entreprises, l'allégement de taxe professionnelle dont bénéficient les entreprises a été " compensé " par la mise en place de multiples nouveaux prélèvements :

Récapitulation des mesures prises depuis 1997 au détriment
des moyennes et grandes entreprises.

MUFF 1997 :

Imposition de certaines plus-values à long terme au taux normal de l'IS et instauration d'une contribution temporaire sur l'impôt sur les sociétés (fixée à 15 % pour 1997 et 1998 et à 10 % pour 1999) pour les entreprises de plus de 50 millions de francs de chiffre d'affaires ;

 

=> surcroît de recettes : 23,1 MdsF en 1997, 1 7,4 MdsF en 1998 et 12,4 MdsF en 1999

LFI 1998 :

- Augmentation des tarifs de l'imposition forfaitaire annuelle pour les entreprises de plus de 50 millions de francs de chiffre d'affaires ;

 

=> surcroît de recettes : 200 MF

 

- Limitation de la déductibilité des provisions pour renouvellement ;

 

=> surcroît de recettes en 1998 : 4 MdsF

 

- Suppression de l'avantage fiscal lié à la provision pour fluctuation des cours.

 

=> surcroît de recettes en 1998 : 1 MdF

LFI 1999 :

- Quadruplement en trois ans du taux de la cotisation minimale de taxe professionnelle  (0,35 % en 1998, 1 % en 1999, 1,5 % en 2001) ;

 

=> surcroît de recettes en 1999 : 700 MF

 

- Rétablissement (au taux de 2,5 %) de la quote-part de frais et charges afférente aux dividendes versés par une filiale à sa mère ;

 

=> surcroît de recettes en 1999 : 4,5 MdsF

 

- Diminution du taux de l'avoir fiscal de 50 à 45 % pour les personnes morales ne bénéficiant pas du régime fiscal des mères et filiales ;

 

=> surcroît de recettes en 1999 : 1 MdF

 

- Augmentation des tarifs de l'imposition forfaitaire annuelle pour les entreprises de plus de 50 millions de francs de chiffre d'affaires ;

 

=> surcroît de recettes en 1999 : 500 MF

PLF 2000 :

- Doublement de la fraction imposable des dividendes versés par une société fille à sa mère (quote-part de frais et charges de 5 %) ;

 

=> surcroît de recettes prévu pour 2000 : 4,2 MdsF

 

- Diminution du taux de l'avoir fiscal de 45 à 40 % pour les personnes morales ne bénéficiant pas du régime fiscal des mères et filiales ;

 

=> surcroît de recettes prévu pour 2000 : 1,5 MdF

PLFSS 2000 :

Institution d'une contribution sociale de 3,3 % sur les bénéfices des sociétés (CSB) affectée au " fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale " ;

 

=> surcroît de recettes attendu pour 2000 : 4,2 MdsF

 

- Création d'un taxe générale sur les activités polluantes (TGAP)

 

=> surcroît de recettes attendu pour 2000 : 3,6 MdsF

Source : Commission des finances, Rapport général, Tome I, projet de loi de finances pour 2000.

Remédier à l'inadaptation de l'assiette des impôts locaux ?

Le Gouvernement n'a jamais précisé pourquoi il avait décidé d'alléger le poids pour les contribuables des impôts locaux plutôt que celui d'impôts d'Etat, voire de la fraction du produit des impôts locaux qu'il perçoit au titre des frais d'assiette de dégrèvement.


Il a cependant justifié la suppression de la part salariale de l'assiette de la taxe professionnelle et de la part régionale de la taxe d'habitation par la volonté de remédier aux inconvénients liés à l'assiette de ces impôts.

La réforme de la taxe professionnelle a été présentée comme une réforme destinée à favoriser l'emploi. En effet, malgré l'existence d'une réduction pour embauche et investissement, la cotisation de taxe professionnelle des entreprises augmentait lorsque des emplois étaient créés.

Cependant, dans son rapport au Président de la République de 1997, le Conseil des impôts remarquait que la taxe professionnelle n'était pas l'impôt qui était le plus de nature à décourager les créations d'emploi : " l'ordre de grandeur du prélèvement opéré par la taxe professionnelle sur le coût du travail (environ 2 %) est sans rapport avec celui opéré par le prélèvement fiscalo-social total sur le travail salarié. En d'autres termes, lorsque le travail doit supporter 100 F d'impositions 256( * ) , à peine 2 F relèvent de la taxe professionnelle (...) La taxe professionnelle pesant davantage sur le capital que sur le travail et représentant un prélèvement limité sur ce dernier facteur n'apparaît donc pas comme un vecteur pertinent d'une politique d'abaissement du coût du travail. " 257( * ) .

La réforme de la taxe d'habitation opérée par la loi de finances rectificative pour 2000 a été présentée comme la volonté d'alléger le poids d'un impôt injuste pour les contribuables les plus défavorisés. Cet objectif a surtout pu être atteint par la refonte des dégrèvements de taxe d'habitation, qui a permis d'exonérer totalement de cet impôt l'ensemble des contribuables dont le revenu est proche du revenu minimum d'insertion et qui a porté de 7,7 millions à 8,7 millions le nombre de contribuables dont la cotisation est proportionnelle au revenu.

La suppression de la part régionale de la taxe d'habitation est surtout une mesure favorable aux contribuables qui ne sont pas éligibles aux mécanismes de dégrèvements et d'exonération et qui verront leur impôt baisser quand même. De plus, un allégement uniforme de taxe d'habitation de même ampleur aurait pu être atteint, comme l'a proposé le Sénat, par une réduction des frais d'assiette et de recouvrement perçus par l'Etat sur le produit des impôts locaux.

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