Explications de vote

Discussion générale
Dossier législatif : motion  tendant à proposer au Président de la République de soumettre au référendum le projet de loi relatif à l'élection des conseillers régionaux et des représentants au Parlement européen ainsi qu'à l'aide publique aux partis politiques
Explications de vote sur l'ensemble (fin)

M. le président. Avant de mettre aux voix les conclusions du rapport de la commission des lois, tendant au rejet de la motion de renvoi au référendum, je donne la parole à M. Claude Estier, pour explication de vote.

M. Claude Estier. Comme mon groupe, je voterai bien entendu contre les conclusions du rapport de la commission des lois visant à rejeter cette motion référendaire. Mais je voudrais surtout répondre à M. le rapporteur sur deux points de son intervention.

J'ai d'abord constaté, monsieur Gélard, que vous estimiez justifiées les motivations de cette motion, telles que mon collègue et ami Michel Dreyfus-Schmidt les a exposées avec beaucoup de talent, mais que vous étiez hostile à ladite motion pour des raisons d'opportunité.

M. Patrice Gélard, rapporteur. Tout à fait !

M. Claude Estier. Il me paraît tout de même assez extraordinaire de se déclarer hostile pour des raisons d'opportunité à une motion se rapportant à un texte qui est lui-même d'opportunité !

Mais vous nous dites surtout, monsieur le rapporteur, que nous ne parvenons pas à concevoir que vous soyez la majorité.

Bien entendu, c'est faux : nous sommes des démocrates et, même si nous déplorons le fait, nous ne pouvons l'ignorer.

Au Sénat, vous aviez déjà la majorité et on peut penser que vous l'aurez ad vitam aeternam !

M. Josselin de Rohan. Que Dieu vous entende ! (Sourires.)

M. Claude Estier. A l'Assemblée nationale, nous le savons très bien, les dernières élections vous ont donné une majorité absolue et, aujourd'hui, cette majorité est même détenue par un seul parti, le vôtre, l'UMP.

Evidemment, la question n'est donc pas là. Ce que nous nous efforçons de vous démontrer, monsieur Gélard, c'est que votre comportement est différent suivant que, à l'Assemblée nationale, la majorité est ou non la même qu'au Sénat.

Quand la majorité de l'Assemblée nationale est de gauche, vous utilisez, ici, toutes les formes possibles de prolongation des débats.

Mme Danielle Bidard-Reydet. D'obstruction !

M. Josselin de Rohan. C'est normal !

M. Claude Estier. Vous multipliez les auditions au sein de la commission des lois, vous multipliez les motions de procédure, vous multipliez les amendements. Bien sûr, c'est votre droit le plus absolu, nous ne le contestons nullement.

Il reste que, pour faire de l'obstruction, vous êtes aussi très forts ! Je rappellerai, par exemple, le débat sur l'inversion du calendrier électoral, au cours duquel vous avez fait intervenir quatre-vingts orateurs, les uns derrière les autres. Cela a duré au moins deux semaines. Vous n'avez donc pas de leçons à nous donner dans ce domaine !

A l'inverse, lorsque la majorité à l'Assemblée nationale est la même qu'ici, vous n'avez plus aucune velléité de prolonger les débats et, comme l'a expliqué très justement M. Sueur tout à l'heure, vous pratiquez maintenant le culte du vote conforme, ainsi que le démontrent un certain nombre d'épisodes que nous avons vécus au cours des dernières semaines.

Vous affirmez aujourd'hui, monsieur le secrétaire d'Etat aux relations avec le Parlement, que vous êtes ouvert au débat.

Nous apprécions, naturellement, qu'il n'y ait pas de 49-3 au Sénat et que nous puissions, pour l'instant, nous exprimer. Mais nous savons très bien, puisque vous l'avez dit et répété aujourd'hui, que vous avez décidé à l'avance qu'aucun des amendements, aucune des motions ne seraient retenus, de manière à obtenir finalement un vote conforme. En effet, vous ne voulez surtout pas que le texte revienne devant l'Assemblée nationale afin de ne pas vous retrouver dans la situation que vous avez connue en première lecture au Palais-Bourbon.

M. François Trucy. C'est vrai !

M. Claude Estier. Voilà ce que nous vous reprochons. Il ne s'agit en rien de nier que vous êtes la majorité. Ce que nous contestons, c'est votre attitude qui consiste, quand vous avez la majorité à l'Assemblée nationale,...

M. Dominique Braye. Vous donnez une mauvaise image du Parlement !

Mme Nicole Borvo. Inscrivez-vous donc, monsieur Braye ! Nous serions très heureux de vous entendre !

M. Claude Estier. ... à renoncer à vos droits et à vos prérogatives.

En agissant ainsi, comme l'ont dit plusieurs orateurs de gauche, vous dévalorisez totalement le rôle du Sénat.

M. Dominique Braye. Vous l'avez valorisé, vous, hier ?

M. Claude Estier. Monsieur Braye, permettez-moi de vous dire combien je suis étonné - mais je pense que cela correspond en fait à une directive qui a été donnée dans votre groupe - qu'aucun d'entre vous n'intervienne dans ce débat. Vous ne faites que nous interpeller. Or vous pourriez aussi intervenir puisque le Gouvernement nous permet, heureusement, de débattre pendant plusieurs jours.

Ainsi, monsieur Gélard, nous reconnaissons évidemment que vous êtes la majorité, mais reconnaissez vous-même que, depuis qu'il y a une majorité de droite à l'Assemblée nationale, vous dévalorisez le rôle du Sénat en votant les textes conformes, en renonçant donc à vos droits et à vos prérogatives. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC. - Protestations sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo.

M. Gérard Cornu. Encore !

M. le président. Mais ne vous croyez pas obligée, madame Borvo, de parler au nom de l'UMP ! (Rires sur les travées de l'UMP.)

M. Dominique Braye. On n'en veut pas !

Mme Nicole Borvo. Vous êtes frustrés : vous avez tellement de choses à dire que vous êtes obligés de crier sans arrêt !

A la suite des propos de M. le secrétaire d'Etat, je voudrais citer un extrait d'un rapport de MM. Lanier et Girod.

M. Jean-Claude Carle. Excellent !

M. Gérard Cornu. Vous avez de bonnes lectures !

Mme Nicole Borvo. N'est-ce pas ?

Dans la conclusion de ce rapport, rédigé en 1998 et intitulé Pour le maintien de la proportionnelle dans le cadre départemental, voici ce que MM. Lanier et Girod écrivaient : « Le changement du mode de scrutin impose au préalable de rechercher un consensus aussi large que possible, car il ne faut pas que les règles du jeu puissent être présentées comme étant dirigées contre telle ou telle formation politique. » Ils en déduisaient qu'il ne fallait pas changer le mode de scrutin aux élections régionales.

M. le secrétaire d'Etat a rappelé à juste titre que le ministre de l'intérieur avait consulté les formations politiques. Pour notre part, nous avons fait des propositions. Mais de nombreuses formations politiques ont manifesté leur opposition à cette modification du mode de scrutin. Cela signifie bien que vous n'avez pas recherché le consensus le plus large possible entre les formations politiques. Bien entendu, s'il s'agissait d'un consensus au sein de l'UMP, je suppose que vous y êtes arrivés. Encore que nous ne le sachions pas très bien...

Quoi qu'il en soit, faute d'accord entre les formations politiques, recherchons ce consensus le plus large possible dans le pays et organisons un référendum.

Je ne comprends pas que vous reculiez devant ce débat citoyen puisque vous êtes en général favorables aux débats « au plus près des citoyens ». (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

M. Robert Bret. Ils ont peur du débat !

M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Nous avons bien écouté M. le secrétaire d'Etat et nous avons été étonnés de ses réponses.

Il nous a d'abord expliqué que tous les partis avaient été consultés et que tout le monde était d'accord. Il a tout de même éprouvé le besoin de préciser : « Sauf sur le seuil de 10 % des inscrits. » En tout cas, selon lui, le parti socialiste n'a rien dit. Or le parti socialiste a fait voter la loi de 1999,...

M. Jean-Pierre Sueur. Exactement !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. ... qui donnait toute satisfaction et qui respectait...

M. Jean-Pierre Sueur. Le pluralisme.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. ... le pluralisme, oui,...

M. Hilaire Flandre. Mais pas les départements !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. ... et le grand principe sur lequel nous nous opposons aujourd'hui : l'objectif de stabilité de l'exécutif.

Lorsque la gauche l'avait réalisé à l'échelon municipal, vous n'étiez pas d'accord. Mais vous n'êtes jamais d'accord quand nous vous proposons quelque chose ! Rappelez-vous combien vous avez combattu la décentralisation en 1982. Or vous prétendez aujourd'hui être les premiers défenseurs de la décentralisation !

Si vous avez critiqué la loi sur les élections municipales, c'est, en vérité, parce qu'elle vous empêchait de maintenir, dans les conseils municipaux que vous dominiez, le monopole dont vous disposiez auparavant puisqu'il vous était possible de réunir le conseil municipal en comité secret et de prendre n'importe quelle décision sans même que l'opinion en soit avertie.

Vous avez mis du temps à reconnaître que ce que nous avions fait n'était finalement pas si mal. Alors, vous voulez faire la même chose, dites-vous, pour les régionales. Mais ce n'est pas pareil, car le seuil n'est pas le même !

Précisément, sur ce point, je voudrais répondre à ceux qui nous disent dans les couloirs : « Vous, socialistes, vous êtes bien contents parce que cela vous arrange ! »

M. Dominique Braye. Ah ! vous avez l'honnêteté de le reconnaître !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Non, c'est vous qui prétendez cela !

M. Jean-Patrick Courtois. Mais ce sont des socialistes qui nous le disent !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Non, c'est vous qui le dites ! (Exclamations sur les travées de l'UMP. )

Permettez-moi de vous répondre d'abord que les « tripatouillages » avec les lois électorales se retournent souvent contre leurs auteurs. (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.)

M. Jean-Claude Carle. Ça, c'est vrai !

M. Dominique Braye. Vous en savez quelque chose !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Et vous le verrez sûrement vous-mêmes lorsque votre UMP aura éclaté et que vous serez profondément divisés...

M. Dominique Braye. Comme la gauche plurielle !

M. Josselin de Rohan. Et le « nouveau parti socialiste », qu'est-ce que ça va donner ?

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Monsieur le président, je vous demande d'obtenir de ceux qui ont fait voeu de se taire qu'ils respecte ce voeu.

M. le président. Moi, je vous demande de ne pas les provoquer ! (Bravo ! et applaudissements sur les mêmes travées.)

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je crois que nous sommes unanimes à demander au président de rester neutre et de ne pas prendre position, comme il le fait sans arrêt depuis qu'il occupe ce fauteuil cet après-midi. (Protestations sur les mêmes travées.)

M. Bruno Sido. C'est vraiment de la provocation !

M. Dominique Braye. C'est inadmissible !

M. Robert Bret. M. Braye demande la parole, monsieur le président !

Mme Nicole Borvo. Donnez-lui la parole, monsieur le président, il brûle d'intervenir !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Désirez-vous m'interrompre, monsieur Braye ?...

Je remercie M. le président de faire en sorte que je sois écouté dans le silence.

M. le ministre nous explique aussi que le Sénat est le grand conseil des communes de France, le représentant des collectivités... On connaît le mot : on sait que Gambetta l'a employé pour faire passer la pilule de ce qui était le Sénat conservateur voulu par Thiers parce qu'il voulait que la République soit conservatrice ou ne soit pas.

Nous sommes une assemblée parlementaire à part entière.

M. Jean-Claude Carle. Et non une anomalie !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. De toute façon, nombreux sont les présidents d'assemblées locales et les maires qui siègent à l'Assemblée nationale, surtout avec tous ces cumuls auxquels vous tenez tant, hélas ! Il n'est donc pas vrai qu'il y ait, en la matière, des spécialistes.

Alors quoi ? Il n'y aurait jamais de référendum sur ce sujet ? Est-ce ce que vous voulez ?

M. Jean Chérioux. Combien de référendums la gauche a-t-elle organisés ?

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Vous nous dites aussi, monsieur le secrétaire d'Etat, que, s'agissant de la décentralisation, le Sénat s'est vu reconnaître des droits et que l'Assemblée nationale n'y a pas vu malice. Vous savez très bien que si ! Vous savez très bien que l'Assemblée nationale a imposé une réduction extrêmement importante des droits que le Sénat voulait se voir reconnaître, car il a toujours tendance à demander que l'on accroisse ses droits lorsqu'on a besoin de lui pour modifier la Constitution. Cet argument ne vaut donc pas non plus.

M. Jean Chérioux. Vos cinq minutes sont écoulées ! Rendez l'antenne !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. J'ai encore deux points à aborder, monsieur le président.

M. le président. Vous avez effectivement épuisé vos cinq minutes, monsieur Dreyfus-Schmidt, mais, pour tenir compte des interruptions, je vous accorde deux minutes supplémentaires.

M. Dominique Braye. Quelle impartialité !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Merci, monsieur le président !

Il est un point qui n'a pas encore été évoqué et qui mériterait, lui aussi, d'être intégré dans le projet soumis à référendum. Je veux parler de la manière dont vous avez accepté, tous autant que vous êtes, que la loi actuelle soit violée par l'élection de M. Pasqua à la présidence du conseil général des Hauts-de-Seine,... (Protestations sur les travées de l'UMP)

M. Jean Chérioux. Ce ne sont pas les sénateurs qui élisent les présidents de conseils généraux !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. ... qui s'est faite dans des conditions et pour des raisons absolument inadmissibles.

Nous en reparlerons !

Enfin, j'attire votre attention sur le fait que le référendum présenterait pour vous un intérêt : si une majorité se dégageait en faveur du texte, ce qu'à Dieu ne plaise, le référendum vous épargnerait le contrôle du Conseil constitutionnel. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. Yves Détraigne, pour explication de vote.

M. Yves Détraigne. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, personne dans cet assemblée ne niera que le texte qui nous est soumis est particulièrement important.

Dès lors qu'il est question du mode de scrutin, nous sommes véritablement au coeur de la démocratie. Cela mérite qu'un débat ait réellement lieu. Jusqu'à présent, à en juger par ce qui s'est passé à l'Assemblée nationale, le débat n'a pas eu lieu. L'article 49-3 ne pouvant s'appliquer au Sénat, on peut penser que le débat y aura lieu. Mais je crois savoir que la commission des lois a rejetée l'ensemble des amendements qui avaient été déposés,...

M. Jean-Pierre Sueur. Hélas !

M. Yves Détraigne. ... ce qui augure mal de l'issue du débat.

Dans ces conditions, on comprend qu'un certain nombre de nos collègues aient estimé nécessaire de déposer une motion tendant à soumettre ce projet de loi à référendum.

Nous pouvons évidemment attendre du secrétaire d'Etat aux relations avec le Parlement un respect scrupuleux des droits du Parlement et, plus particulièrement, de ceux du Sénat. En effet, ce projet de loi vise à modifier le mode de scrutin pour les élections régionales et nombre de nos collègues sont conseillers régionaux, voire présidents de conseils régionaux.

En tout cas, le Sénat étant, comme cela a été souligné plusieurs fois, le « grand conseil des collectivités territoriales », nous sommes tous particulièrement concernés, aussi bien en tant qu'élus locaux qu'en tant que sénateurs, par la réforme du mode de scrutin pour les élections régionales, et nous avons beaucoup à dire sur le sujet.

Dès lors, monsieur le secrétaire d'Etat, vous ne pourrez pas vous satisfaire d'une sorte de vote bloqué, d'une discussion qui resterait stérile dans la mesure où, à l'issue de deux semaines de discussion, le texte ressortirait du Sénat tel qu'il est ressorti de l'Assemblée nationale, où il n'a pas véritablement donné lieu à débat.

Nous comptons sur vous pour qu'un véritable débat ait lieu dans notre assemblée. Nous vous faisons confiance...

M. Jacques Mahéas. Vous êtes optimiste !

M. Yves Détraigne. Il faut l'être !

... pour accepter certains amendements, dont bon nombre ne sont pas purement politiques ou « de retardement », mais ont vocation à améliorer, à bonifier le texte.

J'ai eu l'occasion de citer, au cours de la discussion générale, un département au moins en France dans lequel l'application du mode de scrutin tel qu'il nous est proposé aboutirait à une anomalie non pas mathématique, mais structurelle au regard de l'expression du suffrage : ce département aurait en effet, au regard des chiffres constatés en 1998,...

M. Hilaire Flandre. Il faut en effet comparer ce qui est comparable !

M. Yves Détraigne. ... plus d'élus qu'il ne peut présenter de candidats sur ses listes.

M. Patrice Gélard, rapporteur. C'est impossible !

M. Yves Détraigne. Monsieur Gélard, je vous communiquerai mes chiffres !

M. Patrice Gélard, rapporteur. Vos calculs ne sont pas bons !

M. Yves Détraigne. La presse a fait nombre de simulations sur les régions PACA ou Rhône-Alpes, mais peu sur les autres régions. Or certaines méritaient pourtant d'être réalisées, particulièrement en Champagne-Ardenne, et c'est pourquoi je les ai faites.

Par conséquent, indéniablement, si le présent projet de loi comprend beaucoup de bonnes choses, il n'est pas parfait et il a réellement besoin d'être techniquement amélioré. Ce n'est qu'à cette condition que l'objectif exprimé par le Gouvernement - et que nous partageons - consistant à rapprocher l'électeur de l'élu, à faire revenir les citoyens aux urnes à l'occasion des élections régionales et européennes sera atteint.

Il faut améliorer ce texte, en corriger les anomalies.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Demandez un engagement au Gouvernement !

M. Yves Détraigne. Nous souhaitons, monsieur le secrétaire d'Etat - et nous sommes sûrs que vous nous suivrez sur ce point - qu'au cours de ce débat vous puissiez aligner vos actes sur vos déclarations d'intention.

Pour cette raison, parce que nous vous faisons confiance, parce que nous faisons confiance à la majorité, parce que nous pensons que c'est une majorité de bon sens (Exclamations sur les travées du groupe CRC) et qu'elle ne peut pas accepter d'être inféodée à un diktat d'où qu'il vienne, nous voterons contre la motion référendaire qui nous est proposée. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)

Mme Nicole Borvo. Quelle conviction !

M. le président. Madame Borvo, vous vous êtes déjà exprimée, vous n'avez pas la parole !

La parole est à M. Jacques Mahéas.

M. Jacques Mahéas. J'espère ne pas trahir les paroles de M. Sarkozy en citant les propos qu'il a tenus devant nous hier : « Toutes les formations politiques républicaines ont été amenées, ces dernières années, à réclamer ou à proposer une réforme des modes de scrutins régionaux et européens. L'essentiel des modifications que propose le Gouvernement sont consensuelles,... »

M. Henri de Raincourt. Ah oui !

M. Jacques Mahéas. « ...dans la mesure où elles ont été proposées successivement par des formations politiques de droite ou de gauche. »

Voilà M. le ministre de l'intérieur pris en flagrant délit !

M. René Garrec, président de la commission. En flagrant délit de quoi ?

M. Jacques Mahéas. En effet, si les formations et les responsables politiques ont été consultés, il n'en demeure pas moins que l'une des principales dispositions du texte, à savoir l'exigence d'atteindre 10 % des inscrits pour que les listes régionales puissent se maintenir au second tour, n'a jamais été évoquée. C'est tout de même extraordinaire ! Je vous mets au défi de trouver un responsable politique, notamment au sein des formations de l'opposition, qui aurait été contacté sur ce sujet ! Ce n'est tout de même pas là une mince affaire !

Voilà pourquoi nous ne pouvons approuver un tel projet de loi.

Il est bien évident que si, sur certains points, on peut modifier les règles, sur des points essentiels comme celui de la réprésentation des populations, - en l'occurrence de leur non-représentation, car ces populations seraient complètement négligées - les propos qui ont été tenus dans cette enceinte pourraient provoquer une abstention plus grande encore dans nos provinces.

Par ailleurs, vous nous dites que le Premier ministre n'a pas pu faire autrement que de recourir à l'article 49-3 parce que, comme M. le secrétaire d'Etat nous le disait voilà un instant, un grand nombre d'amendements - plus de 10 000 - avaient été déposés. Mais vous savez fort bien que, si la discussion avait eu lieu, des milliers d'amendements de conséquence seraient manifestement devenus sans objet.

M. Jean-François Copé, secrétaire d'Etat. Pourquoi les avoir déposés, alors ?

M. Jacques Mahéas. Par conséquent, dire aux Français que c'est quasiment une année de travail législatif qui aurait ainsi été obérée, ce n'est, excusez-moi de vous le dire, vraiment pas sérieux !

Vous avez fait des comparaisons avec l'application de l'article 49-3. Toutefois, permettez-moi de vous faire remarquer que, pendant les cinq années de gouvernement de Lionel Jospin, l'article 49-3 n'a pas eu droit de cité au Parlement ! Les débats, à cette époque, ont été réellement démocratiques.

Il est vrai qu'à certains moments les débats sont plus longs, mais, là encore, les uns et les autres nous avons le droit - et, en ce qui concerne l'opposition, le devoir - de nous expliquer vis-à-vis de nos concitoyens, car il est nécessaire que nous proposions un éventail idéologique plus important plutôt que de contraindre, à travers des manoeuvres - il faut dire les choses telles qu'elles sont - à des regroupements de listes qui ne correspondent pas toujours, effectivement, à des regroupements idéologiques.

Pour notre part, nous proposons une motion référendaire, ce qui, monsieur le secrétaire d'Etat, est dans la logique des choses. Vous la balayez, et la commission des lois avec vous, d'un revers de la main, mais demandons aux électeurs de se prononcer !

Au demeurant, nous ne visons pas les seules élections européennes ou régionales : c'est une question de principe ! En effet, il n'y a pas eu de discussion démocratique à l'Assemblée nationale et, ici, tous les journaux le disent, y compris Le Figaro, que j'ai sous les yeux, « La gauche sénatoriale tente de temporiser ».

Nous sommes prêts, nous, aux discussions, mais à condition que vous le vouliez bien, monsieur le secrétaire d'Etat, et à condition, cela vient d'être dit, que certaines dispositions puissent être modifiées et que certains amendements soient pris en compte par le Gouvernement. S'il n'en était pas ainsi, cela prouverait une fois de plus, comme l'a dit Claude Estier tout à l'heure, que le Sénat passe à la trappe.

Le Sénat va voter conforme. Ce ne sera pas la première, mais deuxième fois que cela se produit sur un projet de loi significatif.

M. le président. Veuillez conclure, monsieur Mahéas.

M. Jacques Mahéas. Je termine, monsieur le président.

Dès lors, je me demande quelle est la raison d'être d'une majorité sénatoriale qui plie complètement et qui « se couche », d'abord devant les députés, ensuite devant une volonté gouvernementale extrêmement marquée, qui a été contestée jusque dans certains de ses rangs.

Je me demande comment vous allez vous en tirer pour l'expliquer aux électeurs !

M. Hilaire Flandre. Ne vous inquiétez pas, ils vous le diront !

M. le président. La parole est à Mme Danièle Pourtaud.

Mme Danièle Pourtaud. Je vais tenter d'innover...

M. Hilaire Flandre. Cela ne va pas être facile !

Mme Danièle Pourtaud. ... en disant à M. le secrétaire d'Etat que j'ai vraiment du mal à comprendre, moi aussi, pourquoi nous sommes soumis à cette marche forcée : après le 49-3 à l'Assemblée nationale, aucun de nos amendements ne sera retenu au Sénat. Certes, comme vous nous l'avez dit et répété, nous avons et nous aurons le droit de nous exprimer, mais nous connaissons déjà le résultat de nos délibérations puisque la commission des loi refuse tous les amendements. Le texte est donc d'ores et déjà bouclé.

Oui, nous allons pouvoir développer nos arguments, mais sans aucun espoir de convaincre ni M. le rapporteur ni la majorité, qui est écrasante tant au Sénat qu'à l'Assemblée nationale. Il s'agit donc clairement d'un déni de démocratie, d'un manque de respect pour le Sénat.

Monsieur le secrétaire d'Etat, pour reprendre ce qu'a dit excellement M. Détraigne - il a malheureusement moins bien fini qu'il n'avait commencé - je considère moi aussi que ce projet de loi aurait bien besoin d'être amélioré. Le Gouvernement n'était d'ailleurs pas totalement persuadé que sa copie était parfaite puisque, au dernier moment, à l'Assemblée nationale, il a modifié son texte. Toutefois, dans sa précipitation, il n'a pas pris le temps, semble-t-il, de traiter correctement le sujet de la parité. Vous le savez très bien, monsieur le secrétaire d'Etat, car cela a déjà été dit à de nombreuses reprises.

M. Jean-François Copé, secrétaire d'Etat. Cela n'avait pas été fait auparavant !

Mme Danièle Pourtaud. Des points ont été améliorés entre la première et la dernière mouture de ce texte, mais, monsieur le secrétaire d'Etat, permettez-moi de vous le dire, je suis absolument persuadée que, tel qu'il est rédigé, il ne respecte pas ce que prévoit la Constitution, car la loi n'organise pas en l'occurrence l'égal accès des hommes et des femmes aux fonctions électives.

M. Hilaire Flandre. Cela va être difficile à démontrer !

Mme Danièle Pourtaud. S'agissant des élections régionales, il ne sera pas difficile de démontrer qu'en fait leur résultat en termes de parité sera le fruit du hasard. Vous avez instauré une parité de façade avec des listes qui seront effectivement présentées de manière alternée,...

M. Hilaire Flandre. C'est la même chose !

Mme Danièle Pourtaud. ... mais compte tenu du mode d'attribution des sièges, cette parité ne sera que théorique et le résultat sera totalement aléatoire.

Monsieur le secrétaire d'Etat, je veux bien être convaincue du contraire si l'on me démontre que je me trompe. Mais, pour l'instant en tout cas, cette démonstration n'a pas été faite.

Sur ce sujet-là au moins, monsieur le secrétaire d'Etat, le Sénat aurait pu montrer qu'il savait travailler et il vous aurait sans doute aidé à rendre votre texte conforme à la Constitution.

M. Hilaire Flandre. Vous n'avez jamais assisté à une répartition des sièges ! Ce n'est pas possible !

Mme Danièle Pourtaud. Voilà pourquoi, monsieur le secrétaire d'Etat, je crois, à la suite de mes collègues, qu'en utilisant ce procédé - car il s'agit bien d'un procédé - vous vous moquez vraiment du Sénat. Vous lui dites de débattre, alors que, de toute façon, les jeux sont faits. C'est vraiment un procédé indigne de la démocratie ! (Très bien ! et applaudissements les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. François Fortassin.

M. François Fortassin. Monsieur le président, mes chers collègues, un certain nombre de choses ayant été dites, je me contenterai d'intervenir brièvement.

Une loi doit avoir pour caractéristique d'être avant tout simple et accessible à nos concitoyens, dès l'instant où ce sont eux qui vont devoir à se prononcer lors des élections

Mme Nicole Borvo. Tout à fait !

M. François Fortassin. On tentera d'expliquer à nos concitoyens, monsieur le secrétaire d'Etat, qu'il peut y avoir, dans certaines sections, plus d'élus qu'il n'y a de candidats (Mme Nicole Borvo rit), c'est quand même un exercice d'illusionniste qu'il faudra certainement pratiquer avec une pédagogie bien meilleure que celle dont vous avez fait preuve !

Mme Nicole Borvo. Et les têtes de liste ne seront même pas élues !

M. François Fortassin. Peut-être sommes-nous un certain nombre à être analphabètes, en tout cas rares sont ceux qui ont compris les démonstrations de M. le ministre de l'intérieur.

Mme Nicole Borvo. Oui, il faut nous expliquer !

M. François Fortassin. Enfin, nous sommes quand même dans une curieuse république ! Aujourd'hui, 80 % des ministres sont d'anciens parlementaires qui n'aspirent qu'à une chose, redevenir parlementaires, car ils savent très bien qu'ils ne resteront pas ministres pendant quinze ans ! Or on constate aujourd'hui un mépris le plus total du Parlement et des parlementaires...

Mme Danièle Pourtaud. Absolument ! Bravo !

M. François Fortassin. ... que l'on traite comme des comparses, des joueurs de tennis de deuxième zone. Il s'agit tout de même d'une curieuse conception du débat démocratique !

Si vous considérez que vous avez raison parce que vous avez la majorité...

M. Gérard César. Cela ne nous a-t-il pas été dit par quelqu'un d'autre ?

M. Henri de Raincourt. C'était M. Laignel !

M. François Fortassin. Cela ne lui a pas forcément très bien réussi ! Vous ne devriez donc pas chercher à l'imiter : ce n'est pas parce qu'une billevesée a été proférée à gauche que vous devez, messieurs de la droite, la répéter quelques années plus tard !

J'évoquerai également un sujet qui aurait dû trouver sa place dans notre discussion : il y a, certes, des élections régionales et des élections européennes, mais il y a aussi des élections cantonales ! (Mme Nicole Borvo opine.) Or l'immense majorité des membres de l'Assemblée des départements de France, toutes sensibilités confondues, s'est exprimée pour que le renouvellement des conseils généraux se fasse en une seule fois, en 2008. Car, pour les exécutifs, un mandat de six ans est plus facile à gérer qu'un mandat de trois ans.

Cette demande était relativement aisée à satisfaire : il suffisait que les mandats renouvelables en 2004 soient renouvelés pour quatre ans, jusqu'en 2008, et que les personnes élues en 2001 voient leur mandat prolongé jusqu'en 2008, comme cela a été fait dans d'autres circonstances. Cela aurait également eu le mérite de la simplification en assurant une meilleure lisibilité pour nos concitoyens, tous les mandats passant à six ans pour les exécutifs.

De plus, en 2007, il y aura une élection présidentielle, des élections municipales, des élections sénatoriales,...

M. Jean-François Humbert. Des élections législatives !

M. François Fortassin. ... et je ne crois pas qu'il soit utile d'ennuyer nos concitoyens deux dimanches supplémentaires pour des élections cantonales.

Si vous aviez proposé un tel dispositif, monsieur le secrétaire d'Etat, en une heure de temps, aussi bien à l'Assemblée nationale qu'au Sénat, le problème aurait été réglé. Et vous auriez eu le mérite de faire l'unanimité, ce qui est loin d'être le cas actuellement. (Applaudissements sur les travées du RDSE, du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...

Je rappelle que, en application de l'article 68 du règlement, l'adoption par le Sénat d'une motion concluant au référendum suspend, si elle est commencée, la discussion du projet de loi.

Je mets aux voix les conclusions négatives de la commission des lois.

En application de l'article 59 du règlement, le scrutin public est de droit.

Il va y être procédé dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...

Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.)

93319318160205113 Les conclusions négatives du rapport de la commission des lois sont adoptées.

En conséquence, la motion est rejetée et nous allons poursuivre la discussion du projet de loi.

M. Roland du Luart. C'est un triomphe !

M. Jean-Claude Carle. Bravo ! monsieur le rapporteur.

M. le président. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-sept heures quarante-cinq, est reprise à dix-sept heures cinquante-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

Explications de vote sur l'ensemble (début)
Dossier législatif : motion  tendant à proposer au Président de la République de soumettre au référendum le projet de loi relatif à l'élection des conseillers régionaux et des représentants au Parlement européen ainsi qu'à l'aide publique aux partis politiques
 

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ÉLECTION DES CONSEILLERS RÉGIONAUX ET DES REPRÉSENTANTS AU PARLEMENT EUROPÉEN

Suite de la discussion d'un projet de loi

déclaré d'urgence

M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi (n° 182, 2002-2003) relatif à l'élection des conseillers régionaux et des représentants au Parlement européen ainsi qu'à l'aide publique aux partis politiques, considéré comme adopté par l'Assemblée nationale, aux termes de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution, après déclaration d'urgence. [Rapport n° 192 (2002-2003).]

La discussion générale a été close.