Art. additionnel avant l'art. 26
Dossier législatif : projet de loi pour l'initiative économique
Art. 26 bis

Article 26

M. le président. « Art. 26. - A compter du 1er janvier 2004, l'article 726 du code général des impôts est complété par un III ainsi rédigé :

« III. - Pour la liquidation du droit prévu au 2° du I, il est appliqué sur la valeur de chaque part sociale d'une société qui n'est pas à prépondérance immobilière un abattement égal au rapport entre la somme de 23 000 EUR et le nombre total de parts sociales de la société. »

L'amendement n° 168, présenté par M. Badré et les membres du groupe de l'Union Centriste, est ainsi libellé :

« I. - Dans le texte proposé par cet article pour compléter l'article 726 du code général des impôts, remplacer la somme : "23 000 euros" par la somme : "46 000 euros".

« II. - Pour compenser la perte de recettes résultant du I ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

« ... La perte de recettes résultant pour l'Etat de l'abattement prévu par le III de l'article 726 du code général des impôts est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »

Cet amendement n'est pas soutenu.

Je mets aux voix l'article 26.

(L'article 26 est adopté.)

Art. 26
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Art. 24 (précédemment réservé)

Article 26 bis

M. le président. « Art. 26 bis. - Après l'article 885 I du code général des impôts, il est inséré un article 885 I bis ainsi rédigé :

« Art. 885 I bis. - Les parts ou les actions d'une société ayant une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale ne sont pas comprises dans les bases d'imposition à l'impôt de solidarité sur la fortune, à concurrence de la moitié de leur valeur si les conditions suivantes sont réunies :

« a) Les parts ou les actions mentionnées ci-dessus doivent faire l'objet d'un engagement collectif de conservation pris par le propriétaire, pour lui est ses ayants cause à titre gratuit avec d'autres associés ;

« b) L'engagement collectif de conservation doit porter sur au moins 25 % des droits financiers et des droits de vote attachés aux titres émis par la société s'ils sont admis à la négociation sur un marché réglementé ou, à défaut, sur au moins 34 % des parts ou actions de la société.

« Ces pourcentages doivent être respectés tout au long de la durée de l'engagement collectif de conservation qui ne peut être inférieur à six ans.

« L'engagement collectif de conservation est opposable à l'administration à compter de la date de l'enregistrement de l'acte qui le constate.

« Pour le calcul des pourcentages prévus au premier alinéa, il est tenu compte des titres détenus par une société possédant directement une participation dans la société dont les parts ou actions font l'objet de l'engagement collectif de conservation visé au a et auquel elle a souscrit. La valeur des titres de cette société bénéficie de l'exonération partielle prévue au premier alinéa à proportion de la valeur réelle de son actif brut qui correspond à la participation ayant fait l'objet de l'engagement collectif de conservation ;

« c) L'un des associés mentionnés au a exerce effectivement dans la société dont les parts ou actions font l'objet de l'engagement collectif de conservation son activité professionnelle principale si celle-ci est une société de personnes visée aux articles 8 et 8 ter, ou l'une des fonctions énumérées au 1° de l'article 885 O bis lorsque celle-ci est soumise à l'impôt sur les sociétés, de plein droit ou sur option ;

« d) La déclaration visée à l'article 885 W doit être appuyée d'une attestation de la société dont les parts ou actions font l'objet de l'engagement collectif de conservation certifiant que les conditions prévues aux a et b ont été remplies l'année précédant celle au titre de laquelle la déclaration est souscrite.

« Un décret en Conseil d'Etat détermine les modalités d'application du présent article, notamment les obligations déclaratives incombant aux redevables et auxsociétés. »

La parole est à M. le président de la commission spéciale.

M. Francis Grignon, président de la commission spéciale. Monsieur le président, je demande l'examen par priorité des amendements n°s 49, 50, 51, 52 rectifié, 53, 54 rectifié et 55 rectifié, qui ont tous été déposés par la commission spéciale.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur cette demande de priorité ?

M. Renaud Dutreil, secrétaire d'Etat. Favorable.

M. le président. La priorité est ordonnée.

La parole est à M. Philippe Marini, sur l'article.

M. Philippe Marini. Nous allons aborder un cap important de cette discussion, puisque l'ISF, l'impôt de solidarité sur la fortune, s'invite à nos délibérations grâce à l'initiative de nos collègues députés.

Ce sujet, souvent passionné, suscite des réactions émotionnelles ou idéologiques, et il ne peut sans doute pas en aller autrement. Cependant, mes chers collègues, j'appellerai votre attention sur des chiffres.

Les délocalisations de capitaux ou d'entreprises sont souvent évoquées sans qu'il soit facile d'évaluer repérer exactement ce phénomène ni de disposer d'une estimation crédible, et, dans le passé, les moyens d'accès à ces chiffres ont fréquemment été mis en cause. Ainsi, dans une lettre de mission du 12 mai 2000, le directeur général des impôts s'adressait au chef du service de l'inspection générale des finances dans les termes suivants : « Le repérage de ces mouvements est, selon toute probabilité, partiel. En effet, divers facteurs ont d'ores et déjà pu être identifiés comme étant susceptibles de freiner la remontée d'informations, voire de minorer l'ampleur du phénomène des délocalisations. »

Depuis lors, des travaux ont été réalisés au sein de l'administration et ont trouvé leur traduction, notamment, dans un rapport établi par l'inspection générale des finances en octobre 2000.

En ce qui me concerne, voulant en avoir le coeur net, j'ai adressé un questionnaire précis et détaillé à M. le ministre délégué au budget, qui a bien voulu me répondre le 24 mars. C'est donc à partir des chiffres contenus dans cette réponse - et dont je vais, mes chers collègues, vous donner la primeur - que j'ai élaboré les quelques éléments que voici.

Trois points me paraissent essentiels.

En premier lieu, les chiffres qui sont habituellement communiqués reposent sur un raisonnement en nombre annuel de contribuables délocalisés, voire en pertes annuelles en droits, et ne permettent pas de rendre compte de l'ampleur du phénomène dans son ensemble.

En ce qui concerne le nombre de contribuables, nous le savions déjà, plus de 300 redevables à l'ISF se délocalisent chaque année. Ce chiffre paraît à certains minime par rapport au nombre global de redevables à l'ISF, mais il signifie tout de même qu'en cinq ans, c'est-à-dire pendant la durée d'une législature, près de 1 800 contribuables ont choisi de quitter le territoire national. (M. Roland Muzeau s'exclame.) Néanmoins, il ne permet pas de se faire une idée exacte du phénomène, car, en ce domaine, une approche qualitative est nécessaire : tous les départs n'ont pas le même impact fiscal ou économique.

Les pertes annuelles en droits paraissent à première vue relativement limitées, puisqu'elles représentent entre 10 millions et 20 millions d'euros seulement. En cinq ans, le budget de l'Etat n'aurait donc perdu que 70 millions d'euros. Toutefois, cette perte en droits n'est rien comparée à la perte en capital enregistrée par l'économie française en raison du même phénomène : c'est bien plus à l'aune des délocalisations de capitaux qu'à celle du nombre de départs annuels de redevables à l'ISF ou de la perte en droits pour le budget de l'Etat que doit être évalué l'impact économique de l'impôt de solidarité sur la fortune.

En deuxième lieu, il nous faut essayer, au-delà de ces données strictement comptables, de mieux cerner la réalité économique.

En effet, les pertes en capital pour l'économie française liées à la délocalisation de redevables à l'ISF sont beaucoup plus importantes. Ainsi, mes chers collègues, le cumul sur cinq années laisse apparaître que les pertes en bases imposables - et non plus en droits - liées au départ du territoire national de redevables de l'ISF se sont élevées au minimum à 7,3 milliards d'euros. Par ailleurs, une analyse plus approfondie des données concernant la dernière année fiscale connue, c'est-à-dire 2001 - c'est là un des éléments fournis par le ministre délégué au budget -, amène à considérer que ce montant doit être réévalué d'au moins 50 % si l'on veut avoir une vision complète du volume des capitaux réellement expatriés.

En effet, le critère des bases imposables, par définition, ne retient pas les biens professionnels, exonérés à l'ISF, qui sont également susceptibles d'être transférés.

Parmi les 330 redevables délocalisés en 2001, on constate que 22 étaient exonérés à ce titre. En se délocalisant, ils ont fait perdre à l'économie nationale 369 millions d'euros de bases.

De plus, certains contribuables doivent remplir avant de se délocaliser une déclaration de plus-values latentes ou en report d'imposition pour pouvoir solder leur situation fiscale. Cette déclaration fait apparaître des chiffres qui, par nature, ne sont pas pris en compte dans les bases imposables. L'analyse des déclarations concernées met en évidence pour 2001 la délocalisation de 348 millions d'euros de plus-values latentes ou en report d'imposition.

On peut donc en conclure que, pour 2001, il faut ajouter aux 978,4 millions d'euros de pertes en bases imposables les montants que je viens de mentionner, ce qui équivaut à une majoration de l'ordre de 50 %. Les pertes en capital pour l'économie française peuvent donc bien être estimées, pour la seule année 2001, à 1,5 milliard d'euros.

A ce rythme, l'ISF aura fait perdre à l'économie française, en cinq ans, 11 milliards d'euros de capitaux, lesquels n'ont pu être investis dans la croissance et dans l'emploi. Il faut bien voir que ces capitaux représentent également une capacité de financement, une capacité à lever des emprunts, c'est-à-dire un levier pour agir sur l'économie, sur l'investissement et sur l'emploi. Or ce levier est réel et puissant, et l'on peut en estimer l'importance à partir des seuls chiffres fournis par la direction générale des impôts.

En troisième et dernier lieu, les contribuables délocalisés à cause de l'ISF sont plus jeunes et beaucoup plus fortunés que les autres redevables à l'ISF. Leur départ entraîne donc des dommages économiques réels non seulement en capital, mais aussi en dynamisme ; car il ne faut pas négliger l'aspect qualificatif de la situation.

La typologie des contribuables à l'ISF qui se délocalisent nous est fournie par les services fiscaux et résulte de l'enquête qui a été conduite par le ministre délégué au budget. Elle fait apparaître deux traits saillants. D'une part, leur patrimoine est en moyenne près de deux fois et demie plus élevé que celui des autres redevables à l'ISF. D'autre part, ils ont en moyenne cinquante-deux ans, contre soixante-sept ans pour l'ensemble des redevables à l'ISF ; ils sont donc encore actifs au moment où ils quittent la France et sont plus dynamiques que la moyenne des autres contribuables qui quittent le territoire.

Où ces contribuables vont-ils ? Les destinations sont variées, mais l'étude montre que l'on trouve au premier rang, ex aequo, les Etats-Unis et la Belgique - outre-Quiévrain, c'est « de l'autre côté de la rue », si je puis dire, pour certains ! - pour 16 % des délocalisés chacun. Ensuite viennent le Royaume-Uni, pour 15 %, et la Suisse, pour 13 %. Tous ces pays ont en commun d'avoir un système fiscal qui, contrairement au nôtre, ne connaît pas d'impôt d'Etat sur le patrimoine ou d'impôt sur la fortune. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)

M. le président. La parole est à M. Gérard Le Cam.

M. Gérard Le Cam. M. Marini vient de nous démontrer avec brio que les plus riches des plus riches envoient leur argent à l'étranger et sont sans patrie. J'avoue que je ne vois pas pourquoi nous voterions des lois spéciales pour ces gens-là, qui ne paraissent pas particulièrement attachés à notre pays ! (Protestations sur les travées de l'UMP.)

M. Philippe Marini. Rapatriez-les !

M. Gérard Le Cam. Nous sommes sur le point de parvenir au terme de la discussion du projet de loi, et nous avons eu l'occasion de vous montrer, mes chers collègues, que nous ne partagions absolument pas votre conception de la création d'entreprise.

Monsieur le secrétaire d'Etat, votre texte, dont le caractère fiscal est avéré, aurait toute sa place dans un projet de loi de finances ! Nous avons de bonnes raisons de penser qu'il rate à la fois sa cible, à savoir les petites entreprises, et ses objectifs, à savoir la création d'emplois.

Il n'aura guère d'effet sur la situation de la majorité des entrepreneurs et des créateurs d'entreprise, alors que son coût total atteindra sans doute 1 milliard d'euros, dont 500 millions environ seront consacrés à la seule réduction de l'impôt de solidarité sur la fortune !

A la tonalité fiscale de votre texte s'ajoute son caractère résolument libéral. Je n'y reviens pas, car nous nous sommes déjà largement exprimés sur ce sujet.

Puisque nous sommes sur le point d'engager la discussion sur l'ISF, permettez-moi de faire une remarque préalable sur les conditions dans lesquelles un débat aussi important que celui qui porte sur l'efficacité économique de l'ISF peut être mené aujourd'hui en France : ces conditions, monsieur le secrétaire d'Etat, ne permettent pas de débattre de manière pertinente sur ce sujet.

Les chercheurs et les spécialistes de ces questions ne cessent de dénoncer la qualité médiocre des informations issues des fichiers sur l'impôt sur le revenu que tient la direction générale des impôts. Ainsi, sa base de données relative aux revenus et aux patrimoines déclarés est très difficilement exploitable. A cela s'ajoute le fait que l'accès à ces sources statistiques demeure extrêmement difficile.

Soulignons au passage que l'amendement visant à supprimer l'obligation faite aux dirigeants de sociétés non cotées de rendre publiques leurs rémunérations - amendement adopté par la majorité sénatoriale, presque en catimini, lors de l'examen du projet de loi de sécurité financière - n'est pas le signe que nous allons vers une plus grande transparence. Cela laisse présager combien la tâche de ces chercheurs sera à l'avenir facilitée !

En résumé, le débat que nous allons mener est d'ores et déjà biaisé ! Pour mesurer l'efficacité réelle du dispositif sur les plans non seulement économique mais aussi social, c'est-à-dire du point de vue de ses performances redistributives - je pense, mais ce n'est qu'un exemple, à la recherche de moyens de financement de l'allocation personnalisée d'autonomie, l'APA -, il faudrait, comme le souligne un économiste dans un article du journal Libération, que « le Gouvernement lance des études et laisse les chercheurs exploiter les fichiers de déclarations ». Ce n'est manifestement pas l'orientation qui se dessine !

Lors du débat sur la loi de finances, nous avions fait des propositions visant à intégrer les actifs financiers dans l'assiette de l'ISF, car nous pensons que c'est là que se situe le noeud du problème actuel, compte tenu de la financiarisation de l'économie. Nos propositions s'inscrivaient dans une réflexion plus large portant sur une réforme de la taxe professionnelle qui permette de répondre aux besoins financiers de nos collectivités territoriales.

Nous observons que toutes les dispositions relatives à l'ISF contenues dans le présent projet de loi vont à l'encontre de cette problématique. C'est la raison pour laquelle nous demandons la suppression des articles 26 bis, 26 ter et 26 quater et nous nous opposerons aux amendements déposés par la commission spéciale, qui vont encore plus loin dans la voie des exonérations à l'ISF. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Paul Loridant.

M. Paul Loridant. J'ai suivi avec un grand intérêt l'intervention de notre rapporteur général.

M. Philippe Marini. Merci !

M. Paul Loridant. Je m'étonne cependant qu'il fasse état d'une lettre de M. le ministre délégué au budget datée du 24 mars ! Cela signifie-t-il que M. Marini bénéficierait d'informations privilégiées ?

M. Philippe Marini. C'est pour cette raison que je voulais vous les faire partager !

M. Paul Loridant. Il eût été plus raisonnable et plus conforme au fonctionnement démocratique d'une assemblée parlementaire que l'ensemble des sénateurs, tout au moins les membres de la commission des finances, fussent informés de ce courrier afin de pouvoir l'analyser.

M. Philippe Marini. Pas de privilèges !

M. Paul Loridant. J'en viens à l'article 26 bis, qui est issu, je le rappelle, d'une initiative de l'Assemblée nationale : le Gouvernement n'avait pas osé proposer de légiférer, tout au moins pour l'instant !

Cet article, qui résulte de l'adoption par l'Assemblée nationale d'un amendement proposé par le rapporteur de la commission spéciale, vise à accorder une exonération de 50 %, au titre de l'impôt de solidarité sur la fortune, sur les parts et actions détenues dans une entreprise. Pour bénéficier d'une telle exonération, les actionnaires doivent s'engager à conserver 25 % du capital pendant au moins six ans.

Pour justifier cette nouvelle exclusion de l'assiette de l'ISF, les rapporteurs du Sénat nous expliquent que « l'impôt de solidarité sur la fortune a des effets pervers importants sur l'initiative économique » et que « pour les limiter, sans y parvenir totalement tant cet impôt peut nuire au dynamisme des affaires, les biens professionnels » ne sont pas soumis à cet impôt.

Pour notre part, tant que l'on ne nous aura pas fait la démonstration - ce n'est pas le cas à ce jour, malgré l'exercice « au pied levé » auquel vient de se livrer M. Marini en produisant cette lettre - que l'ISF est nuisible à notre économie, nous continuerons de penser non seulement que de tels biens ne devraient pas faire l'objet d'une exonération, mais, qui plus est, que l'assiette de l'ISF devrait être élargie à l'ensemble des actifs financiers. Nous avons eu l'occasion d'en débattre lors de la discussion du projet de loi de finances.

Nous savons bien que la majorité sénatoriale a toujours considéré comme trop restrictif le champ des biens professionnels qui permettent aux propriétaires actionnaires de bénéficier d'exonération au titre de l'ISF.

Les dispositions prévues dans l'article 26 bis étendent encore le champ des actifs exonérés. Comme le souligne l'économiste Thomas Piketty, l'un des spécialistes français de la question des revenus : « Désormais, il n'est plus besoin de travailler dans l'entreprise, il suffit de signer un pacte avec un groupe quelconque d'actionnaires dont au moins un travaille dans l'entreprise pour être exonéré. » On risque donc d'assister à la multiplication de pactes d'actionnaires purement artificiels dans l'unique but, poursuit-il, de bénéficier d'exonérations fiscales.

On chercherait en vain la stratégie de développement économique que les entreprises peuvent poursuivre dans de telles conditions. En termes d'efficacité économique, le gain risque fort d'être nul ! On peut même penser que l'activité économique subira des effets pervers et négatifs. Si les intérêts fiscaux prennent le pas sur les intérêts économiques, de tels pactes d'actionnaires ne seront sans doute pas constitués dans le but d'assurer des noyaux d'actionnaires stables et capables de préserver les intérêts nationaux en inscrivant le contrôle de la gestion des entreprises dans une logique de développement à moyen ou à long terme. Là encore, c'est la logique de court terme qui risque de primer, avantage fiscal immédiat à la clé, en lieu et place de l'élaboration d'une réelle stratégie de croissance des firmes !

Ces dispositions risquent de créer de graves distorsions économiques. C'est pourquoi nous considérons que la suppression de cet article est une absolue nécessité.

Au demeurant, le Gouvernement ne l'avait pas proposé ; mais certains veulent en faire plus encore que ce que souhaite leur gouvernement !

Faut-il ajouter que, dans la situation économique actuelle, où les plans sociaux se multiplient et aggravent encore la précarité que connaissent des milliers de salariés, cet article ne peut qu'être perçu comme un déni de justice et comme une atteinte à l'éthique sociale ?

Il me semble qu'en France un dirigeant politique important a parlé de « patrons voyous ». N'est-ce pas M. le Président de la République, mes chers collègues ? Ce n'est pas nous qui avons inventé cette expression !

M. Philippe Marini. Cela n'a rien à voir !

M. Paul Loridant. Quel regard pouvons-nous porter, nous, parlementaires, sur ceux qui décident de se délocaliser au nom de leur intérêt fiscal alors même que la majorité de nos concitoyens subissent des plans sociaux ? Je laisse ceux-ci juges de ce qu'est la France aujourd'hui et du discours de la majorité actuelle sur le développement économique, au moment où elle s'apprête à prendre des mesures destinées à ce que ne soient pas brimés ceux qui se délocalisent fiscalement.

Voilà où nous en sommes, et voilà pourquoi nous combattrons très activement cet article 26 bis ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)

M. Philippe Marini. Il nous surprendra toujours !

M. Philippe François. Il n'y a que Staline qui aurait pu faire cela !

M. le président. Je suis saisi de dix-sept amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.

Mais j'appelle par priorité les sept amendements présentés par M. Trégouët, au nom de la commission.

L'amendement n° 49 est ainsi libellé :

« A. - Au premier alinéa du b du texte proposé par cet article pour l'article 885 I bis du code général des impôts, remplacer le pourcentage : "25 %" par le pourcentage : "20 %".

« B. - Pour compenser la perte de recettes résultant pour l'Etat du A ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

« II. - La perte de recettes résultant pour l'Etat de la réduction à 20 % du taux de 25 % défini à l'article 885 I bis du code général des impôts est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »

« C. - En conséquence, faire précéder le début de cet article de la mention : "I". »

L'amendement n° 50 est ainsi libellé :

« A. - Compléter le deuxième alinéa du b du texte proposé par cet article pour l'article 885 I bis du code général des impôts par la phrase suivante : "Les associés de l'engagement collectif de conservation peuvent effectuer entre eux des cessions ou donations des titres soumis à l'engagement." »

« B. - Pour compenser la perte de recettes résultant pour l'Etat du A ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

« II. - La perte de recettes résultant pour l'Etat de la possibilité pour les associés de l'engagement collectif de conservation prévu à l'article 885 I bis du code général des impôts d'effectuer entre eux des cessions ou donations est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »

« C. - En conséquence, faire précéder le début de cet article de la mention : "I". »

L'amendement n° 51 est ainsi libellé :

« A. - Après le deuxième alinéa du b du texte proposé par cet article pour l'article 885 I bis du code général des impôts, insérer l'alinéa suivant :

« Un nouvel associé peut adhérer à un engagement collectif de conservation existant pour la durée restant à courir jusqu'à la fin de l'engagement lorsque cette durée est supérieure à trois ans. »

« B. - Pour compenser la perte de recettes résultant pour l'Etat du A ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

« II. - La perte de recettes résultant pour l'Etat de la possibilité pour un nouvel associé d'adhérer à un engagement collectif de conservation en cours prévu à l'article 885 I bis du code général des impôts est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »

« C. - En conséquence, faire précéder le début de cet article de la mention : "I". »

L'amendement n° 52 rectifié est ainsi libellé :

« A. - Après le deuxième alinéa du b du texte proposé par cet article pour l'article 885 I bis du code général des impôts, insérer un alinéa ainsi rédigé :

« La durée initiale de l'engagement collectif de conservation peut être automatiquement prorogée par disposition expresse, ou modifiée par avenant sans pouvoir être inférieure à six ans. La dénonciation de la reconduction doit être notifiée à l'administration pour lui être opposable. »

« B. - Pour compenser la perte de recettes résultant pour l'Etat du A ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

« II. - La perte de recettes résultant pour l'Etat de la possibilité de prolonger l'engagement collectif de conservation prévu à l'article 885 I bis du code général des impôts est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »

« C. - En conséquence, faire précéder le début de cet article de la mention : "I". »

L'amendement n° 53 est ainsi libellé :

« Compléter le troisième alinéa du b du texte proposé par cet article pour l'article 885 I bis du code général des impôts par la phrase suivante : "Dans le cas de titres admis à la négociation sur un marché réglementé, l'engagement collectif de conservation est soumis aux dispositions de l'article L. 233-11 du code de commerce." »

L'amendement n° 54 rectifié est ainsi libellé :

« A. - Après le dernier alinéa du b du texte proposé par cet article pour l'article 885 I bis du code général des impôts, insérer trois alinéas ainsi rédigés :

« L'exonération s'applique également lorsque la société détenue directement par le redevable possède une participation dans une société qui détient les titres de la société dont les parts ou actions font l'objet de l'engagement de conservation.

« Dans cette hypothèse, l'exonération partielle est appliquée à la valeur des titres de la société détenus directement par le redevable, dans la limite de la fraction de la valeur réelle de l'actif brut de celle-ci représentative de la valeur de la participation indirecte ayant fait l'objet d'un engagement de conservation.

« Le bénéfice de l'exonération partielle est subordonné à la condition que les participations soient conservées inchangées à chaque niveau d'interposition pendant toute la durée de l'engagement collectif. »

« B. - Pour compenser la perte de recettes résultant pour l'Etat du A ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

« II. - La perte de recettes résultant pour l'Etat de la possibilité d'exonération d'impôt de solidarité sur la fortune du capital défini aux trois derniers alinéas du b de l'article 885 I bis du code général des impôts est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »

« C. - En conséquence, faire précéder le début de cet article de la mention : "I". »

L'amendement n° 55 rectifié est ainsi libellé :

« A. - Compléter le texte proposé par cet article pour l'article 885 I bis du code général des impôts par cinq alinéas ainsi rédigés :

« e) En cas de rupture de l'engagement prévu au a par l'un des signataires, l'exonération partielle accordée au titre de l'année en cours et de celles précédant cette rupture n'est pas remise en cause à l'égard des autres signataires dès lors qu'ils conservent entre eux leurs titres jusqu'au terme initialement prévu.

« En cas de non-respect des conditions prévues au a ou au b par suite d'une fusion ou d'une scission au sens de l'article 817 A de la société dont les titres font l'objet de l'engagement prévu au a, l'exonération partielle accordée au titre de l'année en cours et de celles précédant cette opération n'est pas remise en cause si les signataires conservent entre eux les titres reçus en contrepartie jusqu'au terme initialement convenu.

« En cas de non-respect de la condition prévue au b par suite d'une augmentation de capital, l'exonération partielle accordée au titre de l'année en cours et de celles précédant cette opération n'est pas remise en cause si les signataires respectent l'engagement prévu au a jusqu'à son terme.

« En cas de non-respect de la condition prévue au b par suite d'une annulation des titres pour cause de pertes ou de liquidation judiciaire, l'exonération partielle accordée au titre de l'année en cours et de celles précédant cet événement n'est pas remise en cause.

« Au-delà du délai de six ans, l'exonération partielle accordée au titre de la période d'un an en cours lors du non-respect de l'une des conditions prévues au a ou au b est seule remise en cause. »

« B. - Pour compenser la perte de recettes résultant pour l'Etat du A ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

« II. - La perte de recettes résultant pour l'Etat de l'aménagement des conditions de sortie de l'engagement collectif de conservation prévu à l'article 885 I bis du code général des impôts est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »

« C. - En conséquence, faire précéder le début de cet article de la mention : "I". »

La parole est à M. René Trégouët, rapporteur.

M. René Trégouët, rapporteur. Je commencerai par une remarque préliminaire.

J'ai écouté M. Loridant avec attention. Vous l'avez constaté, mes chers collègues, M. Loridant - comme, malheureusement, nombre de Français - passe insensiblement dans son discours de « celui qui a de l'argent » à « celui qui est un voyou » : à partir du moment où l'on a de l'argent, on est un voyou ! (Vives exclamations.)

M. Philippe Marini. Exactement ! C'est ce qu'il a dit !

Mme Odette Terrade. Oui, à juste titre !

M. Marc Massion. Absolument !

M. René Trégouët, rapporteur. Je suis obligé de poser correctement le problème dès le début de la discussion,...

M. Roland Muzeau. Metaleurop !

M. Gérard Le Cam. Ernest-Antoine Seillière !

M. René Trégouët, rapporteur. Mais non ! Nous sommes en train de reprendre un débat multiséculaire dans notre pays ! Souvenez-vous du concile de Trente ! Souvenez-vous de la Réforme ! Combien de gens ont quitté notre pays, voilà plus de quatre siècles, parce que la même réprobation existait. On ne voulait pas accepter ceux qui gagnaient de l'argent parce que c'était honteux ! Nous devons avoir présent à l'esprit que notre histoire a été marquée par cette conception et qu'elle continue de l'être.

Nous devons saisir l'occasion de ce débat pour affirmer que le succès est quelque chose de grand et que la meilleure façon de le souligner, c'est de gagner de l'argent ! Il ne faut pas en avoir honte ! Il y a des pays où l'on en est fier, et ce sont souvent les pays qui gagnent. Moi, j'aime mieux être du côté de ceux qui gagnent. Je pense donc qu'il est important de faire évoluer notre droit.

L'amendement n° 49 vise à substituer pour les sociétés cotées un seuil de 20 % au seuil de 25 % des droits financiers et des droits de vote permettant aux associés d'un engagement collectif de conservation de bénéficier d'une exonération au titre de l'ISF à concurrence de la moitié de la valeur des titres détenus.

Seul le seuil de 20 % des titres détenus a une véritable réalité économique. C'est à l'aune de ce pourcentage de parts qu'est établie une présomption de contrôle d'un actionnaire, personne morale ou personne physique, sur une société.

L'article L. 233-7 du code de commerce relatif aux prises de contrôle mentionne ainsi le seuil de 20 % : « Toute personne physique ou morale agissant seule ou de concert qui vient à posséder un nombre d'actions représentant plus du vingtième, du dixième, du cinquième du tiers, de la moitié ou des deux tiers du capital ou des droits de vote d'une société ayant son siège sur le territoire de la République et dont les actions sont admises aux négociations sur un marché réglementé informe cette société dans un délai de quinze jours à compter du franchissement du seuil de participation du nombre total d'actions de celle-ci qu'elle possède. Elle en informe également le Conseil des marchés financiers dans un délai de cinq jours de bourse à compter du franchissement du seuil de participation, lorsque les actions de la société sont admises aux négociations sur un marché réglementé. Le Conseil des marchés financiers porte cette information à la connaissance du public. »

L'article L. 233-16 relatif aux comptes consolidés est plus clair encore : « L'influence notable sur la gestion et la politique financière d'une entreprise est présumée lorsqu'une société dispose, directement ou indirectement, d'une fraction au moins égale au cinquième des droits de vote de cette entreprise. »

Plus pertinent sur le plan économique, le seuil de 20 % est aussi plus réaliste : compte tenu de la valorisation boursière de certaines entreprises cotées et de la dilution du capital automatiquement entraînée par la croissance d'une société, un seuil de 25 % serait souvent impossible à atteindre pour des actionnaires minoritaires personnes physiques.

L'amendement n° 50 tend à admettre que les associés au sein de l'engagement puissent effectuer entre eux des cessions ou des donations de titres sans remettre en cause l'avantage fiscal attaché à l'engagement collectif. Cette possibilité est admise par l'article 789 A du code général des impôts, qui propose le même dispositif pour les transmissions à titre gratuit par l'instruction fiscale n° 137 du 30 juillet 2001. Le présent amendement améliore ainsi la sécurité juridique du dispositif.

J'en viens à l'amendement n° 51.

Un engagement collectif de conservation de titres d'une société ayant une signification économique parfois très proche d'un pacte d'actionnaire, il convient de le laisser « respirer » en fonction des stratégies d'alliance conclues entre actionnaires, ce qui ne peut que favoriser la stabilité de l'actionnariat des entreprises familiales. Un nouvel entrant peut donc adhérer à un engagement collectif de conservation et bénéficier de l'avantage fiscal correspondant, pour la durée restant à courir.

Quant à l'amendement n° 52 rectifié, il vise à allonger la durée de l'engagement collectif de conservation, pour les raisons que je viens d'exposer précédemment.

Par ailleurs, compte tenu de la signification économique de l'engagement collectif de conservation, qui pourra, dans certains cas, comporter des clauses annexes, telles des conventions de vote ou des conventions préférentielles de cessions de titres, il paraît nécessaire que, s'agissant des sociétés cotées, l'Autorité des marchés financiers soit informée de cette alliance stratégique au sein de l'actionnariat. Tel est l'objet de l'amendement n° 53.

L'amendement n° 54 rectifié vise à préserver l'égalité entre les actionnaires personnes physiques quelle que soit la forme de détention de capital pour laquelle ils ont opté. Compte tenu de la multiplicité des structures de détention de capital et de la possibilité d'existence de plusieurs degrés d'interposition entre la société concernée et la personne physique actionnaire, il paraît peu réaliste de n'autoriser qu'un seul degré d'interposition.

Quant à l'amendement n° 55 rectifié, il tend à définir les conséquences du non-respect des conditions posées par l'article 26 bis.

Il opère une distinction entre l'associé qui prend l'initiative de la rupture de l'engagement collectif de conservation et qui subit les pénalités résultant logiquement de cette rupture, dont tout d'abord le rappel des impôts passés, et les autres associés qui, subissant cette rupture, ne peuvent dès lors que perdre leur avantage fiscal.

Le régime proposé est plus simple que celui de l'article 789 A, qui a aujourd'hui un effet clairement dissuasif. Le nombre d'engagements collectifs de conservation souscrits est en conséquence très faible.

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 236 est présenté par Mme Terrade, MM. Foucaud, Muzeau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

L'amendement n° 267 est présenté par MM. Massion et Angels, Mme Y. Boyer, MM. Godefroy, Picheral, Piras, Raoul, Saunier, Trémel, Bel, Courteau, Dussaut, Masseret, Miquel et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

« Supprimer cet article. »

La parole est à M. Paul Loridant, pour présenter l'amendement n° 236.

M. Paul Loridant. En fait, j'ai défendu cet amendement lorsque j'ai pris la parole sur l'article.

Je tiens toutefois à ajouter que nous ne pouvons pas accepter de délibérer sur cet article si important sans que les commissions parlementaires aient eu connaissance des statistiques officielles.

Je rends hommage au rapporteur général de nous avoir fait état d'un courrier personnel qu'il a reçu de M. le ministre délégué au budget. Mais il ne paraît pas normal que l'ensemble du Sénat ni a fortiori la commission des finances n'aient pas été tenus informés de ces éléments qui sont fondamentaux.

M. Philippe Marini. Monsieur Loridant, me permettez-vous de vous interrompre ?

M. Paul Loridant. Avec plaisir, c'est un grand honneur pour moi ! (Sourires.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Marini, avec l'autorisation de l'orateur.

M. Philippe Marini. En remerciant Paul Loridant de sa courtoisie, je voudrais préciser que le document dont j'ai donné lecture tout à l'heure n'était pas une lettre personnelle. J'ai adressé ès qualités de rapporteur général un questionnaire à M. le ministre délégué au budget. J'ai reçu des réponses précises. Je les ai traitées, j'ai transcris les chiffres qui en résultent et j'en ai tiré les éléments qui ont fait l'objet de ma prise de parole.

Comme ces chiffres sont récents, j'ai pensé que l'enceinte la plus appropriée pour leur servir de caisse de résonance était cet hémicycle, où siègent par définition tous les sénateurs.

M. Jean Chérioux. Faut-il que ces chiffres les gênent !

Mme Odette Terrade. Pas du tout ! La presse les avait avant vous.

M. le président. Veuillez poursuivre, monsieur Loridant.

M. Paul Loridant. Les propos que vient de tenir M. Marini viennent conforter ma thèse.

J'ai peut-être commis une erreur de forme en disant qu'il avait reçu un courrier personnel en provenance du ministre, ce qui n'est pas le cas puisqu'il s'agit de réponses à un questionnaire, mais le problème fondamental demeure.

En effet, d'habitude, le travail parlementaire consiste à étudier les dossiers en commission, ce qui n'a pas été le cas.

Bref, vous me permettrez de m'étonner que, sur un dossier de cette importance, les chiffres statistiques n'aient pas été communiqués plus tôt alors que les députés ont introduit des dispositions sur l'ISF, ce qui n'était pas dans les intentions du Gouvernement.

Cette méthode de travail qui nous fait agir dans l'improvisation n'est pas correcte.

Je conclurai en disant que le modèle choisi aujourd'hui par la majorité sénatoriale est celui de M. Berlusconi, le Président du Conseil italien, qui, grâce à une mesure d'amnistie fiscale, cherche - avec un certain succès d'ailleurs ! - à rapatrier des fonds.

Ceux qui, en Italie, ont fraudé le fisc et ont envoyé des fonds à l'étranger, ont bénéficié de toute la sollicitude du gouvernement et de sa majorité. Je constate que la majorité parlementaire de notre pays emprunte la même voie. Dont acte.

Vous me permettrez toutefois de dire que nous sommes en total désaccord. C'est la raison pour laquelle nous proposons, par cet amendement, de supprimer l'article.

Si vous voulez élaborer un projet de loi sur l'ISF, si vous souhaitez aborder ce sujet dans la loi de finances, très bien ! Mais faisons-le de façon spécifique, et non pas à l'occasion d'un article, dont le Gouvernement n'est même pas l'auteur.

M. Jean Chérioux. Encore des donneurs de leçons !

M. le président. La parole est à M. Marc Massion, pour présenter l'amendement n° 267.

M. Marc Massion. J'ai déjà eu l'occasion de dire, lors de la discussion générale, tout le mal que nous pensions de trois articles de ce projet de loi. Je vais développer un peu plus mon propos aujourd'hui, étant entendu que cette explication vaudra aussi pour les amendements n°s 268 et 269 afférents aux articles 26 ter et 26 quater.

L'article 26 bis est l'un des trois volets qui amorcent, à notre avis, le démantèlement de l'ISF mené par la droite à l'Assemblée nationale, avec le soutien discret du Gouvernement, et auquel la droite sénatoriale aimerait bien apporter sa contribution.

Cet article dispose en effet que les actionnaires qui s'engageront à conserver pendant six ans 25 % des titres d'une société cotée ou 34 % de ceux d'une société non cotée bénéficieront d'une exonération de moitié de l'ISF.

Une autre mesure veut ramener de 75 % à 50 % de leur patrimoine le seuil d'exonération de cet impôt pour les dirigeants d'entreprises.

Une autre vise à exonérer les investissements en numéraires dans une PME non cotée si la société a son siège de direction effective dans un Etat membre de la Communauté européenne. On peut imaginer les conséquences que cela pourrrait avoir en matière d'évasion des entrepreneurs.

Par ailleurs, des pactes d'actionnaire pour profiter d'un pur effet d'aubaine risquent de se multiplier, simplement pour échapper à l'ISF, un impôt qui, en fin de compte, risque de ne s'appliquer qu'à la seule fortune immobilière.

Il s'agit bien d'une remise en cause de cet impôt de solidarité qu'est l'ISF. Nous ne pensons pas que cela soit vraiment une bonne façon d'encourager la création d'entreprises.

Cette réduction de l'ISF s'ajoute à de multiples exonération fiscales qui, de l'aveu même du ministre des finances, n'ont évidement pas fait la preuve de leur efficacité en matière de soutien à la consommation. Je dis « évidement » parce que nous n'avons cessé de le dire et de le répéter : diminuer les impôts de ceux qui ont beaucoup et qui épargnent leur surplus ne permet pas à ceux qui ont peu de dépenser ce qu'ils n'ont pas.

De fait, à cause de cette réduction subreptice de l'ISF, le présent projet de loi fait de la création d'entreprises une affaire de fortune, une affaire de rentier, alors que la raison d'être d'un projet de loi pour l'initiative économique aurait dû être de s'attacher à faciliter l'accès de tous à la création d'entreprises et, par là, de vivifier le tissu économique de la nation.

Ne pensez-vous pas que ce démantèlement de l'ISF sera considéré comme une provocation par de nombreux salariés touchés par l'avalanche des plans sociaux, l'essouflement de la croissance, le gel sans précédent des dépenses publiques, bref, l'inexistence d'un véritable pilotage économique ? Il s'agit bien d'une provocation alors même qu'aujourd'hui 10 % des ménages les plus riches détiennent 50 % du patrimoine.

Les réductions de l'ISF que vous nous proposez ne vont en rien favoriser la création et la transmission des entreprises ni la fluidité et la mobilité du capital, lesquelles seraient plutôt favoriser par la taxation du capital dormant. Elles n'éviteront pas la concentration des patrimoines. Par conséquent, elles représentent tout le contraire d'une politique de réduction des inégalités.

Comme je l'ai dit lors de la discussion générale, nous aurions préféré qu'à la place de cette introduction quasiment sournoise de la réduction de l'ISF s'ouvre un vrai débat sur la politique du patrimoine et, pourquoi pas, que s'engage un nouvel examen de son barème et de son assiette.

Pour toutes ces raisons, nous nous opposerons, je le répète, à toutes les propositions de diminution de l'impôt de solidarité sur la fortune. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. L'amendement n° 310 rectifié, présenté par M. Badré et les membres du groupe de l'Union centriste, est ainsi libellé :

« I. - Rédiger comme suit le texte proposé par cet article pour l'article 885 I bis du code général des impôts :

« Art. 885 I bis. - Les parts ou actions de sociétés exerçant une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale bénéficient d'un abattement égal à 75 % de leur valeur pour l'assiette de l'impôt de solidarité sur la fortune lorsqu'elles sont détenues depuis plus de deux ans au 1er janvier de l'année. Ce délai n'est pas requis des titres souscrits à l'émission ou reçus par succession ou donation. Les actions doivent revêtir la forme nominative.

« L'abattement est également applicable aux parts ou actions détenues dans le cadre de l'un des dispositifs d'épargne salariale visé au titre IV du livre quatrième du code du travail. »

« II. - Pour compenser la perte de recettes résultant du I, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

« ... La perte de recettes résultant pour l'Etat de l'abattement sur les parts et actions de société prévu par l'article 885 I bis du code général des impôts est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575, 575 A et 575 B du code général des impôts. »

La parole est à M. François Zocchetto.

M. François Zocchetto. Monsieur le président, je présenterai en même temps l'amendement n° 169 rectifié.

Le texte qui nous est soumis prévoit, sous des conditions très strictes, qui vont être probablement modifiées sur l'initiative de la commission, une exonération d'ISF à concurrence de la moitié.

C'est bien, mais si l'on veut atteindre l'objectif de la mesure, c'est-à-dire contribuer au renforcement de l'actionnariat stratégique des entreprises françaises et tout particulièrement des entreprises familiales, afin de maintenir en France leur centre de direction, les investissements et les emplois, l'exonération doit être supérieure.

L'amendement n° 310 rectifié prévoit donc un abattement égal à 75 % de la valeur sous certaines conditions, notamment qu'elle soit détenue depuis plus de deux ans.

L'amendement n° 169 rectifié vise, lui, à une exonération totale de l'ISF pour les parts et actions des sociétés visées par l'article. Je précise que nous ne remettons pas en cause les conditions très strictes fixées par l'article.

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 169 rectifié est présenté par M. Badré et les membres du groupe de l'Union centriste.

L'amendement n° 202 est présenté par MM. du Luart, Leroy et Oudin.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

« A. _ Dans le premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 885 I bis du code général des impôts, supprimer les mots : "à concurrence de la moitié de leur valeur".

« B. _ Pour compenser la perte de recettes résultant pour l'Etat du A ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

« ... _ La perte de recettes résultant pour l'Etat de l'exonération totale d'impôt de solidarité sur la fortune pour les parts ou actions de sociétés est compensée à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »

L'amendement n° 169 rectifié a été défendu.

L'amendement n° 202 n'est pas soutenu.

L'amendement n° 170, présenté par M. Badré et les membres du groupe de l'Union centriste, est ainsi libellé :

« I. _ Compléter le quatrième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 885 I bis du code général des impôts par trois phrases ainsi rédigées :

« Toutefois les signataires de l'engagement ne perdent pas le bénéfice de l'exonération, si dans le délai d'un an ils reconstituent le seuil minimum. Dans ce cas, l'exonération est maintenue pour ceux qui ont respecté leur engagement jusqu'à l'expiration de la durée initiale du pacte, ou, en cas de mise en place d'un nouveau pacte, pour l'année en cours. A l'issue du premier engagement de six ans, le pacte peut être reconduit par période d'un an. »

« II. _ Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

« ... La perte de recettes résultant pour l'Etat de l'exonération des membres du pacte d'actionnaire est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »

« III. _ En conséquence, faire précéder cet article de la mention : "I". »

La parole est à M. François Zocchetto.

M. François Zocchetto. Je retire cet amendement, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 170 est retiré.

Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 172 rectifié est présenté par M. Badré et les membres du groupe de l'Union centriste.

L'amendement n° 203 rectifié est présenté par MM. du Luart, Leroy et Oudin.

Ces amendements sont ainsi libellés :

« A. _ Dans la première phrase du dernier alinéa du b du texte proposé par cet article pour l'article 885 I bis du code général des impôts, après le mot : "directement", insérer les mots : "ou indirectement, dans la limite de deux niveaux d'interposition,".

« B. _ Pour compenser la perte de recettes résultant pour l'Etat du A ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

« ... La perte de recettes résultant pour l'Etat de la possibilité d'une détention directe ou indirecte du capital défini à l'article 885 I bis du code général des impôts est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »

« C. _ En conséquence, faire précéder le début de cet article de la mention : "I". »

La parole est à M. François Zocchetto.

M. François Zocchetto. Je retire cet amendement, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 172 rectifié est retiré.

L'amendement n° 203 rectifié n'est pas soutenu.

Je suis saisi de deux amendements déposés par M. Badré et les membres du groupe de l'Union centriste.

L'amendement n° 173 est ainsi libellé :

« I. _ Supprimer le c du texte proposé par cet article pour l'article 885 I bis du code général des impôts.

« II. _ Pour compenser la perte de recettes résultant du I ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

« ... La perte de recettes résultant pour l'Etat de la suppression de l'obligation pour le dirigeant de faire partie de l'engagement de conservation pour bénéficier des dispositions de l'article 885 I bis du code général des impôts est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »

L'amendement n° 171 est ainsi libellé :

« I. _ Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

« ... Après l'article 1840 G undecies du même code, il est inséré un article additionnel ainsi rédigé :

« Art. ... _ En cas de rupture de l'engagement prévu à l'article 885 I bis par un associé, celui-ci est tenu d'acquitter l'imposition dont il avait été exonéré au titre de l'année de rupture de l'engagement et des deux années précédentes, majorée de l'intérêt de retard prévu à l'article 1727. »

« II. _ En conséquence, faire précéder le premier alinéa de cet article de la mention : "I". »

La parole est à M. François Zocchetto.

M. François Zocchetto. Je retire ces deux amendements.

M. le président. Les amendements n°s 173 et 171 sont retirés.

Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 236, 267, 310 rectifié et 169 rectifié ?

M. René Trégouët, rapporteur. La commission est défavorable aux amendements identiques n°s 236 et 267.

Sur l'amendement n° 310 rectifié, qui va au-delà de la proposition de la commission puisque seraient concernés, par exemple, les retraités détenant un pourcentage de parts limité dans l'entreprise, je souhaiterais connaître l'avis du Gouvernement.

S'agissant de l'amendement n° 169 rectifié, je souligne que le nouvel article 885 I bis du code général des impôts ne se réfère pas explicitement au régime des biens professionnels. Il vise à donner un avantage fiscal substantiel à des actionnaires minoritaires qui ne travaillent pas dans l'entreprise. L'avantage fiscal est octroyé en contrepartie du rôle joué par ces actionnaires minoritaires en faveur de la stabilité du capital et de la pérennité de l'entreprise. Il doit donc être mesuré en fonction de cet objectif.

L'exonération totale, si elle peut paraître justifiée pour certains, risque de se heurter à un problème d'ordre constitutionnel compte tenu de la jurisprudence actuelle du Conseil, notamment d'une décision rendue en 1996 sur un dispositif dit « Gattaz », que j'ai décrit dans mon rapport.

Pour éviter tout risque d'inconstitutionnalité, je souhaite le retrait de l'amendement n° 169 rectifié.

M. le président. L'amendement n° 169 rectifié est-il maintenu, monsieur Zocchetto ?

M. François Zocchetto. Je m'en remets aux explications de M. le rapporteur, et je retire cet amendement, de même que l'amendement n° 310 rectifié.

M. le président. Les amendements n°s 310 rectifié et 169 rectifié sont retirés.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Renaud Dutreil, secrétaire d'Etat. L'article 26 bis traite d'un sujet qui suscite souvent un intérêt vif, voire fiévreux, parfois jusqu'à l'excès.

Je me permets de rappeler au Sénat que ce projet de loi vise à encourager la création, le développement et la transmission des entreprises. Il ne s'agit pas d'un projet de loi de finances, ni de la réforme d'un impôt, fût-ce l'ISF.

M. Raymond Courrière. C'est pourtant la mode !

M. Renaud Dutreil, secrétaire d'Etat. Il s'agit simplement de considérer sans passion, avec objectivité et sang-froid, dans un souci d'efficacité, les différents impôts qui existent, de voir comment ôter de ces impôts leur venin lorsqu'ils nuisent à la transmission, au développement et à la création des entreprises : c'est tout ce qui m'a inspiré.

Nous aurions pu céder à la facilité qui aurait consisté à ne pas toucher à un certain nombre d'impôts jugés trop « chauds ». Nous ne l'avons pas fait parce que nous voulons que ce texte soit efficace à tous égards, que soient engagées toutes les réformes nécessaires pour qu'il y ait, en France, davantage d'investissement, de créations d'entreprises et que les transmissions se passent dans de bonnes conditions.

Cela étant dit, sur l'amendement n° 49, le Gouvernement émet un avis favorable et lève le gage. Il en va de même pour l'amendement n° 50.

En revanche, sur l'amendement n° 51, le Gouvernement émet un avis défavorable, et cela pour différentes raisons.

D'abord, nous entendons, à travers la mesure proposée, assurer la stabilité du capital des entreprises. Cela implique que les parties cèdent entre elles les titres, objets de l'engagement pour une durée assez longue, et c'est à ce prix que l'exonération sur la moitié de la valeur des parts - exonération assez importante, vous en conviendrez - peut être accordée chaque année.

En permettant l'accès libre en cours d'engagement, l'amendement n° 51 est en contradiction avec l'objectif qui est affiché dans cet article.

En outre, cet amendement introduit une rupture d'égalité entre les signataires de l'engagement au regard de la durée de conservation des titres, rupture qui pourrait être de nature à soulever des difficultés constitutionnelles. En effet, l'associé qui a adhéré à un engagement en cours bénéficierait d'un taux d'exonération identique à celui qui est accordé aux autres signataires, mais avec une durée d'engagement de conservation réduite.

Enfin, le dispositif actuel n'empêche pas la respiration du capital puisque rien ne fait obstacle à ce que les signataires d'un engagement en cours concluent un autre engagement avec un nouvel associé, sans pour autant compromettre l'avantage qui leur est acquis pour le passé.

Sous le bénéfice de ces explications, je vous demande, monsieur le rapporteur, de bien vouloir retirer cet amendement n° 51.

Sur l'amendement n° 52 rectifié, le Gouvernement émet un avis favorable et lève le gage.

Le Gouvernement est également favorable à l'amendement n° 53 ainsi qu'à l'amendement n° 54 rectifié, dont il lève le gage. Il en va de même pour l'amendement n° 55 rectifié.

Je rappelle que, à l'Assemblée nationale, le Gouvernement avait lui-même présenté un amendement, ce qui était sa manière d'assumer pleinement cette réforme. Il considère en effet qu'elle est nécessaire pour atteindre les objectifs fixés par le projet de loi.

En ce qui concerne les amendements n°s 236 et 267, qui visent à supprimer l'article 26 bis, le Gouvernement y est, bien sûr, défavorable.

M. le président. Les amendements dont le gage a été levé deviennent donc les amendements n°s 49 rectifié, 50 rectifié, 52 rectifié bis, 54 rectifié bis et 55 rectifié bis.

La parole est à M. René Trégouët, rapporteur.

M. René Trégouët, rapporteur. Ayant écouté avec attention les explications de M. le secrétaire d'Etat, la commission retire l'amendement n° 51.

M. le président. L'amendement n° 51 est retiré.

Je rappelle que les amendements de la commission seront mis aux voix par priorité.

La parole est à M. Philippe Marini, pour explication de vote sur l'amendement n° 49 rectifié.

M. Philippe Marini. Je tiens d'abord à remercier M. le secrétaire d'Etat de l'examen bienveillant auquel il a été procédé sur les amendements de la commission spéciale.

Le travail réalisé à l'Assemblée nationale était utile. Néanmoins, il était nécessaire de le compléter et de conférer au dispositif adopté par les députés davantage de sécurité juridique.

Comme l'adage le dit : « La plume est serve, mais la parole est libre. »

En ce qui concerne la plume, je « signe » ces amendements et j'estime qu'ils représentent un progrès.

En ce qui concerne la parole, monsieur le secrétaire d'Etat, je dirai que, si l'on va dans le sens de l'attractivité, on ne le fait pas dans la clarté technique la plus remarquable. Il suffit de lire ces amendements dans leur version finale pour constater que ce dispositif purement fiscal, que nous nous apprêtons à voter, est d'une très grande complexité. Ce n'est pas un modèle de législation ! Comme il va dans le bon sens, nous l'acceptons mais, par rapport à ce que nous aurions pu faire, c'est un dispositif a minima, dont l'application posera encore des problèmes. (Exclamations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

Mme Odette Terrade. Toujours plus !

M. Philippe Marini. On a eu le courage de s'attaquer à l'une des principales causes fiscales de la moindre attractivité du territoire national. Les députés ont fait oeuvre utile, et nous avons eu raison de nous y associer.

On a cru que le ciel allait nous tomber sur la tête, que certaines réactions allaient nous obliger à renoncer à l'idée - absurde, bien sûr... - de vouloir toucher, si peu que ce soit, fût-ce de la manière la plus marginale, à ces trois petites lettres : ISF.

Monsieur le secrétaire d'Etat, il ne faudrait quand même pas oublier qu'il existe encore un dispositif insupportable et contraire à l'équité : celui qui concerne le déplafonnement de cet impôt par rapport aux revenus. La Cour européenne des droits de l'homme le constatera probablement un jour.

Il ne faut pas non plus oublier que cet impôt est le seul dont le barème n'a pas été réévalué depuis 1997. Cela signifie que le Gouvernement a pris implicitement la décision de l'alourdir encore un peu plus cette année.

Alors que nous traitons de l'initiative économique et de l'attractivité, on commence à lever le tabou : c'est bien. Mais, monsieur le secrétaire d'Etat, dans le cadre d'une vraie réflexion sur la fiscalité du patrimoine, les droits de succession, l'impôt sur la fortune, il faudra reprendre et approfondir ce sujet. Ce sera la mission de celles et ceux qui auront la charge d'élaborer les dispositions fiscales de la prochaine loi de finances.

Alain Lambert nous a donné l'assurance qu'il en irait ainsi, et nous voulons croire que ce chantier reste ouvert, car les milliards d'euros que représentent les capitaux délocalisés sont, à nos yeux, une insulte à tous nos salariés, à toutes nos entreprises et à l'esprit d'entreprise dans ce pays. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. Gérard Le Cam. Ce sont tout de même bien les capitalistes qui quittent la France !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 49 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. Hilaire Flandre. Les fabiusiens sont contre !

M. le président. La parole est à M. Paul Loridant, pour explication de vote sur l'amendement n° 50 rectifié.

M. Paul Loridant. Je ne peux pas laisser les propos de M. Marini sans écho.

En vérité, je veux lui rendre hommage, car il a, lui, l'honnêteté d'afficher ouvertement les orientations de la majorité, de la majorité du Sénat en particulier.

Bien entendu, nous sommes en total désaccord avec de telles orientations.

Il reste que le Gouvernement, lui, n'avait pas osé aborder l'ISF dans ce projet de loi. Il y a été contraint par sa majorité à l'Assemblée nationale, et la majorité sénatoriale le pousse à aller encore un peu plus loin, M. Marini le dit haut et fort : ce n'est pas assez, il en faut plus, toujours plus !

M. Henri de Raincourt. En l'occurrence, il en faudrait plutôt moins ! (Sourires sur les travées de l'UMP.)

M. Paul Loridant. Je souhaiterais d'ailleurs que les travaux du Sénat soient mieux connus, de manière que nos concitoyens sachent ce qui se dit dans les rangs de la majorité sénatoriale, à savoir qu'elle demande encore plus d'allégements sur l'impôt de solidarité sur la fortune.

Pour ma part, à l'instar de notre collègue Marc Massion, je ne suis pas hostile à l'idée d'avoir un débat sur ce sujet, à condition qu'il s'agisse d'un débat réel sur l'assiette de cet impôt, sur son taux, sur son efficacité économique. Car ce n'est pas seulement un problème d'équité qui est en cause, c'est surtout un problème d'efficacité économique.

M. Jean-Jacques Hyest. Tout à fait !

M. Paul Loridant. Hélas ! ce débat, vous ne voulez pas que nous l'ayons. Dont acte !

Evidemment, le groupe communiste républicain et citoyen votera contre cet amendement, mais je tenais à adresser un grand merci à Philippe Marini.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 50 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 52 rectifié bis.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 53.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 54 rectifié bis.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 55 rectifié bis.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, les amendements identiques n°s 236 et 267 n'ont plus d'objet.

Je mets aux voix l'article 26 bis, modifié.

(L'article 26 bis est adopté.)

M. le président. Nous en arrivons à l'article 24, qui avait été précédemment réservé.