COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. JEAN-CLAUDE GAUDIN

vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à dix heures trente.)

1

PROCÈS-VERBAL

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Y a-t-il des observations ?...

M. Guy Fischer. Je demande la parole.

M. le président. La parole est à M. Guy Fischer.

M. Guy Fischer. Monsieur le président, le compte rendu analytique de la séance d'hier fait apparaître que notre amendement n° 161 a été rejeté alors qu'il a été adopté en séance publique et que l'amendement n° 159, lui, a été repoussé.

Je tenais à apporter cette rectification.

M. le président. Je vous en donne en acte, monsieur Fischer.

La parole est à M. le ministre.

M. Jean-François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Dans ces conditions, le Gouvernement demandera qu'il soit procédé à une seconde délibération, à la fin de la discussion des articles du projet de loi.

M. le président. Je vous en donne acte, monsieur le ministre.

Y a-t-il d'autres observations ?...

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.

2

FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE

POUR 2004

Suite de la discussion d'un projet de loi

M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi (n° 54, 2003-2004) de financement de la sécurité sociale pour 2004, adopté par l'Assemblée nationale. [Rapport n° 59 (2003-2004) et avis n° 60 (2003-2004).]

Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus, au sein du titre II, à l'article 4.

TITRE II (suite)

DISPOSITIONS RELATIVES AUX RESSOURCES

Art. additionnels avant l'art. 4 (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi de financement de la sécurité sociale de financement de la sécurité sociale pour 2004
Art. additionnels après l'art. 4

Article 4

I. - Le tableau de l'article 575 A du code général des impôts est ainsi rédigé :

GROUPES DE PRODUITS

TAUX NORMAL

(%)

Cigarettes62 Cigares25 Tabacs fine coupe destinés à rouler les cigarettes56 Autres tabacs à fumer49,85 Tabacs à priser43 Tabacs à mâcher29,6 II. - A l'avant-dernier alinéa du même article, la somme : « 108 EUR » est remplacée par la somme : « 128 EUR ».

III. - Le dernier alinéa du même article est ainsi rédigé :

« Il est fixé à 68 EUR pour les tabacs fine coupe destinés à rouler les cigarettes, à 60 EUR pour les autres tabacs à fumer et à 89 EUR pour les cigares. »

IV. - Les dispositions du présent article entrent en vigueur le 5 janvier 2004.

M. le président. L'amendement n° 53, présenté par M. Charasse, est ainsi libellé :

« I. - Dans le texte proposé par le I de cet article pour le tableau figurant à l'article 575 A du code général des impôts, à la troisième ligne "cigares", remplacer le taux : "25 %" par le taux : "21 %".

« II. - A la fin du texte proposé par le III de cet article pour le dernier alinéa de l'article 575 A du code général des impôts, remplacer les mots : "et à 89 euros pour les cigares." par les mots : "et à 66 euros pour les cigares". »

La parole est à M. Michel Charasse.

M. Michel Charasse. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous avons entamé la nuit - bien entamé d'ailleurs - sur le tabac, je me propose d'en reparler ce matin après quoi, à mon avis, ce sera fini pour la journée et pour la suite du débat.

L'article 4 concerne la fiscalité des divers produits sur le tabac, notamment des cigares. Quand je parle de cigares, je voudrais bien entendu qu'on me fasse le crédit de penser que je ne défends pas dans cette affaire un goût ou un intérêt personnel, puisque les cigares qui sont en cause ici sont surtout les petits cigares, les cigarillos type Café crème, qui sont essentiellement les productions de l'ex-Seita, Altadis.

La fiscalité des cigares a fait l'objet, en 2002, d'un ajustement important, portant celle-ci à un niveau largement supérieur aux minima requis par les directives fiscales européennes - taux de 5 % ou montant d'au moins 11 euros pour 1 000 cigares - et aux niveaux pratiqués dans les pays européens voisins de la France : Belgique, 5 % ; Espagne, 12,5 % ; Allemagne, 6,78 %.

Désormais, la catégorie de prix des cigares la plus demandée se situe à 4,50 euros - à un prix proche de celui des cigarettes les plus vendues, soit 4,60 euros depuis le 20 octobre dernier -, c'est-à-dire le type de cigares dont je viens de parler. J'aurais sans doute pu ajouter les cigares que l'on vend au bureau de tabac du Sénat, des Voltigeurs bagués spécialement Médicis qui sont fabriqués en France par Altadis.

Du fait de ce niveau de fiscalité « fixe » élevé, 85 % des volumes de cigares sont soumis au minimum de perception de 55 euros. Porter celui-ci à 89 euros, comme cela est proposé dans l'article 4, contraint une nouvelle fois les fabricants de cigares à procéder à une hausse de leurs prix publics en janvier prochain d'environ 30 %.

Je ne parle pas des cigares importés, vous l'avez bien compris, ni des havanes, ni d'autres de ce genre.

M. Jean Chérioux. Il faut surtaxer les cigares des capitalistes !

M. Michel Charasse. Ce ne sont pas ceux-là, monsieur Chérioux ! Ce sont les cigares des petites gens, les petites boîtes de cigares, toutes petites, allons ! Vous imaginez bien que je ne défendrais pas cela, sinon ! Vous me connaissez assez !

M. Jean Chérioux. C'est justement pour cela !

M. Michel Charasse. Ma charité laïque rejoint quelquefois votre charité chrétienne. (Sourires sur les travées de l'UMP.)

M. Adrien Gouteyron, rapporteur pour avis. Comme c'est gentil !

M. Michel Charasse. Compte tenu de ce qui précède et par cohérence avec la politique de hausse de la fiscalité retenue pour les cigarettes dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2004, il est proposé, dans cet amendement, que la fiscalité des cigares progresse dans les mêmes proportions que celle des cigarettes, à savoir aligner les dispositions concernant les cigares dans l'article 4 sur le taux de progression des taxes portant sur les cigarettes, de manière qu'il n'y ait pas de discordance, ce qui suppose une majoration du taux normal de 5 %, en le passant de 20 % à 21 %, et un relèvement du minimum de perception de 20 % en le portant à 66 euros, relèvement dont M. Vasselle nous parlait hier à propos d'un autre article.

Ces mesures sont indispensables pour que la seule usine de fabrication de cigares en France, celle de Strasbourg, puisse affronter la concurrence étrangère avec succès et ne vienne pas s'ajouter à la liste des usines de cigarettes que le groupe Altadis vient de décider de fermer. Si les cigares Altadis ne sont plus fabriqués en France, ils le seront en Espagne, où une usine du même groupe attend avec impatience la fermeture de Strasbourg. Car les taxes sont beaucoup moins élevées en Espagne et les coûts de fabrication, sont beaucoup plus bas.

La lutte contre le tabagisme ne peut pas aboutir à créer partout du chômage en France et à faire prospérer les usines et l'emploi à l'étranger, sans parler des trafics, je le redis, monsieur le ministre, bien que nous ayons eu un long dialogue sur ce sujet cette nuit.

Si l'usine de Strasbourg ferme et si la fabrication de cigares Altadis, c'est-à-dire les petits cigarillos fumés par beaucoup de gens en France, cesse, on fumera des cigares importés, fabriqués à l'étranger. En conséquence, des gens pointeront au chômage et d'autres que nous fabriqueront les cigares que nous vendrons et consommerons en France.

Tel est l'objet de l'amendement n° 53.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Alain Vasselle, rapporteur de la commission des affaires sociales. Cette nuit, à une heure trente, nous avons débattu du sous-amendement n° 68 de M. Charasse et de l'amendement n° 13 de la commission, qui tendaient à faire adopter un dispositif « miroir », de manière à assurer une véritable concordance entre les mesures votées par le Sénat dans le projet de loi de finances et dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale, afin de donner le maximum de lisibilité et de transparence à la fiscalité sur le tabac.

Le moins que l'on puisse dire, c'est que le vote ne s'est pas déroulé dans la plus grande clarté ! La fiscalité du tabac n'est pas d'une évidente limpidité, et il n'est pas facile à tous les membres de la Haute Assemblée de se positionner clairement sur un sujet qui revêt un caractère très complexe, comme l'a souligné hier M. le président de la commission des finances, Jean Arthuis.

M. Michel Charasse. Absolument !

M. Alain Vasselle, rapporteur. S'agissant aujourd'hui de l'amendement n° 53 de M. Charasse, la commission des affaires sociales n'y était pas favorable, dans la mesure où elle émettait un avis de sagesse sur le sous-amendement n° 68 à l'amendement n° 13 concernant « le miroir ».

La donne ayant complètement changé,...

M. Michel Charasse. Eh oui !

M. Alain Vasselle, rapporteur. ... je suis conduit, en ma qualité de rapporteur, à émettre un avis légèrement différent. De deux choses l'une : ou bien les membres de la commission des affaires sociales considèrent qu'ils peuvent faire confiance au rapporteur et au président pour émettre un avis favorable, qui n'est pas conforme à celui qui a été retenu initialement par la commission, compte tenu des éléments nouveaux versés au débat (Plusieurs membres de la commission acquiescent) ; ou bien nous jugeons nécessaire une nouvelle réunion de la commission pour déterminer la position que nous adopterons sur l'amendement de M. Charasse.

A défaut, je serais tenté d'émettre un avis de sagesse. Il me paraît important que nous puissions, en commission mixte paritaire, recadrer le débat et redonner de la clarté au dispositif tel qu'il aurait dû ressortir du vote de la Haute Assemblée hier soir.

Tel est l'avis que je souhaitais émettre sur le présent amendement, monsieur le président, sans avoir obtenu, je le répète, l'assentiment de tous les membres de la commission.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Jean-François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Le Gouvernement, lui, n'a pas changé d'avis. Il est défavorable à l'amendement de M. Charasse pour la simple raison qu'il estime indispensable de revenir sur la baisse du taux proportionnel applicable aux cigares et d'augmenter fortement les minima.

Il est en effet nécessaire de pousser les prix vers le haut pour éviter que les cigares les plus vendus n'aient un prix inférieur à celui des cigarettes les plus vendues ! Si notre politique avait pour effet de déporter la consommation de cigarettes vers les cigarillos, reconnaissez que ce ne serait pas très satisfaisant au plan de la santé publique. Il y a donc une logique.

M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. J'avoue que je ne comprends pas la position du Gouvernement. Il y a fabricant de cigares et fabricant de cigares, ne l'oublions pas ! Il y a ceux qui sont à l'étranger, et pour lesquels le marché français représente quelque 2 %, et puis Altadis, pour lequel il représente 30 %. Voilà une première différence importante que l'on ne peut pas ne pas prendre en considération.

Par ailleurs, il ne s'agit pas ici des cigares tels qu'on peut les voir...

M. Michel Charasse. ... dans les couloirs du Sénat !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Par exemple ! (Sourires.) Il s'agit des cigarillos, et plus particulièrement des Café crème, qui sont fumés par beaucoup au même titre que des cigarettes.

L'amendement de M. Charasse tend seulement à ce que ces cigares ne supportent pas une augmentation plus importante que les cigarettes elles-mêmes, dont on sait par ailleurs que le prix a déjà beaucoup augmenté, mais c'est là un autre débat dans lequel je n'entre pas, en tout cas pour l'instant.

C'est pourquoi la solution proposée par M. le rapporteur paraît sage. Il faut adopter cet amendement de manière que la commission mixte paritaire puisse faire le point sur l'ensemble du problème.

J'insiste donc pour que vous en décidiez ainsi.

M. le président. La parole est à M. Michel Charasse, pour explication de vote.

M. Michel Charasse. A ce point de la discussion, il ne me semble pas inutile, comme l'a fait M. le rapporteur, de rappeler les circonstances du débat de cette nuit.

La commission des affaires sociales avait souhaité traiter de la totalité de la fiscalité sur le tabac, en proposant de transférer dans le présent projet de loi de financement de la sécurité sociale les dispositions sur le tabac qui figurent aux articles 24 et 25 du projet de loi de finances pour 2004.

Il se trouve que, cette nuit, le Sénat n'a pas suivi cette suggestion. Mais la position de la commission des affaires sociales conserve toute sa logique. Si le Sénat ne l'a pas suivie, c'est à la suite du dialogue intervenu entre la commission des finances, qui souhaitait conserver ses prérogatives,...

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Elle n'avait pas compris que le vote ne changeait rien !

M. Michel Charasse. ... et la commission des affaires sociales, qui souhaitait que les siennes aillent jusqu'au financement total du budget de la sécurité sociale par les taxes les plus diverses.

Mais j'ai surtout retenu de ce débat, en dehors de la discussion née entre les deux commissions et dans laquelle je n'interviendrai pas, la proposition du président Arthuis d'essayer de rapprocher les points de vue des deux commissions en faisant une expertise commune du sujet, et notamment des amendements d'hier soir, d'ici à l'examen de la loi de finances.

Si l'on ne modifie pas l'article 4 - et ce que je propose n'ébranle pas les colonnes du temple ; le rapporteur a bien voulu le constater - il fera l'objet d'un vote conforme et il n'y aura plus de discussion possible en commission mixte paritaire. Ceux qui s'intéressent à ce débat et qui souhaitent que la commission des affaires sociales puisse, elle aussi, exercer ses prérogatives sans empiéter pour autant sur celles de la commission des finances ne pourront pas être satisfaits par une situation dans laquelle ils seront complètement « ficelés » en CMP, puisque la messe sera dite dès la fin de la première lecture dans chaque assemblée.

En outre, comme l'a dit M. Dreyfus-Schmidt, il s'agit de cigarillos - Café crème, etc - qui sont fumés par une minorité de gens. Il y a beaucoup moins de fumeurs de cigares et de petits cigares que de cigarettes. D'ailleurs, à mon goût, c'est préférable, car les petits cigares sentent parfois horriblement mauvais ! (Sourires.)

M. Paul Blanc. Les gros aussi ! (Nouveaux sourires.)

M. Michel Charasse. Les gros beaucoup moins, car les petits cigares sont assez concentrés !

Monsieur le ministre, cela m'étonne de vous, parce que vous êtes un homme de coeur, vous l'avez montré à plusieurs reprises. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. Guy Fischer. Non !

M. Michel Charasse. Si ! On peut juger l'homme politique, on peut juger aussi le médecin, le professeur de médecine. Si M. le ministre est, comme tous les politiques, contesté, il ne l'est pas du point de vue professionnel, au contraire.

Je ne comprends donc pas, monsieur le ministre, que vous soyez aussi indifférent au problème de l'emploi. C'est quand même dramatique. Actuellement, nos collègues de Strasbourg, qui sont frontaliers, sont envahis par la contrebande qui vient de l'étranger. Comme je le disais hier, maintenant, dans le moindre village de France, on peut obtenir à la sauvette des cigarettes à tarif réduit. L'usine de Strasbourg, qui est la seule usine de France à fabriquer des cigares, risque de fermer demain.

M. Raymond Courrière. Et Chamalières !

M. Michel Charasse. A Chamalières, ce sont les billets de banque, mon cher ami ! Je suis né à Chamalières, mais je n'y suis pour rien, et celui auquel vous pensez et auquel d'autres pensent peut-être aussi n'y est pour rien non plus. (Rires.) Moi, j'y suis né, et lui est arrivé après la bataille. (Nouveaux rires.)

M. le président. Nous n'avons pas compris de qui vous parliez !

M. Michel Charasse. Vous n'avez pas compris de qui je parlais ?

M. Raymond Courrière. C'était une incidente !

M. Michel Charasse. La prochaine fois j'ajouterai peut-être « de l'Académie française ». Ainsi, tout le monde comprendra !

Cela étant, mes chers collègues, pour ne pas fermer le débat aujourd'hui et afin de laisser un peu d'espoir en matière d'emploi à une région qui a aussi ses propres problèmes - et je regrette qu'aucun collègue d'Alsace ne soit présent ce matin, car il pourrait confirmer ce que je viens de dire - je souhaite que nous adoptions l'amendement que je présente à l'article 4.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Jean-François Mattei, ministre. Je tiens d'abord à rassurer le Sénat sur l'avenir de l'usine de Strasbourg.

Comme vous le savez, monsieur Charasse, les capacités de production de cigares du groupe Altadis sont excédentaires, tant en France qu'en Espagne. En France, l'atelier de Morlaix devrait fermer à la fin du mois d'août 2004 et la production devrait être transférée sur le site de Strasbourg, qui est trois fois plus important. (M. Michel Charasse s'exclame.)

Par conséquent, n'agitez pas le risque d'une fermeture du site de Strasbourg, alors que sa production va, au contraire, être renforcée !

Par ailleurs, monsieur Charasse, avec tout le respect et l'amitié que l'on peut avoir pour vous, vous ne pouvez pas laisser penser, comme vous l'avez fait hier, qu'il y aurait cigare et cigare.

M. Michel Charasse. Mais si !

M. Jean-François Mattei, ministre. C'est toujours du tabac, que vous le vouliez ou non !

M. Michel Charasse. Bien sûr !

M. Jean-François Mattei, ministre. Je n'accepte pas, je le répète, que vous subordonniez l'enjeu de santé publique à telle ou telle forme de tabac.

Si le Sénat vote votre amendement, vous pouvez être sûr que l'opinion publique sera bien renseignée demain. Vous pourrez lire à la une de la presse : « Le Sénat vote la diminution de la fiscalité sur le tabac ». Eh bien ! comprendra qui peut !

M. Michel Charasse. Vous proposez vous-même de suspendre la fiscalité pendant quatre ans, parce que vous avez des problèmes avec les buralistes ! On ne peut pas compromettre les activités industrielles !

M. le président. La parole est à M. Adrien Gouteyron, rapporteur pour avis, pour explication de vote.

M. Adrien Gouteyron, rapporteur pour avis de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, nous avons assisté, cette nuit, à un débat intéressant, passionné et extrêmement complexe, parce que s'enchevêtraient des considérations économiques, des considérations sur l'emploi, des considérations de santé publique et des considérations budgétaires. S'y ajoutaient des considérations qui tiennent aux relations entre le projet de loi de financement de la sécurité sociale et le projet de loi de finances, et, par conséquent, entre la commission des affaires sociales et la commission des finances.

La position que nous avons été amenés à prendre nous conduisait nécessairement à faire l'impasse sur un certain nombre de considérations. Il fallait choisir : « Devine si tu peux et choisis si tu l'oses ». Le vote est ce qu'il a été, nous n'y revenons pas !

M. Roland Muzeau. Nous le regrettons !

M. Adrien Gouteyron, rapporteur pour avis. Ce matin, nous nous retrouvons dans le même embarras et l'argument de M. le ministre a pour moi beaucoup de force. C'est d'ailleurs ce qui a motivé mon vote hier.

Toutefois, il est une considération qui me conduira sans doute à voter dans le sens recommandé par Michel Charasse.

Pour des raisons de clarté, il est indispensable, en effet, que la commission mixte paritaire puisse traiter de ce sujet et nous n'avons pas d'autre moyen, si nous le voulons, que de voter cet amendement.

Dès lors, je voudrais que l'on considère que mon vote ne porte pas adhésion sur le fond, monsieur Charasse : il n'a d'autre objectif que de permettre de reprendre ce débat en commission mixte paritaire. Car avec tout le talent que l'on vous connaît, tout à l'heure, dans votre explication de vote et dans votre présentation de l'amendement, vous avez encore entremêlé plusieurs considérations.

Il faudra bien « détricoter » tout cela, si je puis dire, mais je souhaite que ce soit fait en commission mixte paritaire. Telle est la raison pour laquelle je voterai cet amendement, sans m'engager sur le fond, je le répète. Je ne voudrais pas que cela soit pris comme un signal négatif à l'égard de M. le ministre et de la politique de santé qu'il entend mener, politique à laquelle, je crois, nous adhérons tous. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Alain Vasselle, rapporteur.

M. Alain Vasselle, rapporteur. Adrien Gouteyron, rapporteur pour avis sur la loi de financement de la sécurité sociale, a été parfait et je n'ai rien à ajouter à ce qu'il vient de dire. Je souhaite simplement revenir brièvement sur le débat que nous avons eu hier et qui a d'ailleurs entraîné le vote de certains de nos collègues à partir d'informations qui n'étaient pas exactes.

En effet, le rapporteur général, M. Philippe Marini, est intervenu en séance pour nous expliquer qu'il ne fallait pas voter l'amendement miroir de la commission des affaires sociales, car, dès lors, la commission des finances serait privée de son pouvoir d'agir sur la répartition des droits sur le tabac entre le budget de l'Etat et le budget de la sécurité sociale.

Laisser penser à nos collègues qu'en ne votant pas l'amendement miroir la commission des finances aurait les mains libres pour pouvoir agir comme elle le souhaiterait le moment venu est inexact. En effet, lorsque nous adopterons l'article 13, nous voterons les agrégats de recettes et la commission des finances ne pourra plus revenir sur les dispositions que nous aurons adoptées.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Absolument !

M. Alain Vasselle, rapporteur. Ainsi, certains de nos collègues ont cru bien faire en ne votant pas l'amendement de la commission des affaires sociales, pour lequel le Gouvernement s'en était remis à la sagesse du Sénat.

Adrien Gouteyron a eu raison de dire que nous adhérions complètement à l'objectif que s'est fixé M. le ministre. Mais il faut bien que nous remettions de l'ordre et de la clarté dans la fiscalité du tabac. Or le seul moyen d'y parvenir, c'est d'adopter cet amendement, afin que le problème soit réexaminé en commission mixte paritaire.

M. Michel Charasse. Eh bien voilà !

M. Alain Vasselle, rapporteur. Il s'agit d'une question non pas de fond, mais de procédure.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Jean-François Mattei, ministre. Je souhaite d'abord remercier M. Gouteyron de sa franchise : il reconnaît le bien-fondé des arguments du ministre de la santé et il souhaite que le débat se poursuive en commission mixte paritaire.

M. Adrien Gouteyron, rapporteur pour avis. Absolument !

M. Jean-François Mattei, ministre. Si j'ai bien compris, c'est aussi la volonté à la fois du rapporteur et du président de la commission des affaires sociales.

M. Michel Charasse. Et de l'auteur de l'amendement !

M. Jean-François Mattei, ministre. Je vous propose donc un sous-amendement à l'amendement de M. Charasse, qui ne vous laissera pas entraîner sur une pente qui serait contraire à la santé publique. Ce sous-amendement a pour objet de supprimer le II de l'amendement et de remplacer le taux « 21 % » par le taux « 24 % ».

Vous pouvez ainsi constater que l'objectif n'est pas de diminuer les droits sur le tabac. En outre, cette rectification vous permettra de revoir cette question en commission mixte paritaire, puisque tel est, me semble-t-il, le but recherché.

M. le président. Je suis donc saisi d'un sous-amendement n° 256, présenté par le Gouvernement, et qui est ainsi libellé :

« I. - Supprimer le II de l'amendement n° 53.

« II. - Dans le I de cet amendement, remplacer le taux : "21 %" par le taux : "24 %". »

Quel est l'avis de la commission sur ce sous-amendement ?

M. Alain Vasselle, rapporteur. Favorable.

M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote sur le sous-amendement n° 256.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je comprends l'esprit dans lequel M. le ministre dépose ce sous-amendement, mais je dois dire que je n'en saisis pas la pertinence. En effet, l'amendement de Michel Charasse tend uniquement, par souci d'égalité, à aligner la progression de la fiscalité des cigares, en particulier les cigarillos, sur celle ces cigarettes.

Monsieur le ministre, tout à l'heure, vous avez dit : cigare ou cigarillos, c'est toujours du tabac ! Les cigarettes aussi ! Je ne connais pas l'avis de notre collègue Michel Charasse sur ce sous-amendement ; il va peut-être prendre la parole tout à l'heure et nous le donner. Mais, pour ma part, je trouvais que son amendement était parfait : il allait même un petit peu plus loin pour les cigarettes en proposant 21 %, là où le Gouvernement avait prévu 20 %.

M. le président. La parole est à M. Paul Blanc, pour explication de vote.

M. Paul Blanc. J'avoue que j'ai quitté le Sénat hier soir non pas avec un sentiment de culpabilité,...

M. Jean Chérioux. D'amertume !

M. Paul Blanc. ... mais avec l'impression que le débat, qui pourtant avait été très long, restait malgré tout inachevé.

Je n'oublie pas que j'ai vu mon père, qui fumait deux paquets de cigarettes par jour, mourir d'un cancer du poumon. Et je me suis juré, comme Jean-François Mattei après avoir reçu les confidences de l'un de ses patients, de tout faire pour que ce fléau ne touche plus l'ensemble de la population française.

Aujourd'hui, je suis meurtri quand je vois ces jeunes, et tout spécialement ces jeunes femmes, qui, dès huit heures du matin, vont prendre le métro la cigarette aux lèvres.

M. Raymond Courrière. Pour se rendre au collège !

M. Paul Blanc. Hier soir, j'ai suivi le Gouvernement, parce que je pensais que tel était mon devoir. Aujourd'hui, je suis très heureux de ce que je viens d'entendre, en particulier de la proposition que vient de nous faire M. le ministre. C'est un débat extrêmement grave et sérieux et, finalement, je regrette un peu que la commission des affaires sociales n'ait pas eu le temps de débattre au fond de cette question.

Bien entendu, je vais suivre la proposition de M. le ministre et voter le sous-amendement qu'il a déposé. Cela permettra de reprendre le débat en commission mixte paritaire. C'est un problème de santé publique, mais certains aspects économiques de notre pays sont également en cause.

M. Michel Charasse. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Michel Charasse, pour explication de vote.

M. Michel Charasse. Je formulerai trois considérations.

Premièrement, je ne veux pas laisser penser que je fais partie de ceux qui considèrent qu'il ne faut pas lutter contre le tabac : ce n'est pas vrai ! Mais, mes chers collègues, ce qui me paraît dramatique dans cette affaire, c'est que l'usage du tabac est aujourd'hui souvent le fait de jeunes que les parents laissent faire, quand ils ne leur apprennent pas à fumer, y compris alors qu'ils sont encore mineurs. On pourra toujours dire et faire ce que l'on voudra, la société ne pourra jamais se substituer à l'autorité parentale, ni là, ni ailleurs !

A partir du moment où les parents démissionnent, je ne vois pas très bien ce que l'on peut faire de plus.

M. Adrien Gouteyron, rapporteur pour avis. C'est vrai, monsieur Charasse !

M. Michel Charasse. Deuxièmement, je souhaiterais soulever une question de procédure.

Au fond, cette nuit, la commission des affaires sociales nous a proposé un « paquet cadeau » complet qui regroupait toute la fiscalité sur le tabac. Il se trouve qu'une partie de ce « paquet cadeau » a été renvoyée à la commission des finances, avec un engagement d'expertise commune d'ici à la discussion du projet de loi de finances.

Si nous souhaitons en reparler en commission mixte paritaire, il faut bien qu'il y ait un élément pour engager le débat. Or la seule disposition qui reste dans ce texte concernant le tabac, c'est l'article 4, qui se trouvait lui-même, initialement dans votre texte, monsieur le ministre, puisque c'est vous qui l'y avez mis. Si cet article 4 n'est pas modifié, donc s'il est adopté conforme, c'est terminé ! En effet, la commission mixte partitaire ne peut se préoccuper que des dispositions restant en discussion, aux termes de l'article 45 de la Constitution.

Par conséquent, si le Sénat veut poursuivre cette discussion en commission mixte paritaire, il n'a pas d'autre moyen que d'adopter l'amendement.

Troisièmement, si l'introduction de cet élément permet, en effet, de ne pas boucler la boucle et de relancer le débat en commission mixte paritaire, permettez-moi de vous dire, monsieur le ministre, que votre proposition est dérisoire : elle ne change pas grand-chose ! On peut voter n'importe quel taux, on sait très bien qu'il ne sera pas définitif !

M. Adrien Gouteyron, rapporteur pour avis. Et l'affichage ?

M. Michel Charasse. Il n'y a pas d'affichage ici !

M. Adrien Gouteyron, rapporteur pour avis. Si !

M. Michel Charasse. Si affichage il y a, il est très provisoire : l'affiche sera arrachée dès demain matin !

Par conséquent, moi, je m'en tiens à ma proposition. Je voterai, à titre de repli...

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Le cas échéant !

M. Michel Charasse. Oui, le « cas échéant » ou « notamment »... (Sourires.) Plutôt « le cas échéant », mon cher collègue !

Donc, je voterai éventuellement, à titre de repli, la proposition du Gouvernement, mais je trouve que l'on perd un peu de temps.

M. le président. La parole est à M. Jean Chérioux, pour explication de vote.

M. Jean Chérioux. Il faut que les choses soient claires. Un amendement nous a été proposé. A l'évidence, il heurtait une grande partie de la majorité. Accepter cet amendement revenait, en effet, à désavouer le Gouvernement et sa politique, quelles que soient les déclarations faites.

Or, ne l'oublions pas, l'important n'était pas tant la position que nous adoptions ici les uns et les autres, que les commentaires qu'en aurait fait la presse après : « Désaveu du Gouvernement. - Le Sénat remet en cause la politique du tabac du Gouvernement. » C'est ainsi que cela aurait été interprété, et vous le savez très bien, chers collègues.

Voilà pourquoi, compte tenu de ce risque, il était très difficile pour nous de prendre position. Mais M. le ministre a eu la sagesse de nous proposer ce sous-amendement - le Sénat y est sans doute pour quelque chose (Sourires) - et, ce faisant, a levé, pour nous, l'hypothèque.

Tout est donc maintenant simple : le sous-amendement est indispensable pour que moi et certainement beaucoup de mes collègues de la majorité votions l'amendement de M. Charasse.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires sociales.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Je ne voudrais pas que la presse se fasse l'écho du débat d'hier soir en se trompant sur sa portée : il s'agissait non pas de santé publique, mais uniquement d'un problème de financement du BAPSA.

M. Michel Charasse. Exactement !

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. D'ailleurs, M. le ministre a tenu lui-même à dire que la hausse proposée n'induirait pas d'augmentation du prix du tabac. En conséquence, ni les uns ni les autres ne peuvent être taxés d'avoir voulu favoriser ou freiner la vente du tabac. L'idée, je le rappelle, était de tripler la taxe qui profite au BAPSA et, ainsi, de gérer un problème budgétaire. C'est tout !

Pour notre part, nous n'avons fait que proposer une autre façon de faire, mais pour aboutir au même résultat.

Il s'agissait aussi de calmer un peu la grogne de certains, compte tenu des hausses importantes intervenues, en évitant la hausse de janvier et en prévoyant une augmentation éventuelle du prix du tabac au 1er juillet pour avoir un objectif de santé publique.

La commission des affaires sociales est donc partie d'un dossier qui n'avait rien à voir avec la santé publique pour essayer d'en faire un dossier de santé publique et d'avoir une influence sur la santé des citoyens français.

Nous ne voudrions donc pas que l'on nous reproche aujourd'hui d'avoir tenté de nous opposer à la politique du Gouvernement, alors que nous étions les seuls à avoir une motivation de santé publique dans le débat d'hier soir. Donc, ne nous trompons pas !

Certains ont cru y voir une opposition entre la commission des finances et la commission des affaires sociales : c'est leur affaire, pas la nôtre !

En tous les cas, nous souhaitons pouvoir débattre au fond en commission mixte paritaire, et nous ne nous sentirons liés par aucune des décisions qui ont été adoptées hier soir, parce que tel est le rôle de la commission mixte paritaire, mais nous ne pourrons effectivement aller jusqu'au bout de notre démarche, c'est-à-dire de notre devoir de santé publique, que si l'amendement sous-amendé par le Gouvernement est adopté. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 256.

(Le sous-amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 53, modifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 251, présenté par M. Vasselle, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :

« Dans le II de cet article, remplacer la somme : "128 euros" par la somme : "145 euros".

« II. _ Rédiger comme suit le IV du présent article :

« IV. _ Les dispositions des I et III de cet article entrent en vigueur le 5 janvier 2004. Les dispositions du II du présent article entrent en vigueur le 1er juillet 2004. »

La parole est à M. Alain Vasselle, rapporteur.

M. Alain Vasselle, rapporteur. Je retire cet amendement, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 251 est retiré.

Je mets aux voix l'article 4, modifié.

(L'article 4 est adopté.)