M. Thierry Foucaud. Vous l'aurez compris, il s'agit d'un amendement de principe.

En proposant cet amendement de suppression de l'article 40, nous manifestons notre refus de voir le revenu minimum d'insertion - et, demain, le revenu minimum d'activité - confié aux départements.

La mise en oeuvre du revenu minimum d'insertion procéde d'une certaine manière, de la solidarité nationale. En confier la mise en oeuvre à l'échelon décentralisé est donc clairement une erreur : un tel transfert sera source de futures discriminations pour les allocataires eux-mêmes.

Ce qui pose également problème, c'est le principe retenu pour financer le transfert, qui est, je dois le dire, particulièrement important. Il s'agit en effet de consacrer une partie du produit de la taxe intérieure sur les produits pétrolier, la TIPP, au financement du transfert du RMI.

Je ferai plusieurs observations, car nous pouvons légitimement craindre que, demain, la TIPP ne serve décidément à bien des choses, puisqu'il s'agit ici, sur la foi notamment des résultats et des éléments disponibles, de mettre sur la table 5 027 millions d'euros pour financer le transfert du RMI.

On notera d'ailleurs que l'essentiel de ce partage, près de 3 milliards d'euros, est fourni par la taxation du gazole, qui, après l'adoption de l'article 11, est, je dois le dire, fortement sollicitée.

Ce choix de la TIPP pose plusieurs problèmes. On peut même penser qu'il en crée plus qu'il n'apporte de solutions. En effet, comme M. Marini le rappelle dans son rapport, la progression des dépenses liées au RMI est plus forte, depuis 1988, que ne peut l'être celle des recettes de la TIPP. De plus, et nous en avons largement débattu lors de l'examen de l'article 11, tout laisse à penser que l'on a largement atteint les limites du possible en matière de taxation des produits pétroliers.

Notons par exemple que, à la date du 30 septembre dernier, la progression du produit de la TIPP constatée était inférieure à celle qui est attendue en loi de finances. Il s'en fallait en effet de 0,6 %, et tout laisse à penser qu'il suffirait que la météo de cette fin d'automne et de ce début d'hiver soit relativement clémente pour que le produit fiscal constaté soit inférieur aux prévisions.

Très rapidement, nos débats budgétaires devront aboutir à majorer, ou en tout cas à infléchir le taux du prélèvement sur le produit de la TIPP pour faire coïncider, le montant reversé aux départements et la dépense effective liée au RMI.

De surcroît, chacun de nous sait pertinemment que la dépense liée au RMI est déjà, pour partie, confiée aux départements - d'ailleurs sans compensation de l'Etat - et que le nombre des allocataires connaîtra en janvier prochain une soudaine poussée du fait du basculement d'un certain nombre d'allocataires de l'ASS vers le RMI.

Tout se passe comme si, de filet de sécurité en filet de sécurité, une part croissante de nos compatriotes était progressivement mise hors du jeu social et confinée dans l'exclusion.

Reste le débat sur la modulation de la ressource fiscale transférée. Nous sommes parfaitement opposés au principe qui voudrait que l'on appliquât une modulation de la TIPP transférée en fonction des besoins des uns et des autres. Nous ne croyons pas à une telle modulation. Elle aboutirait à ajouter aux besoins de financement de tel ou tel département confronté à la charge du RMI les aléas de la spéculation monétaire internationale sur le dollar, monnaie d'échange du pétrole, ainsi que ceux de la rentabilité des compagnies pétrolières - rentabilité qui, d'ailleurs, ne se dément pas - et de l'alourdissement des taxes, lesquelles, je le rappelle, représentent déjà au moins 70 % du prix des carburants. Même si cela peut avoir un effet très secondaire sur le prix à la pompe de tel ou tel carburant, vous me permettrez de trouver quelque peu malvenue l'idée que, demain, les prix pourraient varier selon le nombre de RMIstes, le niveau d'économies réalisées sur la gestion du service ou encore le nombre d'allocataires contraints de passer par la voie du RMA.

C'est donc aussi pour refuser clairement cette perspective que nous vous invitons à adopter cet amendement.

(M. Guy Fischer remplace M. Bernard Angels au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. GUY FISCHER

vice-président

M. le président. La parole est à M. Gérard Miquel, pour présenter les amendements n°s I-173 et I-174.

M. Gérard Miquel. Par l'amendement n° I-173, nous proposons que l'Etat assure chaque année une évolution de la part du produit de la taxe intérieure sur les produits pétroliers (TIPP) transférée aux départements qui soit au moins égale à celle de la dotation globale de fonctionnement (DGF) et ce, grâce à la majoration de la dotation générale de décentralisation des départements.

A compter de 2004, l'évolution des recettes de la TIPP des départements dépendra exclusivement de la consommation de carburant sur le territoire national, puisque, les conseils généraux ne pouvant pas, à leur grand regret, voter le taux de cet impôt, seule son assiette en déterminera le produit.

En pratique, l'évolution des recettes de la taxe intérieure sur les produits pétroliers n'est pas très dynamique : elles ont progressé de 2,12 % en 1998, de 5,07 % en 1999 et de 2,40 % en 2002 ; en revanche, elles ont reculé de 1,5 % en 2000 et de 3,6 % en 2001, en raison de la mise en place de la TIPP flottante. Or rien ne garantit que l'Etat ne créera pas à l'avenir un mécanisme similaire à la TIPP flottante ni qu'il n'exonérera pas telle ou telle catégorie de consommateurs, sous un quelconque motif, sans compenser la perte de recettes en résultant pour les collectivités territoriales.

Par ailleurs, la consommation de carburant fluctue avec la conjoncture économique, alors que les ressources traditionnelles des départements y sont moins sensibles.

En outre, la diésélisation croissante du parc automobile, que chacun peut constater, ne peut qu'impliquer, à l'avenir, une moindre croissance des recettes de la taxe intérieure sur les produits pétroliers, puisque le gazole est moins taxé que le super sans plomb. Cette tendance pourrait être renforcée par l'apparition et le développement très rapide des énergies dites propres, que nous encourageons chaque année dans les lois de finances à coups de crédits d'impôt : gaz de pétrole liquéfié (GPL), gaz naturel véhicule (GNV) et véhicules électriques.

Mes chers collègues, compte tenu des contraintes environnementales que nous connaissons, il est probable que le pétrole n'ait plus sa place au XXIe siècle. Par ailleurs, je rappelle que les impôts locaux actuels, notamment la taxe d'habitation, la taxe professionnelle et la taxe foncière, ont été créés, à la Révolution, comme impôts d'Etat. Au cours des siècles, l'Etat s'est ensuite doté d'impôts plus modernes, tels l'impôt sur le revenu ou la TVA. Il a alors transféré les « quatre vieilles » aux collectivités locales et s'en est depuis lors désintéressé. On en constate le résultat aujourd'hui : les impôts locaux sont à bout de souffle. Il ne faudrait pas que l'opération se renouvelle avec la TIPP.

Il convient donc de se prémunir contre l'ensemble des risques que j'ai évoqués, ce que permettrait l'amendement que je défends. En effet, s'il était adopté, les départements percevraient une part du produit de la TIPP progressant au moins aussi vite que la DGF ; dans l'hypothèse où elle progresserait plus vite que la DGF, ils conserveraient bien évidemment ce surplus.

Monsieur le ministre, vous affirmez que la TIPP est une recette dynamique. J'en déduis que vous émettrez un avis favorable sur cet amendement, car, si tel est vraiment le cas, les dispositions qu'il contient ne s'appliqueraient jamais et ne coûteraient jamais le moindre centime au budget de l'Etat ! En revanche, si la TIPP se révélait être une recette sans avenir, il est incontestable que l'Etat devrait mettre la main à la poche.

Le groupe socialiste propose donc au Sénat d'adopter cet amendement, véritable filet de sécurité pour les départements.

L'amendement n° I-174, pour sa part, tend à majorer de 1 milliard d'euros la part du produit de la taxe intérieure sur les produits pétroliers affectée aux départements. Il vise ainsi à compenser réellement le transfert du RMI aux départements et la création du RMA. En effet, M. le rapporteur général a démontré avec pertinence dans son rapport - nous l'avons lu avec une grande attention et nous y avons trouvé des suggestions très intéressantes, en particulier celle-ci - que l'article 40 n'y suffisait pas.

Ces ressources supplémentaires permettraient aux départements de faire face à l'augmentation, en 2004, du nombre de bénéficiaires du RMI liée à la réduction du délai de versement de l'allocation spécifique de solidarité. En outre, elles assureraient la compensation financière de la création du RMA, celle-ci n'étant pas prise en compte par le Gouvernement dans le calcul de la part du produit de la TIPP octroyée aux départements. Enfin, elles permettraient aux départements de pallier l'absence de transfert des personnels des DDASS - directions départementales des affaires sanitaires et sociales - actuellement affectés à la gestion du RMI.

Telles sont les raisons pour lesquelles le groupe socialiste vous propose d'adopter l'amendement n° I-174.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général, pour présenter l'amendement n° I-297 rectifié.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Cet amendement est particulièrement important.

Rappelons, mes chers collègues, que la mise en place du revenu minimum d'activité va se traduire par un surcoût par rapport au régime antérieur du revenu minimum d'insertion. Ce surcoût a été chiffré dans ses grandes lignes par l'administration, à notre demande : il s'élèverait à 14 millions d'euros, en ordre de grandeur, et l'Assemblée nationale en tient compte puisque Mme Christine Boutin le cite dans son rapport sur le projet de loi portant décentralisation en matière de revenu minimum d'insertion et créant un revenu minimum d'activité.

Par ailleurs, la modification des dispositions relatives à l'allocation de solidarité spécifique peut conduire, dans des proportions que nous ne connaissons pas ex ante avec rigueur, à alourdir la dépense liée au RMI et sans doute aussi, par voie de conséquence, celle qui découlera du RMA. Pour ce second aspect, il n'existe pas, à ma connaissance, de chiffrage bien compréhensible.

Quoi qu'il en soit, les départements ont raison de manifester des inquiétudes et de faire valoir les principes qu'il faut appliquer en la matière : équivalence entre la création de compétences et la mise en place des moyens financiers correspondants, mais aussi transparence dans la détermination du surcoût et dans sa régularisation.

La commission des finances, monsieur le ministre, propose donc par le présent amendement un dispositif qui lui paraît être de nature à apaiser ces craintes et à mettre en pratique les principes constitutionnels ou, tout simplement, de saine gestion de l'Etat et de nos collectivités.

Dans un premier temps, la charge supplémentaire au titre de l'année 2004 serait prise en compte dans la détermination de la fraction de la taxe intérieure sur les produits pétroliers revenant aux départements qui sera adoptée dans la loi de finances rectificative, que nous examinerons à la fin de 2004.

Cette modification, décidée sur la base, encore une fois, d'une évaluation et non de chiffres définitifs, prendra en compte, en particulier, les effets induits par la réduction de la durée de versement de l'ASS sur le nombre d'allocataires du RMI et du RMA. La compensation versée aux départements ferait ainsi l'objet d'une régularisation dans le collectif budgétaire, et la fraction de la TIPP pour l'année 2004 serait recalculée en fonction des éléments disponibles à ce moment-là.

Mais, monsieur le ministre, cette première régularisation ne suffisant pas, il faut en envisager une seconde. Le niveau définitif de la TIPP à transférer devra être arrêté - tel est l'objet de notre amendement - lors de l'adoption de la plus prochaine loi de finances après la communication des montants définitifs des dépenses exécutées par les départements en 2004 au titre du RMI et du RMA.

En effet, la limitation de la durée de versement de l'ASS intervenant à compter du 1er juillet 2004, il sera nécessaire de disposer des informations relatives au nombre d'allocataires supplémentaires du RMI et du RMA résultant de cette mesure, d'une part, pour arrêter le niveau définitif de la part de la TIPP revenant aux départements et, d'autre part, pour connaître le coût de la création du revenu minimum d'activité.

Monsieur le ministre, ce dispositif a été conçu de la façon la plus rigoureuse possible. Il n'est pas une merveille de simplicité, mais deux critères sont respectés : le premier, c'est le travail en confiance entre l'Etat et les départements, du fait de cette transparence ; le second, c'est la prise en compte du facteur temps. Il aurait en effet été possible de repousser la compensation au moment où toutes les données comptables incontestables auraient été disponibles, mais, quelle que soit l'importance des sommes, il en serait résulté pour les département une charge en trésorerie qu'ils n'ont pas lieu de supporter. C'est pourquoi nous préconisons un règlement en deux étapes, la première à la fin de 2004 et la seconde en 2005.

Monsieur le ministre, ce dispositif - du moins je l'espère - pourrait permettre au Gouvernement, par votre intermédiaire, de délivrer le message qu'attendent les collectivités territoriales. Les transferts de compétences, la décentralisation, supposent que nous nous attelions ensemble à une même tâche de rationalisation des services publics et de réforme de l'ensemble du secteur public, tant à l'échelon de l'Etat qu'à celui des collectivités territoirales. Pour que nous soyons efficaces, il faut que ne subsiste aucune part, si faible soit-elle, de doute, voire de soupçon, entre les partenaires. C'est le souhait du Sénat, c'est le voeu qu'il exprime par cet amendement, et nous espérons, monsieur le ministre, qu'il vous sera possible d'y accéder.

M. le président. La parole est à M. Claude Haut, pour défendre le sous-amendement n° I-302.

M. Claude Haut. L'amendement, n° I-297 rectifié, monsieur le rapporteur général, est intéressant, mais je suis surpris de constater qu'il est insuffisant, puisqu'il ne corrige pas l'absence de compensation financière de la charge résultant pour les départements du non-tranfert des personnels participant à la gestion du RMI, ce qui est une transgression directe des dispositions de la Constitution.

Vous écrivez, monsieur le rapporteur général : « Pour votre commission des finances, il va de soi que ces dépenses devront être comprises dans l'évaluation des charges transférées aux départements, dès lors qu'elles leur incomberont, à compter du transfert du RMI. »

Un peu plus loin, vous précisez votre pensée : « Votre rapporteur général estime nécessaire que le Gouvernement s'engage à transférer les personnels concernés aux départements et à compenser la charge financière correspondant à ce transfert. »

Enfin, monsieur le rapporteur général, vous évaluez l'effectif des personnels en question à 150 agents, mais vous notez par ailleurs que certaines dispositions du projet de loi portant décentralisation du RMI et création du RMA « entraîneront une charge de personnel supplémentaire par rapport à la charge actuellement supportée par l'Etat ».

Compte tenu de ces observations, il paraît indispensable d'inclure les personnels participant à la gestion du RMI dans le champ de la mesure contenue dans votre amendement. Il n'y pas de raison de faire un chèque en blanc au Gouvernement sur cette question alors que nous serions beaucoup plus fermes pour l'ASS et pour la création du RMA !

Je précise au passage que M. le rapporteur général évalue le coût du RMA à 14 millions d'euros, soit un montant nettement inférieur à la rémunération des 150 agents que je mentionnais tout à l'heure.

M. le président. Je suis saisi d'un sous-amendement n° I-305, présenté par M. Charasse et ainsi libellé :

« I. - Dans le deuxième alinéa de l'amendement n° I-297 rectifié, remplacer les mots : " est modifié par une prochaine loi de finances afférente à " par les mots : " sera ajusté par la loi au cours de " et remplacer les mots : " Cette modification tient compte " par les mots :" , afin de tenir compte ".

« II. - Dans le troisième alinéa de cet amendement, remplacer les mots : " est arrêté par la plus prochaine loi de finances après la connaissance des " par les mots : " sera arrêté par la loi dès que seront connus les ", et, dans la deuxième phrase de cet alinéa, remplacer les mots : " Il tient compte " par les mots : " Il tiendra compte ". »

La parole est à M. Michel Charasse.

M. Paul Loridant. On n'a pas le sous-amendement !

M. Michel Charasse. Mes chers collègues, vous ne pouvez pas l'avoir, car je l'ai déposé à l'instant, mais, vous allez le constater, ce sous-amendement est très simple et il n'est, bien sûr, pas incompatible avec celui que M. Haut vient de présenter au nom de mon groupe.

Je crains que, dans la rédaction de la commission des finances, à laquelle j'ai été associé, puisque j'ai participé aux réunions, la première phrase de l'amendement ne soit interprétée comme une injonction par le Conseil constitutionnel.

Je propose donc de remplacer les mots : « est modifié par une prochaine loi de finances » par les mots « sera ajusté par la loi au cours de ». Pourquoi ? Je dois dire tout d'abord que le Conseil constitutionnel, qui examine toujours la loi de finances, peut voir une injonction dans le terme « est ». Je passe donc du présent au futur. Ensuite, monsieur le rapporteur général, vous visez en effet, dans les deux premiers alinéas de votre amendement, « une prochaine loi de finances afférente à l'année 2004 » puis « la plus prochaine loi de finances après la connaissance des montants définitifs ». Je crains qu'on ne finisse par considérer qu'en matière de DGF, de DGE ou de compensations aux collectivités locales il y a un monopole des lois de finances. Or, nous savons tous, mes chers collègues, que les dispositions concernant les collectivités locales, y compris les dispositions financières, ne sont pas forcément du ressort des lois de finances.

Par conséquent, cet amendement, dans sa rédaction actuelle - mais on ne peut en faire le reproche à M. le rapporteur général, qui y beaucoup travaillé -, a l'inconvénient, au deuxième alinéa en particulier, en renvoyant à la plus prochaine loi de finances, de nous renvoyez en fait au collectif de 2005, c'est-à-dire très tardivement.

C'est la raison pour laquelle, au lieu des mots « loi de finances », je propose les mots : « par la loi », ce qui renvoie au premier texte utile, qui, le cas échéant, pourra être une proposition de loi. Ainsi, même à défaut d'un projet du Gouvernement, nous pourrons discuter.

C'est donc un simple problème rédactionnel. Le sous-amendement ne touche pas le fond, mais il a l'avantage, premièrement, de ne pas donner à penser qu'il y a un monopole des lois de finances qui, constitutionnellement parlant, n'existe pas ; deuxièmement, d'éviter que le Conseil constitutionnel ne voit là ne serait-ce que la trace d'une injonction ; troisièmement enfin, grâce à l'emploi des mots « par la loi », de nous dispenser d'avoir à attendre le collectif de 2005 pour obtenir le montant définitif et la régularisation correspondante.

Vous le voyez, mes chers collègues, ce sous-amendement n'est incompatible ni avec le fond de l'amendement du rapporteur général, ni, bien sûr, avec les propositions complémentaires formulées par mes amis du groupe socialiste.

M. le président. La parole est à M. Gérard Miquel, pour présenter l'amendement n° I-175.

M. Gérard Miquel. Cet amendement prévoit d'indexer à compter de 2004 et pour les années suivantes la part du produit de la taxe intérieure sur les produits pétroliers affectée aux départements sur l'augmentation éventuelle du nombre de bénéficiaires du RMI et du RMA.

Avec les dispositions de l'article 40, si l'Etat assouplissait les critères ouvrant droit au versement du RMI, le nombre de RMIstes augmenterait sans que les ressources des départements provenant de la TIPP fassent forcément de même, et dans les mêmes proportions.

Par ailleurs, comme l'a montré M. le rapporteur général, sans modifier directement le régime juridique du RMI, des décisions très diverses, telles que la réduction de la période de versement de l'ASS ou encore le durcissement des conditions pour bénéficier de l'assurance chômage ASSEDIC, peuvent avoir des effets considérables sur l'effectif des bénéficiaires du RMI et, dès lors, sur les finances départementales.

Le groupe socialiste propose donc au Sénat l'adoption de cet amendement, qui, en liant la progression du produit de la TIPP à celle du nombre de bénéficiaires du RMI, garantira les départements contre toute mauvaise surprise de ce genre à l'avenir et permettra de compenser dès 2004 les deux modifications des régimes de l'ASS et de l'assurance chômage que je viens d'évoquer.

M. le président. La parole est à M. Philippe Adnot, pour présenter les amendements n°s I-262 et I-263 rectifié.

M. Philippe Adnot. L'amendement de la commission des finances est, je dois le dire, de nature à consolider notre réflexion et, s'il est adopté, à nous donner confiance en l'avenir. Deux points méritent cependant d'être encore précisés. Et, je le redis à M. le ministre, si nous avons des engagements sur ces points, il n'y aura vraiment aucune raison pour que nous ne soyons pas en mesure d'appliquer le RMI-RMA dès le 1er janvier 2004, en tout cas dans mon département.

M. Thierry Foucaud. Il y a aussi les autres !

M. Philippe Adnot. Le premier amendement que je présente vise ainsi à garantir que, pour le versement du mois de décembre qui intervient le 5 janvier, la totalité des dépenses prévues, y compris les éventuelles allocations complémentaires comme la prime de Noël, sera prise en compte.

Monsieur le ministre, pouvez-vous nous assurer que le versement du 5 janvier sera effectué par l'Etat ou en tout cas, s'il ne devait pas l'être, qu'il sera intégralement pris en compte - et le sera à temps pour nous éviter tout problème financier ?

Le second amendement a pour objet d'assurer la compensation par l'Etat des frais financiers qui pourraient être encourus par les départements en cas de versement tardif de la TIPP. Les caisses d'allocations familiales, à l'heure actuelle, ne facturent pas d'intérêts de retard à l'Etat lorsqu'il les rembourse tardivement, mais, si elles en facturent aux départements, pouvez-vous vous engager à les prendre en charge lorsque le retard sera imputable à l'Etat ?

M. le président. La parole est à M. Michel Mercier, pour présenter l'amendement n° I-137 rectifié bis.

M. Michel Mercier. Comme annoncé, le Gouvernement a engagé une réforme de l'allocation spécifique de solidarité.

Nous comprenons parfaitement qu'il soit nécessaire de toujours motiver les bénéficiaires de cette allocation afin que celles et ceux qui ont un passé professionnel continue à tenter de retrouver un emploi.

Je rappelle que, si l'ASS a, bien sûr, un fondement législatif, ses modalités relèvent essentiellement du règlement. Il est d'ores et déjà prévu que l'ASS est attribuée pour des périodes de six mois qui sont renouvelables dès lors que le bénéficiaire est en phase active de recherche d'emploi.

Ces sont les termes mêmes du décret relatif à l'ASS, et nous sommes d'accord sur ce point.

En revanche, et c'est l'objet de cet amendement auquel nous tenons beaucoup, nous pensons qu'il est nécessaire d'organiser la sortie du dispositif de l'ASS. On ne peut pas réformer cette allocation sans offrir d'autres perspectives à ses bénéficiaires que celle du RMI, car cela ne nous paraît pas de nature à les motiver !

Un premier pas, et j'y reviendrai ce soir, a été fait lors du vote de la loi RMI-RMA à l'Assemblée nationale. Je salue ce premier pas, et je vous propose, mes chers collègues, d'en faire un deuxième en prévoyant que, comme dans toute réforme, les situations personnelles soient prises en compte.

Il faut offrir un recours au bénéficiaire de l'ASS qui est en fin de période d'indemnisation s'il est en phase de recherche d'emploi pour ne pas interrompre celle-ci. Notre amendement vise donc à prévoir la possibilité de prolonger le versement de l'ASS dès lors que l'allocataire est en phase de recherche d'emploi, en laissant à une commission de recours, instituée par décret, le soin d'évaluer sa situation.

Il s'agit donc tout simplement d'offrir à tous nos concitoyens dans ce cas la possibilité d'expliquer et de faire valoir leur situation pour éviter un arrêt brutal du versement de l'ASS qui leur ôterait toute perspective.

M. Nicolas About. Très bien !

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Philippe Marini, rapporteur général. L'amendement n° I-96 est un amendement de principe qui tend à supprimer la compensation aux départements des charges résultant du transfert du RMI.

Je suis surpris, mon cher collègue : cet amendement a dû dépasser votre pensée (Sourires sur les travées de l'UMP)...

M. Paul Loridant. Pas vraiment !

M. Philippe Marini, rapporteur général. ... et mieux vaut le rejeter, parce que son adoption conduirait à une augmentation par définition non compensée des charges des départements et donc à une augmentation inévitable des taux de la taxe d'habitation.

Ce n'est certainement pas ce que vous souhaitiez, mais c'est néanmoins ce que nous lisons.

M. Paul Loridant. Vous avez une lecture littérale. Il faut faire preuve d'imagination, monsieur le rapporteur général, et voir ce qu'il y a derrière la lettre !

M. Philippe Marini, rapporteur général. Mon cher collègue, si l'on supprime l'article 40, il n'y aura pas de compensation. Il ne faut donc pas supprimer l'article 40 !

M. Henri de Raincourt. La messe est dite !

M. Gérard Braun. Voilà ! Très bien !

M. Paul Loridant. Le but est de débattre de cette question !

M. Philippe Marini, rapporteur général. L'amendement n° I-173 vise à garantir une progression minimale de la ressource compensant aux départements les charges résultant du transfert du RMI. Les auteurs de l'amendement approuvent le principe de la compensation par l'octroi d'une part correspondante de la TIPP, mais seulement pour les années où ce serait plus avantageux que la compensation par des dotations indexées.

Mes chers collègues, le mieux est l'ennemi du bien. En quelque sorte, vous demandez la ceinture et les bretelles.

Plusieurs sénateurs de l'UMP. Comme M. Charasse !

M. Nicolas About. En plus, l'amendement augmente les droits sur le tabac !

M. Philippe Marini, rapporteur général. Or, mieux vaudrait choisir entre un système ou l'autre.

La commission, tout en partageant bien entendu vos objectifs sur le fond, estime que le choix est fait et que ce choix est parfaitement conforme à l'article 72-2 de la Constitution. Il faut préserver la cohérence et la lisibilité du dispositif, ce qui suppose de repousser votre amendement.

L'amendement n° I-174, dont la commission approuve l'orientation, est satisfait par l'amendement n° I-297 rectifié que j'ai eu l'honneur de vous présenter. Le dispositif de régularisation répond, dans l'ensemble, à votre légitime préoccupation, monsieur Miquel.

Je vous demande donc de bien vouloir retirer votre amendement et de vous rallier à celui de la commission.

Le sous-amendement n° I-302 a trait au problème de la prise en charge des personnels des services déconcentrés de l'Etat qui contribuent actuellement à la gestion du RMI. Il ne doit y avoir aucune ambiguïté sur ce point : l'Etat doit compenser strictement les charges.

En 2004, les agents concernés seront mis gratuitement à la disposition des départements par l'Etat - c'est du moins ce que j'ai compris, mais je demande à M. le ministre de nous le confirmer -, puis, en 2005, ces personnels seront juridiquement transférés aux départements. Les procédures de droit commun prévues dans le projet de loi relatif aux responsabilités locales s'appliqueront alors.

Il est évident que l'Etat ne doit pas « gagner un sou », ou un centime d'euro, dans l'opération,...

Plusieurs sénateurs de l'UMP. Très bien !

M. Philippe Marini, rapporteur général. ... la transparence et la rigueur de la compensation l'imposent. C'est ce que, tous, nous demandons au Gouvernement, mais la question est de savoir quelle est la bonne technique pour y parvenir.

En ce qui concerne le surcoût du dispositif RMI-RMA, puis du dispositif ASS-RMI-RMA, nous avons, dans l'amendement n° I-297 rectifié, formulé une proposition technique avec deux niveaux de régularisation, mais, pour des raisons matérielles, les personnels ne nous semblent pas pouvoir être rattachés à ce dispositif.

Leur recensement, en effet, n'est pas fait de manière exhaustive et, surtout, l'Etat s'est engagé à les mettre à disposition gratuitement en 2004.

Il faut donc bien comprendre, mes chers collègues, que le problème n'est pas le même, car, s'agissant du surcoût RMA-RMI ou du surcoût qui résulte de la réforme de l'ASS, les départements vont devoir, dès le 1er janvier 2004 si l'on ne fait rien, financer l'écart, alors que, s'agissant des personnels, si ceux-ci sont mis à disposition gratuitement, par définition, il n'y aura pas d'écart à financer.

Il est donc tout à fait concevable d'attendre quelques mois de plus pour établir un dispositif qui assurera la couverture intégrale des charges de personnel, charges que l'Etat devra compenser aux départements, puisqu'il ne sera plus l'employeur de ces personnels.

Je pense donc, mes chers collègues, qu'après l'intervention de M. le ministre, qui devrait achever de vous rassurer, vous pourrez retirer le sous-amendement n° I-302.

S'agissant du sous-amendement n° I-305, je salue l'initiative de M. Michel Charasse.

Il faut toujours prêter une très grande attention à la rédaction des textes, d'autant que nous sommes sous la statue de Portalis. (Sourires.) Chaque mot compte !

Michel Charasse a un scrupule. Il pense que le texte que j'ai présenté au nom de la commission peut s'interpréter comme une injonction. Très sincèrement, je ne le crois pas, car ce n'est pas dans les relations du législatif et de l'exécutif que la question se pose. Il s'agit simplement de prescrire une sorte d'indexation ou de régularisation.

Le législateur définit une règle du jeu et, cette règle du jeu, il se l'applique à lui-même.

Si nous voulons que la régularisation, dont nous avons adopté le principe, soit effective, il faudra bien que les deux rendez-vous prévus dans notre texte aient lieu et que l'on tire toutes les conséquences. Je ne crois pas que cela puisse être assimilable à une injonction.

En ce qui concerne la compétence de la loi de finances, mon cher collègue, elle résulte de l'article 36 de la nouvelle loi organique relative aux lois de finances, dont je rappelle les termes :

« L'affectation, totale ou partielle, à une autre personne morale d'une ressource établie au profit de l'Etat ne peut résulter que d'une disposition de loi de finances. »

Nous pouvons considérer que nous sommes ici dans le champ d'application de ce dispositif. D'ailleurs, l'article 3 du projet de loi portant décentralisation en matière de revenu minimum d'insertion et créant un revenu minimum d'activité dispose que « les charges résultant, pour les départements, des transfert et création de compétences réalisés par la présente loi sont compensées par l'attribution de ressources constituées d'une partie du produit d'un impôt perçu par l'Etat dans les conditions fixées par la loi de finances ».

Il y a donc cohérence entre la loi organique relative aux lois de finances, le projet de loi ordinaire visant à décentraliser la gestion du RMI et à créer un RMA et la loi de finances. Au bénéfice de ces quelques explications, monsieur Charasse, peut-être pourriez-vous accepter de retirer votre sous-amendement, car les préoccupations que vous avez exprimées sont prises en compte.

L'amendement n° I-175 tend à organiser un transfert de ressources de l'Etat aux départements sans contrepartie, le montant de la compensation ne pouvant qu'augmenter, quelle que soit par ailleurs l'évolution de la charge correspondante.

Certes, une telle disposition est sympathique du point de vue des départements, mais, du côté de l'Etat, on fera remarquer qu'elle n'est pas conforme à l'équité. En effet, son application ne serait pas neutre sur le plan budgétaire, puisqu'il en résulterait un profit pour les départements et une perte pour l'Etat, ce qui irait, bien entendu, à l'encontre des principes constitutionnels.

S'agissant de l'amendement n° I-262, la commission apprécie l'initiative de M. Adnot. Sa proposition semble de bon sens : seule l'application du principe comptable des droits constatés permettra de donner une image fidèle de la charge annuelle au titre du RMI pour l'Etat. La commission émet donc un avis favorable.

L'amendement n° I-263 rectifié, quant à lui, est relatif à la prise en compte par l'Etat des frais financiers qui devront être versés par les départements aux caisses d'allocations familiales en cas de retard, de versements imputables à l'Etat.

Nous partageons l'intention des auteurs de l'amendement, qui souhaitent en quelque sorte faire payer le fautif et éviter que les départements ne soient amenés à supporter des frais financiers pour un retard dont ils ne seraient en rien responsables. J'espère que le Gouvernement sera en mesure de les rassurer. Si sa réponse vous paraît satisfaisante, monsieur Adnot, peut-être le retrait de l'amendement sera-t-il envisageable. En revanche, si le Gouvernement semblait ne pas faire suffisamment droit à la préoccupation exprimée, il y aurait lieu de le maintenir.

S'agissant enfin de l'amendement n° I-37 rectifié bis, la commission est bien évidemment très sensible au souci manifesté par ses auteurs.

Compte tenu des difficultés que pourraient rencontrer les chômeurs en fin de droits en cas de suppression brutale de l'allocation spécifique de solidarité, cet amendement vise à prolonger le versement de cette dernière, à des conditions bien précises que je vais rappeler.

Tout d'abord, les intéressés devront justifier qu'ils se sont engagés dans une démarche active et encadrée de recherche d'emploi. Les termes employés sont très précis et judicieux.

Ensuite, la commission de recours, qui sera établie selon des modalités fixées par décret, devra avoir reconnu la réalité de cette démarche active et encadrée de recherche d'emploi.

Enfin, la dernière condition est de portée globale et a trait aux constatations qui auront été faites au terme de l'élaboration d'un rapport d'évaluation sur le dispositif.

Il me semble, monsieur le ministre, mes chers collègues, que cet amendement vise à la fois à ajouter des conditions utiles de crédibilité et à éviter un « effet couperet », qui pourrait être très mal ressenti sur le plan social dans bien des cas, sans pour autant remettre en question le dispositif gouvernemental dans ses éléments fondamentaux.

Pour ces raisons, la commission s'en remet, dans un esprit très favorable, à la sagesse du Sénat sur l'amendement n° I-37 rectifié bis.