M. Jean-Claude Requier. Encore un cours !

Mme Esther Benbassa. Excusez-moi, monsieur Requier, peut-être la Sorbonne ne vous sied-elle pas, mais les politiques sont également susceptibles d’apprendre des universitaires, de consulter des ouvrages ou des revues !

Mme Esther Benbassa. Aujourd’hui, c’est devenu une rengaine populiste : « Vous, les intellectuels, restez chez vous ! Nous, nous connaissons le terrain, nous l’avons labouré ! » Vous savez, nous aussi nous sommes dans nos circonscriptions, nous aussi nous connaissons le terrain ! Prenons garde à ne pas opposer des catégories.

M. François Fortassin. Pas de communautarisme !

M. Antoine Lefèvre. Et gardons les pieds sur terre ! Parlons seulement des réalités !

Mme Esther Benbassa. Les catégories ne servent absolument à rien. Elles n’ont pour finalité que de diviser, et nous n’avons pas besoin de divisions. Au contraire, nous avons besoin de rassemblement.

M. Antoine Lefèvre. Absolument !

Mme Esther Benbassa. Nous avons besoin de défendre un groupe qui, depuis des siècles, est discriminé.

M. Antoine Lefèvre. Pas chez nous ! Les gens du voyage ont le droit de vote !

Mme Esther Benbassa. À toutes les époques de notre histoire, nous retrouvons la peur des nomades. Aujourd’hui encore, dans n’importe quel village, lorsque des gens du voyage arrivent, on les présente comme des voleurs de poules ou comme des délinquants.

M. Antoine Lefèvre. Mais c’est fini, tout cela !

Mme Esther Benbassa. Non, cher collègue ! Le nomadisme fait peur, car il s’oppose à la sédentarité qui, elle, est contrôlable. Voilà pourquoi, dès le XIXe siècle, on a cherché à contrôler les gens du voyage en leur imposant des carnets anthropométriques. Avant cette époque, je souligne que ces populations étaient déjà en marge de la société. Mais je ne vais pas me lancer dans cet historique ! (Sourires.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Claude Dilain, rapporteur pour avis. Je souhaite réagir à l’intervention de M. Lefèvre. Je suis en effet un peu inquiet. À mes yeux, ce débat est important et intéressant, mais il ne faut pas qu’il dérive vers une situation dont nous savons par expérience qu’elle débouche sur un mur : n’opposons pas les laxistes angélistes aux tenants de l’ordre.

M. Antoine Lefèvre. Je n’ai pas dit cela !

M. Claude Dilain, rapporteur pour avis. De surcroît, une telle façon de penser renvoie immédiatement au clivage entre la gauche et la droite,…

M. Antoine Lefèvre. Beaucoup de maires de gauche demandent des expulsions !

M. Claude Dilain, rapporteur pour avis. … que Bruno Retailleau, en commission, a repoussé en l’espèce. Il a d’ailleurs été approuvé. (M. Antoine Lefèvre s’exclame.) Que les choses soient claires : personne n’est laxiste, personne n’accepte les infractions graves, les délits commis par les gens du voyage lorsqu’ils saccagent les installations.

M. Antoine Lefèvre. Il faut le dire !

M. Claude Dilain, rapporteur pour avis. Vous soutenez que l’administration n’agit pas et que de telles exactions ne sont jamais condamnées.

M. Antoine Lefèvre. Comment faire ?

M. Claude Dilain, rapporteur pour avis. Pour notre part, nous demandons d’examiner le fond du problème, de s’interroger sur l’absence de mobilisation du préfet et le défaut de condamnation des fautifs.

Nous disons seulement que le doublement d’une peine, qui n’est d’ailleurs pas dissuasive, ne permettra pas d’améliorer la situation. C’est un écran de fumée.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Yves Leconte, rapporteur. Je voulais aussi réagir aux propos qui ont été tenus et exprimer ma frustration.

En commission des lois, j’ai essayé de rendre la présente proposition de loi opérationnelle et équilibrée.

Si vous aviez accepté d’abroger la loi discriminatoire de 1969 et de reconnaître la place des Français itinérants dans la communauté nationale et si vous n’aviez pas recouru à une succession de scrutins publics qui nous a empêchés de discuter des propositions que vous aviez formulées, lesquelles méritaient d’être largement corrigées afin de devenir opérationnelles, nous aurions pu aller au fond des choses.

Cela étant, le respect de la loi et l’octroi plus rapide aux communes vertueuses de moyens plus efficaces à cette fin sont essentiels. Mais la présente proposition de loi ne contient pas de dispositions législatives efficaces. Vous vous contentez de coups de trompette à l’approche des élections municipales.

Nous aurions pu faire œuvre utile pour préparer les prochaines discussions et essayer de trouver ensemble de véritables solutions pour répondre à l’angoisse de certains maires. Je regrette que cela n’ait pas été le cas.

Je le répète, vous avez préféré demander des scrutins publics successifs et, in fine, refuser d’accorder aux Français itinérants la place qui devrait être la leur au sein de la République. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste.)

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 12, 34 et 75.

(Les amendements sont adoptés.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, avant l'article 1er.

Madame la ministre, mes chers collègues, nous sommes parvenus au terme du délai de quatre heures imparti au groupe UMP.

Il appartiendra à ce groupe, s’il le souhaite, de proposer un autre espace pour poursuivre l’examen de ce texte.

Quant à la proposition de loi tendant à autoriser le vote par Internet pour les Français établis hors de France pour l’élection des représentants au Parlement européen, initialement prévue à l’ordre du jour de cet après-midi, je vous rappelle qu’elle est inscrite à la séance réservée au groupe UMP du mardi 21 janvier.

Articles additionnels avant l’article 1er (début)
Dossier législatif : proposition de loi visant à renforcer les sanctions prévues dans le cadre de la mise en oeuvre de la loi du 5 juillet 2000 relative à l'accueil et l'habitat des gens du voyage
Discussion générale

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Dépôt d'un rapport

M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre le rapport sur l’opportunité de créer un comité de responsabilité sociale et environnementale, établi en application de l’article 4 de la loi n° 2012-1559 du 31 décembre 2012 relative à la création de la Banque publique d’investissement.

Acte est donné du dépôt de ce rapport.

Il a été transmis à la commission des finances, ainsi qu’à la commission des affaires économiques, à la commission des affaires sociales et à la commission du développement durable, des infrastructures, de l’équipement et de l’aménagement du territoire.

M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt-deux heures quinze.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à vingt heures quinze, est reprise à vingt-deux heures quinze, sous la présidence de M. Didier Guillaume.)

PRÉSIDENCE DE M. Didier Guillaume

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

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Dossier législatif : projet de loi de finances rectificative pour 2013
Discussion générale (suite)

Loi de finances rectificative pour 2013

Discussion d'un projet de loi

Discussion générale (début)
Dossier législatif : projet de loi de finances rectificative pour 2013
Discussion générale (interruption de la discussion)

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, de finances rectificative pour 2013 (projet n° 215, rapport n° 217).

Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.

M. Pierre Moscovici, ministre de l'économie et des finances. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mesdames, messieurs les sénateurs, le projet de loi de finances rectificative pour 2013, que j’ai l’honneur de vous présenter, porte une ambition claire : être un catalyseur pour la croissance et la compétitivité, dans le prolongement de la politique économique que nous déployons résolument depuis dix-huit mois.

Ce texte vous est soumis dans un contexte particulier, que je rappellerai brièvement.

Tout d’abord, je veux souligner un développement majeur : l’activité économique a changé de tendance, même si je connais la fragilité de la reprise et le besoin de confirmer celle-ci et de l’amplifier. Avant l’embellie observée au printemps dernier, c’est-à-dire avant le rebond plus fort qu’anticipé au deuxième trimestre, la France connaissait depuis plusieurs années, vous le savez, une stagnation et une croissance nulle.

Depuis le printemps, nous sommes désormais sur une tendance de croissance positive, ce qui n’exclut pas – je suis très lucide sur ce point – un profil un peu heurté, qui n’est d’ailleurs pas une spécificité française. C’est ainsi que l’ensemble de la zone euro elle-même est en train de sortir de la récession, pour aller vers la reprise. Cela nous permet d’envisager des progrès sur le tout premier front de nos combats : celui de l’emploi.

Ainsi, au mois d’octobre dernier, pour la première fois depuis trente mois, nous avons enregistré une baisse du nombre de chômeurs, tandis que l’inversion de la courbe du chômage des jeunes, enclenchée voilà six mois, a été, vous le savez, mesdames, messieurs les sénateurs, constamment confirmée depuis.

Il faut du temps pour qu’une amélioration de la conjoncture se traduise concrètement dans le quotidien des Français, mais, je tiens à le dire à cette tribune, cette embellie n’est pas une vue de l’esprit. Notre scénario de reprise a été conforté par les instituts de conjoncture indépendants et les institutions internationales.

Le Haut Conseil des finances publiques, créé sur l’initiative du Gouvernement, avec l’approbation très large de la Haute Assemblée, en application du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance, et qui est en train de trouver toute sa place dans le paysage des finances publiques françaises, a jugé que nos prévisions de croissance pour 2013 étaient désormais réalistes, alors qu’il les avait estimées plausibles, dans un premier temps – tel était son jugement sur le projet de loi de finances.

La Commission européenne a, elle aussi, validé sans réserve, j’y insiste, notre scénario, puisque ses dernières prévisions de croissance pour notre pays s’établissent à 0,2 % en 2013, 0,9 % en 2014 et 1,7 % en 2015, pleinement en ligne avec les nôtres et même, pour tout dire, très légèrement plus favorables.

Permettez-moi d’ouvrir en cet instant une parenthèse : le dernier conseil des ministres des finances européens, le Conseil Ecofin du 10 décembre dernier, a confirmé définitivement les analyses de la Commission européenne et a pleinement validé la stratégie budgétaire et financière de la France. Pour le dire en des termes simples, la Commission reconnaît que les efforts que nous réalisons sont pleinement conformes aux engagements de la France. Le fait qu’elle ait jugé que nous ne disposions pas de marge de sécurité par rapport à ces engagements n’est pas déshonorant : nous revendiquons, je revendique, le choix d’avoir calibré l’effort d’ajustement au plus juste et au plus près, pour préserver la croissance. La consolidation budgétaire, qui est indispensable, ne doit pas être l’adversaire de la croissance et de l’emploi. Nous sommes sur ce chemin de crête et nous poursuivons ensemble le redressement des finances publiques et de notre appareil productif, contribuant ainsi à la reprise de l’emploi.

Les pays de la zone euro sont classés en quatre catégories. J’entends parfois des polémiques absurdes. La France appartient à la deuxième catégorie avec les Pays-Bas et la Slovénie. On ne trouve guère, dans la première catégorie, qui comprend les pays dont la Commission a validé le scénario budgétaire sans réserve, comme pour ce qui concerne la France, mais n’a pas émis de remarque sur la marge de sécurité, que l’Allemagne et l’Estonie. La France figure donc parmi les quatre économies de la zone euro dont la situation budgétaire et financière est jugée la plus saine et dont la trajectoire est estimée la plus solide.

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Il faut le dire !

M. Pierre Moscovici, ministre. La différence entre ces deux catégories tient à l’existence ou non d’une marge de sécurité par rapport au respect de nos engagements. Mais je veux dire à l’opposition, qui aime bien arguer, lors d’émissions télévisées, par exemple, auxquelles je participe, que la Commission a été sévère, que tel n’est pas du tout le cas.

Nous bénéficions d’une validation pleine et entière, avec des marges de manœuvre certes limitées, mais que nous nous attachons à étendre, en mobilisant tous les outils possibles au service de la croissance. S’il advenait qu’un ajustement soit nécessaire, il serait réalisé, je veux l’indiquer à la Haute Assemblée, au travers d’économies, ainsi que nous nous y sommes engagés sans aucune forme d’opacité ou de réserve.

Ces premiers résultats concernant la croissance et les finances publiques montrent que la France est sur la voie du redressement grâce à la politique que nous menons et, surtout – personne ne l’ignore dans cette enceinte –, au dynamisme des acteurs économiques, car c’est d’abord par ce biais que découle la croissance. Notre tâche collective est de conforter et d’amplifier ce redressement, en restant résolument engagés dans la voie des réformes favorables à la croissance. Cette tâche, j’en suis pleinement conscient, n’est pas achevée.

L’embellie et la reprise économiques ne doivent pas être – croyez bien, mesdames, messieurs les sénateurs, que tel n’est pas mon sentiment – un motif d’autosatisfaction, pas plus qu’elles ne doivent être – je le dis à l’attention de ceux qui seraient tentés d’avoir ce comportement – une opportunité d’autoflagellation. Elles constituent, en revanche, un encouragement à poursuivre, avec la plus grande détermination, le travail de réforme en profondeur de nos structures économiques.

Poursuivre ces réformes pour soutenir la croissance, rétablir les équilibres financiers de la nation pour préparer l’avenir sans baisser le niveau de nos ambitions sociales, tel est le cap fixé par le Président de la République, que je veux réaffirmer devant vous. Je pense évidemment au cap des réformes économiques, mais aussi au cap du sérieux budgétaire.

À cet égard, le projet de loi de finances rectificative pour 2013 conforte la prévision de déficit de 4,1 % du PIB pour 2013, contre 4,8 % en 2012. Je rappelle que le déficit s’élevait à 5,3 % en 2011. Si la majorité n’avait pas opéré les ajustements nécessaires au cours de l’été 2012, il serait resté à ce même niveau. Il nous faut maintenant poursuivre ce travail de redressement.

Cette prévision de déficit de 4,1 % est, elle aussi, jugée plausible par le Haut Conseil des finances publiques. Cela représente une amélioration substantielle du déficit, rendue possible par un effort structurel sans précédent de 1,7 point de PIB, alors que la croissance a été inférieure à son potentiel.

Cet effort était-il suffisant ? Oui ! Était-il nécessaire ? Oui, également ! Je le rappelle, la France avait pris des engagements en vertu desquels elle devait opérer des ajustements structurels de 4 points entre 2010 et 2013, car les déficits structurels étaient, hélas, béants.

Lorsque nous sommes arrivés aux responsabilités au mois de mai 2012, nous n’avons pu que constater, alors que deux ans s’étaient écoulés, qu’un ajustement de 1,5 point seulement avait été réalisé. Nous avons fait le reste !

La pente est donc nette et nous assainissons, nous, les comptes publics. Avec ce gouvernement, les déficits ne cessent de se réduire dans un contexte de croissance pourtant faible.

M. Pierre Moscovici, ministre. Regardez les chiffres, monsieur le sénateur, et ayez un peu de mémoire ! Les déficits, c’est vous qui les avez laissés !

M. Philippe Dallier. Et Lionel Jospin ?

M. Francis Delattre. Souvenez-vous de François Mitterrand !

M. Pierre Moscovici, ministre. Et le redressement, c’est nous qui l’opérons aujourd'hui !

M. Francis Delattre. Tout va bien !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Il faudrait peut-être parler du texte en discussion !

Mme Michèle André. C’est ça le projet de loi de finances rectificative !

M. Pierre Moscovici, ministre. C’est bien de cela qu’il s’agit, monsieur le président ! Je vous rappelle que le projet de loi de finances rectificative fait état de ces chiffres-là, et vous êtes bien placé pour le savoir !

Cette même exigence dans la gestion des deniers publics est à l’œuvre dans le présent texte. Nous procédons, avec Bernard Cazeneuve, aux ajustements de crédit de fin de gestion nécessaires pour tenir nos objectifs de dépense, et donc de déficit public.

Bernard Cazeneuve l’a précisé devant l’Assemblée nationale, le présent projet de loi de finances rectificative pour 2013 opère les mouvements de crédits nécessaires pour financer les besoins impératifs, tout en veillant au respect du total de dépenses autorisé par le Parlement. Ces ouvertures de crédits n’affectent en rien l’équilibre budgétaire, car elles sont entièrement compensées au sein de l’enveloppe « zéro valeur » par des annulations équivalentes portant, à hauteur de 90 %, sur des crédits qui avaient précisément été mis en réserve.

Reprise progressive de l’activité, exigence réaffirmée pour nos finances publiques : c’est dans ce contexte que nous voulons faire du projet de loi de finances rectificative pour 2013 un outil de mobilisation pour la croissance, un catalyseur, je le répète, pour l’activité économique du pays, dans la foulée du pacte national pour la croissance, la compétitivité et l’emploi et des assises de l’entrepreneuriat.

Cette ambition se décline autour de trois axes majeurs.

Tout d’abord, nous poursuivons, avec ce texte, la réorganisation du financement de notre économie. Ensuite, nous prolongeons l’entreprise de rénovation de nos outils de soutien financier à l’export. Enfin, ce texte comprend un certain nombre de mesures de simplification. Permettez-moi de revenir rapidement sur ces points.

Le premier axe concerne le financement de l’économie.

Depuis dix-huit mois, j’œuvre pour faire en sorte que tous les besoins financiers des entreprises – trésorerie, fonds propres, dette – trouvent une réponse. Cela passe par une réforme des outils de soutien public au financement des entreprises, par un soutien spécifique à la trésorerie des entreprises et, surtout, par des réformes réglementaires pour drainer l’épargne et l’investissement vers les PME, les petites et moyennes entreprises, et les ETI, les entreprises de taille intermédiaire, puisque la France dispose – nous connaissons tous cette caractéristique – d’une épargne abondante, mais qui n’est pas assez orientée vers l’économie réelle.

Ces réformes ont déjà permis d’engranger des résultats positifs pour le financement des entreprises. Les PME ont ainsi vu leur encours de crédit progresser de manière dynamique, avec plus de 15 milliards d’euros supplémentaires, soit une augmentation de 12 % depuis la fin de l’année 2008.

Par ailleurs, je tiens à le signaler, les entreprises françaises se financent aujourd’hui à des taux historiquement bas : le niveau est en effet comparable à celui des entreprises allemandes, à peu près 100 points de base de moins que la moyenne de la zone euro. D’ailleurs, les différentiels de taux entre la France et l’Allemagne, ce que l’on appelle les « spreads », se sont fortement réduits depuis le mois de mai 2012. Je me souviens des prévisions, à l’époque, de certains oiseaux de mauvais augure. Or c’est exactement l’inverse qui s’est produit : le taux du crédit de la France est aujourd'hui meilleur qu’il ne l’était, de même que la confiance des investisseurs.

En raison de ces évolutions, nos entreprises peuvent profiter du redémarrage de l’économie européenne, et la crédibilité de la politique budgétaire est une condition pour que nous puissions continuer à les placer dans cette situation favorable.

Qu’y a-t-il de nouveau dans ce projet de loi de finances rectificative pour 2013 ?

La réforme de l’assurance vie engagée dans ce texte participe de cet effort, avec pour philosophie et pour finalité de drainer la première source d’épargne financière des ménages vers les placements les plus utiles aux entreprises, en particulier vers l’investissement en actions dans les PME et les ETI dont nous avons besoin. Pour simplifier, l’assurance vie, c’est plus de 1 400 milliards d’euros d’encours, massivement investis dans des titres obligataires, qui offrent aujourd'hui un rendement plutôt limité, mais avec, pour l’essentiel, une garantie du capital investi à tout moment.

S’il fallait résumer d’une phrase la situation actuelle de l’assurance vie, je dirais qu’elle combine la sécurité, à laquelle les Français sont très attachés, un faible rendement, qu’il faut améliorer, et une trop faible mobilisation en faveur du financement du tissu productif français.

La réforme qui vous est soumise et qui, je l’espère, recueillera votre assentiment unanime, mesdames, messieurs les sénateurs, quelles que soient les travées sur lesquelles vous siégez, d’autant qu’elle a été élaborée de façon totalement consensuelle, à partir, d’abord, d’un rapport parlementaire de deux députés, Mme Berger et M. Lefebvre, puis d’une concertation extrêmement large et approfondie, tend à conserver les points forts de l’assurance vie, à commencer par la sécurité, tout en la modifiant légèrement pour en faire davantage un levier pour le financement de nos entreprises.

Elle fait émerger de nouveaux produits qui, tout en offrant une garantie à l’assuré, lui permettront d’obtenir un meilleur rendement grâce à des investissements plus diversifiés, sans recherche – je le dis au passage – de rendement budgétaire et sans remise en cause du régime fiscal existant. Alors que c’était probablement la quadrature du cercle, je pense que nous y sommes parvenus.

Concrètement, cette réforme reposera sur deux piliers.

Le premier pilier est la création d’un nouveau produit « euro-croissance ». Ces fonds permettront à un assuré de bénéficier d’une garantie du capital si celui-ci reste investi au moins huit ans, et pourront être souscrits dans des contrats multisupports offrant beaucoup de souplesse, plus que les contrats garantis en euro. Ce sera, à moyen terme, un outil puissant de réallocation des actifs de l’assurance vie vers les investissements les plus utiles à notre économie.

Le second pilier est une réforme du régime fiscal de la transmission des contrats d’assurance vie, afin d’inciter les gros patrimoines à contribuer davantage au financement de certains pans de l’économie. La fiscalité applicable à la transmission des patrimoines les plus importants sera augmentée : le taux du barème applicable aux grosses successions sera revu à la hausse, passant de 25 % à 31,25 % pour la tranche supérieure à 700 000 euros par bénéficiaire, après modification par l’Assemblée nationale. Mais, dans le même temps, les contrats respectant certains critères d’investissement bénéficieront d’un abattement d’assiette permettant de compenser cette hausse. Il s’agit donc d’une mesure incitative, destinée à encourager les investissements dans le capital des PME et des ETI, dans le logement social et intermédiaire, ainsi que dans les entreprises de l’économie sociale et solidaire, secteur qui, comme vous le savez, est une priorité pour nous.

Cette réforme de l’assurance vie a été longuement et mûrement préparée, réfléchie, débattue, dans une ambiance consensuelle, en respectant les attentes des assurés, sans casser l’économie de l’assurance et, je le répète, sans rendement budgétaire ni remise en cause des avantages fiscaux. Je vous le dis en toute honnêteté, mesdames, messieurs les sénateurs, quelles que soient les travées sur lesquelles vous siégez, c’est une très bonne réforme, qui sera utile à l’économie générale de ce projet de loi de finances rectificative.

À cette réforme de l’assurance vie s’ajoute une réforme du capital-investissement d’entreprise dont l’objectif est simple : développer l’industrie du financement de l’innovation en France, dans la lancée du plan innovation élaboré par Fleur Pellerin et Geneviève Fioraso. Le projet de loi de finances rectificative contient donc des mesures fiscales incitant les entreprises à investir dans les PME innovantes, matérialisant ainsi un des engagements pris par le Président de la République lors de la conclusion des Assises de l’entrepreneuriat.

Concrètement, le nouveau dispositif permettra aux entreprises d’amortir sur cinq ans, et dans une certaine limite de leur actif, leur souscription minoritaire au capital de PME innovantes ou de fonds communs de placement majoritairement investis dans des PME innovantes. Ainsi, d’une certaine manière, les grandes entreprises seront incitées à investir dans les plus petites, en fonction d’un critère, l’innovation. Nous devons tous nous mobiliser autour de cet enjeu important : en effet, nous le savons bien, c’est par l’innovation et la compétitivité que la France tiendra son rang dans la mondialisation et renforcera encore son potentiel de croissance.

Cette mesure, ajoutée à la réforme de la fiscalité des plus-values mobilières et à la création d’un PEA-PME, très attendu par les PME et les ETI, constituera un vecteur puissant de soutien à l’investissement dans les PME. Le Gouvernement a par ailleurs déposé un amendement, à l’Assemblée nationale, pour mettre en œuvre une autre mesure du plan innovation qui vise à améliorer le fonctionnement des fonds commun de placement dans l’innovation, les FCPI, et des fonds d’investissement de proximité, les FIP. Ces fonds constituent un canal important d’investissement en fonds propres dans les PME innovantes. Il s’agit donc, une nouvelle fois, d’améliorer les pratiques de gestion et de mieux structurer le paysage de cette activité, aujourd’hui trop morcelée.

Telles sont donc les mesures relatives à ce premier axe, c'est-à-dire à la réorganisation du financement de l’économie et à l’orientation de l’épargne vers l’économie réelle, en direction des PME et des ETI.

Deuxième axe du projet de loi de finances rectificative pour 2013, nous poursuivons la rénovation, engagée par ma collègue Nicole Bricq, ministre du commerce extérieur, de nos outils de soutien financier à l’export.

Les dispositions de ce texte nous permettront notamment de nous aligner sur les meilleures pratiques de nos partenaires, pour aider nos entreprises à être compétitives face à leurs concurrents. Nous savons que ces dispositifs de financement export font souvent la petite différence, en plus ou en moins, permettant d’emporter de très gros contrats. Or ceux-ci constituent un élément essentiel de rééquilibrage de notre balance commerciale et, surtout, ils permettent d’offrir des débouchés à nos entreprises et de créer des emplois. J’ai beaucoup d’exemples en tête, mais je ne peux pas vraiment les évoquer car ils entrent précisément dans ce jeu de la concurrence qui, bien mené, permet à la France de tenir son rang.

Nicole Bricq a déjà activement réformé nos outils, lors de l’adoption du projet de loi de finances rectificative pour 2012 et en mai dernier, avec la création du label « Bpifrance Export », qui a permis de rationaliser les dispositifs existants et d’en créer de nouveaux, comme le prêt de développement export, pour soutenir la trésorerie des entreprises exportatrices. Ces initiatives ont déjà porté leurs fruits. Elles ont permis d’abaisser le coût des financements exports pour améliorer la compétitivité de nos entreprises, de démocratiser ces financements exports au profit des ETI et PME de croissance, et de mieux soutenir nos grands contrats, en particulier dans le secteur aéronautique, secteur très puissant de notre économie, avec des mesures ayant engendré une amélioration équivalente à un gain de compétitivité d’environ 5 % – ce qui est considérable !

Le projet de loi de finances rectificative pour 2013 prolonge cet effort de rénovation et de modernisation de grande ampleur à travers trois dispositifs.

Tout d’abord, en 2012, nous avons mis en place une garantie de refinancement, afin de diminuer le coût des crédits à l’exportation en facilitant l’accès à la liquidité auprès d’investisseurs privés. Ce mécanisme consiste à octroyer au refinanceur des crédits à l’exportation une garantie à 100 % couvrant le risque de non-paiement. En cela, il permet d’améliorer l’accès à la liquidité des établissements bancaires pour la mise en place de crédits exports et donc, in fine, de diminuer le coût de ces derniers. Cette année, je vous propose d’étendre le périmètre d’utilisation de cette garantie, dans le double objectif, d’abord, de continuer à améliorer le coût des crédits exports et, ensuite, de faciliter l’accès à la liquidité en euro et en dollar. J’espère que cette mesure de bon sens, utile à nos entreprises, recueillera l’assentiment général.

Par ailleurs, le projet de loi de finances rectificative pour 2013 améliore le dispositif de couverture des chantiers navals dans la période de construction des bateaux. La construction navale est un secteur à la pointe de la technologie en France, qui a déjà remporté de très importants marchés. Je me suis battu – c’était il y a un an, exactement – pour les chantiers navals de Saint-Nazaire qu’on disait en difficultés et proches de la fermeture. Aujourd’hui, ces chantiers ont obtenu des commandes jusqu’en 2016, représentant des millions d’heures de travail et des milliards d’euros, avec, notamment, la fabrication du plus grand paquebot de croisière au monde. Ils sont repartis de l’avant et la construction navale a encore d’autres perspectives très importantes dans les temps qui viennent. Je ne les présente pas ici, mais cela nécessite de mobiliser, pour chaque projet, des ressources bancaires importantes sur des périodes longues. Il serait absurde, avec une telle avance technologique, une telle excellence technologique, de ne pas emporter de marchés parce que, justement, le financement manque.

Enfin, le projet de loi de finances rectificative pour 2013 permettra à l’État de se substituer aux assureurs-crédit privés en cas de défaillance de marché sur certains pays, là où ce n’est pas possible aujourd’hui. Dans certains cas, tels que les crises économiques ou certains événements politiques, nos entreprises sont, hélas, confrontées à l’impossibilité de trouver une couverture auprès des assureurs-crédit privés pour leurs opérations d’exportation de court terme, avec, évidemment, des effets négatifs sur la capacité des exportateurs français à s’imposer sur les marchés internationaux. Si vous le décidez, mesdames, messieurs les sénateurs, ce texte nous permettra d’intervenir lorsqu’une telle carence de marché sera constatée au bénéfice du commerce courant, notamment effectué par les PME et les ETI. Là encore, c’est une très forte incitation à aller de l’avant.

Toutes ces dispositions vont permettre de soutenir nos entreprises à l’export, objectif que cherche à atteindre, au premier chef, la ministre du commerce extérieur et auquel j’entends contribuer à la place qui est la mienne, comme responsable des réformes du financement de notre économie.

Ces initiatives législatives sont en permanence appuyées et relayées par des initiatives politiques. Je pense, par exemple, à la tenue de la grande conférence économique entre la France et l’Afrique à Bercy, la semaine dernière, qui a rassemblé plus de 500 entreprises, une cinquantaine de ministres présents à Paris pour le sommet de l’Élysée, mais aussi plusieurs chefs d’État, dont le Président de la République française. Ce type de manifestation permet de catalyser les opportunités d’investissement et d’exportation pour nos entreprises sur le continent africain, qui représente une formidable opportunité pour l’économie française. Nous devons nous inscrire dans les perspectives d’avenir qu’offre ce continent ami, où la France est présente et où elle doit passer d’une logique de rente, d’acquis sur laquelle elle a un peu vécu à une logique plus offensive et conquérante, une logique de flux.

Troisième axe du projet de loi de finances rectificative pour 2013, nous poursuivons le choc de simplification voulu par le Président de la République.

À travers plusieurs dispositions spécifiques, nous simplifions les règles et, surtout – je sais que beaucoup d’entreprises et de particuliers y tiennent – les relations avec l’administration. Comme vous le savez, le Premier ministre a lancé un chantier de remise à plat de la fiscalité. Je l’évoquais cet après-midi, dans cet hémicycle, à l’occasion des questions d’actualité. Nous entendons créer une nouvelle relation, fondée sur la confiance, entre l’administration fiscale et l’usager. Dans ce cadre, il est prévu de simplifier les obligations déclaratives à l’impôt sur le revenu en généralisant les cas de dispense de justificatifs, d’étendre le recours obligatoire au télépaiement de la taxe sur les salaires ou de légaliser le principe de gratuité des prélèvements opérés à l’initiative de l’administration fiscale pour le paiement des impôts.

Cette dimension est décisive pour l’attractivité du pays. Elle fait partie des priorités que nous mettons en œuvre, avec Bernard Cazeneuve. C’est une véritable révolution, je pèse mes mots, une révolution qui certes est encore silencieuse, mais qui n’en est pas moins en marche. Elle ne vise pas Bercy, mais part de Bercy. Lisibilité et simplicité de la relation, tels sont les objectifs que nous cherchons à atteindre et qui devront s’approfondir dans le futur.

Telles sont, mesdames, messieurs les sénateurs, les grandes lignes du texte que je vous présente aujourd’hui.

Comme tout collectif de fin d’année, celui-ci contient par ailleurs plusieurs mesures auxquelles je sais que la Haute Assemblée sera particulièrement attentive, en matière de fiscalité locale. Le Gouvernement a ainsi déposé, à l’Assemblée nationale, un amendement tendant à reprendre la proposition de loi de votre rapporteur général François Marc, visant à lancer l’expérimentation en matière de valeurs locatives des locaux d’habitation, ou encore un amendement ayant pour objet de moderniser l’assiette de l’imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux, l’IFER, pour le secteur des télécommunications, qui constitue une ressource régionale.

Mais je conclurai mon propos en rappelant que l’enjeu de ce projet de loi de finances rectificative est avant tout la poursuite d’un agenda pour la croissance.

Les finances publiques et la réduction des déficits sont des enjeux majeurs : ils mobilisent tout le Gouvernement, à commencer par moi-même et par le ministre du budget. Parce que le redressement des finances publiques, tout comme le désendettement, est une absolue nécessité,…