Mme la présidente. Ma chère collègue, veuillez conclure.

Mme Sophie Joissains. De surcroît, 44 % des conseillers métropolitains, soit 106 sur les 246 membres du conseil de la métropole, seront marseillais. L’hégémonie évidente qui sera celle de la ville-centre ne peut être tolérée par les maires, surtout ceux des petites communes.

La supériorité du nombre conjuguée au poids de trente-six compétences sur un périmètre – beaucoup l’ignorent – de 3 178 kilomètres carrés, c’est-à-dire près de six fois la superficie de la métropole de Lyon et quatre fois celle du Grand Paris, montre à l’évidence que cette métropole a été constituée à l’emporte-pièce : l’important était non pas qu’elle soit bien faite et qu’elle fonctionne, mais qu’elle passe envers et contre tout.

Pour échapper à tous ces arrangements qui nous paraissent mauvais, voire malsains, pour notre territoire, nous sommes prêts à partager un régime que nous n’avons pas plus contribué à construire que celui-ci, mais qui nous paraît sain, rigoureux et plus adapté à notre immense périmètre : celui de la métropole du Grand Paris.

Mme la présidente. Ma chère collègue, vous avez déjà dépassé de deux minutes votre temps de parole. Je vous demande de conclure.

Mme Sophie Joissains. Aujourd’hui, les maires sont furieux et à bout d’espoir. Ils ont cru à ce rendez-vous avec le Premier ministre. Je vous en prie, ne les décevez pas ! (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Henri de Raincourt.

M. Henri de Raincourt. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le projet de loi dont nous commençons l’examen se présente comme un nouveau volet de la réforme des collectivités territoriales, après celui qui portait sur le redécoupage régional.

En cet instant, je voudrais en particulier saluer le travail important de la commission des lois, et les modifications apportées par les rapporteurs Jean-Jacques Hyest et René Vandierendonck.

C’est un véritable symbole politique que ce texte ait été étudié par deux rapporteurs de sensibilités politiques différentes.

M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Exactement !

M. Henri de Raincourt. Cela signifie que nous sommes tout à fait capables, à gauche comme à droite, de nous réunir au nom de l’intérêt général quand il s’agit des collectivités territoriales. Celles-ci ne sont ni de droite ni de gauche :…

M. Yves Détraigne. Elles sont au centre ! (Rires sur les travées de l'UDI-UC.)

M. Henri de Raincourt. … elles appartiennent aux Français.

Je salue singulièrement la suppression du relèvement à 20 000 habitants du seuil requis pour la création d’un établissement public de coopération intercommunale. Franchement, ce chiffre ne veut rien dire !

Je pense également à toutes les mesures qui permettent de réaffirmer le rôle coordonnateur de la région en matière économique, tout en préservant l’action indispensable des départements en matière de transports scolaires, de voirie, de gestion des ports comme des collèges.

Ces derniers mois, dans le cadre des élections sénatoriales, comme tous ceux qui étaient candidats, je suis allé à la rencontre des élus communaux et communautaires de mon département. Quelle que soit leur préférence politique, tous m’ont fait part de leurs inquiétudes, de leurs questions sur l’avenir du département et des relations avec la collectivité départementale, sur ces fameux EPCI de grande taille – dans certains secteurs, il faudra peut-être parcourir entre soixante et quatre-vingts kilomètres pour aller d’un bout à l’autre du territoire communautaire.

Hier soir, nous avions organisé une réunion dans le nord du département de l’Yonne au sujet du projet de loi NOTRe. « De grâce, laissez-nous respirer, de grâce, laissez-nous digérer, accordez-nous un peu de temps. Cette frénésie législative et administrative nous donne le tournis à tel point que nous ne savons plus ni où nous en sommes ni où nous allons » nous ont dit nos collègues.

Je crois très sincèrement qu’il faut écouter les élus, en particulier les élus locaux.

S’agissant du département, on ne peut là encore que partager les questions des élus dès lors que cet échelon territorial joue un rôle essentiel en matière d’initiative locale et d’aménagement du territoire.

C’est lui qui alimente le développement social par l’ampleur du budget qu’il lui consacre et c’est lui encore qui investit près de 2 milliards d’euros chaque année, le plus souvent au profit des entreprises locales.

Pour les élus, ce sont donc les départements qui veillent avant tout à la solidarité des territoires et qui constituent un échelon de proximité incontournable.

Madame la ministre, vouloir à la fois de grandes régions omnipotentes, des départements asséchés, des EPCI sans rapport avec les territoires et des communes dévitalisées, mais toujours responsables devant les juridictions, c’est repousser les citoyens dans des ensembles lointains et déshumanisés.

M. Alain Fouché. Très bien !

M. Henri de Raincourt. C’est dessiner certainement pas une France moderne, apaisée et bien gérée, mais une France sans doute encore plus lointaine et technocratique.

S’agissant des EPCI, évidemment, personne n’est opposé par principe à la rationalisation, à la mutualisation, dans la mesure où elle trouve sa source dans des bassins de vie.

Sur ce point, celui de la libre participation des communes, je veux être très clair : toutes les réformes territoriales qui ont succédé à l’acte I et à l’acte II de la décentralisation ont eu pour objet de rationnaliser l’action locale, afin de clarifier, nous dit-on, le millefeuille administratif, de renforcer la démocratie locale et d’assurer une bonne utilisation des fonds publics. Pour autant, nous avons toujours rappelé, en parallèle, l’importance de la libre participation des collectivités dans ce processus.

Celle-ci s’entend du point de vue des regroupements, comme ce fut le cas en 2010 avec l’achèvement de la carte intercommunale. Laissons-la vivre avant de tout chambouler à nouveau !

Mais elle s’entend aussi du point de vue des transferts de compétence. Rappelez-vous, mes chers collègues, nous nous étions opposés au transfert automatique de la compétence en matière de plans locaux d’urbanisme intercommunaux dans le cadre de la loi pour l'accès au logement et un urbanisme rénové.

M. Philippe Bas, président de la commission des lois. En effet !

M. Henri de Raincourt. Et pourquoi avions-nous procédé ainsi ? Ce n’était sûrement pas par hasard ! En effet, il apparaît aujourd’hui que les deux objectifs – la rationalisation et la libre participation – sont interdépendants, et qu’il ne peut plus y avoir de rationalisation durable contre la volonté des collectivités (M. Jean-François Husson approuve).

Or plus les dispositifs que nous mettrons en place seront contraignants, plus les élus locaux auront recours à des supplétifs rendus inévitables par la confrontation aux réalités locales, et moins les intercommunalités seront efficaces.

M. Henri de Raincourt. De nouveaux échelons d’administration des territoires s’ajouteront aux niveaux déjà existants.

Nous savons tous dans cette enceinte à quel point il devient extrêmement difficile de maîtriser le droit des collectivités. Imaginez alors la difficulté qu’éprouveront au quotidien nos administrés dans la recherche du bon interlocuteur entre les régions, les départements, les métropoles de droit commun, les métropoles à statut particulier, les villes-centres des EPCI, les pôles d’équilibre territorial et rural, les EPCI, les communes, et enfin les communes nouvelles, chacune de ces collectivités ayant de plus des compétences propres !

M. Alain Fouché. Ça sera dur !

M. Henri de Raincourt. Mais où allons-nous ?

Mme la présidente. Veuillez conclure, mon cher collègue.

M. Henri de Raincourt. Je termine, madame la présidente.

Si nous continuons ainsi, je vous l’assure, nous n’irons certainement pas vers plus de démocratie locale et encore moins vers des économies de gestion.

Madame la ministre, il est temps pour le Gouvernement de choisir la voie qu’il veut emprunter : soit il accepte la main tendue par le Sénat, comme l’a rappelé Bruno Retailleau, soit il s’enferme dans les contraintes que souhaite peut-être lui imposer sa majorité à l’Assemblée nationale. Dans cette hypothèse, cela signifie que la réforme des collectivités territoriales ne s’achèvera sûrement pas avec la présente étape et que le dossier devra de nouveau être ouvert dans un avenir plus ou moins proche. Ce n’est pas ainsi que l’on stabilisera la réalité locale. C’est vraiment dommage !

Une opportunité s’offre à nous, quelles que soient les travées sur lesquelles nous siégeons. Saisissons-la ! Alors, nous aurons servi l’intérêt général. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.)

M. Alain Fouché. Tout est dit !

Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Collomb.

M. Gérard Collomb. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, voilà un an, nous adoptions la loi MAPTAM, qui marquait une reconnaissance historique du fait urbain, notamment de la dynamique portée dans notre pays par les métropoles.

Cette reconnaissance était saluée par tous les spécialistes de l’économie des territoires qui l’ont reconnue comme constituant un grand pas en avant. Ceux-ci constatent unanimement que, aujourd’hui, c’est très largement dans ces métropoles, dans ces agglomérations que se crée une part essentielle de la richesse de notre pays.

Ce matin, un article publié dans le journal Libération intitulé Le nouvel horizon des métropoles, qui visait un colloque organisé par la nouvelle métropole de Rouen, citait Pierre Veltz lequel constatait : « depuis une vingtaine d’années, et surtout depuis la crise de 2008, toute la croissance française vient des métropoles ». Pour ce qui me concerne, je dirai non pas « toute » la croissance, mais une « part importante ».

Pourquoi un tel mouvement ? Parce que nous sommes en train de vivre une mutation profonde, passant d’une économie de la production à une économie de la connaissance. Or cette dernière suppose une densité d’acteurs universitaires, de chercheurs, d’entreprises innovantes, de start-up et de grands groupes capables de former des écosystèmes attractifs à l’échelle internationale, ou du moins européenne. Ces écosystèmes se trouvent principalement dans nos métropoles et nos grandes agglomérations.

Dès lors, comment ces métropoles pourraient-elles se désintéresser de leurs universités, de la mise en place de pôles de compétitivité, bref, de l’élaboration d’une vraie stratégie de l’innovation ? Comment pourraient-elles se désintéresser de leur rayonnement international, de leur attractivité vis-à-vis des entreprises étrangères comme de leur dynamique touristique ?

Mais, me dira-t-on, ce développement des villes ne se fait-il pas au détriment des autres territoires ?

Cette idée, qui est parfois partagée est, en fait, fausse, car les richesses créées dans nos grandes métropoles sont largement diffusées par ce que Laurent Davezies appelle « l’économie résidentielle », au travers de mécanismes redistributifs ou de l’économie touristique, par exemple, entraînant des dépenses réalisées par les urbains dans les autres territoires.

Pour ne pas être accusé de ne prêcher que pour ma paroisse,…

M. Gérard Collomb. … je prendrai l’exemple de l’Île-de-France : elle est à l’origine de 30 % du PIB français, mais ne représente que 22 % des revenus. Pour donner un autre chiffre, ce sont près de 160 milliards d’euros qui sont redistribués chaque année depuis l’agglomération parisienne vers les autres territoires.

Or, avec le texte qui nous est soumis, le risque est de voir enlever la capacité économique aux métropoles et aux agglomérations pour en faire une compétence exclusive des régions. Ce serait une erreur profonde.

Pour ma part, je crois fortement à la nécessité d’un couple métropoles ou grandes agglomérations et régions. Mais le rôle de ces entités ne saurait être le même : les métropoles doivent faire naître l’innovation tandis que les régions doivent la généraliser.

M. Didier Guillaume. M. Mercier est d’accord !

M. Gérard Collomb. La création de grandes régions que nous venons d’adopter rend cette complémentarité encore plus nécessaire.

Je prendrai maintenant un exemple que je connais bien. Qui peut croire que, demain, la région Rhône-Alpes–Auvergne pourra être également attentive à tout ce qui est en germe dans des villes aussi différentes que Lyon, Saint-Étienne, Grenoble, Clermont-Ferrand, Annecy, Chambéry ?

M. Michel Mercier. Et Aurillac !

M. Gérard Collomb. Pourtant, c’est bien à partir de l’innovation née dans ces villes que l’on pourra faire avancer l’ensemble du territoire de cette région.

Je souhaite donc que, dans le texte qui va être adopté, on pense, pour le tourisme, pour le développement économique, pour l’action internationale, en termes de complémentarité et non d’exclusivité. Car vous voyez où pourrait mener l’exclusivité. Alors, pensez-y fortement, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'État, et permettez au Sénat de modifier le présent projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et de l'UDI-UC.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Françoise Gatel.

Mme Françoise Gatel. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je tiens, en préambule, à saluer avec beaucoup de sincérité, ce à maints égards, le travail remarquable des rapporteurs de la commission des lois et des rapporteurs pour avis qui, tous, ont permis d’améliorer le texte initial.

Madame la ministre, vous aviez un rêve : vous affichiez une louable volonté d’adapter l’architecture territoriale de notre pays aux enjeux et défis que État et collectivités doivent relever ensemble, autrement dit, nous. Vous deviez construire un projet d’espérance, de confiance, d’efficacité et garant de l’équilibre territorial.

Hélas, votre ambition, dont nous pouvions partager les objectifs, s’est échouée sur une démarche chaotique et confuse, dans laquelle les textes se succèdent sans mise en perspective, comme un catalogue de pièces détachées.

Qu’on en juge un peu : vous avez inventé les métropoles, renié puis ressuscité les départements ; vous avez sacralisé la grande ville, en oubliant les moyennes et petites villes, véritables ressorts de la vitalité de nombre de nos territoires ; vous avez inventé l’hyper-ruralité, mais vous oubliez les territoires interstitiels et périurbains ; enfin, vous engagez, concomitamment à l’examen du projet de loi NOTRe, la révision des missions de l’État. Quelle logique singulière !

N’aurait-il pas été plus cohérent d’attendre les conclusions de cette revue des missions de l’État, afin de pouvoir les prendre en considération dans le texte que vous nous soumettez aujourd’hui ?

L’incohérence intensifie la défiance et l’incompréhension des élus locaux, soumis à des annonces successives, parfois contradictoires et souvent brutales. Or, vous le dites vous-même, c’est de confiance entre l’État et les collectivités, partenaires de la réussite de l’action publique, dont nous avons besoin.

Vouloir un pays décentralisé, c’est accepter la diversité des territoires, concevoir des lois qui libèrent les initiatives et les énergies, permettre aux territoires d’innover et de s’adapter. La loi ne doit ni corseter ni formater. Elle doit juste rendre possible.

À ce sujet, je concentrerai mes propos sur le bloc communal.

Madame la ministre, votre proposition au sujet de l’intercommunalité est une négation de la diversité territoriale et une marque violente de défiance à l’égard des élus locaux.

S’il est essentiel d’encourager l’intercommunalité, le formatage de l’efficacité basé uniquement sur un seuil quantitatif relève d’un concept hors sol, renversant et inacceptable. Un seuil d’autant plus absurde que, aujourd’hui, 70 % des intercommunalités sont en deçà de celui qui a été fixé.

Les élus locaux, objet de tant de critiques et de défiance, ont fait la preuve de leur capacité à s’engager dans des démarches de regroupement et de mutualisation. N’est-ce pas l’Association des maires de France qui, par l’intermédiaire de son ancien président, Jacques Pélissard, a proposé la création de communes fortes, capables d’agir, conjuguant librement leurs forces au sein de communes nouvelles ?

L’intercommunalité, madame la ministre, est une nécessité ; elle seule peut garantir aujourd’hui l’efficacité de l’action locale. Mais elle doit demeurer l’émanation de la commune et fonctionner sur le principe de subsidiarité. Dès lors, l’organisation intercommunale et ses compétences doivent résulter d’un projet de territoire fédérateur, voulu et défini par les élus locaux, et non d’un diktat de l’État.

La précipitation avec laquelle vous conduisez ce troisième volet de la réforme territoriale est désastreuse et hasardeuse.

À cet égard, les principales organisations représentatives des collectivités – AMF, ADF et ARF – ayant répondu positivement à l’excellente initiative du président du Sénat de créer une conférence des collectivités territoriales, ont, d’une voix commune, exprimé leurs attentes pour plus de confiance, plus de responsabilité, plus de liberté, à un moment où la France a besoin d’encourager l’initiative et de rapprocher les décisions publiques du citoyen.

Chacun dans cet hémicycle souhaite la réussite de notre pays, mais nous sommes nombreux à douter et à craindre.

À douter, madame la ministre, car aucune étude d’impact, aucune expérimentation ne permettent d’affirmer que votre réforme apportera plus d’efficacité.

À douter encore, car rien n’augure que votre réforme, comme vous l’avez tant annoncé, sera génératrice d’économies.

À craindre, enfin, une longue paralysie de l’action locale, notamment sur le plan de l’investissement, du fait de tous ces bouleversements qui chahutent profondément et sans discontinuer les collectivités locales. Les effets de cette paralysie risquent d’être terribles pour l’investissement public et l’emploi.

En conclusion, madame la ministre, vous l’avez bien compris, nous sommes fort dubitatifs à l’égard de votre projet et de sa réussite, et nous regrettons une occasion gâchée.

Siégeant au sein de la Haute Assemblée représentant les collectivités, nous osons souhaiter et croire que vous serez attentive aux évolutions qui seront proposées, car elles résultent de réflexions non partisanes, partagées par de nombreuses associations d’élus. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC.)

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République
Discussion générale (suite)

6

Commission mixte paritaire

Mme la présidente. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre la demande de constitution d’une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi relative à l’amélioration du régime de la commune nouvelle, pour des communes fortes et vivantes.

Il sera procédé à la nomination des représentants du Sénat à cette commission mixte paritaire selon les modalités prévues par l’article 12 du règlement.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures quarante-cinq.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures quarante-cinq, est reprise à vingt et une heures cinquante.)

Mme la présidente. La séance est reprise.

7

Discussion générale (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République
Discussion générale (suite)

Nouvelle organisation territoriale de la République

Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République
Discussion générale (interruption de la discussion)

Mme la présidente. Nous reprenons la discussion, après engagement de la procédure accélérée, du projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République.

Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. François-Noël Buffet.

M. François-Noël Buffet. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le temps qui m’était imparti était de sept minutes, mais mon propos sera bien plus bref. (Bien ! sur les travées du groupe socialiste.)

Je voudrais vous faire part d’un regret et d’une inquiétude.

Je regrette tout d’abord que nous soyons amenés à légiférer sur le présent projet de loi dans des conditions qui ne sont tout de même pas à la hauteur des enjeux.

Nous voilà au troisième texte de la réforme territoriale.

Après avoir voté la loi MAPTAM et à l’issue de la nouvelle lecture du projet de loi relatif à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral, nous entamons aujourd’hui l’examen du projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République et qui concerne les compétences des collectivités.

Nous nous heurtons à une difficulté qu’il convient de relever : le texte relatif aux régions s’inscrit dans une logique différente de celle qui était voulue à l’origine par le Gouvernement.

Ce dernier avait pour objectif de réduire le nombre de régions sans toucher les limites de celles-ci et de réorganiser nos collectivités locales en s’appuyant, non sur les départements mais sur les intercommunalités. Or, au cours des débats, la volonté a été réaffirmée de ne pas négliger le département, notamment par des membres de mon groupe. Depuis, la situation a quelque peu évolué.

La ligne de la réduction du nombre des régions sans toucher aux limites de celles-ci a été maintenue, alors que le respect des bassins de vie est une nécessité. Un certain nombre de choix ont été opérés qui ne satisfont pas les élus, voire qui laissent entendre que les interventions des uns ou des autres ont été plus ou moins privilégiées…

En définitive, le texte relatif à la délimitation des régions a évolué d’une façon qui n’est pas satisfaisante – elle est en tout cas la moins pire possible grâce au travail du Sénat – et qui, manifestement, ne correspond pas à notre souhait d’une grande vision de l’aménagement de notre territoire.

Quant au texte qui nous est aujourd’hui soumis relatif aux compétences – nous aurions aimé qu’il clarifie la situation –, il a lui-même évolué. Au début de l’année, au travers de la loi MAPTAM, on a voulu redonner la clause de compétence générale aux régions et, ce jour, l’on en revient à une spécialisation des différents échelons, qui n’est d’ailleurs pas tout à fait complète, contrairement à ce que j’appelais de mes vœux. Or, c’est grâce à celle-ci que l’on pouvait réellement à la fois clarifier la situation à l’égard des différents interlocuteurs et obtenir de véritables économies.

In fine, un changement de pied s’est produit en cours de route : non seulement on a rétabli le département comme structure de base des futures grandes régions, mais encore on en est revenu à une espèce de spécialisation.

Comme l’a dit tout à l’heure M. Mercier…

M. Didier Guillaume. Une grande intervention !

M. François-Noël Buffet. Je ne sais pas si elle était grande, mais une prise de parole d’une personnalité du Rhône est toujours importante. (Sourires.)

En tout cas, notre collègue a dit une chose qui me paraît essentielle : si l’on avait voulu afficher au travers ces textes une véritable vision de l’organisation territoriale de notre pays et vraiment réaliser notre objectif, à savoir aboutir à une simplification, voire trouver une source d’économies, il aurait été de bon ton de revenir au principe du conseiller territorial. (Murmures sur les travées du groupe socialiste.) Certes, nous aurions pu y apporter des améliorations, mais cette solution avait l’avantage de la clarté, de la simplification.

Si une position dogmatique n’avait pas prévalu voilà quelques mois, ce système serait en place et fonctionnerait.

M. Didier Guillaume. Nous n’aurions pas aimé !

M. François-Noël Buffet. J’en viens maintenant à mon inquiétude.

Le présent texte tend à confier la spécificité de la compétence économique à l’échelon régional.

Je le répète, je ne suis pas du tout hostile, bien au contraire, à la spécialisation des compétences. Je ne suis pas non plus dogmatique sur le sujet. Le caractère prescriptif du schéma proposé par le Gouvernement, et qui sera corrigé par le Sénat, me paraît absolument essentiel.

Or les collectivités locales qui composent le territoire – c’est singulièrement le cas de la métropole de Lyon, mais ce n’est pas le seul exemple, car il est d’autres collectivités locales qui s’inscrivent dans cette logique ou qui tentent de le faire – sont source de richesse économique et de développement. Elles ont donc besoin de pouvoir exercer aussi cette compétence économique.

Personnellement, je soutiendrai la démarche de Mme Létard, qui déposera sans doute un amendement – la commission des lois l’étudiera –, de manière à laisser place à la discussion, à la négociation et à l’accord des acteurs de terrain sur ce schéma dit « prescriptif », acteurs de terrain qui sont porteurs de cet aménagement du territoire auquel les élus locaux que nous sommes sont très attachés.

Tels sont, madame la présidente, mes chers collègues, les éléments que je souhaitais vous livrer en ce début de soirée. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Claude Haut.

M. Claude Haut. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous commençons aujourd’hui l’examen du projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République, texte qui devra modifier notre organisation territoriale pour donner à l’action publique locale la plus grande efficacité.

Toutefois, le sujet inquiète un grand nombre d’élus locaux et il est parfaitement légitime que de nombreux débats soient engagés avant le vote du présent texte.

Nous avons d’ailleurs apprécié que le Gouvernement, à la demande du président du Sénat, ait accepté, le 28 octobre dernier, d’organiser un débat d’orientation générale sur sa vision de la réforme territoriale.

En effet, il est évident que nous avions besoin d’obtenir les éclaircissements nécessaires. Sans faire de procès à quiconque, nous avons pu constater que, depuis le début de l’année, la position du Gouvernement a évolué sur le devenir de notre organisation territoriale, tout particulièrement sur celui de l’institution départementale.

Vous connaissez, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, le sentiment majoritaire de cette assemblée : nous sommes partisans du maintien du département, non pas simplement comme entité géographique, mais comme territoire de l’action publique.

En ce sens, nous n’avons pas une vision pessimiste et conservatrice de l’organisation territoriale de notre pays, mais nous avons la ferme conviction d’œuvrer à ce qui donne au projet de réforme tout son sens : la lisibilité et l’efficacité de l’action publique locale.

Le Premier ministre s’est exprimé cette année à quatre reprises sur la réforme territoriale : le 8 avril à l’Assemblée nationale, les 16 et 28 octobre dans cette enceinte même, enfin le 6 novembre lors du congrès de l’Assemblée des départements de France à Pau.

Nous avons été nombreux à remarquer le chemin parcouru et à saluer l’évolution du discours.

Mme Marylise Lebranchu, ministre. C’est vrai !