Mercredi 6 février 2008

- Présidence de M. Bernard Cazeau, vice-président, puis de M. Philippe Marini, président, puis de M. Gérard Miquel, vice-président.

Audition de MM. Frédéric Van Roekeghem, directeur général de la caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés (Cnam) et de l'union nationale des caisses d'assurance maladie (Uncam), et Jean-Marc Aubert, directeur délégué à la gestion et à l'organisation des soins

Au cours d'une première réunion tenue dans la matinée, la mission a tout d'abord entendu MM. Frédéric Van Roekeghem, directeur général de la caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés (Cnam) et de l'union nationale des caisses d'assurance maladie (Uncam), et Jean-Marc Aubert, directeur délégué à la gestion et à l'organisation des soins.

M. Bernard Cazeau, vice-président, a souhaité que M. Frédéric Van Roekeghem fasse part à la mission de ses observations sur l'efficacité actuelle du système de prise en charge de la dépendance, sa gouvernance et ses modalités de financement.

M. Frédéric Van Roekeghem, directeur général de la Cnam et de l'Uncam, a indiqué que, depuis la mise en place de la caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA), l'assurance maladie n'est pas directement en charge des politiques publiques en faveur des personnes âgées dépendantes et des personnes handicapées. Elle y contribue toutefois par le biais de participations financières et d'outils spécifiques, notamment mis à la disposition de la CNSA, avec laquelle elle a signé une convention.

L'assurance maladie est le principal financeur de la prise en charge de la dépendance : l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (Ondam) médicosocial représente ainsi 11 milliards d'euros en 2007, auxquels il convient d'ajouter les crédits consacrés aux personnes âgées dépendantes inclus dans les dépenses de soins, qui peuvent être rapprochés des dépenses d'affections de longue durée (ALD). En effet, les personnes âgées de plus de soixante-quinze ans relèvent pour la plupart du régime des ALD. Les dépenses de soins dédiées à la couverture des affections de longue durée - qui atteignent 56 milliards d'euros au total - sont ainsi estimées à 17 milliards d'euros pour les personnes de plus de soixante-quinze ans et à 5 milliards d'euros pour les personnes de plus de quatre-vingt-cinq ans. La prise en charge de la maladie d'Alzheimer représente, à elle seule, une dépense de 2,4 milliards d'euros pour l'assurance maladie du régime général et de 2,8 milliards d'euros pour l'ensemble des régimes.

L'assurance maladie ne peut donc se désintéresser de cette question, qui a un impact sur ses comptes, lesquels demeurent préoccupants. Le déficit de la branche maladie du régime général, évalué à 6,2 milliards d'euros au titre de l'année 2007 par la commission des comptes de la sécurité sociale, pourrait certes finalement être moindre, compte tenu des bonnes rentrées fiscales et se révéler inférieur à 6 milliards d'euros. Cette estimation doit toutefois être considérée avec prudence, dans la mesure où, d'une part, l'assurance maladie a une bonne vision de ses dépenses mais une vision plus limitée de ses recettes, et où, d'autre part, les opérations de clôture des comptes n'interviendront qu'à la mi-février. Le déficit de la branche maladie du régime général de sécurité sociale a été réduit de moitié par rapport à celui de l'année 2004 - 12 milliards d'euros - mais il reste préoccupant. Dans ce contexte, l'effort mené pour assurer une progression importante de l'Ondam médicosocial (+ 8,4 % en 2006, + 6,7 % en 2007 et + 6,5 % en 2008) pèse sur les comptes de l'assurance maladie, et ce, d'autant plus qu'en cas de sous-exécution des crédits votés par le Parlement, le reliquat est de toute façon affecté à la CNSA.

Même si elle participe, pour une part largement prépondérante, au financement des dépenses de l'Ondam médicosocial, l'assurance maladie n'est pas directement concernée par ces dépenses qui relèvent de la responsabilité de la CNSA, chargée seule de répartir les crédits. Les caisses primaires d'assurance maladie (CPAM) payent les forfaits sur la base des arrêtés préfectoraux, qui sont opposables, tandis que les caisses régionales d'assurance maladie (Cram) rendent de simples avis sur les budgets des établissements médicosociaux. L'assurance maladie n'est pas partie aux conventions tripartites signées avec les établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) et ne siège pas, en tant qu'institution, au conseil de la CNSA. De fait, elle apparaît comme une « boîte aux lettres financière ».

L'assurance maladie intervient toutefois dans le secteur médicosocial, d'une part, de façon marginale, par le biais de ses fonds sociaux, et d'autre part, grâce à l'élaboration de certains outils spécifiques. Parmi ceux-ci, figurent notamment la grille « Pathos », utilisée par les médecins-conseils pour évaluer la prise en charge des soins délivrés dans les Ehpad conventionnés, et le système d'information « Prisme » (prévention des risques-inspections-signalement-maltraitance en établissement social ou médicosocial), utilisé par la CNSA.

M. Frédéric Van Roekeghem a ensuite relevé que la question de la continuité de la prise en charge - des soins aigus en passant par les soins de suite et de réadaptation (SSR), jusqu'à l'accueil en Ehpad - est un sujet essentiel pour les patients. L'assurance maladie porte, pour sa part, une attention particulière à la problématique du financement et va engager une politique de contrôle spécifique des Ehpad, afin d'éviter des risques de double facturation de certains actes qui pourraient être pris en charge une première fois dans le cadre des forfaits soins, et une seconde fois dans le cadre du remboursement des soins de ville.

M. Philippe Marini, président, a souhaité connaître l'ordre de grandeur des dépenses pouvant faire l'objet d'une double facturation.

M. Jean-Marc Aubert a indiqué que cette double facturation pourrait représenter, au maximum, quelques dizaines de millions d'euros. L'assurance maladie a lancé un plan national de contrôle en décembre dernier et devrait disposer d'éléments d'appréciation sur ce sujet dans le courant du deuxième trimestre 2008.

M. Frédéric Van Roekeghem a indiqué que l'action sociale des Cram représente une dizaine de millions d'euros, ce qui est marginal par rapport aux dépenses globales supportées au titre de la dépendance (11 milliards d'euros dans le cadre de l'Ondam médicosocial et 17 milliards d'euros de dépenses d'ALD pour les personnes de plus de soixante-quinze ans, auxquels il convient d'ajouter les dépenses supportées par la CNSA et par les conseils généraux).

M. Philippe Marini, président, s'est interrogé sur l'utilité de cette action sociale des Cram, compte tenu de la faiblesse des sommes engagées.

M. Frédéric Van Roekeghem a noté que cette question a été abordée par la mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale (Mecss) de l'Assemblée nationale, qui s'est déclarée plutôt favorable au maintien d'une enveloppe d'action sociale au sein des comptes de la Cnam. Ces sommes, si elles sont peu importantes, permettent en effet de répondre à des problèmes concrets rencontrés localement par les agents des Cram.

S'agissant de l'efficacité actuelle de la prise en charge des personnes âgées dépendantes, il a estimé que l'assurance maladie n'est pas la mieux à même de l'apprécier, dans la mesure où elle n'en n'assume pas la charge directe. Les besoins de développement des actions dans le secteur médicosocial sont toutefois réels, même si l'on peut estimer qu'il existe des marges de manoeuvre pour améliorer l'utilisation des ressources publiques.

Il convient, en outre, de relever que les dépenses médicosociales ont augmenté plus fortement que le nombre des personnes âgées dépendantes au cours des années passées. L'augmentation du nombre de places en Ehpad, qui explique largement cette progression de la dépense publique, est le résultat d'une politique assumée par les gouvernements successifs. Il est toutefois possible de s'interroger sur sa pertinence au regard des expériences étrangères, l'accueil en établissement apparaissant justifié pour les personnes dont l'état de dépendance est le plus lourd, et peut-être moins dans des cas de dépendance plus légère.

M. Philippe Marini, président, a souhaité obtenir des précisions sur les expériences étrangères les plus intéressantes.

M. Jean-Marc Aubert a précisé qu'au Danemark et aux Pays-Bas, la politique de soutien au maintien à domicile des personnes âgées dépendantes s'est accompagnée de la fermeture de certaines structures d'hébergement. Cette politique a également été suivie dans de nombreux pays du Nord de l'Europe.

M. Alain Vasselle, rapporteur, s'est interrogé sur les raisons conduisant à l'écart important entre l'augmentation modérée du nombre de personnes âgées dépendantes et la nette croissance des dépenses de l'Ondam médicosocial ces dernières années.

M. Jean-Marc Aubert a relevé que la progression du nombre de personnes âgées dépendantes n'explique pas, à elle seule, la croissance de l'Ondam médicosocial. Au demeurant, il s'est montré prudent sur l'analyse de l'évolution du nombre de personnes âgées dépendantes, en rappelant qu'entre 1985 et 1995, ce nombre avait décru, selon une étude menée par l'Insee. En revanche, il apparaît certain que l'arrivée dans le grand âge de la génération du « baby-boom » se traduira par une augmentation du nombre de personnes âgées dépendantes. La croissance de l'Ondam médicosocial résulte notamment de deux autres facteurs : d'une part, du fait que l'aide familiale a été remplacée par une aide socialisée, phénomène qui n'est pas propre à la France ; d'autre part, de la volonté de renforcer l'encadrement et les moyens dévolus à l'accueil en Ehpad. La France a ainsi fait le choix de médicaliser fortement la quasi-totalité des Ehpad, quel que soit le degré de dépendance des personnes, ce qui n'est pas le cas dans tous les pays.

M. Alain Vasselle, rapporteur, a rappelé l'analyse développée devant la mission commune d'information par Mme Rolande Ruellan, présidente de la sixième chambre de la Cour des comptes, qui a jugé nécessaire d'aboutir à une connaissance plus approfondie ainsi qu'à une meilleure maîtrise des financements alloués aux établissements et aux soins de ville. S'agissant des procédures de contrôle, le fait d'avoir rattaché les personnes âgées hébergées à la caisse primaire d'assurance maladie (Cpam) dont relève l'Ehpad où elles résident, et non plus à leur ancien domicile, permettrait, selon la Cour, de mieux repérer les comportements des prescripteurs. En revanche, l'exclusion du périmètre du forfait de soins des frais de médicaments, pour les établissements qui ne sont pas dotés d'une pharmacie à usage intérieur, n'a pas contribué à une meilleure maîtrise de la dépense.

Il a souhaité connaître l'analyse de l'assurance maladie sur ce point, ainsi que ses préconisations pour acquérir une meilleure maîtrise des financements alloués aux établissements et aux soins de ville destinés aux personnes âgées.

M. Alain Vasselle, rapporteur, a également souhaité connaître la position de la Cnam sur la possibilité de faire converger la prise en charge des aides aux personnes handicapées et des aides aux personnes âgées dépendantes, telle que la préconise la CNSA.

Enfin, il s'est interrogé sur l'approche de la Cnam concernant la répartition et l'articulation des compétences et des financements entre la CNSA et les conseils généraux, mais également entre ces acteurs et les organismes de sécurité sociale d'une part, l'Etat et les futures agences régionales de santé (ARS) d'autre part. En particulier, il s'est demandé si les ARS devraient avoir compétence dans le champ social et médicosocial.

M. Frédéric Van Roekeghem a estimé que le contrôle des prescriptions établies en Ehpad n'est pas suffisamment efficace aujourd'hui, car les fichiers des CPAM n'associent pas la personne et l'établissement dans lequel elle est hébergée. Les directeurs d'Ehpad sont, certes, normalement tenus de transmettre aux CPAM la liste des assurés entrant dans leur établissement, mais cette obligation n'est assortie d'aucune sanction.

M. Jean-Marc Aubert a précisé que le problème n'est pas tant de connaître le domicile de la personne que de savoir si elle est hébergée en Ehpad. Or, seule la moitié des directeurs d'Ehpad déclare ainsi aux CPAM les personnes accueillies dans leur établissement, sur une base trimestrielle. Il conviendrait donc de rendre effective cette obligation de déclaration.

Répondant à M. Philippe Marini, président, qui s'interrogeait sur les raisons d'une telle difficulté d'application, M. Frédéric Van Roekeghem a indiqué que le directeur d'une CPAM n'a pas de pouvoir sur un directeur d'Ehpad. Par exemple, il est illégal, donc impossible, de cesser d'accorder des financements à un établissement en cas de refus de transmission de la liste des personnes hébergées. La situation aurait peut-être été meilleure si les CPAM avaient exercé plus tôt une pression sur les directeurs d'Ehpad. Cette pression est cependant aujourd'hui réelle, même en l'absence de tout dispositif de sanction. Le suivi des dépenses médicosociales, notamment des problèmes de double tarification, et le développement du rôle des médecins coordonnateurs constitueront les priorités de la Cnam en 2008, après l'accent mis sur la tarification à l'activité en 2007 et sur l'interface ville-hôpital en 2006.

Il a ensuite relevé que le principe de convergence de la prise en charge des personnes âgées dépendantes et des personnes handicapées, posé par la loi du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, a un impact financier non négligeable.

M. Jean-Marc Aubert a précisé qu'en la matière, l'application du droit devra s'adapter à la situation objective des personnes et à leurs besoins.

Mme Bernadette Dupont a souligné que l'éclatement des familles et les difficultés à se loger ne permettent pas à certaines personnes de rester chez elles et a regretté que ce constat ne soit pas suffisamment pris en compte par ceux qui préconisent des politiques de maintien à domicile.

M. Frédéric Van Roekeghem a estimé que le partage entre maintien à domicile et accueil en Ehpad ne saurait être modifié sans mettre en place une organisation structurée de prise en charge des personnes à domicile, qui fait aujourd'hui défaut. A cet égard, la question du reste à charge pour la personne, et donc du niveau de couverture du risque par les pouvoirs publics, est essentielle.

S'agissant de la gouvernance, il a souligné, à titre liminaire, le souhait de l'assurance maladie que la gestion du risque sanitaire continue à être de son ressort. L'intégration du champ médicosocial dans les compétences des agences régionales de santé (ARS) est une question complexe. Il existe une continuité évidente entre les soins aigus, les soins de suite et de réadaptation et la prise en charge médicosociale. On peut donc considérer, si les ARS sont chargées de la restructuration des établissements de santé, de manière à diminuer la part des soins aigus et à renforcer les soins de suite et de réadaptation ainsi que l'accompagnement médicosocial, qu'il serait souhaitable qu'elles puissent exercer leurs responsabilités sur l'ensemble du champ d'action sanitaire et aussi médicosociale. Ce schéma favoriserait une organisation plus efficiente et faciliterait le traitement des questions de personnel.

D'une façon plus générale cependant, il convient de réfléchir au fait que la part des soins délivrés en établissement est aujourd'hui, en France, la plus élevée de celles constatées dans l'ensemble des pays de l'organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). L'accroître encore en investissant dans les établissements médicosociaux, sans en tirer les conséquences sur l'organisation de la carte sanitaire, ferait prendre à notre pays une direction inverse à celle suivie par ses partenaires.

M. Michel Moreigne, tout en partageant l'analyse de Mme Bernadette Dupont, a mis en évidence les différences existant entre le milieu rural et le milieu urbain sur la question de la prise en charge à domicile. Il a, par ailleurs, souhaité connaître l'analyse de la Cnam sur la répartition des rôles en matière de gestion du risque dépendance, se demandant en particulier si les conseils généraux doivent être considérés comme de simples financeurs ou comme de véritables gestionnaires.

M. François Autain a souhaité obtenir des précisions sur le développement des médecins coordonnateurs au sein des Ehpad. Il s'est ensuite interrogé sur les flux financiers existant entre l'assurance maladie et la CNSA et sur la possibilité de distinguer ce qui relève de la dépendance et ce qui relève des soins qui ne sont pas liés à la dépendance.

M. Guy Fischer a estimé que la question du redéploiement de lits des établissements de soins vers les établissements médicosociaux ne peut être esquivée et a souhaité connaître l'analyse de la Cnam sur ce point. Il a relevé le poids grandissant de l'investissement privé dans le secteur des maisons de retraite. Il a ensuite souligné le caractère peu transparent de la facturation aux familles de l'accueil en Ehpad et a mis en évidence la question du reste à charge pour les bénéficiaires et leur entourage.

La question du maintien à domicile, souvent considérée comme un gisement d'emplois important, mérite par ailleurs d'être approfondie, de nombreuses personnes ne trouvant pas de places d'accueil en établissement.

M. Bernard Cazeau s'est demandé si la CNSA est réellement utile. Il a par ailleurs souhaité connaître l'évaluation de la Cnam relative au coût de la convergence entre la prise en charge des personnes âgées dépendantes et celle des personnes handicapées, qui serait compris, selon la CNSA, entre 2 et 7 milliards d'euros.

M. Alain Vasselle, rapporteur, s'est interrogé sur la possibilité de clarifier la frontière entre les dépenses prises en charge dans le cadre du forfait soins et celles prises en charge dans le cadre du forfait dépendance. Il a par ailleurs souhaité connaître l'analyse de la Cnam sur l'utilité du milliard d'euros affecté à la CNSA pour lui permettre de procéder aux ajustements nécessaires en fin d'exercice, en cas d'écart entre les autorisations de dépenses d'Ondam médicosocial dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale et les dépenses réellement exécutées.

M. Jean-Marc Aubert a indiqué qu'il est difficile, voire impossible, d'isoler les dépenses se rattachant aux soins et celles relevant de la dépendance, ce qui explique d'ailleurs que la répartition entre ces deux sphères s'effectue selon des clés conventionnelles. En réponse à M. Michel Moreigne, il a souligné que les conventions tripartites comprennent une répartition type de la prise en charge en ce qui concerne les dépenses de personnel, mais qu'il est difficile de séparer dépenses de dépendance et dépenses de soins. Peu de pays abordent, d'ailleurs, la question sous cet angle. Nos voisins, en Europe, opèrent plutôt une distinction en fonction des personnes, en les considérant tantôt comme relevant intégralement de la dépendance, tantôt comme relevant des assurances sociales.

M. Philippe Marini, président, a estimé que la dépendance constitue un risque vieillesse aggravé et que la définition du périmètre respectif des dépenses de soins et des dépenses de dépendance pourrait passer par un critère d'âge.

M. Frédéric Van Roekeghem a indiqué que, dans certains pays, lorsque la dépendance devient l'élément prépondérant de l'état de santé de la personne, les dépenses sont rattachées à une organisation spécifique.

La Cnam n'a pas évalué le coût possible de la convergence de la prise en charge des personnes âgées et des personnes handicapées, celui-ci ayant fait l'objet d'une expertise par la CNSA, ce qui répond d'une certaine manière à la question relative à son utilité. Les différents membres du conseil de la CNSA ont une vision positive de l'action de cette structure et le fait de disposer d'une masse critique de personnes travaillant sur le champ médicosocial n'apparaît pas superflu.

La possibilité de confier aux conseils généraux une compétence dans le domaine de la gestion du risque dépendance soulève la question de la médicalisation de leurs interventions. Il s'agirait alors d'une décision lourde de conséquences pour les départements. En effet, sur le plan sanitaire, la gestion du risque ne peut s'effectuer que dans un environnement médicalisé, qui suppose notamment un accès au dossier médical du patient.

L'assurance maladie est, par ailleurs, très favorable à un redéploiement des lits des établissements de soins vers les établissements médicosociaux. Une telle évolution suppose toutefois de disposer de capacités de planification et d'outils permettant de gérer les conséquences de ces redéploiements pour les personnels des établissements.

M. Philippe Marini, président, a nuancé l'analyse de M. Frédéric Van Roekeghem, en relevant que, dans le cas d'établissements publics, se pose une question de mobilité des personnels, mais pas de statut.

M. Jean-Marc Aubert a précisé que cette analyse n'avait pas pour objet de démontrer qu'une telle restructuration est impossible, mais d'appeler l'attention sur la nécessité d'assurer, le cas échéant, la reconversion des personnels en leur offrant des formations adaptées.

M. Frédéric Van Roekeghem a rappelé que l'assurance maladie intervient également comme opérateur de soins et représente, notamment, 15 % de l'offre de soins de suite et de réadaptation. En cas de restructuration des services, la question essentielle posée par les syndicats est celle de la mobilité des personnels. Il ne s'agit pas là d'une simple question technique, mais bel et bien d'une question politique si l'on veut mener à bien une restructuration des établissements. Or, les outils actuels de reconversion paraissent insuffisants. Il convient, par ailleurs, de prendre en considération le fait que le taux d'encadrement administratif dans les services de soins aigus n'a pas diminué au cours des dernières années.

M. Philippe Marini, président, s'est interrogé sur le bien-fondé de l'exercice, par l'assurance maladie, de la gestion directe de services de soins.

M. Frédéric Van Roekeghem a indiqué que ces structures ne sont plus gérées par les caisses primaires, mais par des unions de gestion régionales. En outre, une révision de la politique d'investissement de l'assurance maladie est en cours, la nouvelle stratégie consistant à renforcer les actions menées lorsque le service offert est de bonne qualité ou indispensable pour l'offre de soins, mais à se désengager lorsque l'offre de services n'est pas performante.

S'agissant des médecins coordonnateurs, l'assurance maladie conduit actuellement une opération nationale de recensement et devrait disposer d'une vision complète de la situation d'ici à la fin de l'année 2008. Ceci permettra notamment de vérifier si les objectifs qui avaient été initialement fixés sont atteints, et en particulier si ces médecins coordonnateurs ont permis d'aboutir à une régulation plus ferme des prescriptions médicamenteuses.

M. Frédéric Van Roekeghem a enfin estimé que le maintien à domicile des personnes âgées dépendantes nécessite une offre de soins adaptée et une meilleure coordination de l'ensemble des intervenants que celle qui existe aujourd'hui.

Audition de MM. Raoul Briet, conseiller-maître à la Cour des comptes, et Pierre Jamet, directeur général des services du département du Rhône, auteurs du rapport « Pour une prise en charge solidaire et responsable de la perte d'autonomie » dans le cadre de la mission de préfiguration de la caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA)

Puis la mission a entendu MM. Raoul Briet, conseiller-maître à la Cour des comptes, et Pierre Jamet, directeur général des services du département du Rhône, auteurs du rapport « Pour une prise en charge solidaire et responsable de la perte d'autonomie » dans le cadre de la mission de préfiguration de la caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA).

A titre liminaire, M. Philippe Marini, président, a souligné que la mission d'information poursuit ses réflexions sur l'avenir de la prise en charge de la dépendance autour de trois axes principaux : l'appel à la solidarité nationale, le recours à la prévoyance individuelle et collective ainsi que la notion de gestion de proximité. Cette démarche n'en est encore qu'à ses prémices et les grandes orientations du rapport sont loin d'être arrêtées. Il apparaît pourtant d'ores et déjà certain que la question du cinquième risque donnera lieu à des arbitrages délicats. Afin d'éclairer les choix qui seront faits par le Gouvernement, la mission s'attache en particulier à rechercher les voies et moyens d'une meilleure gouvernance reposant, d'une part, sur une définition claire des responsabilités des acteurs de la politique de la dépendance, d'autre part, sur la prise en compte des contraintes économiques et financières pesant sur les finances publiques et sur les finances sociales.

Elle a souhaité entendre M. Raoul Briet, conseiller-maître à la Cour des comptes, qui exerce par ailleurs les fonctions de président du conseil de surveillance du fonds de réserve des retraites, et M. Pierre Jamet, directeur général des services du département du Rhône, de façon à dresser un premier bilan de la mise en oeuvre opérationnelle de la caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA). Le rapport qu'ils avaient remis en mai 2004 à M. Jean-Pierre Raffarin, alors Premier ministre, avait en effet largement inspiré les pouvoirs publics et préfiguré la création de cette nouvelle structure.

M. Philippe Marini, président, a rappelé que les auteurs avaient alors relevé plusieurs faiblesses auxquelles ils proposaient de remédier : un mécanisme institutionnel trop cloisonné ne permettant pas de donner une réponse satisfaisante aux besoins des personnes ; une sédimentation des dispositifs sans véritable logique d'ensemble, une répartition inégale des équipements, ainsi qu'une insuffisance générale des procédures de suivi et de pilotage. Avec le recul du temps, il convient donc de se demander si la réforme mise en oeuvre en 2004 a permis de lever toutes ces difficultés.

Après avoir observé que ce rapport, élaboré conjointement avec Raoul Briet, n'est effectivement pas resté lettre morte, dans la mesure où bon nombre de ses préconisations ont été reprises par les pouvoirs publics, M. Pierre Jamet, directeur général des services du département du Rhône, s'est félicité que la création de la CNSA ait enfin rendu possible le recensement de l'ensemble des crédits affectés, au sens large, à la dépendance. La caisse nationale de solidarité pour l'autonomie est une « bonne » institution qui a également fait la preuve qu'elle sait travailler en réseau, grâce à un dialogue désormais fructueux avec les conseils généraux et les maisons départementales des personnes handicapées (MDPH). Elle a ainsi trouvé sa place au sein de l'architecture institutionnelle de la prise en charge de la perte d'autonomie.

Le bilan de la CNSA apparaît en revanche plus nuancé sur d'autres points. Les différents systèmes informatiques, en particulier, nécessiteraient d'être améliorés. En outre, la création, sous la forme de groupements d'intérêt public (Gip), des MDPH s'est traduite par une certaine « pagaille » administrative, en raison notamment des problèmes de mise à disposition de personnels. Les conseils généraux se plaignent également de ne plus avoir, compte tenu de l'effacement du rôle des directions départementales des affaires sanitaires et sociales (Ddass), d'interlocuteurs représentant l'Etat au niveau local. A ces modalités d'organisation passablement complexes, il convient d'ajouter la persistance de cloisonnements budgétaires dommageables. Dans ce contexte, les personnels des MDPH parviennent cependant à respecter dans l'ensemble le délai légal de quatre mois prévu pour apporter des réponses aux demandes formulées par les personnes handicapées.

Evoquant le sujet de la convergence des modes de prise en charge des personnes âgées et des personnes handicapées, M. Pierre Jamet s'est inquiété du manque de places d'hébergement pour les enfants handicapés. Par ailleurs, l'articulation entre les secteurs sanitaire et médicosocial mériterait également d'être améliorée, dans la mesure où le maintien à domicile des personnes dépendantes n'est pas toujours possible et où les structures intermédiaires nécessaires font défaut. Il faudrait également réfléchir à une meilleure utilisation des plateaux de soins de suite et de réadaptation qui accueillent tous les types de publics, alors qu'il serait nécessaire de prévoir des structures adaptées pour les personnes en situation de dépendance. La CNSA dispose de crédits expérimentaux qui peuvent être affectés à ce type d'investissement.

M. Pierre Jamet a regretté que les conseils généraux aient des difficultés à faire entendre leurs préoccupations lors de l'élaboration des schémas régionaux d'organisation sanitaire (Sros). Il a regretté également la faible implication des régions dans le domaine de la formation des personnes handicapées.

Sur le plan financier, il a estimé que les crédits affectés aux départements, pour faire face à la montée en charge de la prestation de compensation du handicap, ainsi qu'aux MDPH, pour assurer leur fonctionnement, demeureront encore suffisants en 2008. Mais il faudra probablement trouver des ressources nouvelles supplémentaires à partir de 2009 et plus encore en 2010. A ces difficultés s'ajouteront les effets cumulés, au fil du temps, du désengagement relatif de l'Etat dans le financement de l'allocation personnalisée d'autonomie (Apa) : les conseils généraux assument en effet désormais 65 % du coût de cette prestation, soit bien davantage que leur quote-part de 50 % initialement prévue.

Replaçant le débat actuel sur la création d'un cinquième risque dans une perspective historique à plus long terme, M. Raoul Briet, conseiller-maître à la Cour des comptes, s'est félicité de constater que la couverture des besoins de la population en matière de dépendance se soit considérablement améliorée au cours des deux dernières décennies. Il a noté en particulier que des moyens financiers substantiels ont été dégagés par la puissance publique, tandis que se développait progressivement le recours à la prévoyance individuelle et collective. Dans ce contexte, les questions très controversées, il y a une dizaine d'années encore, portant sur les aspects institutionnels de la prise en charge de la dépendance, ou sur l'alternative entre une gestion décentralisée par les conseils généraux et la constitution d'une nouvelle branche de la sécurité sociale, n'ont pas disparu. Mais l'aspect émotionnel de ces discussions a fortement diminué, ce qui devrait faciliter les décisions que les pouvoirs publics seront amenés à prendre.

M. Raoul Briet a considéré que la création de la CNSA a non seulement permis de dépasser ces questions de principe, mais s'est traduite par l'émergence d'une conception moderne de la protection sociale. De fait, celle-ci doit s'adapter à l'évolution des besoins de la population. Et indubitablement, la création de la CNSA a débouché sur une architecture de gouvernance originale, conjuguant la gestion décentralisée, par les conseils généraux, d'une prestation nationale avec le support et l'appui d'un acteur national fort et légitime assurant la diffusion des bonnes pratiques ainsi que l'évaluation et la péréquation financière du dispositif.

En ce qui concerne la convergence de la prise en charge des personnes handicapées, d'une part, des personnes âgées, d'autre part, il a estimé que le problème des limites d'âge n'a pas encore disparu. Pour autant, l'effort d'harmonisation en cours fondé sur une approche transversale de la perte d'autonomie produira ses effets progressivement, sans toutefois aller jusqu'à aboutir à un traitement uniforme de ces deux populations.

Sur le plan institutionnel, il a regretté que les pouvoirs publics aient effectué, en quelque sorte, des « demi-choix » puisque les solutions retenues ont cherché à ménager les places de l'Etat et de l'assurance maladie. Cette démarche s'inscrit en retrait par rapport aux conclusions du rapport de 2004 qui plaidaient en faveur d'une clarification des responsabilités entre les acteurs publics de la politique de la dépendance. Pour autant, si le paysage institutionnel reste « embrouillé », il l'était plus encore auparavant.

M. Raoul Briet a ensuite souligné que le problème du financement du cinquième risque ne saurait être envisagé indépendamment des perspectives globales de financement de notre système social, aujourd'hui caractérisées par de forts déficits ainsi que par un endettement significatif et dont le redressement n'est pas encore acquis.

Au lieu de raisonner suivant une logique qui se bornerait à identifier les besoins de financement additionnels, à plus ou moins long terme, du seul secteur de la perte d'autonomie, il conviendra de réfléchir à l'évolution future de l'ensemble des finances sociales. Cette démarche suppose de définir des priorités. A ce titre, il s'est demandé s'il convient de maintenir, quel que soit le niveau de revenus des assurés sociaux, une prise en charge à 100 % de l'ensemble des soins médicaux des personnes souffrant d'une affection de longue durée (ALD). Ne serait-il pas préférable de répartir différemment les ressources publiques pour financer des efforts supplémentaires dans d'autres domaines, à commencer par celui de la perte d'autonomie ? Sur ce sujet, il a renvoyé au rapport qu'il a rédigé, en 2007, avec Bertrand Fragonard, sur l'instauration d'un « bouclier social ».

M. Raoul Briet a également considéré qu'il faut distinguer l'affirmation d'un droit universel à compensation ouvert à tous, de la manière dont s'exercera ce droit. L'appel à la solidarité nationale dépend du degré de dépendance des assurés sociaux et de leurs besoins. Mais il ne semblerait pas illégitime de prendre également en compte leurs revenus et le niveau de leur patrimoine.

En ce qui concerne la prise en considération du patrimoine, il a jugé préférable que celle-ci intervienne a priori, dans le cadre du calcul du droit à prestation, plutôt qu'a posteriori sous forme d'une récupération sur succession.

Revenant sur le débat qui s'est déroulé au Sénat dans le cadre de l'examen de la loi de finances pour 2008, à l'occasion de la discussion d'un amendement tendant à prévoir la réintroduction d'un recours sur la succession des personnes dépendantes ayant perçu l'Apa, M. Philippe Marini, président, a précisé que sa position sur cette question a quelque peu évolué à la faveur des auditions des dernières semaines. Il a ainsi suggéré d'offrir aux assurés sociaux le choix entre deux options :

- ou bien accepter par avance que la collectivité puisse recouvrer sur leur patrimoine, à l'occasion du règlement de leur succession, au-delà d'un certain seuil, une partie des sommes engagées pour couvrir la charge des dépenses de dépendance, cette première solution garantissant un taux de prise en charge maximum par l'Apa ;

- ou bien refuser cette solution et accepter, en contrepartie, un niveau plus réduit de prise en charge par l'allocation personnalisée d'autonomie.

Dans ce dernier cas, en pratique, la personne sera incitée à mobiliser elle-même ses revenus et son patrimoine pour acquérir une couverture assurantielle en complément de l'Apa.

M. Alain Vasselle, rapporteur, a estimé également que ce débat n'est pas sans lien avec la question du développement de l'assurance individuelle, d'autant plus que les contraintes financières seront telles à l'avenir que la solidarité nationale ne suffira jamais à couvrir la totalité des besoins de la population. Dans ces conditions, il faudrait peut-être envisager une nouvelle mesure fiscale afin d'encourager le développement de la prévoyance individuelle et collective.

M. Raoul Briet a exprimé la conviction personnelle que l'on n'évitera pas, en matière de dépendance, d'accentuer la sélectivité de l'attribution des prestations financées par la solidarité nationale. Si l'accès à l'Apa doit demeurer universel, il convient sans doute d'en attribuer le bénéfice en priorité à ceux qui en ont le plus besoin, ce qui suppose d'effectuer un ciblage non seulement en fonction du degré de dépendance, mais aussi en fonction des niveaux de revenus et de patrimoine. D'une façon générale, l'allocation des ressources publiques doit être aussi pertinente que possible et la proposition avancée par M. Philippe Marini participe à l'évidence de cet objectif.

Dans ce contexte budgétaire difficile, la prévoyance individuelle et collective sera logiquement amenée à occuper une place significative à l'avenir. Mais cette dynamique se heurte à certaines limites. A ce titre, M. Raoul Briet a souligné que le rythme de développement de l'épargne retraite reste encore relativement lent, alors que la dépendance apparaît, aux yeux de la population, comme une perspective à la fois lointaine et déplaisante, ce qui ne favorise pas le recours à des mécanismes de couverture contre ce risque. Puis il a observé que les assureurs proposent essentiellement une sortie en rente, alors que les souscripteurs préfèreraient manifestement se voir garantir un certain niveau de prestations de service. Enfin, se plaçant cette fois sur le plan des principes, il a fait part de ses réserves sur l'idée qui consisterait à définir un nouveau champ de protection sociale sur la base d'un système facultatif.

M. Philippe Marini, président, a relativisé la distinction opérée dans les contrats d'assurance dépendance  entre les prestations en nature et les sorties en rente : dans les deux cas, il s'agit en effet de couvrir un besoin qui trouve sa traduction en termes monétaires. En termes économiques, le raisonnement est donc identique.

M. Raoul Briet a fait part de son accord sur cette observation. De surcroît, il ne semblerait pas impossible sur le plan technique, pour les assureurs, de s'engager à plus ou moins long terme sur un certain niveau de services à la personne. Ce type de produit est simplement plus difficile à mettre en oeuvre et à gérer qu'une sortie en rente.

Puis il a jugé, d'une façon générale, que la prévoyance individuelle et la prévoyance collective se développeront d'autant plus aisément dans notre pays que les pouvoirs publics auront clairement défini le socle de la solidarité nationale. Ces deux notions ne paraissent d'ailleurs nullement contradictoires, mais à l'inverse complémentaires.

M. Alain Vasselle, rapporteur, a souhaité savoir s'il y a des limites au principe de convergence de la prise en charge des personnes âgées dépendantes et des personnes handicapées. Revenant sur la complexité et le manque de lisibilité des circuits de financement de la perte d'autonomie, il a ensuite observé que l'assurance maladie consacre 17 milliards d'euros au titre des dépenses des personnes âgées de plus de soixante-quinze ans souffrant d'affection de longue durée, alors que la CNSA ne dégage que 3 milliards d'euros de ressources propres pour la couverture des prestations destinées à la perte d'autonomie. Puis il s'est interrogé sur l'articulation, à l'avenir, des responsabilités et des financements entre les conseils généraux et la CNSA, mais également entre ces acteurs et les organismes de sécurité sociale, d'une part, l'Etat et les futures agences régionales de santé (ARS), d'autre part.

M. Pierre Jamet a estimé que la convergence de la prise en charge des personnes handicapées et des personnes âgées dépendantes résulte d'une conjonction de différents facteurs : la nécessité commune d'une approche individuelle des besoins à prendre en charge, la définition dans les deux cas d'un plan de vie pour chaque assuré social, le recours à la solidarité nationale sur le plan financier. Dans un domaine aussi important que celui du logement, les besoins sont également les mêmes. Toutefois, il ne s'agit pas forcément d'aligner les barèmes des prestations accordées à ces deux populations, même si cette perspective pourrait être envisagée à terme.

Sur la question du champ de compétence des ARS, il a estimé que les conseils généraux ont besoin d'un interlocuteur fort au niveau local, doté d'une vision pluridisciplinaire et habilité à engager les services de l'Etat. Mais cette perspective supposerait aussi une clarification du champ des compétences des différents acteurs institutionnels.

M. André Lardeux a rappelé que la commission des affaires sociales du Sénat avait, en son temps, beaucoup hésité sur l'idée consistant à donner un statut de Gip aux MDPH. Avec le recul, force est de constater que les modalités opérationnelles de mise en oeuvre de ces nouvelles structures ont confirmé ces craintes. Dans ces conditions, ne faudrait-il pas procéder à l'intégration pure et simple des MDPH au sein des services départementaux ?

M. Michel Moreigne s'est demandé pourquoi le Gouvernement n'a plus recours à la faculté dont il dispose de moduler par voie réglementaire le plafonnement du coût des dépenses d'Apa pour les départements les plus pauvres, dans une fourchette comprise entre 20 % et 30 % de leur potentiel fiscal. Depuis plusieurs années déjà, ce plafond est en effet maintenu à 30 %. Cette situation est d'autant plus choquante que, dans le même temps, la CNSA a réalisé des excédents qui auraient pu bénéficier à ces départements.

M. Guy Fischer s'est inquiété de la perspective d'une augmentation inexorable du reste à charge des familles, dans un contexte de raréfaction des ressources publiques et de développement accru des mécanismes assurantiels privés.

M. Alain Vasselle, rapporteur, a souhaité savoir s'il existe bien sur le territoire national un déficit de structures d'accueil pour les jeunes handicapés, comme l'affirme M. Pierre Jamet, alors que les difficultés semblent plutôt se concentrer sur l'accueil des jeunes adultes handicapés.

M. Philippe Marini, président, a demandé un complément d'information sur l'apport des médecins coordonnateurs ainsi que sur les partenariats existants entre les établissements sociaux et médicosociaux et la médecine de ville. Puis il s'est interrogé sur l'idée qui consisterait à coupler le développement des contrats d'assurance dépendance avec la diffusion des supports existants d'épargne retraite.

Après avoir mis en avant les limites du statut juridique des MDPH sous forme de Gip, M. Pierre Jamet a estimé qu'il serait facilement envisageable, sur le plan technique, d'en confier la responsabilité aux conseils généraux, à condition toutefois de prévoir un budget annexe à cet effet. Une telle simplification serait particulièrement bienvenue pour la gestion des fichiers informatiques. En revanche, le choix du statut du Gip a présenté indiscutablement l'avantage de favoriser l'implication du tissu associatif. Il faut donc conserver cet acquis.

M. Pierre Jamet a ensuite regretté le décalage existant entre le suivi statistique très précis effectué par les conseils généraux au titre des dépenses d'Apa, qui intervient par exemple au mois le mois dans le cas du département du Rhône, et la lenteur de l'exploitation, deux ans plus tard, des remontées statistiques au niveau national.

Il a confirmé que les jeunes handicapés sont confrontés à des difficultés d'hébergement. Puis il a souligné l'importance du rôle joué par les médecins coordonnateurs au sein des équipes de gériatrie. S'agissant enfin du niveau du reste à charge des familles, il a observé que certains bénéficiaires de l'Apa ne mobilisent pas en totalité le plan d'aide auquel ils ont droit, ce qui confirme l'existence d'un problème dans ce domaine.

M. Raoul Briet a considéré qu'il n'y a pas de fatalité à l'augmentation du reste à charge des familles. Mais il faudrait sans doute davantage cibler l'effort de la solidarité nationale sur ceux qui en ont le plus besoin, ne serait-ce qu'en raison des contraintes démographiques et financières pesant sur notre système de protection sociale. Et dans ce contexte difficile, il semble également opportun de développer conjointement l'épargne retraite et l'assurance dépendance sous forme de produits communs.

Audition de MM. Gérard Pelhate, président, et Gérard Soumet, directeur de l'action sanitaire et sociale et des services aux personnes, de la caisse centrale de mutualité sociale agricole (CCMSA)

Enfin, la mission a entendu M. Gérard Pelhate, président, et M. Gérard Soumet, directeur de l'action sanitaire et sociale et des services aux personnes, de la caisse centrale de mutualité sociale agricole (CCMSA).

Après avoir rappelé que les travaux de la mission d'information visent, en amont du processus de décision, à nourrir les réflexions du Gouvernement sur le projet de loi en cours de préparation sur le cinquième risque, M. Philippe Marini, président, a souhaité connaître le sentiment de la mutualité sociale agricole (MSA) :

- d'une part, sur l'efficacité du système de prise en charge de la perte d'autonomie ainsi que sur les améliorations qui pourraient lui être apportées ;

- d'autre part, sur l'expérience spécifique du régime agricole en matière d'organisation de « réseaux gérontologiques ».

M. Gérard Pelhate, président de la CCMSA, a considéré que le dispositif de prise en charge de la dépendance, tel qu'il a été conçu en 2001, à l'occasion du remplacement de la prestation spécifique dépendance (PSD) par l'allocation personnalisée d'autonomie (Apa), constitue un progrès considérable. L'évolution du nombre des bénéficiaires, ainsi que le développement, tant quantitatif que qualitatif, des services proposés aux assurés sociaux témoignent d'une dynamique pour le moins spectaculaire. Les départements ruraux et ceux dont la population comprend une forte proportion de ménages modestes sont d'ailleurs ceux qui ont, proportionnellement, le plus bénéficié de cette montée en charge très rapide.

Il a souligné, en revanche, que le niveau actuel de l'Apa demeure trop faible pour les personnes souffrant d'une perte d'autonomie importante, notamment celles classées dans les groupes iso ressources (Gir) 1 et 2, très majoritairement accueillies dans des établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad). Mais ce phénomène de solvabilisation insuffisante des assurés sociaux touche également les personnes ayant des retraites faibles ou même moyennes.

M. Gérard Pelhate a jugé anormal que le financement d'une prestation universelle comme l'Apa repose en réalité à hauteur de 70 % sur la fiscalité locale. Ce constat peu satisfaisant, ainsi que les perspectives inéluctables de vieillissement de la population française, dont le régime agricole mesure pour sa part d'ores et déjà les conséquences, devraient conduire les pouvoirs publics à reconsidérer les sources actuelles de financement de la dépendance. Dans cet objectif, la MSA propose :

- d'améliorer le financement public, par le biais notamment d'un renforcement de l'effort contributif des retraités eux-mêmes ;

- de rendre plus sélectifs les barèmes de l'Apa au regard du revenu des bénéficiaires, afin de dégager les moyens financiers nécessaires pour augmenter les plans d'aide des assurés sociaux qui en ont le plus besoin ;

- d'introduire une part complémentaire d'assurance afin de limiter le reste à charge des familles.

M. Gérard Pelhate a également suggéré d'encourager la préservation des solidarités familiales en envisageant des incitations fiscales spécifiques. Ainsi serait-il opportun d'ouvrir le bénéfice des avantages fiscaux du chèque emploi service universel (Cesu) aux membres d'une famille prenant en charge le financement des services dont l'un de ses parents a besoin.

M. Gérard Pelhate a ensuite souligné que le risque de devenir dépendant s'inscrit tout naturellement dans le cadre du socle de solidarité fondant la sécurité sociale, puisqu'il s'agit d'un aléa de la vie frappant inégalement les assurés sociaux. Et généralement, la personne concernée ne pourra que difficilement y faire face avec les seules ressources de sa retraite.

Dans le contexte créé par le processus de vieillissement de la population française, il a jugé logique la création d'une nouvelle branche de sécurité sociale destinée à prendre en charge les personnes âgées dépendantes, ainsi que les personnes handicapées. Pour autant, la MSA n'ignore pas que les compétences confiées aux conseils généraux au titre de l'Apa et de la prestation de compensation du handicap (PCH), ainsi que la création récente de la caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA), rendent sans doute cette perspective improbable. Il convient donc plutôt de raisonner sur un schéma institutionnel fondé sur une répartition des rôles entre un opérateur national, la CNSA, et les conseils généraux, en leur qualité d'acteurs locaux de proximité.

La CNSA serait ainsi chargée, comme elle le fait déjà aujourd'hui, de piloter et de réguler les conditions de mise en oeuvre de la nouvelle prestation par les conseils généraux, tout en assurant une péréquation financière entre ces derniers, afin de veiller à l'égalité de traitement des bénéficiaires sur le territoire national. Dans cette configuration, les agences régionales de santé (ARS) pourraient alors constituer ses relais régionaux, en lieu et place des directions régionales des affaires sanitaires et sociales (Drass) et des directions départementales des affaires sanitaires et sociales (Ddass).

La mutualité sociale agricole souhaite que soit consacré, dans le nouveau dispositif, le rôle qu'elle joue, aux côtés de la caisse nationale d'assurance vieillesse des travailleurs salariés (Cnav) et du régime social des indépendants (RSI), en partenariat avec eux, dans le domaine de la prévention de la dépendance.

Au sujet de la question de la convergence de la prise en charge des personnes handicapées et des personnes âgées dépendantes sur la base d'une prestation unique d'accès à l'autonomie, M. Gérard Pelhate a souligné qu'en sa qualité de « guichet unique » de protection sociale en milieu rural, la MSA a toujours exprimé son attachement au principe de la continuité dans le temps des droits et des prestations des assurés sociaux. De fait, la barrière d'âge de soixante ans, que la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées propose d'abolir prochainement, continue à poser des difficultés pratiques considérables aux personnes handicapées et à leurs familles.

D'une façon générale, la MSA ne souhaite pas que l'on aboutisse à une prestation unique sur la base d'un panier de biens ou de services identique pour les deux populations. Elle juge, en revanche, prioritaire :

- de mettre en oeuvre le principe de compensation de la perte d'autonomie en adoptant des outils harmonisés d'évaluation des besoins ;

- de fusionner les dispositifs actuellement en vigueur dans le cadre de l'Apa et de la maison départementale des personnes handicapées (MDPH), en créant des maisons de l'autonomie.

Au sujet de la question des modalités de financement futures de la prise en charge de la dépendance, M. Gérard Pelhate a écarté la perspective de recourir à des mécanismes restrictifs, à l'instar de ceux existants dans le cadre de l'aide sociale départementale. Il a ainsi refusé la création d'une condition de ressources pour l'accès à la prestation, la mise en jeu de l'obligation alimentaire, ou la réintroduction d'un recours sur succession, auquel l'Apa avait précisément mis un terme. Sur ce dernier point, en particulier, un retour en arrière semble difficilement concevable.

Pour autant, le financement de la dépendance ne saurait reposer sur la seule mise à contribution de la population active, ce qui aboutirait, compte tenu des perspectives démographiques défavorables, à faire peser progressivement sur les jeunes générations une charge insupportable. La MSA estime donc justifié d'augmenter de 0,9 point le taux de contribution sociale généralisée (CSG) des retraités imposables au titre de l'impôt sur le revenu, afin de l'aligner sur celui des actifs.

M. Gérard Pelhate a ensuite réaffirmé qu'un recentrage du bénéfice de l'Apa sur les publics prioritaires doit permettre de mieux aider les personnes les plus dépendantes ainsi que celles qui disposent d'une retraite d'un niveau faible ou moyen. Cette orientation supposerait de prévoir un niveau de prestations de base et complémentaire limitant fortement le reste à charge des bénéficiaires. Il serait sans doute utile de s'inspirer pour cela du système du bouclier sanitaire envisagé dans le cadre de l'assurance maladie par le rapport Briet-Fragonard.

M. Gérard Pelhate a souligné que la MSA est particulièrement soucieuse de contribuer au maintien à leur domicile des personnes âgées. Elle s'est donc attachée à soutenir le développement de réseaux gérontologiques expérimentaux, organisés autour d'une prise en charge globale des bénéficiaires. Cette démarche nécessite de confier un rôle de coordination au médecin généraliste traitant, et repose sur une meilleure articulation des secteurs sanitaire et social, ainsi que sur le renforcement de la coopération entre l'hôpital et les soins de ville.

Le bilan de ces expérimentations apparaît tout à fait positif. Depuis 2000, plus de 6 000 personnes âgées ont été prises en charge par les dix-neuf réseaux gérontologiques soutenus par la MSA et plus de 1 500 professionnels de santé, dont environ 700 médecins, y ont adhéré. On enregistre tout à la fois une diminution du nombre de journées d'hospitalisation, des dépenses d'hospitalisation et de médicaments, ainsi que du coût total mensuel par patient. Dans le rapport qu'elle a consacré en 2006 à l'utilisation du fonds d'aide à la qualité des soins de ville (Faqsv) et à la dotation nationale de développement des réseaux (DNDR), l'inspection générale des affaires sociales a d'ailleurs fort justement rendu hommage à la qualité du travail ainsi réalisé.

M. Gérard Pelhate a précisé que l'engagement de soutenir le développement des réseaux gérontologiques sur l'ensemble du territoire national figure dans le plan d'action stratégique de la MSA ainsi que dans sa convention d'objectifs et de gestion (Cog) pour la période 2006-2010. Ce soutien ne prend toutefois pas la forme d'un financement direct par la mutualité sociale agricole dans la mesure où la couverture des frais de fonctionnement de ces réseaux est assurée par le fonds d'intervention pour la qualité et la coordination des soins (Fiqcs) qui a pris la suite du Faqsv et de la DNDR. La MSA apporte essentiellement un appui méthodologique, logistique et juridique, tout en faisant bénéficier ces réseaux gérontologiques de son expertise et des services à la personne qu'elle développe.

M. Gérard Pelhate s'est en revanche inquiété de voir cette dynamique potentiellement entravée par l'absence de visibilité à moyen terme attachée à ce mode de financement. Au lieu d'une enveloppe révisable chaque année en fonction des montants accordés au Fiqcs, la MSA souhaite donc que les pouvoirs publics réfléchissent à la façon de pérenniser les moyens mis à la disposition de ces réseaux qui apparaissent comme des solutions moins coûteuses que l'hospitalisation ou le placement en institution.

M. Gérard Pelhate a souligné ensuite la nécessité d'améliorer la prévention de la dépendance. La MSA propose ainsi des programmes de stimulation cognitive (Pac Eureka) ainsi que des ateliers-santé (« les ateliers du bien vieillir ») sur l'ensemble du territoire. Il faut aussi agir en priorité lorsque les assurés sociaux traversent une période de grande fragilité, comme à la fin d'une hospitalisation, lors d'une dépression nerveuse ou à l'occasion de la perte d'un conjoint ou d'un proche. La MSA et la caisse nationale d'assurance vieillesse (Cnav) ont conçu et signé une convention de partenariat pour répondre à ce type de situation.

Après avoir remercié M. Gérard Pelhate pour l'intérêt et la qualité pédagogique de son exposé, M. Gérard Miquel, vice-président, a souligné l'importance de mieux prendre en compte la spécificité des territoires ruraux dans la définition de la politique de prise en charge de la perte d'autonomie.

M. Alain Vasselle, rapporteur, a souhaité savoir si la MSA a évalué plus précisément l'impact des réseaux gérontologiques dont elle soutient le développement, ainsi que l'efficacité de son action tendant à prévenir le vieillissement des personnes âgées.

M. Gérard Pelhate a répondu qu'il apparaît délicat de procéder à un chiffrage très précis des économies ainsi réalisées. Pour autant, les effets positifs de cette politique constituent une certitude et la MSA fournira à la mission d'information du Sénat les données complémentaires, établies par un cabinet d'audit, dont elle dispose à ce sujet.

M. Gérard Soumet, directeur de l'action sanitaire et sociale et des services aux personnes de la CCMSA, a souligné en particulier que les ateliers de réactivation de mémoire présentent le grand mérite de redonner aux assurés sociaux l'envie de s'intéresser à leur environnement immédiat.

M. Gérard Miquel, vice-président, s'est inquiété de la difficulté à transformer et à agrandir les maisons d'accueil rurales pour personnes âgées (Marpa), dont le développement a été soutenu par la MSA. En effet, assurer leur viabilité financière suppose d'augmenter leur capacité d'accueil et le vieillissement des personnes qu'elles hébergent impose un effort d'aménagement.

M. Gérard Pelhate a précisé que les instances de la MSA travaillent sur ce sujet. Mais le concept même de Marpa, consistant à promouvoir de petites unités de vie, demeure toujours pertinent et ne doit pas être altéré. La mutualité sociale agricole envisage d'ailleurs de créer cent nouvelles Marpa qui viendront s'ajouter aux cent trente maisons déjà existantes. La réponse au vieillissement des personnes âgées dépendantes consiste essentiellement à encourager le travail en réseau en milieu rural et la MSA n'envisage pas de transformer ces Marpa en des Ehpad accueillant plus de soixante personnes.

M. Guy Fischer a souhaité savoir si la principale préoccupation de la MSA consiste à éviter que le reste à charge des assurés sociaux ne s'accroisse, notamment par les personnes classées en Gir 1 et 2.

M. Gérard Pelhate a estimé que le principe d'équité conduit nécessairement à rechercher une plus grande maîtrise du reste à charge des familles. Sans revenir sur le principe d'une prestation universelle offerte à tous, il faudrait probablement lier davantage le niveau de la prise en charge assumée par la solidarité nationale aux revenus des personnes âgées dépendantes.

Audition de MM. Claudy Lebreton, président, et Louis de Broissia, premier vice-président, de l'assemblée des départements de France (ADF)

Au cours d'une seconde séance tenue dans l'après-midi sous la présidence de M. Philippe Marini, président, puis de M. Bernard Cazeau, vice-président, la mission d'information a tout d'abord entendu MM. Claudy Lebreton, président, et Louis de Broissia, premier vice-président, de l'assemblée des départements de France (ADF).

M. Philippe Marini, président, a souligné que la mission compte, parmi ses membres, plusieurs présidents et vice-présidents de conseils généraux, ce qui témoigne de sa forte sensibilité pour les questions relatives au rôle et aux compétences des départements.

Il a indiqué que la mission souhaite connaître l'analyse des départements sur la prise en charge actuelle de la dépendance, le montant des sommes versées par ces derniers au titre de la dépendance, les disparités régionales constatées - tant du point de vue de l'offre des services proposés aux personnes âgées dépendantes que de celui du coût net incombant aux conseils généraux -, la coordination des actions des différents intervenants sur le terrain, enfin, l'intervention de la caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) et l'articulation de son rôle avec celui des départements.

Il a, par ailleurs, indiqué que la mission sera attentive aux propositions d'amélioration suggérées par l'assemblée des départements de France (ADF), tant du point de vue de la gouvernance que des conditions de prise en charge de la dépendance, rappelant, à cet égard, les propos du Président de la République lors de son intervention du 18 septembre 2007, au Sénat, sur la complexité et l'opacité du dispositif actuel.

M. Claudy Lebreton a rappelé que l'ADF s'exprimerait, dans le cadre de cette audition, à plusieurs voix grâce à la participation de M. Louis de Broissia, premier vice-président, et à la présence de M. Bernard Cazeau, président de la commission des politiques sociales et familiales au sein de l'ADF, particulièrement chargée des personnes retraitées et âgées, et des personnes en situation de handicap.

Il a tout d'abord indiqué que le problème auquel l'ADF se trouve confrontée n'est pas simplement celui de la prise en charge de la dépendance des personnes âgées ou handicapées. Cette question est certes légitime : elle concerne environ 5 à 6  % des personnes hébergées dans les établissements pour personnes âgées et retraitées. La préoccupation de l'ADF est aussi celle du « bien vieillir dans notre société », c'est-à-dire celle de la mise en place de politiques de prévention de la dépendance, ce que les départements ont d'ailleurs commencé à faire en direction des personnes retraitées ou proches de la retraite.

Il a ensuite insisté sur la réactivité de l'administration territoriale départementale s'agissant de l'application des textes relatifs à l'action sociale des départements, en dépit, parfois, des retards pris dans la publication des décrets d'application. Il a cité l'exemple de l'allocation personnalisée pour l'autonomie (Apa), pour laquelle les départements ont pu procéder au versement des prestations dès le 2 janvier 2002, soit moins de six mois après sa création par la loi n° 2001-647 du 20 juillet 2001. Les enjeux ont été les mêmes s'agissant du revenu minimum d'insertion (RMI), de la prestation de compensation du handicap (PCH) et de la mise en place des maisons départementales des personnes handicapées (MDPH).

M. Claudy Lebreton a également souligné l'hétérogénéité des politiques départementales, ainsi qu'en témoigne, notamment, l'évaluation conduite par l'ADF sur la mise en place des MDPH : bien que la forme juridique retenue soit celle du groupement d'intérêt public (Gip), certains départements, au moins dans un premier temps, ont eu tendance à considérer ces structures comme des services départementaux, alors que le Gip suppose un partenariat avec les associations, les syndicats et les services administratifs nationaux.

Cette hétérogénéité des politiques départementales est en réalité intrinsèquement liée au principe de décentralisation, qui est synonyme de différences, ce que les concitoyens, voire les élus, ont tendance à oublier. En effet, la décentralisation induit des choix politiques d'organisation et de priorités différents selon les collectivités. Cette diversité résulte également des situations démographiques, économiques, financières et fiscales différentes des départements.

S'agissant de l'Apa, il a jugé satisfaisante la façon dont l'allocation est mise en oeuvre, estimant que les enjeux actuels dépassent la simple question de l'application des textes en vigueur en la matière. M. Claudy Lebreton a insisté sur deux problèmes principaux :

- d'une part, la professionnalisation des acteurs intervenant dans la prise en charge des personnes âgées dépendantes, notamment celle des auxiliaires de la vie sociale et, plus généralement, celle de l'ensemble des acteurs du secteur médicosocial ;

- d'autre part, la répartition de la charge supportée, au titre de l'Apa, par l'Etat, via la CNSA, et les départements. Bien que les débats parlementaires au moment de l'examen de la loi instituant l'Apa laissaient envisager une prise en charge pour moitié par l'Etat et, pour l'autre, par les départements, ces derniers supportent en réalité aujourd'hui en moyenne 60 % du financement de cette allocation, contre 40 % pour l'Etat. Dans certains cas, la part prise en charge par l'Etat représente moins de 30 %. Dans d'autres départements, comme le département de la Creuse, celle-ci représente entre 40 et 45 % du financement de l'Apa.

S'agissant de la PCH, la montée en charge du dispositif est moins importante que prévu, ce qui résulte du nombre restreint de familles qui, percevant l'allocation compensatrice pour tierce personne (ACTP), ont exercé leur droit d'option en faveur de la PCH.

M. Claudy Lebreton a évalué à 6 milliards d'euros les dépenses en faveur des personnes âgées supportées par les départements et à 4 milliards d'euros celles en direction des personnes handicapées.

Abordant la question de la gouvernance de la prise en charge de la dépendance, il a indiqué que l'ADF est favorable aux propositions formulées par la CNSA dans son rapport d'activité pour 2007, c'est-à-dire notamment à la mise en place d'une cinquième branche de la sécurité sociale avec un financement assis sur la fiscalité nationale et départementale. En revanche, l'ADF ne s'est pas encore prononcée sur la question de la part de la prise en charge de la dépendance devant relever de l'assurance privée.

L'ADF plaide, par ailleurs, pour une approche convergente de la prise en charge des aides aux personnes handicapées et des aides aux personnes âgées dépendantes, telle que la préconise la CNSA.

A titre liminaire, M. Louis de Broissia a indiqué que les cent deux conseils généraux sont aujourd'hui confrontés à de nouvelles responsabilités. Il a ainsi rappelé le contexte général dans le lequel s'inscrit le débat actuel sur la prise en charge de la dépendance en dressant un bref historique des textes législatifs ayant transféré aux départements des compétences en matière d'action sociale :

- les lois de décentralisation de 1981 et 1982 qui ont confié aux départements une première responsabilité universelle, celle de la protection de l'enfance : les départements ont, depuis lors, l'obligation légale d'accueillir les enfants en situation de grande fragilité. Actuellement près de 300 000 enfants en situation de danger seraient ainsi concernés ;

- la loi n° 2001-647 du 20 juillet 2001 qui crée l'Apa. A cet égard, M. Louis de Broissia a, de nouveau, souligné la mise en oeuvre très rapide de ce texte par les départements. La création de l'Apa, qui a connu un succès plus important que prévu, répondait à une évolution forte de la société : d'une part, la dégradation du tissu familial et l'éclatement des familles multigénérationnelles ; d'autre part, le passage d'une logique d'aide sociale facultative à une logique d'aide sociale universelle. Sur ce dernier point, il a souligné la revendication clairement affichée de l'ADF pour une approche universelle et personnalisée de la personne en difficulté.

M. Louis de Broissia a ensuite indiqué que les législateurs successifs ont eu tendance à considérer que les départements sont suffisamment réactifs, professionnels et motivés pour prendre en charge les grandes évolutions sociétales récentes. Ainsi, pour une part majeure de leur budget, les départements ne sont pas des collectivités libres de leur choix, mais des collectivités qui appliquent des règles de solidarité nationale selon des modalités de financement souvent imprécises, ainsi qu'en témoignent :

- la répartition du financement de l'Apa entre l'Etat et les départements : les travaux parlementaires laissaient penser à une répartition à parts égales ; en réalité l'Etat en supporte en moyenne seulement 32 % ;

- la protection de l'enfance, pour laquelle aucun système de péréquation n'est prévu et la compensation insatisfaisante ;

- la prise en charge du handicap : si la PCH fait l'objet d'une compensation quasi intégrale, la mise en place des MDPH pose plus de difficultés ;

- enfin, les dépenses supportées au titre du RMI, compensées à hauteur de 94 % seulement.

M. Louis de Broissia a fait part de son sentiment selon lequel l'Etat, dès lors qu'il est confronté à des risques sociétaux lourds, transfère la prise en charge de ces risques aux départements sans établir des règles de péréquation financière précises. C'est pourquoi les conseils généraux, étant donné leur diversité, demandent de nouvelles règles de péréquation qui ne reposent pas uniquement sur la prise en compte de la richesse des collectivités, mais aussi sur leur situation démographique, notamment le vieillissement de leur population, et sur leurs atouts économiques.

Il a estimé que, si la dépendance n'est pas prise en compte par la solidarité nationale, les départements ne pourront plus, à terme, remplir que cette mission, au détriment de leur action menée en matière d'éducation, d'aménagement du territoire ou de leur partenariat avec les communes et groupements de communes, facteur important de la cohésion territoriale.

M. Alain Vasselle, rapporteur, a souhaité que l'ADF fasse part de son expérience quotidienne en matière de gestion de l'Apa, qu'il s'agisse du point de vue des équipes médicosociales, des populations concernées, ou de ses aspects budgétaires.

Il s'est ensuite interrogé sur plusieurs points :

- le décalage conséquent entre le tendanciel moyen de progression du nombre de personnes âgées dépendantes (+ 1 % par an), tel qu'il a été établi notamment dans le rapport de Mme Hélène Gisserot de mars 2007, et le taux de croissance effectivement constaté ces dernières années (+ 8 %) pour le nombre des bénéficiaires de l'allocation personnalisée d'autonomie ;

- la coordination des acteurs intervenant dans la prise en charge de la dépendance et l'articulation des compétences entre les conseils généraux, la CNSA et la sécurité sociale ;

- la tarification tripartite des établissements sociaux et médicosociaux hébergeant des personnes âgées dépendantes : faut-il conserver la tarification tripartite ou s'orienter vers une tarification unique, ce qui reviendrait à transférer aux départements la totalité des compétences en matière de fixation des tarifs dans ce type d'établissement, y compris le tarif soins versé par l'assurance maladie ;

- le champ de compétences des futures agences régionales de santé (ARS) : celles-ci doivent-elles avoir des compétences dans le secteur médicosocial ?

- les limites éventuelles de la mise en place d'une approche convergente de la prise en charge des personnes âgées et des personnes handicapées ;

- les causes du retard de la politique de conventionnement tripartite des établissements d'hébergement des personnes âgées dépendantes (Ehpad), certaines personnes auditionnées ayant jugé que ces retards pouvaient être, en partie, imputés aux conseils généraux ;

- la prise en compte du patrimoine dans la prise en charge des personnes âgées dépendantes, soit au moment du calcul des prestations, soit par la mise en place d'un dispositif de recours sur succession ;

- enfin, l'application différenciée de la grille Aggir sur le territoire.

Après avoir indiqué que l'ADF fera parvenir à la mission des réponses écrites au questionnaire qui lui a été adressé, M. Claudy Lebreton a, de nouveau, insisté sur le caractère inévitablement différencié des politiques départementales, cette différenciation résultant de la logique même de la décentralisation qui amène les départements à opérer des choix politiques spécifiques, conformément au principe de libre administration. A titre de comparaison, il a cité l'exemple de la gratuité des transports scolaires pratiquée dans certaines collectivités et pas dans d'autres. Le retour à une gestion par l'administration nationale déconcentrée ne serait pas forcément le gage d'une application uniforme des textes en vigueur sur le territoire. Il a jugé que le succès de la décentralisation tient à la réactivité des collectivités territoriales et à la proximité des élus locaux, tout en soulignant que l'hétérogénéité des politiques menées par les départements tient davantage à leur histoire qu'à des clivages partisans.

S'agissant de l'évolution tendancielle des dépenses relatives à l'Apa, M. Claudy Lebreton a rappelé que la montée en charge de cette allocation a été beaucoup plus rapide que prévu, ce qui témoigne de l'attente forte des personnes directement concernées par ce dispositif, mais également de leur famille, dans la mesure où cette allocation touche à la fois la personne dépendante mais également son environnement familial. L'évolution des dépenses liées à l'Apa tient à deux phénomènes : d'une part, l'allongement de l'espérance de vie et donc l'augmentation du nombre des personnes dépendantes, d'autre part, la survenance d'accidents brutaux qui peuvent provoquer une perte d'autonomie. L'évolution tendancielle des dépenses d'Apa doit également être analysée au regard d'un phénomène nouveau : les demandes de correction des groupes iso-ressources (Gir) dans lesquels sont classées les personnes dépendantes, afin de tenir compte de l'évolution de leur état de dépendance. Or ces demandes de correction induisent des dépenses supplémentaires pour les départements, même si le nombre de bénéficiaires reste stable par ailleurs.

M. Louis de Broissia a, de nouveau, souligné la réactivité remarquable des conseils généraux dans la mise en oeuvre de l'Apa, ce dont l'Etat et ses services déconcentrés n'auraient certainement pu être capables. Cette réponse, plus ou moins rapide selon les départements, résulte de l'effet d'entraînement que provoque la décentralisation : chaque département est amené à observer ce que font les autres collectivités.

M. Alain Vasselle, rapporteur, a considéré que ce discours ne plaide pas en faveur de la mise en place d'une cinquième branche de sécurité sociale.

M. Louis de Broissia a indiqué que l'ADF est favorable à la création d'une cinquième branche qui financerait des opérations mises en oeuvre par les départements avec les spécificités qui les caractérisent.

Il a également précisé que le succès de l'Apa s'explique par l'absence de mécanisme de récupération sur succession. L'ADF n'est, à cet égard, pas favorable à la mise en place d'un tel dispositif s'agissant de cette allocation.

M. Claudy Lebreton a indiqué que la mise en place des MDPH a été plus complexe que celle de l'Apa en raison de la multiplicité des partenaires intervenant dans ces structures. En particulier, les associations représentatives des familles et des personnes handicapées n'étaient pas complètement acquises à l'idée que les MDPH soient gérées par les départements.

S'agissant de leur forme juridique, l'ADF était opposée au groupement d'intérêt public (Gip). Elle aurait préféré la mise en place d'établissements publics départementaux, sous une forme juridique similaire à celle retenue pour les centres communaux d'action sociale (CCAS). Le recours à cette forme juridique aurait permis de régler, en partie, le problème du statut du personnel mis à disposition dans ces structures ; aujourd'hui les personnes employées dans les MDPH relèvent de régimes juridiques très différents (fonctionnaires de l'Etat mis à disposition, fonctionnaires territoriaux, personnes employées directement par le Gip).

Une autre difficulté dans la mise en place des MDPH tient aux conceptions divergentes que les départements et la CNSA ont à l'égard de ces structures : la CNSA a eu tendance à considérer les MDPH comme des services extérieurs dépendant d'elle, destinés à mettre en oeuvre une politique nationale, alors que l'ADF mettait en avant une culture de décentralisation et la libre administration. Aujourd'hui, le partage des compétences semble poser moins de difficultés. A cet égard, une convention devrait bientôt être signée entre l'ADF et la CNSA.

S'agissant des conventions tripartites, il a considéré que, malgré certaines difficultés dans leur application tripartite, le principe d'une tarification distinguant les dépenses de soins, de dépendance et d'hébergement fonctionne assez bien et est relativement cohérent. Si ce dispositif doit être réformé, il convient néanmoins de préparer en amont ces changements, afin d'assurer une appropriation des nouvelles règles par les différents partenaires. L'ADF n'est pas favorable aux propositions de la mission de préfiguration de la CNSA de 2004 conduite par MM. Raoul Briet et Pierre Jamet consistant à transférer aux départements la totalité des compétences en matière de fixation des tarifs dans ce type d'établissement, y compris le tarif soins versé par l'assurance maladie.

M. Louis de Broissia a mis en garde contre la tendance politique forte qui consiste à demander aux départements de prendre en charge les politiques de santé et donc les dépenses de soins afférentes. A cet égard, il a rappelé que la loi n° 2004-810 du 13 août 2004 relative à l'assurance maladie va davantage dans le sens d'une « recentralisation » des politiques de santé.

S'agissant des ARS, M. Claudy Lebreton a indiqué que l'ADF s'interroge sur les avantages qui pourraient résulter, pour les départements, de leur participation à ces structures. Il est vraisemblable que si la question était posée, une majorité de l'ADF prônerait une représentation des départements au sein des ARS, notamment afin de leur permettre de participer aux discussions sur la réorganisation de la carte hospitalière. Mais les départements ne veulent pas intervenir dans la définition de la politique de santé.

M. Bernard Cazeau, vice-président, a considéré qu'il faut que les départements participent aux travaux de ces structures mais sans en être membres et qu'ils refusent toute prise de responsabilité dans le domaine sanitaire.

M. François Autain a estimé que ces deux aspects sont néanmoins très liés.

S'agissant de l'approche convergente de la prise en charge des personnes âgées dépendantes et des personnes handicapées, M. Claudy Lebreton a indiqué que l'ADF est favorable à la position de la CNSA sur ce point, dans la mesure où la prise en charge des personnes âgées dépendantes et des personnes handicapées relève d'une politique familiale et qu'il est possible de rapprocher les services qui interviennent dans la prise en charge de ces deux publics.

Il a indiqué que, selon un rapport d'audit sur l'évolution des dépenses des départements, la capacité de désendettement moyenne des départements s'échelonne sur une période de douze à vingt ans. Trois dépenses pèsent particulièrement sur les budgets des départements : les dépenses relatives à l'Apa, le RMI et la PCH.

M. Charles Guené a estimé que l'ADF semble mener ses réflexions sur la prise en charge de la dépendance dans l'absolu, c'est-à-dire sans réellement tenir compte de la contrainte budgétaire forte à laquelle les pouvoirs publics sont confrontés. S'agissant de la gouvernance, il a indiqué que l'ADF paraît être sur une position défensive, alors que l'idée n'est pas de retirer la compétence des départements en matière de prise en charge de la dépendance. Il a précisé que si la mise en place d'un cinquième risque peut apparaître comme une bonne solution, elle pourrait néanmoins déresponsabiliser les individus et ainsi être source de dépenses supplémentaires. De même a-t-il considéré qu'une approche convergente de la prise en charge de la dépendance des personnes âgées dépendantes et des personnes handicapées entraînera nécessairement un nivellement par le haut des dispositifs et donc un accroissement des dépenses. Il s'est enfin interrogé sur les réticences de l'ADF à la prise en compte du patrimoine dans la prise en charge des personnes dépendantes, que ce soit lors du calcul des prestations ou par le biais de la mise en place d'un dispositif de récupération sur succession.

M. Michel Moreigne a indiqué que, quelle que soit la solution retenue, il y a une forte probabilité pour que les conseils généraux continuent d'être des contributeurs importants du financement de la dépendance. La principale préoccupation doit aujourd'hui porter sur la péréquation. Il est un aspect de la péréquation qui, jusqu'à présent, n'a pas fonctionné : alors que le Gouvernement a la possibilité de fixer, par décret, la charge nette des départements dans une fourchette comprise entre 20 et 30 % de leur potentiel fiscal, cette disposition n'a pas été appliquée. M. Michel Moreigne a ainsi souhaité savoir si l'ADF entend soulever cette question auprès de la CNSA et du Gouvernement et plaider en faveur de la mise en oeuvre d'une réelle péréquation verticale. A cet égard, il s'est interrogé sur les moyens d'influence dont dispose la CNSA en la matière.

M. François Autain a, tout d'abord, abordé la question de la répartition de la charge induite par la mise en place de l'Apa entre l'Etat et les départements, précisant que, contrairement à ce que pouvaient laisser penser les débats parlementaires de l'époque, les départements contribuent davantage que l'Etat en la matière. Il a également rappelé les propos de M. Raoul Briet qui, lors de l'audition de la matinée, a indiqué que les crédits alloués aux départements au titre de l'Apa sont suffisants. Il a dès lors souhaité connaître les causes des disparités constatées d'un département à l'autre s'agissant de l'attribution de cette allocation : ces différences sont-elles le fruit de choix politiques différents ou d'une carence de l'Etat ?

II s'est ensuite interrogé sur la proposition de la CNSA, à laquelle l'ADF adhère, tendant à la mise en place d'une cinquième « branche », soulignant que les intervenants n'ont pas utilisé le terme de « cinquième risque ». Il a souhaité savoir si la CNSA pourrait être l'embryon de cette cinquième branche et quelles seraient les ressources de celle-ci.

Après avoir indiqué qu'il n'était pas opposé à ce qu'un lien soit établi entre le patrimoine et la dépendance, M. François Autain a suggéré l'instauration d'une taxe sur le patrimoine, par exemple une taxe additionnelle à l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF). Ce dispositif serait plus juste qu'un mécanisme faisant dépendre l'Apa du niveau de patrimoine de la personne âgée dépendante.

M. Guy Fischer a souligné la difficulté d'avoir une connaissance parfaite du processus de formation des prix de l'hébergement en Ehapd, ce qui est source de difficultés pour les familles. C'est pourquoi il s'est interrogé sur l'opportunité du maintien du mécanisme de tarification tripartite actuellement en vigueur.

Il a, par ailleurs, souhaité savoir si l'ADF dispose d'une étude sur les restes à charge supportés par les familles. A cet égard, il s'est interrogé sur les conséquences pour les familles de la mise en place de la proposition formulée par M. Philippe Marini, président, lors de l'audition de la matinée, visant à laisser le choix aux personnes dépendantes disposant d'un certain niveau de patrimoine entre deux options : bénéficier d'une prestation à taux minoré ou bénéficier d'une prestation à taux plein avec une récupération sur succession.

En réponse à M. Charles Guené, M. Claudy Lebreton a indiqué qu'un effort important doit être fait en matière de prévention de la dépendance, ce qui suppose des financements supplémentaires.

Il a souligné que les départements n'ont pas demandé à être compétents en matière de dépendance et qu'à cet égard, ils subissent en réalité des dépenses pour lesquelles ils n'ont aucune marge de manoeuvre. S'il est décidé de confier la gestion d'un éventuel cinquième risque à un autre organisme que les départements, l'ADF ne s'y opposerait pas, même si une telle solution ne serait pas forcément source d'une plus grande efficacité.

Plusieurs questions doivent être tranchées lorsqu'est abordée la question de la mise en place d'un cinquième risque ou d'une cinquième branche : la dépendance est-elle un risque ou une évolution normale de l'état de santé des individus ? La maladie d'Alzheimer doit-elle être considérée comme une pathologie ou une perte d'autonomie ?

Il a indiqué que l'ADF serait favorable à un financement de l'Apa, à parts égales, entre l'Etat et les départements. Il a précisé qu'une réelle péréquation ne sera pas possible tant que ne sera pas créé un fonds national de péréquation alimenté par une ressource nationale pérenne. En termes de ressources, il serait normal qu'à l'avenir une partie de la contribution sociale généralisée (CSG) finance l'action sociale des départements.

L'ADF souhaiterait que les départements ne soient pas de simples contributeurs au financement des prestations versés, mais soient au coeur de l'action et de la mise en oeuvre de ces dispositifs.

M. Claudy Lebreton a relevé deux principaux facteurs du développement de l'assurance dépendance : d'une part, la peur du futur des individus, d'autre part, le fait que ces derniers ne croient plus à la solidarité nationale.

Il a indiqué ne pas disposer d'éléments sur la question des restes à charge des familles et des personnes concernées.

M. Claudy Lebreton a précisé qu'il n'est pas favorable à la mise en place d'un dispositif de récupération sur succession, dans la mesure où un tel mécanisme induirait des disparités en fonction de l'origine de la dépendance des personnes âgées : si la situation de dépendance résulte d'une maladie, la prise en charge de l'individu relèvera de la solidarité nationale, alors que si la dépendance trouve son origine dans le seul vieillissement de la personne, il sera fait appel à son patrimoine.

M. Charles Guené a précisé que des solutions articulant, d'une part, la solidarité nationale et, d'autre part, la prise en compte du patrimoine dans la prise en charge des personnes âgées dépendantes sont possibles.

Faisant référence à la proposition de M. Philippe Marini, président, M. François Autain a indiqué qu'il semble difficile de concilier la mise en place d'un droit universel à la prise en charge de la perte d'autonomie et l'instauration d'un mécanisme demandant aux personnes concernées de choisir le mode de financement de ce droit.

M. Alain Vasselle, rapporteur, a indiqué que la proposition de M. Philippe Marini, président, ne remet pas en cause, selon lui, l'idée d'un socle universel de solidarité nationale et s'applique uniquement à la part complémentaire de la prise en charge de la dépendance.

Table ronde avec les représentants des usagers

Puis la mission a organisé une table ronde réunissant Mmes Marie-Thérèse d'Argenson, présidente de l'association Vieillir dans la dignité et le bien-être en Ile-de-France (Vedibe-IDF) et secrétaire de la fédération nationale des associations de personnes âgées et de leurs familles (Fnapaef), Janine Dujay-Blaret, première vice-présidente de la fédération nationale des clubs d'aînés ruraux (FNCAR), membre du conseil de la caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA), vice-présidente du comité nationale des retraités et personnes âgées (CNRPA), MM. Benoît Jayez, secrétaire général adjoint de l'union confédérale des retraités Force-ouvrière (FO), membre du conseil de la CNSA, Guy Le Rochais, vice-président délégué de l'union nationale associations Alzheimer (France Alzheimer), membre du conseil de la CNSA, Mme Marie-Béatrice Levaux, présidente de la fédération nationale des particuliers employeurs (Fepem), membre suppléant du conseil de la CNSA, M. Paul Maloisel, membre du conseil d'administration de la fédération nationale des associations de retraités (Fnar), membre suppléant du conseil de la CNSA, et Mme Marie Rozet, présidente de la fédération nationale des associations de retraités de l'artisanat (Fenara), membre suppléant du conseil de la CNSA.

M. Bernard Cazeau, vice-président, a présenté les trois thèmes abordés dans le cadre de la table ronde :

- le « vécu » sur le terrain, et plus particulièrement le débat sur la qualité des aides apportées aux personnes âgées dépendantes et sur le libre choix entre une prise en charge en établissement ou à domicile ;

- l'architecture institutionnelle de la prise en charge de la dépendance, ainsi que le périmètre du cinquième risque ;

- enfin, la question du financement de la prise en charge de la dépendance et, plus particulièrement, le problème du reste à charge pour les familles.

Abordant le premier thème de discussion, il a indiqué que la mission souhaite, en particulier, recueillir le point de vue des usagers sur l'offre et la qualité actuelle de la prise en charge des personnes âgées dépendantes, sur l'adaptation des réponses apportées aux différents types de dépendance, sur le statut et le soutien des aidants familiaux et, enfin, sur la maltraitance.

A titre liminaire, Mme Janine Dujay-Blaret, première vice-présidente de la FNCAR et membre de la CNSA, a indiqué qu'elle intervenait notamment en sa qualité de vice-présidente du comité national des retraités et personnes âgées (CNRPA), instance consultative placée auprès du ministre chargé des personnes âgées. Elle a appelé de ses voeux la mise en place d'une prestation dépendance accordée en dehors de tout critère lié à l'âge et, ainsi, la suppression de la barrière des soixante ans. Il convient d'assurer la convergence entre la prise en charge des personnes âgées dépendantes et celle des personnes handicapées, conformément d'ailleurs aux orientations de la loi du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées. Cette convergence n'implique pas que la prise en charge soit identique.

M. Bernard Cazeau, vice-président, a estimé que cette question trouverait davantage sa place dans le cadre du deuxième thème de la table ronde.

Mme Marie-Thérèse d'Argenson, présidente de l'association Vedibe-IDF et secrétaire de la Fnapaef, après avoir présenté le rôle de la fédération nationale des associations de personnes âgées et de leur famille (Fnapaef), a énuméré les principaux problèmes auxquels sont confrontées les personnes s'occupant de leurs proches :

- le manque de personnel, et en particulier de personnel qualifié, notamment dans la prise en charge des maladies d'Alzheimer et de Parkinson. Le besoin de formation, nécessaire pour prévenir le risque de maltraitance, existe également pour les familles qui interviennent à domicile auprès de leurs parents dépendants ;

- l'insuffisante articulation entre les différentes formes de prise en charge. L'intégration en établissement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) reste insuffisante et nécessiterait de recourir à une personne référente chargée de veiller à la mise en place d'un véritable « projet de vie » ;

- la faible qualité des plats offerts dans le cadre de la restauration collective et l'inadaptation du temps consacré aux repas, ce qui se traduit parfois par la dénutrition de certaines personnes âgées.

S'agissant du choix offert aux personnes âgées dépendantes entre maintien à domicile et accueil en établissement, elle a noté le manque de places disponibles en Ehpad et le coût élevé des structures privées, qui avoisine 4 000 euros mensuels en certains endroits, alors que le montant mensuel moyen des retraites s'élève à 1 200 euros. Or ces facteurs sont déterminants dans le choix du mode de prise en charge et, pour nombre de personnes, il est aujourd'hui impossible d'accéder à une place en Ehpad. Il serait, par ailleurs, souhaitable de développer les services de soins infirmiers à domicile (Ssiad).

Mme Marie-Thérèse d'Argenson a par ailleurs estimé que l'égalité territoriale n'existe pas. Les communes attribuent notamment parfois aux personnes âgées des aides extra-légales, ce qui entraîne des disparités à travers le pays.

Elle a souligné les difficultés rencontrées par les aidants familiaux. Ceux-ci, parfois eux-mêmes assez âgés, ne peuvent pas et ne doivent pas être considérés comme le pilier de l'aide : leur rôle est avant tout d'apporter aux personnes dépendantes le soutien affectif et psychologique que les professionnels ne sont pas toujours en mesure de leur fournir.

Tout en soulignant l'intérêt des dispositifs d'accueils temporaires de jour et de nuit, elle a fait valoir qu'ils ne sont pas adaptés aux patients souffrant de la maladie d'Alzheimer, qui ont avant tout besoin d'un maintien des repères. Le développement des « baluchons Alzheimer », c'est-à-dire d'organisations dans lesquelles des personnes accompagnent le malade à domicile, constitue une voie intéressante et l'on peut regretter que cet objectif ne figure plus au sein du plan Alzheimer que vient d'annoncer le Président de la République.

Un immense travail de formation des personnels reste, par ailleurs, à mener dans le domaine de l'accompagnement en fin de vie et dans celui des soins palliatifs, aussi bien en établissement qu'à domicile. Le développement d'Ehpad au sein des établissements de santé n'est pas une voie à suivre, dans la mesure où ces derniers ont une culture technique, alors que les personnes ont d'abord besoin de chaleur humaine. Il conviendrait, par ailleurs, de développer des structures intermédiaires comme les logements-foyers, en les réadaptant aux besoins des personnes accueillies.

Enfin, sur le problème particulier de la maltraitance, Mme Marie-Thérèse d'Argenson a souligné que celle-ci peut prendre des formes multiples. Le fait de ne pas accorder les bons moyens d'accompagnement peut ainsi lui être assimilé. Dans les Ehpad, le rôle des directeurs d'établissement est également essentiel. Enfin, dans les établissements où le pourcentage de malades d'Alzheimer accueillis est élevé (il est de 70 % à certains endroits), il faut aussi prendre soin de la situation des autres malades résidents, qui risquent de se retrouver en situation d'isolement croissant.

M. Guy Le Rochais, vice-président délégué de l'union nationale associations Alzheimer (France Alzheimer), membre du conseil de la CNSA, a rappelé que 60 à 70 % des personnes dépendantes vivent toujours à domicile. S'agissant plus particulièrement des personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer, il convient de distinguer différents stades de dépendance. En effet, cette maladie ressemble à un escalier dont les différentes marches représentent les multiples stades, chacun nécessitant des offres et des réponses de plus en plus médicalisées.

L'offre actuelle de prise en charge de la maladie d'Alzheimer n'est pas suffisamment souple aujourd'hui, de même que l'articulation entre les domaines sanitaires et médicosociaux est trop faible.

La notion d'accueil de jour recouvre en réalité des réalités différentes - accueil thérapeutique de jour, accueil de répit, accueil temporaire, accueil de nuit... L'accueil thérapeutique de jour constitue une solution intéressante, mais on en dénombre moins de 700 places aujourd'hui en France. Le coût d'une structure d'accueil thérapeutique de jour peut être évalué à près de 250 000/300 000 euros pour quinze personnes jour.

Par ailleurs, près de 80 % des lits temporaires sont en pratique transformés en lits d'hébergement permanents, ces lits étant difficiles à gérer pour les directeurs d'établissement. Il conviendrait de prévoir une ligne budgétaire spécifique pour financer ces dispositifs, qui correspondent à une forte demande des familles, en complément du maintien à domicile. Ce terme de « maintien » à domicile apparaît d'ailleurs impropre et il serait préférable de parler de « bien vivre » à domicile. D'autres expériences, comme celles des « baluchons Alzheimer », présentent un intérêt, dans cette perspective de complémentarité.

M. Guy Le Rochais a également noté la faiblesse du taux d'encadrement des personnes accueillies en Ehpad, même si les moyens ne constituent pas la seule difficulté. La question du temps d'accompagnement est également essentielle : ainsi, on peut estimer à 120 secondes seulement par jour le temps de parole accordé aux personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer hébergées en Ehpad.

S'appuyant sur un exemple concret, il s'est déclaré défavorable au développement d'Ehpad au sein des établissements de santé, en mettant en évidence la différence de coût entraînée par le passage du secteur sanitaire au secteur médicosocial au sein d'un même lieu.

Sur ce dernier point et au vu du manque de places au sein des établissements spécialisés, M. Guy Fischer s'est interrogé sur la transformation, à l'avenir, des hôpitaux en structures d'accueil pour personnes âgées dépendantes par redéploiement des lits des établissements de soins vers les établissements du secteur médicosocial. S'agissant de la prise en charge à domicile, il a rappelé l'abnégation et parfois les souffrances que ce mode de garde représente pour les familles s'occupant d'un proche dépendant.

M. Alain Vasselle, rapporteur, a souhaité savoir si les représentants des usagers estiment préférable de favoriser le maintien à domicile par rapport à l'accueil en Ehpad. Il s'est également interrogé sur l'existence de différences de traitement de la prise en charge des personnes dépendantes entre le milieu urbain et les zones rurales.

Mme Marie-Béatrice Levaux, présidente de la Fepem, membre suppléant du conseil de la CNSA, a estimé indispensable, pour l'avenir, de porter une attention particulière aux mouvements démographiques : en effet, les personnes retraitées ont tendance à ne pas prendre leur retraite à l'endroit où elles ont vécu et à privilégier certaines régions, ce qui a un impact sur les politiques menées par les conseils généraux. Il est donc important d'avoir ces mouvements présents à l'esprit, afin de permettre une meilleure compréhension des spécificités territoriales et une prise en compte de ces spécificités par les pouvoirs publics nationaux et locaux.

S'agissant du maintien à domicile, elle a indiqué que les qualifications des professionnels salariés doivent évoluer en fonction du stade de dépendance de leur employeur. Certaines personnes peuvent ainsi avoir à faire face au glissement de leurs tâches d'assistance ménagère vers un véritable accompagnement médical, ce qui justifierait une professionnalisation de leurs actes. Elle a prôné en ce sens un assouplissement de la frontière - qu'elle a qualifiée de « Ligne Maginot » - entre les domaines sanitaire et médicosocial afin de sécuriser les actes d'aide à domicile.

Abordant le deuxième thème de la table ronde, consacré à l'architecture institutionnelle de la prise en charge de la dépendance, ainsi qu'au périmètre du cinquième risque, M. Bernard Cazeau, vice-président, s'est demandé quelles sont les conséquences des cloisonnements administratifs et institutionnels sur la continuité de la prise en charge des personnes âgées dépendantes. Il s'est ensuite interrogé sur l'opportunité de favoriser l'émergence d'un interlocuteur unique pour résoudre ces problèmes ainsi que, plus généralement, sur l'alternative entre la mise en place d'une cinquième branche ou d'un cinquième risque de protection sociale afin de couvrir les besoins de la population en matière de perte d'autonomie.

Après avoir rappelé qu'il intervient dans cette table ronde en qualité de membre du conseil de la CNSA, mais également comme membre du bureau du comité national des retraités et des personnes âgées (CNRPA), M. Benoît Jayez, secrétaire confédéral adjoint de l'union confédérale des retraités FO et membre du conseil de la CNSA, a résolument pris position en faveur de la création d'un cinquième risque de protection sociale. Conformément aux orientations présentées par le rapport annuel 2007 de la CNSA, il s'agit de mettre en oeuvre une prestation de compensation de la perte d'autonomie, sans distinction d'âge des assurés sociaux, avec un financement reposant sur la solidarité nationale. Il faut pour cela concevoir un mode de gouvernance alliant un pilotage national avec une gestion de proximité.

Il a ensuite estimé que le débat actuel sur l'amélioration de la prise en charge de la dépendance doit permettre d'aller au-delà des progrès enregistrés à l'occasion de la création de l'Apa, il y a quelques années. Puis, faisant référence à l'amendement déposé au Sénat à l'occasion de l'examen de la loi de finances pour 2008, il s'est déclaré totalement opposé à la perspective de la réintroduction éventuelle d'un recours sur la succession des bénéficiaires de l'Apa : il ne faudrait pas revenir à la situation qui prévalait à la fin des années quatre-vingt-dix, lorsque les personnes âgées hésitaient à demander le bénéfice de la prestation spécifique dépendance (PSD) de crainte de voir amputé, après leur décès, le patrimoine qu'elles souhaitent laisser à leurs enfants.

M. Benoît Jayez a estimé que la nouvelle prestation de compensation de la perte d'autonomie qui sera prochainement mise en oeuvre nécessitera de clarifier les frontières avec le champ d'intervention de l'assurance maladie. Toutefois, procéder à une distinction claire entre les soins médicaux pris en charge par la Cnam et les dépenses liées à la dépendance ne sera pas un exercice facile pour des pathologies invalidantes comme les scléroses en plaques ou la maladie de Parkinson.

M. Bernard Cazeau, vice-président, a précisé que l'amendement auquel faisait référence M. Benoît Jayez dans son propos, trouvait sa place dans les débats budgétaires de la fin de l'année 2007 et n'a pas été adopté. Il ne constituait donc pas une prise de position engageant l'ensemble du Sénat.

Mme Janine Dujay-Blaret a exprimé à son tour son attachement au principe d'une prise en charge collective de la perte d'autonomie, quel que soit l'âge des assurés sociaux. La prestation nouvelle qu'il convient de créer pour y pourvoir doit compléter la couverture des dépenses de soins des personnes dépendantes et s'ajouter aux revenus de remplacement dont elles bénéficient. D'une façon générale, il faut envisager une compensation universelle de la perte d'autonomie sur la base d'une réponse individualisée.

M. Bernard Cazeau, vice-président, a souhaité avoir des précisions sur le mode de financement qu'un tel schéma de prise en charge implique : les besoins des personnes dépendantes doivent-ils être couverts par la solidarité nationale jusqu'à concurrence de 100 % des dépenses nécessaires ?

Mme Janine Dujay-Blaret n'a pas écarté cette hypothèse, tout en observant que les personnes malades doivent, d'une façon ou d'une autre, être aidées par la collectivité nationale. Puis elle a considéré que l'objectif principal consiste à assurer une prise en charge correcte des usagers, la responsabilité de trouver les financements nécessaires pour y faire face incombant aux responsables politiques et en particulier à la représentation nationale.

Mme Marie-Béatrice Levaux a estimé que les réflexions en cours sur les personnes âgées dépendantes doivent certes porter sur la mise en oeuvre du principe de solidarité, mais ne doivent pas omettre de s'interroger sur les moyens de mobiliser les jeunes générations. Comment leur faire prendre en compte le risque de dépendance ? De ce point de vue, la mise en place d'accords de prévoyance collectifs est une bonne chose.

M. Guy Le Rochais s'est interrogé sur la pertinence du terme, très souvent employé dans le débat public, de cinquième risque. Loin d'être une simple question sémantique, l'appellation qui sera choisie par les pouvoirs publics pour désigner le contenu de la future réforme est en effet susceptible d'avoir des conséquences importantes à plus ou moins long terme.

Puis il s'est prononcé à son tour en faveur d'un dispositif combinant un pilotage national par la CNSA, une gestion de proximité confiée aux conseils généraux ainsi qu'un mode de financement fondé sur la solidarité nationale. Après avoir fait part de son hostilité à l'égard de toute tentative qui consisterait à réintroduire un recours en récupération sur la succession des personnes dépendantes, il a affirmé son soutien à la création d'une cinquième branche destinée à prendre en charge le problème de la dépendance.

Ce choix de principe soulève néanmoins plusieurs questions que les pouvoirs publics devront trancher. Il s'agit tout d'abord de déterminer les places respectives de l'assurance individuelle, de la prévoyance collective et du financement public, que le conseil d'administration de la fondation Alzheimer souhaite pour sa part voir atteindre 100 % des besoins des assurés sociaux. Il convient également de décider si le niveau de la participation de la collectivité doit être établi en fonction des coûts réels auxquels la personne dépendante doit faire face ou sur la base de son niveau de revenu : c'est évidemment la première solution qui devrait s'imposer. Il s'agira pour finir d'examiner la répartition de l'effort public entre l'Etat, les collectivités territoriales et la sécurité sociale.

M. Guy Le Rochais a enfin proposé une évolution de la grille Aggir ainsi que le déplafonnement du plan d'aide de l'Apa pour les personnes dépendantes souffrant de démence.

Répondant ensuite à une demande de précision de M. Alain Vasselle, rapporteur, Mme Marie-Thérèse d'Argenson s'est prononcée en faveur d'une convergence de la prise en charge des personnes handicapées et des personnes âgées dépendantes, estimant notamment que rien ne peut justifier que le nombre d'heures d'aide à domicile pris en charge soit sensiblement plus élevé dans un cas que dans l'autre.

Mme Janine Dujay-Blaret s'est exprimé dans le même sens, tout en indiquant que la convergence par le haut qu'elle appelle de ses voeux ne conduit pas à nier pour autant les spécificités de ces deux populations. Il convient avant tout de réduire le reste à charge des assurés sociaux, de leurs familles et tout particulièrement de leurs conjoints, afin de donner à tous des conditions de vie décentes.

Abordant le dernier thème de la table ronde, M. Bernard Cazeau, vice-président, a souhaité connaître le coût moyen restant à la charge des personnes âgées concernées et de leur famille. Il s'est également interrogé sur le caractère peu redistributif des aides accordées et leur ressenti sur le terrain. De façon plus générale, il a indiqué que la mission voudrait connaître le point de vue des usagers sur la répartition souhaitable entre prise en charge socialisée du risque dépendance et couverture individuelle de celui-ci.

M. Paul Maloisel, membre du conseil d'administration de la fédération nationale des associations de retraités (Fnar), a rappelé que l'une des causes de l'échec de la prestation spécifique dépendance (PSD) tenait à la mise en place d'un dispositif de récupération sur succession, ce mécanisme ayant dissuadé les personnes concernées de demander le bénéfice de cette prestation. Pourtant les sommes servies au titre de la PSD et effectivement récupérées étaient relativement faibles. Mme Martine Aubry, alors ministre du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle, avait même envisagé de fixer à 100 000 euros le montant de l'actif successoral net au-delà duquel la récupération sur succession aurait été effectuée. Il est donc souhaitable, afin de conserver le libre choix des familles, de ne pas mettre en place un tel dispositif s'agissant de l'Apa.

Se pose néanmoins la question des seuils de revenus des individus : il pourrait sembler anormal qu'un bénéficiaire disposant d'un niveau de patrimoine et de revenus élevé se trouve dans la même situation qu'une personne disposant de moindres ressources. L'expérience montre toutefois que les personnes des classes socioprofessionnelles les plus élevées ne recourent pas à ce type d'allocation, ainsi qu'en témoigne un rapport récent sur les « outrances du RMI ».

En tout état de cause, les modalités de prise en charge de la dépendance doivent être clairement expliquées aux individus, afin que ces derniers n'aient pas le sentiment de voir remis en cause le fruit de leurs efforts réalisés en vue de transmettre un patrimoine à leurs héritiers.

M. Paul Maloisel a enfin souligné les difficultés d'application d'un mécanisme de recours sur succession dans le cas des familles polyparentales, mettant en exergue le caractère psychologique - et non pas seulement financier - des questions soulevées par la mise en place d'un tel mécanisme.

Mme Marie Rozet, présidente de la Fenara, a également insisté sur le fait que la solidarité familiale ne relève pas de la seule sphère financière, mais également de la sphère affective, soulignant, à cet égard, les conséquences d'ordre psychologique qu'un mécanisme de récupération sur succession peut entraîner sur les familles.

Elle a, par ailleurs, précisé que les personnes âgées dépendantes, propriétaires pour 60 % d'entre elles, sont attachées à leur patrimoine, acquis parfois au prix d'importantes privations. Il est donc essentiel de ne pas affecter ce patrimoine, afin, notamment, de ne pas appauvrir les classes moyennes qui ont fait la richesse de notre pays.

Elle a enfin mis en garde contre les phénomènes de seuils, s'il était décidé de tenir compte des conditions de ressources des individus dans le calcul des prestations : il est important, d'une part, de mettre en place des mécanismes progressifs ; d'autre part, de bien distinguer la valeur intrinsèque du patrimoine et les revenus que celui-ci procure à son propriétaire. En tout état de cause, la résidence principale ne doit pas être prise en compte pour l'évaluation du patrimoine.

Mme Marie-Thérèse Hermange a souhaité savoir si était disponible une étude comparative des coûts de prise en charge à domicile et en établissement de personnes présentant des pathologies équivalentes.

S'agissant de la prise en charge des personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer, M. Guy Le Rochais a indiqué que le coût global pour la collectivité a été évalué, en 2005, à 10 milliards d'euros : 10 % représentent des dépenses de soins - donc a priori prises en charge intégralement -, 90 % des dépenses médicosociales - supportées pour moitié par les familles. Le coût annuel de la prise en charge médicale, hors forfait soins, s'élève à 4 200 euros par malade et par an (11 000 euros en incluant le forfait soins). Le coût social d'une prise en charge à domicile est compris entre 23 000 et 24 000 euros par an, contre plus de 27 000 euros dans le cas d'une prise en charge en établissement. Les familles supportent 62 % du coût de la prise en charge d'une personne atteinte de la maladie d'Alzheimer, l'assurance maladie 22 % et les conseils généraux 16 %. Le reste à charge pour les familles est compris entre 7 000 et 10 000 euros, soit l'équivalent de sept mois de retraite pour une femme et quatre mois de retraite pour un homme. Pour des revenus compris entre 650 euros mensuels et 2 500 euros mensuels, l'Apa peut être perçue entre 0 et 90 % de son montant plafond. Le temps des aidants consacré à la prise en charge d'une personne dépendante à domicile correspond à un équivalent temps plein (ETP). En établissement, il est de deux à trois heures par jour.

Mme Béatrice Levaux a insisté sur la nécessité d'avoir une approche globale de la problématique de la dépendance, qui ne soit pas focalisée sur l'Apa, mais qui tienne compte de l'ensemble des dispositifs mis en place en la matière, et notamment des réductions et des crédits d'impôts accordés au titre des emplois à domicile.

Elle a souligné la problématique des restes à charge des familles qui ne s'apprécie pas seulement en termes financiers, mais également en nombre d'heures non prises en charge et assumées de facto par les aidants familiaux, indiquant qu'en la matière, une solvabilisation accrue serait légitime. En particulier, elle a souligné le fait que le crédit d'impôt pour l'emploi à domicile n'a pas été ouvert aux personnes âgées dépendantes retraitées, mais uniquement aux actifs. Elle a estimé qu'il ne faudrait pas, alors qu'est engagée une réflexion sur les niches fiscales, que l'emploi d'une personne à domicile, dans le cadre de la prise en charge d'une personne dépendante, soit considéré comme une de ces niches qu'il serait légitime de supprimer.

M. Alain Vasselle, rapporteur, a souhaité savoir si, s'agissant des mesures fiscales à envisager pour favoriser l'emploi de personnes à domicile, il convient de privilégier le crédit d'impôt ou la déduction fiscale du salaire et des charges de la personne employée.

Mme Marie-Béatrice Levaux a indiqué qu'elle fournira à la mission une réponse écrite à cette question.

M. François Autain s'est étonné du coût plus élevé de la prise en charge en établissement d'une personne atteinte de la maladie d'Alzheimer par rapport à une prise en charge à domicile.

M. Guy Le Rochais a indiqué que les évaluations chiffrées qu'il a exposées ne tiennent compte que des aides existantes et non des besoins réels. S'il était tenu compte des besoins réels sur une période de vingt-quatre heures et de l'aide apportée par les familles, le coût d'une prise en charge à domicile serait plus important que celui d'une prise en charge en établissement, notamment en raison des coûts salariaux.

Il a enfin souligné que le coût de la convergence de la prise en charge des personnes âgées dépendantes et des personnes handicapées sera plus élevé si l'alignement se fait sur la PCH.