Mercredi 26 novembre 2008

- Présidence de M. Claude Belot, président -

Les comptes rendus des réunions des 5 novembre, 12 novembre et 19 novembre 2008 sont consultables dès aujourd'hui sur Internet et seront publiés dans le prochain bulletin.

Audition de Mme Anne-Marie Escoffier, sénateur de l'Aveyron

La mission a d'abord procédé à l'audition de Mme Anne-Marie Escoffier, sénateur de l'Aveyron.

Mme Anne-Marie Escoffier a présenté une évaluation du fonctionnement des pays et des parcs naturels régionaux (PNR), précisant que cette analyse était nourrie par son expérience de préfet, qui lui a permis de participer aux démarches d'initialisation des pays mais également de faire des observations de terrain corroborées par plusieurs études, en particulier le rapport du Sénat intitulé « Quel avenir pour les pays ? », présenté en 2006 par Alain Foucher, sénateur de la Vienne, au nom de la délégation à l'aménagement et au développement durable du territoire.

Elle a indiqué que 10 % des 371 pays recensés au 1er janvier 2008 ont été instaurés sur le même territoire qu'un parc naturel régional, ce qui montre l'existence de similitudes, et de synergies, entre ces structures.

Ce constat a conduit Mme Anne-Marie Escoffier à s'interroger sur les modes d'organisation et de fonctionnement de ces deux types de structures, dont les objectifs sont, à ses yeux, fort peu éloignés.

Le parc naturel régional est une structure porteuse d'un projet de protection et de développement durable d'un territoire habité sur lequel sont développées des pratiques respectueuses des ressources et des milieux naturels. Cette activité ne se limite pas au domaine strictement environnemental, mais englobe également les sphères économique et culturelle. Le périmètre de ce territoire et les objectifs à atteindre sont définis dans le cadre d'une charte élaborée à l'initiative d'un ou de plusieurs conseils régionaux, associant tous les partenaires concernés.

Le pays est un espace territorial cohérent sur le plan géographique, culturel, économique ou social. Il constitue une communauté de destin pour les communes et les établissements publics intercommunaux (EPCI) qui le composent, avec pour double objectif de développer les atouts du territoire considéré et de renforcer les solidarités réciproques entre la ville et l'espace rural. Il substitue à une logique de guichet une logique de projet favorisant les initiatives locales et permettant de mieux territorialiser l'action publique, grâce à la convergence des financements de l'État et des collectivités territoriales. Il est géré par une structure légère responsable de l'élaboration d'un contrat de pays qui réunit les différents partenaires associés au projet.

Mme Anne-Marie Escoffier a jugé que ces premiers éléments mettent en exergue la similitude d'objectifs entre PNR et pays. En effet, il s'agit dans les deux cas de territoires structurants qui participent, essentiellement au plan économique, culturel et environnemental, au développement durable. Cette proximité dans l'objet explique l'enchevêtrement entre pays et PNR.

Elle a observé que les modes de gouvernance de ces structures présentent également des éléments communs. La création d'un PNR comporte deux phases principales. L'initiative en revient au conseil régional compétent qui soumet le projet de création du PNR et l'élaboration de sa charte à une association de préfiguration, prédécesseur du futur organisme de gestion du parc. Avant son adoption par les collectivités concernées, cette charte est transmise au préfet de région qui demande le classement du territoire en PNR au ministre chargé de l'environnement. Une fois le parc naturel régional créé, sa gestion est assurée par un syndicat mixte regroupant les collectivités locales concernées ainsi que des représentants issus de la vie économique et des établissements publics.

Mme Anne-Marie Escoffier a souligné que la création des pays n'est pas soumise aux mêmes contraintes procédurales, dans la mesure où le législateur n'a pas souhaité soumettre les modalités d'organisation administrative des pays à un encadrement juridique strict. Cette structure n'a, en effet, pas vocation à constituer un nouvel échelon territorial, mais doit offrir un lieu de réflexion, d'élaboration de projets, d'ingénierie territoriale. Dès lors, le mode de fonctionnement sous forme d'un syndicat mixte est le plus communément retenu. La création d'un pays est précédée par une association de préfiguration mise en oeuvre à l'initiative d'un chef de file, l'organisme gestionnaire s'appuyant sur un conseil de développement auquel participent principalement les représentants des acteurs socio-économiques et du monde associatif. Ce conseil de développement est à la fois le volet le plus novateur de ce mode de gouvernance et l'aspect le plus perturbateur, du fait de sa composition ouverte aux acteurs économiques et associatifs qui n'hésitent pas à bousculer les habitudes de travail des collectivités territoriales.

Mme Anne-Marie Escoffier a considéré que l'organisation administrative des PNR était aujourd'hui parfaitement accomplie, chaque acteur ayant trouvé sa place, son niveau de responsabilité, autour de modalités d'intervention clairement définies. Ce constat ne s'applique pas aux pays dont les principes d'organisation et de fonctionnement ne sont pas encore stabilisés et trop souvent soumis à des enjeux de pouvoir ou à des querelles locales. Certaines collectivités territoriales font d'ailleurs le choix de se retirer des pays et préfèrent accorder des ressources supplémentaires aux structures intercommunales. Les échecs sont plus fréquents dans les structures créées de façon autoritaire.

Ce constat doit certes être nuancé car dans certaines régions, comme en Bretagne par exemple, les pays ont permis de mettre en oeuvre des stratégies d'action remarquables.

Mme Anne-Marie Escoffier a estimé que les pouvoirs publics se retrouvent face à une alternative : soit maintenir le dispositif sur la base du volontariat, tout en prenant garde d'éviter l'apparition de lourdeurs administratives sources de complexité et d'inefficacité, soit supprimer les pays et les intégrer dans les intercommunalités.

M. Claude Belot, président, a rappelé que les pays avaient été créés à titre expérimental dès 1975.

Il a estimé qu'un bilan positif pouvait être fait de la mise en oeuvre de pays par les lois d'aménagement du territoire de 1995 et de 1999.

Il a insisté sur la nécessité de maintenir le caractère facultatif de cette démarche. Il a en effet considéré que la création d'un pays devait être réservée aux collectivités volontaires, les regroupements forcés étant généralement voués à l'échec.

Il a observé que la réussite d'un pays est souvent liée à l'existence d'une structure intercommunale préexistante qui soutient le projet.

M. Bruno Retailleau a indiqué que plusieurs catégories de pays pouvaient être identifiées dans son département en fonction de la variété des solutions institutionnelles retenues lors de la création de ces structures. De ce fait, existent, d'une part, des pays dont l'organisation est comparable à celle d'une collectivité territoriale, et, d'autre part, des pays qui ne sont que des structures de gestion de projets. Selon lui, les pays doivent demeurer des structures administratives peu développées qui confient la maîtrise d'ouvrage de leurs projets à un EPCI ou à une commune.

Il a par ailleurs souligné que les collectivités territoriales membres doivent pouvoir dissoudre un pays lorsque l'ensemble des projets envisagés lors de la création de la structure ont été menés à leur terme.

M. Dominique Braye a estimé qu'une vision claire et précise du rôle des pays était indispensable. Les pays, a-t-il relevé, sont des lieux de réflexion et de projet, or certains élus ont voulu en faire des lieux de pouvoir, en conflit avec les collectivités territoriales. Deux conditions sont indispensables, selon lui, pour assurer le bon fonctionnement d'un pays : premièrement, l'existence d'une collectivité territoriale à l'origine du projet de pays qui rassemble les partenaires autour d'un objectif commun ; deuxièmement, la distinction entre l'action d'ingénierie territoriale du pays et la maîtrise d'ouvrage d'un projet, cette dernière relevant plutôt de la compétence des collectivités territoriales composant la structure.

Il a estimé que les collectivités territoriales devaient conserver la possibilité de s'associer pour conduire des projets communs sur la base du volontariat.

M. Claude Belot, président, a rappelé que la législation en vigueur ne créait aucune obligation de regroupement des collectivités territoriales en pays, bien qu'en 1999 les préfets aient reçu la consigne de favoriser la création de ces structures.

M. Hervé Maurey a souligné la nécessité de développer une réflexion globale sur l'évolution de l'organisation et des missions des collectivités territoriales sans se limiter à quelques structures comme les parcs naturels et les pays.

Il a indiqué que certains administrés considéraient les pays comme une structure administrative supplémentaire et s'est interrogé sur l'opportunité de faire des pays un échelon intermédiaire entre le conseil régional et les EPCI, dans l'hypothèse où les départements viendraient à être supprimés.

Mme Anne-Marie Escoffier a jugé que les pays n'avaient pas vocation à assurer la gestion quotidienne d'un territoire.

M. Jean-Pierre Vial a estimé qu'il fallait engager une réflexion sur la déconcentration des moyens du département. Dans cette hypothèse, un pays organisé en syndicat mixte peut être une structure opérationnelle. Les parcs naturels régionaux sont en revanche des structures trop artificielles pour assurer de telles missions.

Mme Josette Durrieu s'est interrogée sur les objectifs de la mission d'information et les moyens à mettre en oeuvre pour émettre rapidement des propositions sur la réforme des institutions territoriales.

Elle a toutefois approuvé le principe des échanges d'expériences entre les différents membres de la mission, pour nourrir la réflexion globale.

Enfin, elle a estimé que les pays devaient demeurer des espaces de projet.

M. Claude Belot, président, a indiqué que la mission d'information aurait, dans un premier temps, à réaliser une phase d'inventaire, pour lui permettre de dégager les lignes directrices de futures propositions.

Il a précisé que la mission, dont les objectifs et les moyens sont différents de ceux du comité présidé par M. Édouard Balladur, disposait d'environ six mois pour mener à bien ses travaux.

M. Edmond Hervé a fait part de son opposition à une trop grande rationalisation de l'action publique. Chaque commune ou chaque région dispose de ses propres caractéristiques, comme les pays bretons, par exemple, organisés en fonction des frontières linguistiques propres à cette région.

Il a jugé que la création de blocs de compétences homogènes aurait pour conséquence une réduction des actions de coopération et la création de tutelles entre les différentes catégories de collectivités territoriales.

M. Bernard Cazeau a estimé que la mission d'information n'avait pas pour objet de rédiger une proposition de loi visant à réformer l'organisation territoriale. Il a considéré que, de manière globale, les relations et la répartition des compétences, entre les différents niveaux de collectivités territoriales, donnaient satisfaction, même si des clarifications pouvaient s'avérer nécessaires, entre les conseils régionaux et les conseils généraux par exemple.

Il a considéré que la remise en cause de la législation actuelle qui a fixé les compétences de chaque catégorie de collectivités territoriales, n'était nullement nécessaire.

M. Charles Guené a jugé indispensable d'entamer une réflexion sur l'avenir de la décentralisation car des problèmes de gouvernance subsistent, notamment lorsqu'il s'agit d'assurer la coordination des interventions des collectivités territoriales.

Audition de M. Claude Lise, sénateur de la Martinique

La mission a ensuite entendu une communication de M. Claude Lise, sénateur, président du conseil général de la Martinique et membre de la mission, sur la situation de l'outre-mer.

A titre introductif, M. Claude Lise a souligné que les collectivités d'outre-mer constituaient des exemples typiques de l'esprit de système qui préside à l'organisation territoriale française, comme l'illustre la création de régions monodépartementales.

Il a considéré que, dans le cadre institutionnel ainsi retenu pour les collectivités d'outre-mer, les problèmes posés par l'enchevêtrement des compétences et la multiplicité des centres de décision se trouvaient particulièrement aggravés, au détriment de la lisibilité des politiques publiques pour les citoyens et de la bonne gestion des finances publiques. Il a illustré son propos en citant en particulier l'exemple de la Martinique en matière de développement économique, d'agriculture ou de tourisme. Il a noté que, d'ailleurs, la proposition consistant à rassembler les différentes collectivités en une collectivité unique recueillait de plus en plus de soutiens, tout en précisant que, dans le cas de la Réunion, la demande qui se faisait jour était plutôt une demande de clarification.

M. Claude Lise a attiré l'attention de ses collègues sur la rigidité supplémentaire résultant de l'obligation constitutionnelle d'organiser un référendum avant de procéder à une éventuelle fusion de la région et du département dans les DOM. Il a souhaité la suppression de ce dispositif, en cas de fusion de collectivités, ce qui constituerait, selon lui, une réforme technique.

Puis il a évoqué une institution spécifique aux départements d'outre-mer, le congrès des élus départementaux et régionaux, doté du pouvoir de formuler toute proposition d'évolution institutionnelle et statutaire. Il a par ailleurs informé la mission qu'il était prévu que ces structures se réunissent très prochainement pour faire des propositions en la matière.

Il a recommandé d'éviter de plaquer toute réforme, dans ces territoires, sans procéder aux adaptations nécessaires comme le cas s'est déjà produit. Il a, au contraire, appelé à une concertation, en la matière, avec les élus locaux.

Il a souligné que la question de l'organisation territoriale des DOM ne devait pas être dissociée de celle d'une meilleure insertion de ces collectivités dans leur zone géographique.

En accord avec M. Yves Krattinger, rapporteur, il a jugé qu'il importait d'éviter toute contradiction entre les politiques initiées par les différents intervenants publics, citant en exemple le domaine du tourisme.

M. Claude Lise a noté qu'il ne s'agissait pas seulement là de différences de nature politique, tout en regrettant l'influence exercée par les administrations sur les élus. Il a conclu en saluant l'effort des responsables locaux pour jeter des passerelles et instiller une cohérence dans ces dossiers.

Il a, en outre, souligné que le phénomène des agglomérations avait rendu plus difficile la cohérence entre les politiques.

Audition de M. Gérard Marcou, professeur, université Paris-I Panthéon-Sorbonne, directeur du GRALE

La mission a ensuite entendu M. Gérard Marcou, professeur à l'université Paris-I Panthéon-Sorbonne et directeur du GRALE (groupement de recherches sur l'administration locale en Europe).

M. Gérard Marcou a, tout d'abord, observé que l'examen des compétences des collectivités territoriales ne pouvait être conduit sans tenir compte de l'organisation de l'Etat au niveau local. Il a rappelé que l'acte II de la décentralisation avait donné lieu à un débat sur le désengagement de l'Etat dans les territoires. Il a expliqué que la réforme de l'organisation territoriale ne pouvait faire l'économie d'un examen du rôle de l'Etat en France.

Concernant l'organisation du système français d'administration locale, réputée complexe, il a indiqué que dans les autres pays d'Europe, il existait le plus souvent un niveau de référence, comme l'autonomie en Espagne, exerçant de très larges compétences. Il a ajouté qu'en France, la commune constituait ce niveau de référence, ce qui pouvait expliquer les difficultés pour « dépasser » le niveau communal. Il a considéré que l'enjeu était, dès lors, de permettre l'émergence d'un niveau communal « élargi » doté de moyens administratifs suffisants. Il a observé que dans des pays comme la Suède ou le Danemark, les niveaux d'administration intermédiaires bénéficiaient de compétences spécialisées concernant, par exemple, les transports et la santé.

M. Gérard Marcou a préconisé d'aborder le débat sur la réforme des collectivités territoriales en examinant davantage les fonctions et les compétences des collectivités que leur organisation institutionnelle. Il a remarqué que la Pologne avait décidé, en 1997, de prévoir dans sa Constitution que le niveau communal était le niveau de référence pour exercer le plus grand nombre de compétences.

En réponse à M. Bruno Retailleau qui l'interrogeait sur les risques de trop s'inspirer d'un éventuel « modèle » européen unique et artificiel, M. Gérard Marcou a estimé que la fragmentation du paysage communal était aussi présente en Suisse, en Autriche, en Hongrie et en Tchéquie. Il a indiqué que les grands pays européens étaient nombreux à avoir choisi une organisation locale en trois niveaux, mais que ceux-ci n'étaient pas de même importance. Il a rappelé qu'en Allemagne, par exemple, le Land équivalait à un Etat. Il a observé que les Pays-Bas, la Suède et le Danemark connaissaient également un niveau intermédiaire de type départemental.

En réponse à MM. Charles Guené et Yves Krattinger, rapporteur, qui l'interrogeaient sur les contraintes financières des communes, M. Gérard Marcou a plutôt plaidé pour les regroupements de communes en observant que les grandes métropoles comme Lyon ou Lille pouvaient avoir vocation à devenir le niveau de référence pour exercer la plupart des compétences locales. Il a estimé que des mécanismes de péréquation forts étaient nécessaires pour compenser les inégalités entre collectivités grâce, notamment, aux transferts opérés par l'Etat. Il a déclaré que plus les écarts de ressources entre collectivités étaient importants, plus la péréquation devait être verticale pour éviter les tensions entre collectivités.

Réagissant à une observation de M. Yves Krattinger, rapporteur, sur les conditions de la péréquation dans l'hypothèse de l'émergence d'un nouveau couple région/département, M. Gérard Marcou a évoqué l'exemple de l'Allemagne qui avait mis au point un système de péréquation horizontale entre Länder à travers le partage des impôts qui n'a plus fonctionné correctement après la réunification, amenant l'Etat fédéral à abonder le montant des crédits distribués avec des crédits de TVA pour éviter les tensions locales. En réponse à une interrogation de M. Yves Krattinger, rapporteur, relative à la proposition parfois évoquée de territorialiser la DGF au niveau des intercommunalités qui la redistribueraient aux communes, il a observé qu'il s'agissait d'une modalité envisageable.

Répondant à une observation de M. Eric Doligé, il a considéré que, lorsque des compétences étaient exercées par plusieurs niveaux de collectivités, il était effectivement possible de recourir à des délégations.

Réagissant à l'intervention de M. Edmond Hervé qui se félicitait du rappel de la spécificité communale française, M. Gérard Marcou a insisté à nouveau sur le fait que le nombre de niveaux d'administration importait moins que la nature des rapports qu'ils entretenaient les uns avec les autres en rappelant la tutelle qu'exercent par exemple les Länder allemands sur les autres niveaux de collectivités. Il a considéré que la France devait préserver sa tradition favorable à des rapports négociés et contractuels entre les différents niveaux de collectivités. Revenant sur la crainte d'un désengagement de l'Etat, il a estimé que les grandes intercommunalités avaient vocation à développer leurs capacités d'expertise.

En réponse à une question de M. Pierre-Yves Collombat, vice-président, M. Gérard Marcou a indiqué qu'il n'existait pas, à sa connaissance, d'étude permettant d'établir une comparaison du coût des systèmes d'administration locale.

Interrogé sur l'avenir de la clause de compétence générale par M. Claude Belot, président, M. Gérard Marcou a déclaré qu'il convenait de la maintenir au niveau communal « élargi » mais d'y renoncer pour les niveaux intermédiaires afin de privilégier leur spécialisation. Il a remarqué, en effet, que la clause de compétence générale constituait un facteur de souplesse au niveau communal.

En réponse à une question de M. Claude Belot, président, sur le fait de savoir si un éventuel couple région/département pourrait partager les mêmes élus, M. Gérard Marcou a estimé qu'il existait une incertitude sur la conformité à la Constitution d'un tel dispositif. Il a remarqué néanmoins que la Constitution n'imposant pas un recours à un scrutin direct pour désigner les conseils élus, il était possible d'imaginer des conseils régionaux émanant des conseils généraux.

Audition de M. Yves Krattinger, sénateur de la Haute-Saône

La mission a enfin entendu une communication de M. Yves Krattinger, rapporteur, sénateur de la Haute-Saône et président du conseil général de la Haute-Saône.

Examinant tout d'abord le couple formé par les communes et les intercommunalités, M. Yves Krattinger, rapporteur, a salué l'apport de la loi relative au renforcement et à la simplification de la coopération intercommunale du 12 juillet 1999, qui, en offrant aux communes des structures adaptées de regroupement, leur a permis de s'organiser pour répondre au mieux aux demandes de service des citoyens.

Néanmoins, pour répondre au défi de l'éparpillement communal, il a jugé important aujourd'hui de continuer à faire progresser la coopération intercommunale. A cette fin, il a appelé de ses voeux un élargissement du champ d'intervention des intercommunalités à partir d'un socle commun de compétences.

S'agissant de la question de la légitimité des élus intercommunaux, M. Yves Krattinger, rapporteur, a estimé nécessaire, dans la mesure où ils sont appelés à gérer des budgets importants, de les faire élire par les citoyens eux-mêmes. S'attachant à la solution qui consisterait à organiser le « fléchage » des premiers élus sur les listes aux élections municipales vers les sièges de conseillers communautaires, sur le modèle du système applicable à Paris, Lyon et Marseille, il a jugé qu'un tel système, sans doute valable pour les communautés urbaines, présentait de sérieuses difficultés de mise en oeuvre dans les communautés d'agglomération ou les communautés de communes. Le mode de scrutin en vigueur dans les communes de moins de 2 500 et de moins de 3 500 habitants ne garantit en effet pas qu'il soit toujours possible de « flécher » une candidature ou de faire se correspondre les majorités municipales avec la composition du conseil de communauté. Il a considéré, pour cette raison, que la question de l'élection des conseillers communautaires et celle du mode de scrutin dans les communes de moins de 3 500 habitants étaient liées.

Examinant la situation des départements, M. Yves Krattinger, rapporteur, a souligné qu'il s'agissait là d'un niveau pertinent d'administration, parce que suffisamment proche des citoyens. Notant leur grande disparité en termes de population, M. Yves Krattinger, rapporteur, a jugé que toute réforme du mode de scrutin cantonal imposait préalablement de déterminer s'il s'agissait de représenter les territoires, ou les habitants, ou les deux. Se prononçant pour le renouvellement intégral des conseils généraux tous les six ans, il a proposé d'une part, que le mode de scrutin actuel soit conservé pour les cantons ruraux, à la condition que ces derniers fassent l'objet d'un redécoupage qui tienne compte aussi de la population et, d'autre part, que dans les zones urbaines un scrutin de liste soit mis en place qui favorise ainsi la mixité. Il a par ailleurs noté que, dans certaines zones très urbanisées, la confusion des compétences entre l'agglomération et le département pouvait justifier une organisation spécifique.

En ce qui concerne les régions, M. Yves Krattinger, rapporteur, a mis en avant leur très grande diversité, au regard tant de leur taille que de leur population ou de leur légitimité historique. Il a salué l'avancée démocratique en termes de mixité que leur mode de scrutin a permise. S'il a reconnu l'existence sur certains projets d'une coopération interrégionale, il a jugé que celle-ci se limitait à une coopération informelle et aucunement institutionnelle. Par ailleurs, il s'est interrogé sur l'intérêt de conserver les conseils économiques et sociaux régionaux.

S'attachant à la question des pays, il a rappelé que ceux-ci, initialement organisés sur le mode d'une simple association, s'étaient particulièrement développés sous l'impulsion du législateur, notamment parce que la création d'un pays était parfois devenu une condition nécessaire pour obtenir certains financements. Il s'est prononcé contre toute interdiction autoritaire du regroupement des collectivités par pays, estimant suffisant de couper tout lien entre le rattachement à une telle structure et l'obtention d'un financement. Les pays fondés sur cette unique considération devraient alors se dissoudre, tandis que ceux qui portent un véritable projet de développement ou de coopération devraient continuer à exister.

M. Yves Krattinger, rapporteur, s'est, par ailleurs, déclaré très attaché au couple de proximité que forment l'intercommunalité et le département. Il a estimé que, dans beaucoup de départements ruraux, il joue un rôle fondamental, tant pour la solidarité sociale que pour la solidarité territoriale.

Il a en revanche jugé nécessaire de simplifier le couple que forment la région et le département, dans la mesure où le nombre trop important d'échelons de décision, de financement et d'instruction a pour conséquence une perte d'efficacité et favorise même parfois les stratégies de blocage. Appelant de ses voeux une certaine simplification, il s'est prononcé pour certains transferts ou pour une meilleure répartition des compétences, par exemple en matière de transport. Il s'est enfin déclaré opposé à l'identification des conseillers généraux aux conseillers régionaux, les mêmes élus réglant les affaires du département au chef-lieu de département et les affaires de la région au chef-lieu de région, au motif que ceci pourrait aboutir à faire disparaître un niveau d'administration pertinent.

A la suite de cette communication du rapporteur, M. Pierre-Yves Collombat, vice-président, s'est interrogé sur la perte d'influence des territoires ruraux que pourrait susciter la mise en place, pour les élections cantonales, d'un mode de scrutin spécifique aux zones urbaines. Il a jugé qu'il y avait là le risque d'une contradiction avec la vocation de solidarité territoriale du département.

En réponse, M. Yves Krattinger, rapporteur, a estimé que le poids des territoires ruraux était peut-être trop important. Il a remarqué que les conseillers généraux étaient sans doute moins bien identifiés dans les zones urbaines que dans les zones rurales et que le mode de scrutin envisagé pour les cantons urbains présentait le mérite de favoriser la mixité, dont la faiblesse actuelle nuit à l'image des conseils généraux. Il a par ailleurs rappelé que la solidarité que devait mettre en oeuvre le département était autant une solidarité sociale qu'une solidarité territoriale. Soulignant la nécessité d'un redécoupage de la carte cantonale, il a cependant jugé qu'il était tout à fait possible de tenir compte aussi, dans ce redécoupage, de l'étendue des cantons ruraux.