Mercredi 3 décembre 2008

- Présidence de M. Pierre-Yves Collombat, vice-président, puis de M. Yves Krattinger et de Mme Jacqueline Gourault, co-rapporteurs -

Audition de M. Jacques Lévy, géographe et professeur à l'Ecole polytechnique fédérale de Lausanne

La mission a auditionné M. Jacques Lévy, géographe et professeur à l'Ecole polytechnique fédérale de Lausanne.

M. Pierre-Yves Collombat, président, a proposé à M. Jacques Lévy de formuler son diagnostic sur le territoire français et les collectivités territoriales et d'indiquer les évolutions qui lui paraissaient envisageables.

M. Jacques Lévy a présenté aux membres de la mission des cartes permettant d'apprécier l'importance du développement du phénomène périurbain. Il a expliqué que les dernières années avaient donné lieu à une forte expansion des déplacements domicile-travail et que la société moderne était caractérisée par la mobilité. Il a indiqué que le territoire français était composé aujourd'hui d'environ 150 à 200 unités spatiales, constituées d'une série de villes aux structures comparables. Il a fait observer que le vote « tribunitien » se concentrait à la périphérie des zones urbaines centrales. Il a remarqué que 75 % de la population se concentrait dans 15 % des communes.

Evoquant les évolutions économiques et sociales, il a considéré que la richesse produite par la région d'Ile-de-France grâce à sa « surproductivité » était aujourd'hui redéployée au bénéfice d'autres territoires à travers les mécanismes redistributeurs publics et sociaux. M. Jacques Lévy a indiqué que cette évolution soulevait une difficulté, car elle ne permettait pas à la région d'Ile-de-France de résoudre les inégalités intrarégionales, notamment dans les quartiers populaires, et ne favorisait pas le développement de nouveaux projets créateurs de richesse. Il a expliqué ce phénomène par la fuite des retraités aisés vers le sud de la France et le déplacement des familles en dehors de l'Ile-de-France en citant les travaux de Laurent Davezies.

Concernant l'évolution des structures territoriales, M. Jacques Lévy a estimé qu'elles devaient privilégier l'émergence de l'agglomération en incluant le phénomène périurbain et la région, qui constituent un point d'équilibre entre l'identité et les ressources économiques. Il a considéré que l'objectif devait être de permettre à un individu de développer ses potentialités sans avoir à changer de région. Selon ces critères, il a jugé que la Corse et l'Alsace constituaient deux régions certes petites, mais légitimes. Il a indiqué, a contrario, que le bassin parisien constituait l'espace pertinent pour organiser la région parisienne.

M. Jacques Lévy a déclaré que la suppression des communes ne lui semblait pas opportune, compte tenu de leur rôle de représentation des identités historiques. Il a néanmoins considéré que les communes jouaient un rôle dans le développement des phénomènes de ségrégation urbaine, les populations ayant tendance à se regrouper par communes selon des critères de niveau de vie.

M. Jacques Lévy a avancé l'idée d'un recours au bicamérisme au niveau régional afin de pouvoir concilier deux exigences contradictoires : l'une de représentation des territoires ruraux et l'autre des populations urbaines.

M. Yves Krattinger, co-rapporteur, s'est interrogé sur la place du rurbain dans le schéma présenté par M. Jacques Lévy. Alors que les financements des collectivités territoriales proviennent à la fois de la fiscalité locale et de dotations de l'Etat, il a posé la question des solidarités entre les territoires, notamment pour évaluer le niveau pertinent de péréquation. Il a également indiqué que le département n'existe réellement comme collectivité territoriale que depuis les lois de décentralisation de 1982-1983.

M. Jacques Lévy a considéré que la question du périmètre était naturellement discutable et que, de son côté, il distinguait l'urbain, qui correspond à une zone de bâti, et un « espace local élargi » où le bâti est disjoint, les zones rurales profondes renvoyant à « l'infra-urbain » et le rurbain à « l'hypo-urbain ». Il a souligné la nécessité d'un débat public national sur la péréquation, pour que les citoyens puissent connaître la destination de leurs contributions. Il a estimé que le bicamérisme était un élément important de ce débat, à l'instar de l'Allemagne où le Bundestag et le Bundesrat dialoguent sur la répartition des richesses entre les Länder.

Interrogé par M. Pierre-Yves Collombat sur la pertinence d'organiser le territoire de manière différenciée selon qu'il s'agit d'une agglomération ou non, M. Jacques Lévy a évoqué l'exemple britannique, où le Grand Londres a une structure institutionnelle tout à fait spécifique. De même, Paris pourrait avoir une structure à part : la région Ile-de-France, qui correspond au périmètre de ce qui serait souhaitable, pourrait ainsi exercer les mêmes compétences qu'une communauté urbaine.

M. Jacques Lévy a ensuite estimé que la solidarité était actuellement insuffisante entre les territoires et qu'en fait, en raison de la mécanique fiscale française, les pauvres des régions riches payaient pour les riches des régions pauvres.

M. Eric Doligé a mis en avant la contradiction de vouloir à la fois faire grandir les régions et de leur donner un rôle de proximité et de solidarité. Parallèlement, si les grandes villes maîtrisent de plus en plus leur agglomération, voire les départements auxquels elles appartiennent, il s'est interrogé sur le devenir de 80% du territoire national, qui a pourtant tout autant besoin de services publics et de solidarité.

M. Jacques Lévy a alors relevé que le territoire français possédait une longue histoire, que les départements avaient été découpés avec soin et que les communes révélaient une identité locale pertinente. Pour autant, il s'est demandé quelle solution trouver lorsque l'architecture des territoires ne correspond pas au vécu des citoyens. Cela pose la question des différences entre l'espace politique et l'espace de la société civile.

Mme Jacqueline Gourault, co-rapporteur, a souligné que le pays avait évolué et que les notions de rural ou d'urbain étaient nettement plus complexes qu'auparavant : par exemple, le rural n'a pas forcément les mêmes caractéristiques à un endroit ou à un autre du territoire.

A la question de M. Pierre-Yves Collombat sur la réalisation d'économies d'échelle en cas de suppression d'un niveau de collectivité territoriale, M. Jacques Lévy a indiqué que cela nécessiterait des études préalables. Cependant, la suppression d'un échelon d'administration permettrait sûrement des économies, a-t-il estimé, mais elles seraient marginales et insuffisantes pour justifier en soi cette suppression.

Audition de M. Pierre Martin, ingénieur de recherche à l'Institut d'études politiques de Grenoble, spécialiste des modes de scrutin

- Présidence de M. Yves Krattinger, co-rapporteur -

La mission a procédé ensuite à l'audition de M. Pierre Martin, ingénieur de recherche à l'Institut d'études politiques de Grenoble, spécialiste des modes de scrutin.

M. Yves Krattinger, président, après avoir présenté l'intervenant, lui a demandé d'éclairer la mission sur les projets de réforme des modes de scrutin s'inspirant de la loi PLM pour la désignation des délégués communautaires et de conseillers territoriaux, voire pour rapprocher les départements et les communautés.

M. Pierre Martin a tout d'abord examiné la proposition consistant à calquer l'élection des délégués communautaires sur celle des conseillers municipaux dans le cadre de la loi Paris-Lyon-Marseille (PLM). Il lui a semblé qu'un tel système serait inapplicable aux plus petites communes ainsi qu'à Lyon et Marseille en raison des spécificités des modes de scrutin auxquels les unes comme les autres sont soumises. Il a aussi souligné le risque politique d'inversion des résultats que présentait le mode de scrutin PLM, dans la mesure où, la prime majoritaire ne jouant que dans le cadre du secteur, la tendance majoritaire en voix sur l'ensemble de la zone peut être au final minoritaire en siège. Il a jugé qu'un tel risque imposait de réévaluer l'intérêt qu'il pouvait y avoir à appliquer ce mode de scrutin à la désignation des délégués communautaires, alors même que l'objet de la réforme envisagée était justement de conférer une plus grande légitimité électorale à l'intercommunalité. Il a estimé que, de ce point de vue, il convenait plutôt de privilégier la solution consistant à faire élire, au moment du scrutin municipal, le président de l'intercommunalité au suffrage universel direct.

S'attachant ensuite à la fusion de l'élection des conseillers généraux avec celle des conseillers régionaux, M. Pierre Martin a jugé que le fait de conserver, pour la désignation des conseillers concernés, le mode de scrutin cantonal actuel ferait courir à la réforme le risque d'une censure du Conseil constitutionnel. En matière de modification des modes de scrutin, le juge constitutionnel s'attache, en effet, à ce que les inégalités de représentation ne soient pas aggravées. Or, il a semblé à M. Pierre Martin que, dans la mesure où les conseillers régionaux était actuellement élus à la représentation proportionnelle, leur désignation, à l'avenir, dans le cadre cantonal au scrutin uninominal, aurait pour conséquence d'accroître considérablement les inégalités de représentation des populations en fonction des territoires, ce que le Conseil constitutionnel pourrait juger contraire à la Constitution.

Pour répondre à la difficulté ainsi soulevée, M. Pierre Martin a identifié deux solutions. La première solution consisterait à désigner les conseils généraux à la représentation proportionnelle de liste dans le cadre de l'arrondissement, le nombre de sièges de conseillers généraux par arrondissement étant homogénéisé à l'échelle de la région. S'agissant des conséquences politiques qu'emporterait la représentation proportionnelle, la solution qui consisterait à désigner les conseillers généraux, toujours dans le cadre du canton, au scrutin majoritaire plurinominal et non plus uninominal lui a paru préférable. A cette fin, il serait nécessaire, pour chaque canton, d'augmenter proportionnellement à sa population le nombre de sièges de conseiller général qui lui serait attribué. M. Pierre Martin a estimé que l'augmentation importante du nombre de conseillers généraux serait le prix à payer pour cette réforme, mais qu'il serait compensé par les nombreux avantages qu'elle présenterait. En effet, non seulement elle permettrait une meilleure représentation des femmes grâce à l'instauration de la parité, mais aussi une meilleure représentation des français d'origine étrangère, en raison de la meilleure prise en compte des zones urbaines. De plus, dans la mesure où chaque canton désignerait au moins un conseiller général, les cantons ruraux les moins peuplés, qui se trouveraient au dessous du seuil retenu pour l'attribution d'un conseiller général, continueraient de bénéficier d'un avantage de représentation.

Se prononçant sur la solution qui consisterait à supprimer les conseils généraux et à faire élire les conseillers régionaux suivant le mode de scrutin cantonal, M. Pierre Martin a jugé qu'une telle réforme ne serait envisageable qu'à la condition qu'il soit procédé à un redécoupage des circonscriptions cantonales démographiquement neutre. Il a par ailleurs noté que le mode de scrutin uninominal aggravait la domination des majorités, même courtes, au détriment des minorités, ce qui rendait incertains les calculs de basculement des majorités qu'une telle modification pourrait emporter au sein des conseils régionaux.

M. Pierre Martin a enfin estimé que l'élection des conseillers régionaux selon deux modes de scrutin différents, l'un proportionnel pour les zones urbaines et l'autre uninominal pour les zones rurales était critiquable tant du point de vue politique qu'au regard de sa conformité avec les règles constitutionnelles, dans la mesure où les partis majoritaires dans les zones urbaines verraient leur influence atténuée par le scrutin proportionnel, alors que leurs homologues dans les zones rurales verraient, au contraire, leur position renforcée par le scrutin uninominal.

En réponse à M. Yves Krattinger, président, M. Pierre Martin a estimé que l'application du scrutin plurinominal majoritaire à l'ensemble des cantons incluait de ce fait les grandes villes et qu'elle autoriserait donc une représentation équilibrée de la majorité et de l'opposition.

M. Charles Guené a interrogé l'intervenant sur le système permettant de répartir au niveau régional une partie des conseillers généraux élus, dans l'hypothèse de fusion des membres des deux assemblées délibérantes.

M. Rémy Pointereau a considéré que l'adoption de la proportionnelle pour l'élection des conseillers régionaux et généraux entraînerait la non-représentation de la ruralité, et soulevé également la question de la désignation, à effectifs constants, des conseillers généraux qui siègeraient au conseil régional en cas de fusion des deux catégories de conseillers.

M. François Patriat a évoqué le système électoral dual allemand, qui préserve le lien entre l'élu et le territoire.

M. Eric Doligé a posé la question du périmètre d'intervention - national ou différencié selon les départements - du seuil d'attribution des sièges.

M. Jean-Claude Peyronnet s'est interrogé sur la coexistence, dans l'hypothèse d'un scrutin cantonal plurinominal, de plusieurs conseillers dans un même canton.

M. Dominique Braye a évoqué la question du panachage, en faisant ressortir l'attachement territorial des conseillers généraux élus dans les zones rurales.

En réponse aux intervenants, M. Pierre Martin a tout d'abord précisé que, selon la solution qu'il privilégiait, le mode de scrutin plurinominal s'appliquait à l'ensemble des cantons, qu'ils soient ruraux ou urbains, étant précisé que dans le cas d'un canton représenté par un siège, l'élection plurinominale devenait de facto uninominale.

Il a considéré qu'il était possible de différencier le seuil d'attribution d'un siège selon les régions. Pour lui, si la fusion des conseillers régionaux et généraux devait être retenue, la cohérence s'imposerait au niveau régional sans entraîner une obligation d'uniformité au plan national : des seuils différents pourraient ainsi être retenus pour l'Ile-de-France et le Limousin.

Il a écarté l'hypothèse de fusion des petits cantons, maintenus comme unités d'élection dans le cadre du mode de scrutin proposé.

Sans vouloir trancher le débat opposant scrutin proportionnel et scrutin majoritaire, M. Pierre Martin a considéré que la cohérence entre conseils régionaux et généraux impliquait l'uniformisation de l'élection au moins dans le cadre régional.

Selon lui, si une partie seulement des conseillers généraux devait siéger au conseil régional, le scrutin proportionnel s'imposerait, ainsi que la précision, préalable à l'élection, du nombre des conseillers généraux également conseillers régionaux.

S'agissant du système électoral dual allemand, il a considéré qu'il s'agissait fondamentalement d'un scrutin proportionnel supposant l'existence de grandes circonscriptions, puisque le versant uninominal de ce double mode de scrutin n'est qu'une technique de désignation des élus dont le nombre n'est, par hypothèse, pas fixe.

M. Pierre Martin a insisté sur le respect absolu imposé par le « scrutin de compensation » des appartenances partisanes, les candidats devant se présenter sous l'étiquette de leur parti et non sous celle de formations de convenance, afin de respecter la loyauté du scrutin.

Il a conclu sur ce point en notant que ce système impliquait un nombre de sièges égal au double du nombre de circonscriptions.

Pour lui, il serait nécessaire de fixer un seuil de représentation en-deçà duquel un parti n'accède pas à la compensation.

Enfin, il est convenu que les électeurs de petites communes, où s'appliquait la liberté de candidature, étaient attachés au panachage.

Audition de M. Jacques Pélissard, président de l'Association des maires de France

- Présidence de Mme Jacqueline Gourault, co-rapporteur -

La mission a ensuite procédé à l'audition de M. Jacques Pélissard, président de l'Association des maires de France (AMF).

M. Jacques Pélissard a évoqué, comme premier sujet de son intervention, la répartition des compétences entre les collectivités territoriales, souhaitant conjuguer, par une meilleure mise en oeuvre du principe des blocs de compétences, la clarification de ces compétences et la proximité des collectivités par rapport aux citoyens. Il a souhaité que l'on s'oriente vers la disparition des doublons avec les services de l'Etat et a demandé que la commune ne se voit plus contrainte de faire instruire le même dossier plusieurs fois pour réunir le financement d'un projet.

Il a estimé que l'organisation territoriale devait s'adapter au contexte local, mais que toute réforme devrait s'accompagner d'une révision de la fiscalité locale.

M. Jacques Pélissard a ensuite abordé des questions relatives à la clause de compétence générale, à chaque niveau de collectivités territoriales :

- il a exprimé sa conviction qu'elle devrait être maintenue pour les communes ;

- les structures intercommunales, a-t-il considéré, ne sont pas des collectivités de plein exercice et doivent recevoir leurs compétences par délégation des communes, en fonction d'un intérêt communautaire défini avec soin en fonction des caractéristiques propres à chaque territoire ;

- s'agissant du couple département/région, il s'est dit favorable à une évolution de leurs compétences, sans croire toutefois à une remise à plat complète de leur organisation. Il a proposé l'instauration d'une clause de compétence spéciale qui permette à une collectivité d'exercer certaines compétences en toute plénitude, selon le principe constitutionnel du « chef de file », dont il a regretté une mise en oeuvre insuffisante. Il a ainsi suggéré de confier, par exemple, aux départements un rôle normatif en matière sociale.

Il a également émis l'idée de faire reposer tout projet d'équipement sur une coopération entre la commune ou la structure intercommunale d'un côté, le département ou la région de l'autre. Concluant sur le sujet de la répartition des compétences, il a rappelé l'intérêt de la procédure d'appel à compétences instaurée par la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales, qui permet à une collectivité de demander à exercer certaines compétences à la place d'une autre.

Considérant plus en détail les liens entre les communes et les structures intercommunales, M. Jacques Pélissard a considéré que l'élection des délégués intercommunaux au suffrage universel était envisageable, à condition que le scrutin se fasse dans le cadre de listes de candidats aux élections municipales élus, qui feraient l'objet d'un « fléchage » pour désigner les conseillers communautaires. A cette fin, il lui a paru souhaitable d'abaisser le seuil de 3 500 habitants au-dessus duquel le conseil municipal est élu sur un scrutin de liste, dans la mesure où une telle réforme favoriserait la présence d'élus minoritaires aux conseils intercommunaux.

M. Jacques Pélissard a conclu en plaidant pour une fiscalité plus responsabilisante à l'égard des collectivités territoriales, l'autonomie fiscale des pouvoirs locaux étant le gage d'une meilleure lisibilité de l'action publique pour les citoyens.

M. Dominique Braye a rappelé que l'Assemblée des communautés de France (AdCF) était favorable, dans un esprit de subsidiarité, au maintien de la clause générale de compétence pour les communes et à une organisation des structures intercommunales souple et adaptée à la diversité de leurs situations. Il a comparé le couple que forment le département et la région à celui qui réunit la commune et la structure intercommunale, trouvant ainsi souhaitable qu'un département ait la possibilité de déléguer une compétence à la région. S'agissant de la fiscalité locale, il a demandé à M. Jacques Pélissard s'il était favorable à une spécialisation de l'impôt par collectivité. Lui-même favorable à un « fléchage » permettant de désigner, sur une liste de candidats à l'élection municipale, ceux qui siègeraient également, le cas échéant, au conseil communautaire, il a souligné que cela impliquerait de supprimer le système du panachage pratiqué aujourd'hui dans les communes de moins de 3 500 habitants.

En réponse, M. Jacques Pélissard a estimé que l'« appel de responsabilité » constituait un bon outil en vue d'assurer une articulation souple des compétences entre départements et régions et de s'adapter à la diversité des situations locales. Les grands principes de la réforme fiscale, actés par l'AMF et les principales associations d'élus, consistent à mettre en place, pour chaque niveau de collectivité, un « tandem » d'impôts, sur les ménages et sur les entreprises. Il s'agit, a-t-il précisé, de renforcer la responsabilité fiscale des collectivités en revendiquant une plus grande autonomie en la matière. Seraient ainsi supprimées, en contrepartie, les dotations de l'Etat. Enfin, une forme de panachage dans les modes de scrutin pourrait être conservée pour les plus petites communes.

M. Jean-Pierre Vial a souscrit aux propos tenus par M. Jacques Pélissard ainsi qu'aux observations formulées par M. Dominique Braye. Il a insisté, toutefois, sur la nécessité d'approfondir la réflexion sur l'échelon communal, relevant notamment les difficultés des plus petites communes à répondre aux attentes de la population.

Soulignant l'importance du « couple » commune-intercommunalité, M. Yves Détraigne s'est demandé, pour sa part, s'il fallait insister pour que les communes souhaitant rester isolées intègrent une structure intercommunale ou si la souplesse actuelle ne devrait pas prévaloir. Il s'est interrogé sur l'opportunité de fixer un seuil minimal de population pour la création des intercommunalités, et d'élargir leur socle de compétences obligatoires.

M. Pierre-Yves Collombat a défendu l'idée d'une élection au scrutin direct des conseillers communautaires, qui supposerait de modifier le mode de scrutin dans les communes de moins de 3.500 habitants. Tout en reconnaissant qu'en théorie, les financements croisés devraient être supprimés, il a estimé qu'ils étaient le plus souvent la réponse à un manque de moyens. Il a apporté son soutien aux principes d'une réforme fiscale avancés par M. Jacques Pélissard. Il a insisté, toutefois, sur la question de la péréquation, estimant que celle-ci pourrait être réalisée au niveau régional.

Après avoir félicité M. Jacques Pélissard pour sa réélection, M. Eric Doligé a émis l'idée d'une recette qui, sur le modèle suédois, serait commune à tous les niveaux de collectivités, y compris l'Etat, puis répartie entre chacun d'entre eux selon des bases équitables. Cela leur permettrait d'avancer au même rythme, en bénéficiant d'une recette plus stable et pérenne.

M. Charles Guené a apporté son soutien à cette idée, qui permettrait d'assainir les relations financières entre l'Etat et les collectivités territoriales. Puis il s'est interrogé sur l'exercice des compétences qui se situent à la jonction entre les deux couples « communes-intercommunalité » et « département-région », relevant les problèmes de gouvernance que cela pourrait poser.

M. Yves Krattinger, co-rapporteur, après avoir félicité M. Jacques Pélissard pour sa réélection, a exprimé son adhésion à l'idée d'un abaissement du seuil de population des communes pour l'élection au scrutin de liste. Puis il a déploré les nombreuses décisions des gouvernements successifs tendant à supprimer des recettes fiscales des collectivités territoriales, suppressions qui n'ont été que partiellement compensées par l'Etat. Il a souligné le manque de lisibilité qui en résulte, et a appelé à refonder, à cet égard, un pacte clair entre l'Etat et les collectivités territoriales. Par ailleurs, il a voulu connaître l'avis de l'AMF sur les propositions consistant notamment à créer un impôt communautaire, réparti ensuite entre les communes et les intercommunalités, et à décliner ce schéma au niveau de la dotation globale de fonctionnement (DGF). Il s'est demandé s'il serait nécessaire de mieux définir et d'élargir, progressivement, les compétences obligatoires des intercommunalités, compte tenu de la grande diversité constatée dans leur fonctionnement.

M. Dominique Braye a regretté que l'AMF ne propose pas de fixer une échéance pour achever la carte des intercommunalités et rationaliser leur périmètre.

En réponse à ces intervenants, M. Jacques Pélissard a apporté les précisions suivantes :

- il est essentiel que les 36 780 communes de France travaillent ensemble ; alors que 92 % d'entre elles appartiennent à une structure intercommunale, il serait nécessaire, en ce sens, de renforcer les liens entre les communes et leurs groupements ;

- l'AMF ne souhaite pas contraindre les communes dites interstitielles à intégrer une structure intercommunale ; néanmoins, si une commune riche veut rester isolée, il pourrait être envisagé de réduire le montant de sa dotation globale de fonctionnement (DGF) ;

- il n'apparaît pas opportun de fixer un seuil minimal de population pour créer une intercommunalité, dont la taille peut varier selon la diversité des territoires ;

- les financements croisés ne sont pas une pratique saine ; si l'on y met fin, chaque collectivité aura davantage de moyens à consacrer à ses compétences propres ;

- la taxe professionnelle doit être réformée ; le nouvel impôt sur les entreprises qui devrait la remplacer aurait à prendre en compte à la fois la valeur ajoutée et l'espace foncier occupé ;

- la péréquation doit être mieux organisée et davantage ciblée ; il s'agit d'une mission régalienne qu'il appartient à l'Etat, et non aux régions, d'assumer ;

- les décisions des différents gouvernements ayant pour effet de réduire les recettes des collectivités territoriales, comme le plafonnement de la taxe professionnelle, sont allées à l'encontre du principe de responsabilité fiscale prôné par l'AMF.

Enfin, M. Jacques Pélissard a souligné que l'AMF était ouverte sur la question d'une rationalisation du périmètre des intercommunalités, estimant qu'il n'était pas souhaitable de contraindre les communes à rejoindre une structure intercommunale ; elles pourraient néanmoins y être incitées, par cette meilleure prise en compte du coefficient d'intégration fiscale notamment.