Mardi 1er avril 2003

- Présidence de M. Pierre Hérisson, vice-président. -

Transports - Aviation - Transports aériens et Air France - Examen des amendements en deuxième lecture

Au cours d'une première séance tenue dans la matinée, la commission a procédé à l'examen des amendements sur le projet de loi n° 216 (2002-2003), modifié par l'Assemblée nationale, relatif aux entreprises de transport aérien et notamment à la société Air France.

Après l'intervention de Mme Marie-France Beaufils, la commission a tout d'abord émis un avis défavorable à la motion n° 8 présentée par Mmes Marie-France Beaufils, Hélène Luc et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi qu'à la motion n° 1 de MM. François Marc, Jean-Marc Pastor et des membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée.

Avant l'article 1er, la commission a donné un avis défavorable à l'amendement n° 2 de MM. Jean-Marc Pastor, François Marc et des membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, tendant à insérer un article additionnel.

A l'article 1er (mesures de codification et dispositif de garantie des droits de trafic des compagnies aériennes cotées), elle s'est déclarée défavorable aux amendements n°s 3 et 4 de MM. Jean-Marc Pastor, François Marc et des membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée.

A l'article 3 (prolongation du statut du personnel jusqu'à deux ans après la privatisation pour permettre la conclusion d'un accord collectif), la commission s'est déclarée défavorable à l'amendement n° 5 des mêmes auteurs.

A l'article 4 (prolongation du conseil d'administration après la privatisation jusqu'à l'élection d'un nouveau conseil d'administration), elle a donné un avis défavorable à l'amendement n° 6 de MM. Jean-Marc Pastor, François Marc et des membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée.

A l'article 5 (échange salaire contre actions et condition d'accession des salariés aux titres mis sur le marché), elle a émis un avis défavorable à l'amendement n° 7 des mêmes auteurs.

La commission a, en conséquence, adopté le projet de loi, transmis par l'Assemblée nationale, sans modification.

Présidence de M. Pierre Hérisson, vice-président. -

 

Poste et télécommunications - Audition de M. Francis Mer, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, et de Mme Nicole Fontaine, ministre déléguée à l'industrie, sur La Poste

Au cours d'une seconde séance tenue dans l'après-midi, la commission a procédé à l'audition de M. Francis Mer, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, et de Mme Nicole Fontaine, ministre déléguée à l'industrie, sur La Poste.

Accueillant les ministres et les membres du groupe d'études sur l'avenir de la poste et des télécommunications, M. Gérard Larcher, président, a rappelé le contexte dans lequel s'exprimaient les préoccupations de la commission des affaires économiques du Sénat au regard de l'équilibre et de l'avenir de La Poste et de leurs conséquences en matière d'aménagement et de développement du territoire : la transposition de la directive européenne sur le secteur postal et la signature prochaine du nouveau contrat de plan. Il a indiqué que le rapport d'information que lui avait confié la commission devrait être publié à la fin du mois de mai, et que trois grands chapitres de ses réflexions concerneraient le réseau, les services financiers et les retraites.

M. Francis Mer, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, a alors précisé que, es fonctions, il était concerné par la situation de La Poste à plusieurs titres : il représentait l'actionnaire public soucieux de valoriser le patrimoine collectif, il reconnaissait l'importance de la compétitivité des services postaux français qui participent largement à la qualité de nos infrastructures françaises, il était le régulateur de l'opérateur public à un double titre, celui du secteur du courrier et celui du secteur bancaire, il demeurait le garant du service public postal puisque cette fonction incombait à l'Etat, y compris en vertu des textes européens, et il se préoccupait de la collectivité postale qui, avec ses 300.000 salariés, concernait en réalité près d'un million de personnes si l'on compte les familles.

Observant que le moment présent était important pour La Poste, le ministre a tout d'abord examiné l'environnement de l'entreprise. Il a ainsi indiqué qu'elle opérait sur trois marchés distincts de plus en plus exposés, chacun, à la concurrence. Après avoir relevé que, dans le secteur du courrier, les limites du monopole postal avaient été réduites à 100 g et à trois fois le tarif de base (0,46 €) depuis le 1er janvier 2003 et qu'une nouvelle étape serait franchie en 2006 par l'abaissement de ces seuils à 50 g et à 2,5 fois le tarif de base, il a souligné que la décision de libéraliser totalement le marché était envisagée par la Commission européenne pour 2009 en fonction des conclusions d'un rapport d'étape qu'elle adressera au Conseil. Il a considéré que cette perspective conduirait les acteurs du marché postal à prendre position, citant à cet égard les postes allemande et néerlandaise, très performantes et agressives en raison de leur modernisation depuis longtemps engagée, comme de sérieuses concurrentes pour l'opérateur français. Il a d'ailleurs détaillé l'évolution de la poste allemande au cours des quinze dernières années, démontrant que son changement de statut et ses efforts de modernisation et de rationalisation lui avaient permis de devenir un acteur très performant, notamment grâce à une automatisation du tri et une amélioration de la qualité de service, et d'occuper la place de leader devant la poste française sur le marché des colis en Europe, lequel est déjà complètement libéralisé.

S'agissant des services financiers, M. Francis Mer a relevé que le marché français se concentrait pour se structurer autour de quelques puissants pôles bancaires (naissance de BNP Paribas, rapprochement du Crédit Agricole avec le Crédit Lyonnais, rachat du CCF par HSBC et du CIC par le Crédit Mutuel...), abaissant ainsi mécaniquement la position de La Poste sur le segment de la banque commerciale de détail.

Il a conclu de ces deux séries d'observations que si l'immersion croissante de La Poste dans la concurrence est incontestable, force était de constater que ses concurrents actuels et futurs progressaient plus vite qu'elle, se renforçaient davantage et seraient demain encore plus puissants.

Examinant alors les fragilités de l'opérateur, le ministre a indiqué que sa rentabilité financière s'était dégradée ces dernières années : hors filiales, l'excédent brut d'exploitation a diminué de 200 millions d'euros par an depuis le pic de 1,2 milliard d'euros de 1999, l'endettement (3,5 milliards d'euros) représente environ deux fois et demie les fonds propres et la masse salariale absorbe près de 90 % de la valeur ajoutée, la mise en oeuvre des 35 heures ayant largement contribué à une dégradation durable des performances.

M. Francis Mer a par ailleurs souligné que La Poste française demeurait, pour les deux tiers de son activité, dépendante du marché du courrier, à la différence de ses compétitrices allemande et néerlandaise qui ont su réduire cette dépendance à un tiers, et que ses clients sur ce segment d'activité étaient à hauteur de 85 % des entreprises. Il a alors considéré que cette situation créait, dans la perspective de la libéralisation du marché et aux côtés de la progression des usages électroniques ou de la volonté de réduction des coûts de la part des entreprises clientes, une forte incertitude sur la croissance même de ce marché, relevant à cet égard que la poste néerlandaise anticipait une décrue de son volume de 20 % au cours des cinq prochaines années alors que La Poste ne prévoyait pour sa part qu'une baisse de volume de 5 %.

Au regard de ce constat, M. Francis Mer a jugé indispensable que La Poste engage dès à présent un effort sans précédent de compétitivité pour éviter un scénario catastrophe à l'horizon 2010, évoqué par La Poste dans son projet stratégique et qui conduirait la collectivité nationale dans une impasse majeure. Ainsi, a-t-il poursuivi, La Poste devra, comme ses principaux compétiteurs, réaliser d'importants gains de productivité par un renouvellement très limité des départs à la retraite, obtenus grâce à une modernisation de son appareil de production, notamment en accroissant l'automatisation du tri, financée par la prochaine hausse des tarifs du courrier.

M. Francis Mer a ajouté qu'au-delà des évolutions tarifaires, la politique du Gouvernement comportait deux outils essentiels pour adapter La Poste à sa nouvelle donne concurrentielle : la création d'un marché postal efficace par l'adoption d'un projet de loi sur la régulation postale qui sera présenté au Sénat au mois de juin (voir infra l'intervention de Mme Nicole Fontaine, ministre déléguée à l'industrie) et le contrat de plan de La Poste, dénommé contrat de « performances et de convergences », qui vise pour l'essentiel à définir la stratégie et la trajectoire économique et financière de l'opérateur.

Relevant que le terme de « convergences » visait les voies et moyens par lesquels La Poste serait mise à égalité de chances avec ses futurs compétiteurs, il a précisé que l'approche retenue par l'Etat était d'accompagner l'entreprise dans l'amélioration de ses performances afin de l'élever au meilleur niveau européen. Il a ainsi cité pour exemple la qualité de service du courrier en France, stabilisée depuis plusieurs années à un niveau légèrement inférieur à 80 % de lettres distribuées en J+1, observant que si ce niveau était convenable par rapport à la moyenne européenne et que le territoire français était le plus vaste d'Europe, les meilleurs opérateurs européens atteignaient 95 % de J+1 et connaissaient une productivité supérieure.

S'agissant plus particulièrement de la distribution de la presse par La Poste, le ministre a considéré que ce dossier était primordial en raison de ses enjeux financiers et politiques sous-jacents. Observant que les accords négociés en 1997 sous l'égide de M. Galmot avaient expiré en 2001, il a indiqué que M. Henri Paul, Conseiller maître à la Cour des comptes, avait été désigné en décembre 2002 pour en faire un bilan et proposer au Gouvernement un nouveau cadre de négociation. Constatant des tensions entre la presse et La Poste portant sur la qualité de service et sur le niveau de déficit avancé par l'opérateur, et compte tenu du caractère stratégique pour l'économie générale de la presse de la part de la vente par abonnement, M. Henri Paul a recréé les conditions du dialogue entre les acteurs par une approche innovante et économiquement réaliste reposant sur l'amélioration de la productivité des interfaces entre La Poste et la presse. Approuvant cette démarche, M. Francis Mer a précisé que les gains de productivité identifiés par ces expérimentations seraient évalués de manière indépendante par des inspecteurs généraux et feraient partie intégrante de la phase de négociation, dans laquelle un volet financier sera intégré, qui s'ouvrira prochainement et devrait être conclue d'ici la fin de l'année.

Puis le ministre a abordé la problématique du lien entre l'ouverture de La Poste à la concurrence et l'exercice de ses missions de service public, qu'il a qualifiée de complexe et présentée comme l'un des sujets importants du contrat de plan.

Il a estimé que le réseau postal très dense posait un problème particulier dans le processus de convergence de La Poste vers une situation concurrentielle banalisée, cette densité étant à la fois un réel avantage commercial mais aussi un inconvénient économique en raison de son coût important. Il a indiqué qu'il convenait d'élaborer des normes d'accessibilité, c'est-à-dire de définir des critères nationaux et locaux d'accessibilité permettant de déterminer la densité de points de contact nécessaires à la fourniture au public du service universel du courrier, le but étant d'analyser la présence postale territoriale à partir de la situation des utilisateurs et de leurs besoins. A cet égard, comparant la situation actuelle du réseau des bureaux de poste à celle d'autres réseaux de proximité, qu'ils soient de première nécessité (boulangeries, pharmacies) ou commerciaux (banques), M. Francis Mer a souligné qu'avec les 10.300 bureaux de poste situés dans les communes de 2.000 habitants, la présence de La Poste était trois fois plus importante que celle des pharmacies et comparable à celle des boulangeries.

Il a ajouté qu'en revanche, la densité de La Poste était quatre à cinq fois plus faible que celle des boulangeries et des pharmacies dans les communes de plus de 15.000 habitants, ce qui impliquait que ces commerces étaient deux fois plus proches de la population que les bureaux de poste (350 mètres contre 650 mètres), tout comme les agences bancaires au demeurant. Il en a ainsi conclu qu'en zone urbaine importante, le réseau de La Poste était commercialement moins adapté, car plus éloigné de ses clients que d'autres réseaux de proximité, avec, pour conséquence concrète, la longueur des files d'attente dans certains bureaux urbains.

Au regard du critère du nombre d'heures quotidiennes d'activité, M. Francis Mer a également indiqué que sur 17.000 points de contacts, 6.500 travaillaient moins de quatre heures par jour et, parmi eux, 3.700 moins de deux heures.

Estimant qu'il convenait de mieux préciser les obligations à fixer au titre du service public et en termes de service rendu à la population (un accès au service ou une présence immobilière), il a considéré que les solutions à trouver devraient prendre place dans le cadre du contrat de plan. Après avoir affirmé que l'objectif du Gouvernement n'était pas la fermeture des bureaux de poste en zone rurale, il a souligné la nécessité de faire évoluer le réseau des bureaux de poste en favorisant une gamme de solutions créatives permettant d'abaisser le coût global de la présence postale et de trouver de nouvelles formules de financement susceptibles d'associer les collectivités territoriales : recours à des points de contact franchisés, modalités de financement du réseau accessible au sein du service postal universel, réflexion sur les conditions de mise en oeuvre des avantages fiscaux de la Poste, etc.

M. Francis Mer a ensuite examiné la question des services financiers de La Poste, rappelant que celle-ci disposait de plusieurs avantages particuliers, tels que la distribution du livret A, qu'elle partage avec les Caisses d'Epargne, ou son non-assujettissement au droit commun bancaire en matière de règles organisationnelles et prudentielles. Après avoir souligné que le domaine bancaire était un domaine concurrentiel qui exigeait un impératif de rentabilité intrinsèque, il a précisé que la prise en considération du rôle social de La Poste rendait nécessaire la compatibilité d'une évolution des services financiers de l'opérateur avec la poursuite de ses missions d'intérêt général. Ayant rappelé que La Poste, dans son plan stratégique, demandait au Gouvernement de pouvoir élargir la gamme de produits qu'elle est autorisée à distribuer, il a indiqué que ses services travaillaient à déterminer et quantifier l'impact sur le marché d'une éventuelle extension de gamme à différentes catégories de produits (crédit immobilier sans épargne préalable, crédit à la consommation, assurance dommages IARD, etc.). Estimant qu'il convenait à la fois de ne pas bouleverser les équilibres hérités de l'histoire et de responsabiliser davantage La Poste pour la rendre plus efficace sur son métier de services financiers, il a observé que nombreux sont ceux qui estiment qu'une banalisation de la gamme devrait être accompagnée d'une banalisation des conditions d'exercice et une soumission aux règles organisationnelles et prudentielles applicables, ce qui appellerait probablement un effort très important d'adaptation des structures internes de La Poste.

Relevant enfin que le contrat de plan de La Poste avait aussi pour fonction de cadrer sur une base pluriannuelle les relations financières directes entre l'opérateur et l'Etat, M. Francis Mer a indiqué qu'au côté de l'aide de 290 millions d'euros donnée au titre de la distribution de la presse, l'autre volet important de ces relations financières concernait l'aide à la prise en charge par le budget de l'Etat d'une partie des retraites des fonctionnaires de La Poste. Après avoir rappelé que les 300.000 agents de La Poste étaient pour les deux tiers des fonctionnaires et pour un tiers des contractuels, il a précisé que la retraite des fonctionnaires était versée par l'Etat, La Poste procédant à une compensation intégrale de cette charge d'après la loi de 1990, dans la limite d'un écrêtement, prévu par le précédent contrat de plan, arrêtant la contribution de l'opérateur à son niveau de 1997 réactualisé. Il a ajouté que les 100.000 salariés contractuels de La Poste relevaient quant à eux du régime général des retraites du secteur privé. Le ministre a alors souligné que la réforme des retraites engagée par le Gouvernement aurait comme conséquence probable de modifier le besoin global de financement de ce poste budgétaire, et donc l'équilibre financier du dispositif existant pour La Poste, sans qu'il soit possible, à ce jour, d'en prévoir exactement l'impact. C'est pourquoi, a-t-il conclu, les dispositions financières actuelles du contrat de plan, qui devrait être signé dans le courant de l'été, ne seraient probablement pas modifiées à titre transitoire avant les résultats de la réforme globale des retraites.

A l'issue de cette intervention, Mme Nicole Fontaine, ministre déléguée à l'industrie, après avoir indiqué que le Gouvernement nourrissait de grandes ambitions pour La Poste, a déclaré que la signature, d'ici à l'été, du contrat de plan liant l'entreprise publique à l'Etat lui permettrait de rivaliser avec ses concurrents européens et a précisé que le succès de ce contrat dépendrait aussi de la mise en place d'un dispositif de régulation qui fera l'objet d'un projet de loi devant être examiné par le Sénat courant juin.

Détaillant le contenu de ce projet de loi, Mme Nicole Fontaine a précisé qu'il viserait à transposer la nouvelle directive européenne sur le secteur postal adoptée en 2002 en conciliant l'ouverture progressive du secteur à la concurrence (toute correspondance de plus de 50 g et d'un prix inférieur à 2,5 fois le tarif de base devant être librement distribuée en 2006) et la fourniture par La Poste du « service universel postal » (consistant à assurer la distribution des correspondances jusqu'à 2 kg et des colis postaux jusqu'à 20 kg sur tout le territoire six jours sur sept).

La ministre a également évoqué la nécessité de faire évoluer le dispositif français de régulation et a rappelé le contentieux opposant depuis 1999 la France à la Commission européenne. Ce conflit a abouti à un avis motivé du 27 juin 2002 dans lequel la Commission concluait que l'indépendance fonctionnelle prévue par la directive de 1997 entre l'autorité réglementaire nationale pour le secteur postal et l'opérateur postal n'était pas assurée, le ministre de l'industrie s'occupant de la réglementation du secteur tout en assurant la tutelle économique de l'entreprise publique.

Mme Nicole Fontaine a alors détaillé les différents objectifs poursuivis par le projet de loi. Le premier est de définir un régime juridique clair en ce qui concerne les conditions d'exercice des opérateurs concurrents de La Poste dans le domaine du transport de correspondances. S'agissant du deuxième objectif, l'instauration d'un système de régulation efficace du marché postal, la ministre a précisé que le Gouvernement avait choisi d'élargir aux postes les compétences de l'Autorité de régulation des télécommunications (ART, devenant ainsi l'ARTP) plutôt que de créer un régulateur dédié, tant par analogie avec une majorité de pays européens que pour des raisons d'opérationnalité. Cette dévolution à l'ART de la régulation du service universel postal s'accompagnerait, sans qu'il soit nécessaire d'accroître le nombre de ses membres, de la création en son sein d'un service spécifique chargé de cette nouvelle mission. Quant au troisième objectif, la mise en place d'un dispositif de répartition claire des compétences entre l'autorité de régulation et le ministre, Mme Nicole Fontaine a indiqué que les principaux pouvoirs relatifs à la réalisation de la mission de « service universel postal », reconnue pour la première fois par des textes européens à travers la directive de 1997, continueraient à relever du ministre de l'industrie.

Elle a ensuite présenté les principales dispositions du projet de loi. L'autorité de régulation serait tout d'abord chargée de délivrer des autorisations de dix ans renouvelables aux entreprises concurrentes de La Poste souhaitant exercer une activité de distribution de correspondances. Elle jouerait également un rôle majeur en matière de règlement des différends dans le secteur postal ainsi qu'en matière de régulation tarifaire, puisqu'elle homologuerait les tarifs des services réservés. Les tarifs des services non réservés seraient en revanche soumis à un « price cap » global déterminé par le ministre après que l'ARTP eut donné son avis, tandis que les tarifs de la presse resteraient régis par un dispositif d'homologation ministérielle.

La ministre a ajouté que l'autorité de régulation, dotée d'un large pouvoir de sanctions, veillerait à ce que le financement par La Poste de sa mission de service universel soit assuré dans le respect des règles de concurrence, que l'ARTP pourrait proposer la création d'un fonds de compensation si ce financement apparaissait déséquilibré, et qu'enfin, une commission consultative sur le secteur postal serait créée par le projet de loi.

En conclusion, Mme Nicole Fontaine a indiqué que le projet de loi, visant à concilier la libéralisation du secteur postal et le maintien en ce domaine d'un service public de qualité, auquel la France est traditionnellement attachée, était encore dans une phase de concertation avec les différents acteurs concernés et avait été accueilli favorablement par les autorités européennes.

Confirmant la gravité et l'importance des risques pesant sur La Poste alors que les délais d'ici 2009 sont très brefs, M. Gérard Larcher, président, a alors insisté sur la nécessité d'agir au plus vite pour favoriser l'émergence d'une poste compétitive face à ses principaux concurrents, dans le respect des impératifs d'aménagement du territoire et de maintien de la cohésion sociale.

Soulignant les contraintes nouvelles du marché et l'importance de réaliser la transformation de La Poste en conservant un esprit de service public, M. Pierre Hérisson, président du groupe d'études sur l'avenir de la poste et des télécommunications, a relevé que se poseraient, à terme, la question de l'opportunité d'une ouverture totale du secteur postal à la concurrence, ainsi qu'une interrogation sur le financement, par La Poste, de sa mission de service universel, alors qu'elle ne sera plus en situation de monopole. Il a estimé que la conjonction de l'élaboration du contrat de plan et de la transposition de la directive introduisait une certaine confusion chez les citoyens, et notamment les élus locaux. Se félicitant de la récente réunion à Paris des responsables des directions nationales et locales de La Poste, il a souhaité que les commissions départementales de présence postale élaborent des schémas départementaux de présence postale et insisté sur le fait qu'une couverture du territoire satisfaisante en ce domaine passerait inévitablement par la mixité public/privé.

M. Jacques Bellanger a contesté la présentation de la situation faite par les ministres, en précisant notamment que la comparaison opérée entre La Poste française et son homologue allemande, défavorable à la première, ignorait le fait que le prix élevé du timbre en Allemagne avait permis à la poste allemande de financer son développement et sa modernisation. Prenant l'exemple de la rationalisation des services bancaires, il a critiqué la libéralisation du secteur postal en estimant qu'elle se traduirait par une baisse de la qualité des services et du nombre de points de contact de La Poste, ainsi que par la nécessité pour les collectivités locales désirant conserver sur leur territoire un service public postal satisfaisant de participer à son financement. Il s'est également interrogé sur l'opportunité pour La Poste de passer des accords avec des banques régionales pour assurer l'exercice d'activités financières. Il s'est enfin inquiété de ce que la distribution de la presse dans les grandes villes soit essentiellement prise en charge par des entreprises concurrentes de La Poste, privant cette dernière d'importantes rentrées financières et la confinant à assurer le service de distribution dans les zones peu rentables.

En réponse, M. Francis Mer, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, a tout d'abord estimé, s'agissant du problème de la presse, non économique, la situation actuelle dans laquelle un tiers du coût de sa distribution repose sur le client, un autre tiers sur La Poste et un dernier tiers sur le contribuable.

A propos du service rendu et du financement du service public, le ministre a reconnu que les collectivités locales seraient associées pour assurer une présence territoriale ne correspondant pas à un optimum garantissant la qualité du service. S'agissant du transport du courrier, il a estimé que le déblocage du prix du timbre n'était pas suffisant pour résoudre tous les problèmes, considérant plus généralement que La Poste n'avait pas suffisamment évolué, à l'exception notable du secteur des colis, pendant une quinzaine d'années au cours desquelles ses concurrents étrangers avaient pris de l'avance. Il a conclu sur la nécessité de créer les conditions propres à permettre à l'opérateur de récupérer sa compétitivité d'ici la libéralisation totale du secteur en 2009-2010, et à favoriser la mixité public/privé pour assurer une présence territoriale satisfaisante.

Répondant à son tour à M. Jacques Bellanger, Mme Nicole Fontaine, ministre déléguée à l'industrie, a tenu à relativiser ses propos sur la fin de la péréquation et du service public, en rappelant que les directives européennes permettaient le maintien d'une telle péréquation pour le grand public, représentant encore 15 % des clients de La Poste. Reprenant ensuite les propos de M. Pierre Hérisson relatifs à la nécessité pour La Poste de prendre en compte les réalités locales, elle s'est félicitée du travail très important des commissions départementales de présence postale et a évoqué la possibilité d'élargir leurs missions dans le cadre du contrat de plan.

M. Pierre-Yvon Trémel a ensuite insisté sur la nécessaire extension des services financiers de La Poste et s'est interrogé sur la date à laquelle les modifications législatives l'autorisant seraient soumises au Parlement. Concernant la régulation, il a souhaité que son contenu soit précisé, s'est interrogé sur l'opportunité d'une double tutelle (Etat et autorité de régulation) à un moment où La Poste devait s'adapter à une concurrence croissante, et a demandé quel était l'avenir du médiateur du service universel.

Après avoir relevé la diversité des prévisions de croissance du secteur postal pour les cinq années à venir (de - 5 % selon la poste française à - 20 % selon son homologue néerlandaise), M. Jean-Paul Emin a demandé aux ministres quelle était leur propre estimation à ce sujet.

M. Daniel Reiner s'est inquiété de la possibilité pour La Poste de maintenir sa présence dans des zones où elle constitue parfois le dernier service public encore existant. Revenant sur les efforts fournis ces dernières années pour trouver une solution à ce problème par la création de « maisons des services publics », il a insisté, eu égard à la faible volonté des divers acteurs concernés de travailler ensemble, sur la nécessité pour les pouvoirs publics de redonner une nouvelle impulsion à ce concept et de soutenir plus durablement sa mise en oeuvre à un échelon de solidarité restant à déterminer (pouvant être celui de l'intercommunalité), en favorisant la polyactivité et la complémentarité entre les différents services publics.

S'interrogeant sur la prise en compte, par La Poste, des opportunités liées aux nouvelles technologies, et notamment à l'Internet haut débit, M. Pierre Laffitte a estimé qu'elle devait profiter de ses atouts en ce domaine (fourniture à des centaines de milliers d'internautes d'une adresse électronique, croissance prévisible du transport de colis en raison du développement de l'e-commerce) pour offrir des produits commerciaux innovants et rémunérateurs, tels que le recommandé électronique.

En réponse, et après avoir reconnu l'importance de la correspondance électronique, M. Francis Mer, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, a exprimé ses doutes quant à l'avenir de la polyactivité des services publics, l'expérience ayant été tentée sans succès en raison de l'absence de demande solvable et des problèmes de communication entre les administrations, et estimé plus opportun de réfléchir à la mixité public/privé pour assurer une présence territoriale satisfaisante. S'agissant de l'extension de la gamme des services financiers de La Poste, il a estimé, qu'en fonction des décisions à venir, des éventuelles modifications législatives ne pourraient intervenir que quand La Poste serait en mesure d'être organisée pour remplir ces nouvelles fonctions. Concernant enfin l'évolution du marché, le ministre a reconnu que l'estimation d'un recul de l'activité courrier de 5 % retenue par La Poste risquait de se révéler trop optimiste, mais s'est déclaré confiant quant à la capacité des postiers à réaliser les efforts de productivité et de modernisation en moitié moins de temps que ne l'ont fait leurs concurrents européens.

Puis Mme Nicole Fontaine, ministre déléguée à l'industrie, a souligné que La Poste, avec deux millions d'adresses électroniques, était déjà un acteur majeur dans le domaine du courrier électronique et allait bientôt mettre sur le marché la lettre recommandée électronique. Revenant ensuite sur le calendrier de travail, elle a indiqué que le projet de loi sur la régulation postale serait soumis au Sénat courant juin et définitivement adopté au plus tard à l'automne, tout comme les modifications législatives précédemment évoquées dans le cas où le contrat de plan serait finalisé avant l'été. Elle a précisé que la loi de régulation opérerait un partage clair et non conflictuel de compétences entre l'autorité de régulation et La Poste, que cette dernière conserverait des marges de manoeuvre à travers notamment la fixation des tarifs du service universel dans le respect du « price cap », et que le médiateur du service universel serait intégré à l'ARTP dans le cadre d'un service spécifiquement dédié au service postal.

Répondant enfin à M. Hilaire Flandre, qui avait fait remarquer que les projets d'extension des services de La Poste à de nouvelles activités suscitaient les craintes des professionnels concernés, par exemple en matière d'assurance dommage, M. Francis Mer, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, a considéré que cette réaction était normale de la part de la concurrence.

En conclusion, et après avoir souligné le distinguo qu'il conviendrait sans doute d'opérer, en matière de distribution de la presse, entre la presse d'opinion et les autres segments, M. Gérard Larcher, président, a estimé, prenant appui sur le fossé qui s'est creusé entre les postes française et allemande depuis le milieu des années 90, au bénéfice de la seconde, en termes de chiffre d'affaires et de profitabilité, que le principal enjeu à venir résiderait dans la capacité qu'aurait, ou non, La Poste à rattraper le retard accumulé par rapport à la concurrence européenne en devenant compétitive tout en conservant son rôle éminent de lien social et en garantissant une présence territoriale équilibrée.

Jeudi 3 avril 2003

- Présidence de M. Pierre Hérisson, vice-président, puis M. Gérard Larcher, président. -

Nomination de rapporteurs

La commission a tout d'abord procédé aux nominations de :

M. Marcel-Pierre Cléach, en qualité de rapporteur pour établir un rapport d'information sur le logement locatif privé ;

M. Ladislas Poniatowski, à titre officieux, en qualité de rapporteur sur le projet de loi relatif à la chasse (sous réserve de son adoption par l'Assemblée nationale et de sa transmission) ;

M. Hilaire Flandre, en qualité de rapporteur sur la proposition de loi n° 368 (2001-2002) de M. Christian Cointat relative aux jardins familiaux et aux jardins d'insertion

Agriculture - Mission d'information - Politique agricole commune - Examen du rapport d'information

Puis la commission a procédé à l'examen du rapport d'information de M. Gérard César sur la politique agricole commune.

Observant que, pendant l'année de ses travaux, la mission d'information sur la politique agricole commune (PAC), présidée par M. Marcel Deneux, absent ce jour pour raison de santé, avait entendu plus de cinquante personnes, M. Gérard César, rapporteur, a indiqué que les conclusions qu'il allait présenter, approuvées la veille à la majorité par les membres de la mission, aborderaient le contenu du projet de réforme présenté par la Commission européenne et rappelleraient le contexte dans lequel elle s'inscrivait, avant de prendre position sur le « projet Fischler » et de dégager des propositions pour l'avenir de la PAC.

S'agissant du projet de réforme, M. Gérard César, rapporteur, a tout d'abord présenté les raisons lui paraissant rendre inopportune l'adoption d'une nouvelle PAC en 2003. Il a ainsi constaté l'absence de justification budgétaire interne, le cadre budgétaire de la PAC actuelle défini à Berlin en 1999 devant courir jusqu'en 2006 et, pour la période ultérieure, le Conseil européen de Bruxelles ayant décidé, en octobre 2002, de plafonner les dépenses du premier pilier de la PAC à leur niveau de 2006 pour éviter toute dérive budgétaire après l'élargissement. Il a également contesté qu'une réforme d'envergure de la PAC puisse être nécessaire pour avoir davantage de marges de manoeuvre lors des négociations à l'OMC : au contraire, il a estimé qu'il serait naïf d'offrir d'entrée de jeu des concessions aux partenaires de l'Union européenne, observant que certains d'entre eux, tels les Etats-Unis, avaient augmenté de manière significative leurs soutiens à l'agriculture peu de temps avant le début du cycle, et que procéder à une réforme de la PAC avant l'aboutissement des négociations ferait courir à l'Union le risque « de payer deux fois ». Enfin, M. Gérard César, rapporteur, a considéré que l'adoption d'une nouvelle PAC, trois ans seulement après l'entrée en vigueur de la précédente, bouleverserait les repères des agriculteurs et risquerait de rendre le secteur encore moins attractif auprès des jeunes, qui ont besoin d'un minimum de visibilité pour l'avenir.

Puis M. Gérard César, rapporteur,a détaillé les arguments conduisant la mission d'information à s'opposer sur le fond à la réforme proposée. Il a ainsi observé que le découplage total des aides était une proposition excessivement risquée, dans la mesure où le caractère historique des droits à primes allait susciter des distorsions de concurrence au sein d'un même secteur, puisque tous les producteurs n'auraient pas droit aux aides, et déstabiliser les marchés, notamment en raison des reconversions de production éventuellement opérées par les intéressés. Il a ajouté craindre que les productions, en l'absence d'un encadrement par des instruments spécifiques à chaque filière (primes, quotas) et gérés au plus près du territoire, se délocalisent vers les zones les plus rentables, au risque de favoriser une intensification préjudiciable à l'environnement et d'induire un délaissement des zones les plus difficiles, avec comme conséquence une accentuation de la déprise agricole. Il a enfin estimé que l'attribution d'une aide déliée de toute obligation de produire pourrait conduire à une réduction globale de la production agricole et du nombre des exploitants.

M. Gérard César, rapporteur, a par ailleurs qualifié de « leurre absolu » la proposition visant à procéder à de nouvelles baisses de prix en vue d'un alignement sur les prix mondiaux, dès lors que ceux-ci ne sont pas les prix de l'ensemble des productions agricoles, mais seulement ceux des productions échangées. Or, a-t-il ajouté, le prix mondial subit des pressions à la baisse sous l'effet des soutiens à l'exportation pratiqués par les pays riches, mais aussi en raison des conditions de production dont bénéficient certains pays agricoles. Il a ainsi conclu, après avoir relevé que la variabilité caractérisant les marchés agricoles rendait indispensable le recours à des mesures ponctuelles de régulation, que le démantèlement des instruments de gestion prévu pour accompagner la baisse des prix était également contestable.

M. Gérard César, rapporteur, a enfin considéré que le projet de réforme comportait des lacunes manifestes, en passant sous silence la situation de secteurs pour lesquels des propositions étaient attendues, telles la filière « fruits et légumes », qui souffre d'une insuffisante organisation de la production avec, comme conséquence, d'importantes variations de prix, ou les cultures oléagineuses, dont la production intérieure ne couvre que 25 % des besoins de l'Union européenne en protéines végétales. Il a également relevé qu'aucune mesure structurelle n'était prévue pour sécuriser l'environnement des agriculteurs, citant, en particulier, le dossier de l'assurance-récolte et de l'assurance-revenu, qui lui paraît fondamental pour les secteurs ne bénéficiant pas d'une organisation commune de marché (OCM) structurée.

Après cette analyse critique, M. Gérard César, rapporteur, a présenté les orientations adoptées par la mission d'information.

Il a tout d'abord indiqué qu'elle réaffirmait le choix d'un modèle agricole fondé sur des exploitations moyennes, à l'opposé des grandes exploitations intégrées qui se développent dans les pays où l'agriculture est entièrement libéralisée, et qu'elle plaidait pour que la PAC reste le garant d'un tel modèle.

S'agissant de la réforme proprement dite, il a insisté sur le maintien du rôle structurant du premier pilier, véritable pierre angulaire de la PAC. A cette fin, il a déclaré que la mission refusait les baisses de prix proposées et demandait la conservation des instruments de régulation conjoncturelle du marché et le rétablissement de ceux qui ont été supprimés (telle l'intervention publique en viande bovine). Souhaitant également que soient préservés les mécanismes de maîtrise de l'offre, comme la possibilité de faire varier le taux de jachère applicable aux grandes cultures ou les quotas laitiers, il a souligné l'intérêt de prendre, dès à présent, la décision de maintenir les quotas laitiers jusqu'en 2013, la présence des nouveaux Etats membres à partir de 2004 risquant de rendre cette décision plus aléatoire.

Puis M. Gérard César, rapporteur, a précisé que la mission refusait le schéma de découplage total et demeurait attachée au maintien d'aides spécifiques par secteur de production, et préconisait aussi une simplification dans le secteur de la viande bovine par le remplacement des différentes aides bovines par une seule aide directe, dont le calcul tiendrait compte, non seulement du taux de chargement, mais également d'autres critères, comme l'emploi et les potentialités des régions naturelles.

Considérant par ailleurs qu'un renforcement modéré du deuxième pilier par un mécanisme de modulation généralisé serait positif,M. Gérard César, rapporteur, a estimé que ce deuxième pilier pouvait aider les agriculteurs à répondre aux attentes de la société, en matière d'environnement, d'aménagement du territoire, de qualité des produits ou de bien-être animal, toutes considérations qui influencent l'évolution des pratiques agricoles. A cet égard, il a souligné que le champ des actions susceptibles d'être ainsi financées pourrait être élargi pour, par exemple, encourager le développement de l'assurance-récolte, accroître la production d'oléagineux ou faciliter les mises aux normes. Considérant qu'il faudrait toutefois simplifier le fonctionnement de ce deuxième pilier, notamment en assouplissant les règles de gestion des crédits et en reconnaissant une plus grande autonomie aux Etats membres, il a ajouté que la mission d'information était également favorable à une diminution du cofinancement exigé en la matière, car cette contrainte en freinait considérablement la mise en oeuvre. Enfin, se déclarant opposé au prélèvement, sur le premier pilier, de crédits en vue de financer des démantèlements ultérieurs d'OCM, tels que celles du lait ou du sucre, il a estimé que la double finalité du dispositif de modulation/dégressivité proposé par la Commission européenne en faisait un mécanisme très complexe qui rendrait difficile la lecture de la répartition des dépenses agricoles.

Enfin, M. Gérard César, rapporteur, a présenté les autres orientations que devrait, selon la mission d'information, prendre la PAC. Il a tout d'abord plaidé en faveur d'un positionnement différent de l'Union européenne sur les marchés mondiaux, considérant que les écueils du libre-échange intégral en agriculture, notamment pour les pays les moins avancés, justifiaient le droit pour chaque pays ou ensemble de pays à conduire des politiques agricoles autonomes. Dans ce contexte, il a préconisé une restauration de la préférence communautaire, notion renvoyant à une ouverture raisonnable aux importations et à des concessions mesurées sur ce volet dans le cadre de l'OMC, et nécessitant de remédier aux distorsions existantes tant dans le domaine douanier (secteur de la volaille, concurrencé par les importations saumurées du Brésil, ou secteur céréalier, éprouvé par les importations en provenance de la Mer noire) qu'en matière de normes sanitaires et qualitatives, qui sont souvent moins exigeantes que celles appliquées par l'Union européenne. Il a, de plus, estimé que la préférence communautaire devrait également conduire l'Europe à développer sa propre production d'oléo-protéagineux par une forte revalorisation des soutiens spécifiques, relevant qu'une telle politique nécessiterait de renégocier l'accord de Blair House qui, au demeurant, paraît de moins en moins justifié compte tenu de la libéralisation croissante du secteur céréalier.

S'agissant des effets de la PAC sur les pays en développement (PED), M. Gérard César, rapporteur, s'est interrogé sur la légitimité de certains instruments au regard de leurs effets pour les PED. Il a ainsi indiqué que la mission d'information estimait que les restitutions aux exportations devraient être progressivement réduites, à condition, toutefois, que les pays développés recourant à des soutiens moins transparents à l'exportation, tels que les crédits à l'exportation, les suppriment également, et qu'elle soutenait l'idée de préférences commerciales spécifiques dans le domaine agricole en faveur des pays les plus pauvres.

Enfin, M. Gérard César, rapporteur, a souligné que le rapport de la mission d'information préconisait d'accompagner l'intégration des nouveaux Etats membres à l'Union européenne à partir de 2004 par l'attribution d'aides et de prêts destinés à faciliter la modernisation de leurs agricultures et par le développement de coopérations et de transferts de savoir-faire en matière de gestion des aides PAC, par exemple pour la mise en place des services vétérinaires ou au niveau des organisations professionnelles. Evoquant les enseignements tirés du déplacement effectué par la mission en Pologne, il a souligné le puissant désir de contacts de ces pays et l'importance pour la France de ne pas laisser ce champ de la coopération aux seuls Etats membres de sensibilité anglo-saxonne, tels que la Grande-Bretagne ou les Pays-Bas, afin notamment que leur influence ne contrarie pas nos espoirs d'alliance sur la PAC avec des pays qui restent très attachés à l'agriculture.

Un débat s'est engagé à l'issue de cette présentation.

M. Gérard Larcher, président, s'est interrogé sur la manière dont l'accord de Blair House de 1992 pourrait être renégocié. Il a souligné l'intérêt du deuxième pilier et souhaité que la France mette davantage à profit les possibilités qu'il offre. Enfin, il a mis en garde contre la dérive anthropomorphique qui est à l'oeuvre dans la législation sur le bien-être animal.

Rappelant qu'avec l'accord de Blair House, l'Union européenne s'était engagée à ne pas soutenir ses cultures oléagineuses en contrepartie de l'acceptation, par les Etat-Unis, d'une organisation commune de marché forte en faveur des céréales, dans le cadre de la PAC, M. Gérard César, rapporteur, a estimé qu'une renégociation devrait avoir pour objet de permettre à l'Union européenne d'accorder des soutiens spécifiques suffisamment incitatifs à la production d'oléagineux, en contrepartie de la diminution, déjà largement appliquée, des aides aux céréales. Il a par ailleurs fait observer que la sous-consommation des crédits du premier pilier de la PAC par rapport aux plafonds définis à Berlin en 1999 constituait une marge de manoeuvre budgétaire pouvant permettre d'appliquer une modulation raisonnable, afin de renforcer le deuxième pilier, sans affecter l'intégrité du premier pilier.

M. Gérard Le Cam a indiqué que le groupe communiste républicain et citoyen partageait un grand nombre des orientations retenues dans le rapport, tout en mettant davantage l'accent sur la nécessité de rééquilibrer le budget de la PAC en faveur du développement rural, de revoir les critères de répartition des primes et de développer le volet social de la politique agricole. Il a ajouté que ces thèmes seraient développés dans la contribution écrite de son groupe, figurant en annexe du rapport sur lequel il exprimerait une abstention positive.

Considérant que la Commission européenne avait acquis trop d'influence dans le processus de réforme de la PAC, M. Gérard César, rapporteur, a souhaité que les Etats membres réaffirment leur volonté au sein du Conseil des ministres. Il a en outre relevé que l'Autriche tirait intelligemment profit des deux piliers de la PAC, au grand bénéfice de son agriculture, comme l'avaient constaté les sénateurs de la mission d'information en se rendant, en janvier dernier, dans ce pays.

Après avoir souligné les aspects positifs du rapport, M. Daniel Reiner a considéré que l'existence d'un cadre budgétaire pour la PAC sur le long terme ne devait pas interdire des avancées sur des sujets tels que le découplage partiel des aides directes. Il a également appelé l'Union européenne à rechercher des alliés dans le monde, afin de ne pas rester isolée dans les négociations agricoles de l'OMC, M. Gérard César, rapporteur, admettant la difficulté de s'opposer aux critiques virulentes contre la PAC exprimées, sous l'impulsion des Etats-Unis, par les pays du Groupe de Cairns.

M. Daniel Reiner a en outre estimé nécessaire d'aider les futurs Etats membres de l'Union européenne à moderniser leur secteur agricole pour éviter que des écarts trop importants ne se creusent au sein de l'agriculture européenne. Enfin, après s'être déclaré favorable à une modulation raisonnable, non préjudiciable au premier pilier, il a mis en garde contre le risque de renationalisation des politiques agricoles.

Relevant que la notion de découplage partiel était intéressante, mais devait encore être clarifiée, M. Gérard César, rapporteur, a indiqué que le rapport demandait la réalisation, au niveau européen, d'une synthèse de diverses propositions formulées dans ce domaine, assortie de simulations précises.

M. Gérard Larcher, président, a souhaité que le rapport insiste sur la notion de découplage partiel des aides, ainsi que sur la nécessité de préserver l'environnement industriel de l'agriculture, telles les technologies du machinisme agricole permettant de disposer de grosses motorisations, qui fait partie intégrante du « pouvoir vert » de l'Union européenne.

M. Hilaire Flandre a rappelé que les deux principaux objectifs de la PAC étaient d'assurer la sécurité alimentaire de l'Union européenne et de garantir un revenu aux agriculteurs. Observant que les échanges agricoles internationaux étaient très faibles par rapport à la production agricole mondiale, il a déploré que la PAC soit sans cesse accusée de nuire aux intérêts des pays en développement, alors que l'Union européenne constitue le premier débouché pour leurs importations.

M. Yves Detraigne s'est félicité du travail accompli dans le cadre de la mission d'information, constatant que le rapport dénonçait utilement certaines idées reçues, comme la nécessité de réformer la PAC avant l'aboutissement des négociations à l'OMC ou de chercher à aligner les prix européens sur les prix mondiaux. Il a considéré que ces travaux donnaient une véritable ligne au Sénat, avec des propositions réalistes, mais néanmoins susceptibles de faire évoluer la PAC.

Après avoir rappelé l'importance des surfaces agricoles consacrées aux cultures céréalières, M. Bruno Sido a souhaité que les aides allouées à ce titre varient selon les coûts de production de chaque Etat membre ou région. Faisant valoir l'intérêt d'une adaptation de la PAC à chaque situation locale, il a indiqué que, dans les zones intermédiaires, les soutiens alloués aux céréaliers leur permettaient à peine de vivre décemment. Constatant l'existence de nombreuses inégalités, il a plaidé pour une remise à plat des régimes de l'ensemble des produits agricoles couverts par la PAC. Enfin, il a considéré que l'actuel statut du fermage contribuait à fausser le prix des terres agricoles, qui ne correspond plus désormais à leur valeur économique réelle.

M. Gérard César, rapporteur, a souligné que le rapport s'opposait à la baisse des prix des céréales proposée par le commissaire Fischler et proposait de mobiliser divers instruments pour apporter des revenus supplémentaires aux zones intermédiaires, tels que le deuxième pilier et les fonds structurels. Il s'est néanmoins déclaré favorable à l'instauration d'une modulation raisonnable pour développer le deuxième pilier. Enfin, il a affirmé que la question du fermage pourrait être abordée au moment de l'examen du projet de loi sur les affaires rurales.

Relevant que le calcul des aides compensatoires aux céréales en fonction des rendements historiques régionaux était à l'origine de profondes injustices, y compris entre des régions très proches, M. Hilaire Flandre a confirmé que le statut du fermage était inadapté en expliquant, à titre d'exemple, que le renouvellement automatique des baux rendait quasiment impossible la reprise des terres par les propriétaires.

M. Gérard Larcher, président, constatant que la situation des zones intermédiaires posait une vraie question, a souhaité que des compensations leur soient attribuées, en cas d'instauration de la modulation, et a estimé que les problèmes liés au statut du fermage pourraient faire l'objet d'un rapport ciblé de la commission. Enfin, s'agissant de la mise à plat de l'ensemble des organisations communes de marché, il a défendu le régime sucrier, insistant sur son efficacité et sur son faible coût, même si, a-t-il ajouté, le volet des restitutions aux exportations posait aujourd'hui problème.

Enfin, en réponse à une question de M. Yves Detraigne, M. Gérard César, rapporteur, a indiqué que le rapport insistait bien sur l'intérêt des cultures à finalité industrielle.

La commission a ensuite adopté, après que M. Gérard Larcher, président, eut formulé des voeux de prompt rétablissement pour M. Marcel Deneux, président de la mission d'information, le rapport de la mission, le groupe socialiste et le groupe communiste républicain et citoyen faisant part de leur abstention positive.