Travaux de la commission des affaires économiques



Mardi 10 mai 2005

- Présidence de M. Jean-Paul Emorine, président. -

Petites et moyennes entreprises - Examen du rapport

La commission a examiné sur le rapport de M. Gérard Cornu, le projet de loi n° 297 (2004-2005) en faveur des petites et moyennes entreprises (urgence déclarée).

M. Gérard Cornu, rapporteur, a tout d'abord indiqué que le projet de loi comportait deux parties principales bien distinctes, à savoir un train de mesures diverses en faveur des petites et moyennes entreprises (PME) et une réforme de la loi n° 96-588 du 1er juillet 1996 sur la loyauté et l'équilibre des relations commerciales, dite loi Galland.

Ayant rappelé les excellents chiffres de la création d'entreprises en 2004, avec près de 225.000 entreprises nouvelles, ce qui constitue un record absolu, le rapporteur a attribué, pour une large part, cette progression et le changement d'état d'esprit dont elle témoignait, à la loi sur l'initiative économique du 1er août 2003 et aux deux lois de simplification adoptées ces trois dernières années. Ces textes, a-t-il ajouté, ont indiscutablement encouragé l'acte de création en allégeant les procédures, en facilitant l'accompagnement, en diminuant certaines charges sociales et fiscales et en élargissant les modes de financement, et ils doivent être aujourd'hui renforcés par ce projet de loi et par celui porté par M. Thierry Breton, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie sur la confiance et la modernisation de l'économie. A ce sujet, le rapporteur s'est félicité de ce que les deux textes reprennent largement un grand nombre des préconisations des deux groupes de travail constitués par M. Christian Jacob, ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat, des professions libérales et de la consommation, avec pour distinguo la taille de l'entreprise, le présent projet de loi concernant les entreprises individuelles, les très petites entreprises (TPE) et les petites PME, et celui du ministre des finances les grandes PME et les marchés financiers.

Le rapporteur a ensuite présenté le titre Ier du projet de loi consacré à l'aide à la création, en indiquant que les articles 1er à 4 permettaient la reconnaissance des actions de formation préalable à la gestion du créateur ou du repreneur d'entreprise au titre de la formation professionnelle continue, que l'article 5 constituait une mesure financière fondamentale pour les TPE en création avec l'exonération des droits de mutation à titre gratuit pour les dons familiaux à la création d'entreprise, dans la limite de 30.000 € par donateur, et enfin que l'article 6 étendait aux entrepreneurs individuels la suppression de la notion de taux de l'usure pour les prêts autres que les découverts en compte. Il s'agit d'une mesure opportune de simplification, a-t-il relevé, déjà effective pour les sociétés et qui n'a apparemment entraîné aucune hausse du coût du crédit pour les personnes morales, et il est donc proposé de l'étendre aux personnes physiques pour leurs besoins professionnels afin, notamment, de favoriser le micro-crédit.

Précisant que le titre II comprenait trois articles en faveur du développement de l'entreprise, M. Gérard Cornu, rapporteur, a évoqué l'article 7, qui élargit les missions des centres de gestion agréés (CGA) dédiées aux TPE aux actions d'information en matière de prévention des difficultés des entreprises, puis l'article 8 instituant un mécanisme de déduction fiscale pour provision pour investissement reconductible sur trois ans, au profit des petites entreprises individuelles nouvelles, et enfin l'article 9 qui étend aux entrepreneurs individuels le prêt participatif, mécanisme autorisant la banque à percevoir une partie de la rémunération de son prêt à travers le partage des bénéfices de la société emprunteuse.

Le titre III, a ensuite annoncé le rapporteur, consacré au conjoint de l'entrepreneur et aux nouvelles formes d'activité, formalise en huit articles un second volet de mesures d'équité ou de simplification formulées par le groupe de travail qu'il présidait, à travers notamment les articles 11 à 13 qui visent à donner au statut du conjoint collaborateur des droits très similaires à ceux du conjoint salarié, en matière de protection juridique et de droits à la retraite, à la formation professionnelle continue et au bénéfice de l'éventuel plan d'épargne d'entreprise. De plus, il a fait valoir que l'article 14 ouvrait au conjoint un délai, à travers la validation des acquis de l'expérience, pour se mettre en conformité avec les obligations requises en matière de qualification professionnelle pour reprendre une entreprise artisanale.

S'agissant des nouvelles formes d'activité, il a ensuite fait observer que l'article 15 étendait à presque toutes les professions libérales le statut de collaborateur libéral déjà utilisé par les avocats, que l'article 16 créait, dans le code de commerce, le statut de gérance-mandat pour combler un vide juridique préjudiciable aux intéressés, et enfin que l'article 17 favorisait le développement des groupements d'employeurs en autorisant notamment leur constitution sous forme coopérative.

Pour présenter le titre IV consacré à l'accompagnement de la transmission-reprise d'entreprise et qui résulte des propositions du groupe de travail présidé par le député Serge Poignant, M. Gérard Cornu, rapporteur, a évoqué les articles 18 et 19 autorisant le chef d'entreprise cédant et retraité à assurer, gracieusement ou de manière rémunérée, une prestation de tutorat au bénéfice du repreneur, et instaurant une prime de transmission qui pourra être accordée par l'Etat au tuteur.

Soulignant que les articles suivants étaient davantage financiers, le rapporteur a énuméré les articles 20 et 21 relatifs à la location puis au transfert de la propriété des actions et parts sociales d'une société à l'issue d'une période de location, puis l'article 22 qui entend réduire le coût fiscal de la transmission d'entreprise en augmentant de 50 à 75 % l'abattement dont bénéficie la donation d'entreprise en pleine propriété et en étendant ce mécanisme aux donations avec réserve d'usufruit.

Regrettant la faiblesse du titre V du projet de loi, consacré aux simplifications relatives à la vie de l'entreprise, et ce, en dépit du fait que beaucoup de mesures, notamment le regroupement des organismes d'assurances sociales des indépendants au sein d'un régime faisant office de guichet unique, étaient déjà mises en oeuvre, le rapporteur a fait part de son intention d'aller plus loin sur ce thème, en particulier en proposant la suppression de l'article 23 relatif à la société civile artisanale à responsabilité limitée, dispositif qui lui a paru accroître la complexité plutôt que la réduire.

Il a considéré, en revanche, que les articles 24 et 25 répondaient très exactement à deux des propositions du groupe de travail, en simplifiant les obligations du gérant unique de l'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL) en matière d'approbation des comptes, et en instituant des règles de quorum pour faciliter le fonctionnement des assemblées générales des sociétés à responsabilité limitée (SARL), dont le nombre maximum des associés est récemment passé de 50 à 100.

Avant de présenter en détail le titre VI, relatif à la modernisation des relations commerciales, le rapporteur a évoqué le titre VII, qui propose une réécriture des dispositions du code de commerce concernant le réseau des chambres de commerce et d'industrie remontant, pour beaucoup d'entre elles, à la loi du 9 avril 1898, ce qui justifie un important travail de modernisation pour mieux prendre en compte le rôle essentiel des chambres comme partenaires des collectivités territoriales dans leurs actions d'aménagement et de développement économique du territoire.

Au sein du titre VIII, qui traite des dispositions diverses, a-t-il ajouté, l'examen au fond de l'article 45, encadrant les possibilités d'investissement financier dans les sociétés d'exercice libéral, a été confié au rapporteur pour avis de la commission des lois. Puis M. Gérard Cornu, rapporteur, a ensuite présenté brièvement l'article 46 qui transforme l'actuel titre emploi entreprise en un titre de paiement, qualifié de chèque emploi pour les TPE, puis l'article 47 qui tend à exonérer de taxe sur les salaires les rémunérations des enseignants des centres de formation des apprentis, les articles 48 à 50 visant à accroître l'efficacité de la lutte contre le travail illégal, l'article 51 qui ouvre la faculté aux salariés itinérants non cadres d'être soumis à une convention de forfait en jours, plus adaptée aux conditions d'exercice de leur activité professionnelle, l'article 52 relatif à la lutte contre l'emploi illégal d'intermittents du spectacle, et enfin l'article 53 qui prévoit la transposition, par voie d'ordonnances, des dispositions du présent projet de loi aux territoires d'outre-mer.

Revenant ensuite au titre VI qui porte, en douze articles, réforme de la loi Galland, le rapporteur a tout d'abord rappelé les principales étapes de l'intense processus de concertation et de négociation conduit depuis plusieurs mois pour répondre aux critiques de plus en plus prononcées sur les effets pervers de cette loi, avec le phénomène des marges arrière et l'augmentation consécutive du prix des grandes marques. En 2002 et 2003, a-t-il précisé, deux accords entre les professionnels ont cherché, par la voie de la conciliation, à tempérer la hausse des marges arrière, puis M. Renaud Dutreil, alors ministre de tutelle, a essayé de résoudre globalement le problème par une circulaire précisant la position de l'administration sur la manière dont le code de commerce devait être interprété, mais cette tentative a échoué. Le rapporteur a relevé qu'après une nouvelle campagne de presse, début 2005, sur le thème rebattu de « la loi qui empêche la baisse des prix », le ministre des finances avait réuni les principaux partenaires pour leur enjoindre de parvenir à un compromis, obtenu le 17 juin 2004 avec, pour principales conclusions, la mise en oeuvre de mesures entre industriels et distributeurs pour diminuer les prix des produits de grande marque de 2 % à la rentrée scolaire, la rédaction d'un rapport sur la négociation commerciale par un groupe d'experts présidé par M. Guy Canivet, et l'engagement qu'une adaptation de la loi Galland serait entreprise sur la base des propositions de ce groupe.

Ces dernières ayant été rendues en novembre 2004, M. Christian Jacob, a-t-il ajouté, a constitué un groupe de travail réunissant tous les partenaires intéressés par la question, y compris les consommateurs, et en a confié la présidence au député Luc-Marie Chatel, par ailleurs rapporteur d'une mission d'information de la commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale créée en 2004. Précisant que les dispositions du titre VI du projet de loi s'inspiraient des travaux de ce groupe de travail, le rapporteur s'est félicité de cette intense concertation et s'est déclaré surpris des réactions parfois hostiles à l'égard de ce texte de compromis, lequel lui semble traduire une véritable position d'équilibre.

Ainsi a-t-il déclaré se rallier à ce dispositif, considérant qu'il était difficile d'obtenir un consensus et soulignant les risques qu'il y aurait, en modifiant tel ou tel paramètre, à remettre en cause l'ensemble de l'édifice.

Il a ensuite évoqué les principales mesures proposées, aux articles 26 et 32, avec l'encadrement des accords de gamme, à l'article 27, à travers la définition des conditions générales et particulières de vente rendant possible la différenciation dans le respect du principe de non-discrimination, à l'article 28, par la définition précise de la coopération commerciale et l'inversion de la charge de la preuve, le distributeur devant désormais être en mesure de prouver à l'autorité de contrôle la réalité des services facturés au fournisseur, aux articles 29 et 30, avec la faculté ouverte à l'administration de proposer la transaction pénale ou la composition pénale à l'auteur d'une infraction, à l'article 31, à travers une nouvelle définition du seuil de revente à perte limitant les marges arrière à 20 % maximum du prix net facturé, tout dépassement de ce pourcentage, justifié par des actions effectives de coopération commerciale, pouvant être imputé sur le prix de vente, aux articles 33 et 34, par l'encadrement des règles relatives aux enchères électroniques inversées, et enfin aux articles 35 à 37, à travers des mesures visant à renforcer le droit pénal applicable en permettant l'affichage des décisions de justice à l'initiative du juge, le recours à l'ordonnance pénale et l'accélération de la convocation en justice.

Au cours de la discussion générale, M. Jean Desessard, Mme Evelyne Didier et M. Daniel Reiner sont intervenus pour s'interroger sur les mécanismes permettant d'obtenir une baisse des prix de vente au consommateur, à travers la limitation du montant des marges arrière exigées par les distributeurs. Le rapporteur a indiqué que ceci supposait, par rapport à la situation actuelle, un effort partagé entre les fournisseurs et les distributeurs et il a indiqué que le pourcentage maximum des marges arrière fixé par le projet de loi correspondait, en moyenne, à ce qui se pratiquait dans les Etats membres de l'Union européenne.

Répondant à M. Gérard Bailly, qui s'étonnait qu'on puisse affirmer que la mise en oeuvre de la loi Galland empêchait la baisse des prix, le rapporteur a regretté le caractère outrancier de certaines affirmations, relevant qu'un accord entre partenaires de la négociation commerciale avait été impossible à trouver pour mettre fin aux dérapages constatés.

M. Gérard Le Cam ayant relevé que l'objectif du projet de loi était d'abaisser les prix à la consommation sans peser sur les marges des producteurs, s'est interrogé sur la faisabilité du dispositif, considérant que les actionnaires des grands groupes de la distribution n'accepteraient pas une diminution de leurs profits.

M. Bernard Piras a considéré que les pratiques imposées aux fournisseurs allaient bien au-delà des marges arrière et qu'il n'existait pas d'inventaire exhaustif de ces pratiques, qui aurait permis de mieux contrôler la grande distribution.

Leur répondant, le rapporteur a souligné la très grande complexité, voire l'opacité des relations entretenues avec leurs fournisseurs par la grande distribution, cette dernière n'étant d'ailleurs pas très satisfaite par les propositions du projet de loi. Il a annoncé avoir décidé d'organiser l'audition de ses représentants après la présentation du rapport devant la commission.

Répondant enfin à M. Daniel Raoul, qui relevait les insuffisances du statut du principal collaborateur du chef d'entreprise, lors de la transmission d'entreprise, en particulier concernant la reconnaissance de ses acquis professionnels, le rapporteur a indiqué que le projet de loi privilégiait le conjoint collaborateur, mais s'est déclaré prêt à examiner toute proposition facilitant la transmission d'entreprise.

Pour introduire l'examen des amendements qu'il soumettait à la commission, le rapporteur a indiqué que plus de la moitié étaient d'ordre strictement rédactionnel.

Quant aux autres amendements, a-t-il précisé, une première série vise à corriger de manière mineure certaines imperfections du texte, notamment pour étendre aux professions libérales telle disposition exclusivement prévue pour les commerçants et artisans, ou encore au conjoint associé tel droit ouvert au conjoint collaborateur, alors qu'une deuxième série comporte des propositions plus lourdes de conséquences, notamment en termes financiers et fiscaux, et porte sur le financement de la formation initiale des créateurs et repreneurs d'entreprise, la prolongation du dispositif de provision pour investissement, afin que davantage de TPE nouvellement créées puissent en bénéficier, le rachat d'années d'activité par les conjoints collaborateurs, dans la limite de six ans, pour améliorer le niveau de leur pension de vieillesse, l'ouverture aux partenaires d'un PACS des droits prévus par le texte pour des conjoints collaborateurs, ou encore le régime encadrant les enchères électroniques à distance.

Au-delà, le rapporteur a indiqué qu'il aurait des propositions additionnelles pour compléter le dispositif du projet de loi, notamment à travers des mesures propres aux EURL, d'autres tendant à exonérer les sociétés non cotées de certaines obligations de publicité inadaptées, améliorant la situation de l'apprentissage ou encore renforçant la lutte contre la concentration de l'offre commerciale.

La commission a ensuite examiné les amendements du rapporteur.

A l'article 1er (Article L. 953-5 [nouveau] du code du travail) (Extension du champ de la formation professionnelle continue), la commission a adopté un amendement tendant à ouvrir aux créateurs et repreneurs d'entreprises libérales le droit, dans le cadre de la formation professionnelle continue, de bénéficier d'actions d'accompagnement, d'information et de conseil.

A l'article 2 (Article L. 961-10 du code du travail) (Financement obligatoire des actions de formation et d'accompagnement des créateurs et des repreneurs d'entreprises artisanales et commerciales), la commission a adopté, outre deux amendements rédactionnels, un amendement prévoyant la prise en charge des dépenses exposées par les créateurs et repreneurs d'entreprises commerciales salariés ou chômeurs par les fonds de la formation professionnelle continue des professions salariées ou de l'UNEDIC.

A l'article 3 (Articles 1er, 2 et 4 de la loi n° 82-1091 du 23 décembre 1982) (Financement par les fonds d'assurance formation de l'artisanat jusqu'au 31 décembre 2005), elle a adopté un amendement rédactionnel et un amendement prévoyant la même prise en charge par les fonds de la formation professionnelle continue des professions salariées ou de l'UNEDIC pour les dépenses des créateurs et repreneurs d'entreprises artisanales salariés ou chômeurs.

A l'article 4 (Article 8 de l'ordonnance n° 2003-1213 du 18 décembre 2003) (Financement par les fonds d'assurance formation des travailleurs indépendants inscrits au répertoire des métiers à compter du 1er janvier 2006), la commission a adopté un amendement de coordination avec celui adopté à l'article 3 relatif au financement.

Les articles 5 (Article 790 A bis [nouveau] du code général des impôts) (Exonération de droits de mutation à titre gratuit des dons familiaux destinés à financer une opération de création ou de reprise d'entreprise), 6 (Articles L. 313-3 du code de la consommation et L. 313-5-1 du code monétaire et financier) (Suppression du taux de l'usure pour les prêts accordés à une personne physique agissant pour ses besoins professionnels) et 7 (Article 1649 quater C du code général des impôts) (Elargissement de la mission des centres de gestion agréés à l'analyse des informations en matière de prévention des difficultés des entreprises) ont été adoptés sans modification.

A l'article 8 (Article 39 octies E [nouveau] du code général des impôts) (Provision pour investissement des entreprises individuelles créées depuis moins de trois ans et employant moins de cinq salariés), la commission a adopté, outre deux amendements rédactionnels, trois amendements visant, respectivement, à étendre le dispositif de la provision pour investissements aux SARL à associé unique (EURL), à l'ouvrir aux reprises d'EURL et à en permettre le fonctionnement jusqu'en 2010 tout en maintenant la limite de trois ans consécutifs pour chaque entreprise bénéficiaire.

A l'article 9 (Articles L. 313-13 à L. 313-15 et L. 313-17 du code monétaire et financier) (Extension du prêt participatif aux entreprises individuelles), elle a adopté un amendement de précision rédactionnelle.

A l'article 10 (Article L. 121-4 du code du commerce et article 46 de la loi n° 2002-73 du 17 février 2002) (Statut du conjoint du chef d'entreprise travaillant dans l'entreprise), la commission a adopté, outre deux amendements de précision rédactionnelle et un amendement de conséquence, deux amendements tendant à donner une base légale au fait que les conjoints des chefs d'entreprises constituées en SARL et en SEL dépassant certains seuils ne pourront bénéficier du statut de conjoint collaborateur et étendant le dispositif protecteur du conjoint collaborateur au partenaire lié au chef d'entreprise par un pacte civil de solidarité (PACS).

A l'article 11 (Article L. 121-7 [nouveau] du code de commerce) (Protection des biens propres du conjoint collaborateur en cas de dépassement non intentionnel du mandat de gestion), la commission a adopté un amendement rédactionnel.

A l'article 12 (Articles L. 622-8, L. 633-10, L. 634-2, L. 642-2-1 [nouveau], L. 723-1, L. 723-5, L. 742-6, L. 749-9 et L. 742-11 du code de la sécurité sociale) (Droits sociaux du conjoint collaborateur et du conjoint associé du chef d'entreprise), la commission a adopté, outre trois amendements rédactionnels, un amendement ouvrant aux conjoints collaborateurs de commerçants et d'artisans, d'une part, et de professionnels libéraux, d'autre part, ayant jusqu'à présent participé pendant au moins dix ans à l'activité de l'entreprise sans s'ouvrir de droits à pension de retraite, la possibilité de racheter, dans la limite de six années, des cotisations d'assurance vieillesse.

A l'article 13 (Articles L. 322-9, L. 443-1 et L. 953-1 du code du travail et article 14 de la loi n° 89-1008 du 31 décembre 1989) (Droits sociaux du conjoint collaborateur), elle a adopté trois amendements qui étendent, respectivement, au remplacement du conjoint associé en formation le bénéfice de l'aide financière accordée par l'Etat, aux conjoints associés des commerçants et des professionnels libéraux le droit personnel à la formation professionnelle continue et au conjoint associé le financement de la formation professionnelle continue.

A l'article 14 (Article 16 de la loi n° 96-603 du 5 juillet 1996) (Délai ouvert au conjoint collaborateur reprenant l'entreprise artisanale pour satisfaire aux obligations de qualification professionnelle), la commission a adopté un amendement visant à exempter pendant trois ans le conjoint ou le partenaire d'un PACS relevant de l'un des trois statuts obligatoires (collaborateur, salarié associé) qui reprend l'entreprise artisanale de ses obligations en matière de qualification professionnelle.

A l'article 15 (Article 7 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971) (Statut de collaborateur libéral), la commission a voté un amendement rédactionnel de coordination.

A l'article 16 (Articles L. 146-1 à L. 146-4 [nouveaux] du code de commerce) (Gérants-mandataires), elle a adopté un amendement rédactionnel, un amendement étendant au propriétaire d'un fonds artisanal la faculté de conclure un contrat de gérance-mandat, un amendement soulignant que la mission du gérant-mandataire peut éventuellement s'inscrire dans le cadre d'un réseau et un amendement permettant que le contrat stipule des conditions d'indemnisation du gérant-mandataire plus favorables que la stricte application de la loi en cas de réalisation par le mandant.

A l'article 17 (Articles L. 127-1 et L. 127-8 [nouveau] du code du travail) (Extension des missions de groupements d'employeurs et possibilité de les constituer sous forme coopérative), la commission a voté un amendement corrigeant une erreur matérielle et un amendement excluant les coopératives agricoles actuellement en activité de la faculté de créer une mission de groupement d'employeur en leur sein.

A l'article 18 (Article L. 128-1 [nouveau] du code de commerce et articles L. 412-8 et L. 634-6-1 du code de la sécurité sociale) (Prestation de tutorat en entreprise), elle a adopté deux amendements rédactionnels et un amendement donnant une base légale aux dispositions réglementaires qui devraient fixer une durée maximale à la convention du tutorat.

A l'article 19 (Article 157 du code général des impôts) (Prime de transmission), la commission a voté deux amendements rédactionnels.

A l'article 20 (Articles L. 239-10-1 à L. 239-10-5 [nouveaux] du code de commerce et article 8 de la loi n° 90-1258 du 31 décembre 1990) (Location d'actions et de parts sociales de sociétés par actions et de SARL), la commission a adopté trois amendements rédactionnels.

A l'issue de l'examen des articles du titre IV, M. Gérard Cornu, rapporteur, a souligné qu'il n'avait pas présenté d'amendement tendant à aligner le régime de taxation des plus-values de cession sur celui des plus-values immobilières, car le ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat, des professions libérales et de la consommation avait annoncé la semaine précédente, lors de son audition par la commission, que cette réforme, qu'il a qualifiée d'essentielle pour favoriser la transition des entreprises, trouverait sa place dans le prochain projet de loi de finances.

Puis les articles 21 (Articles L. 313-7 du code monétaire et financier et 38 ter, 39 et 150-0 D du code général des impôts) (Cession d'actions ou de parts sociales à l'issue d'un bail) et 22 (Articles 787 B et 787 C du code général des impôts) (Régime de taxation de la transmission d'entreprise par voie de donation) ont été adoptés sans modification.

A l'article 23 (Société civile artisanale à responsabilité limitée), après une intervention de M. Pierre-Yvon Trémel, la commission a adopté un amendement de suppression, le nouveau statut juridique d'entreprise proposé rendant plus complexe le droit, sans paraître apporter aux artisans aucune garantie, simplification ou facilité supplémentaires par rapport aux dispositifs existants.

Après l'article 23, la commission a adopté cinq amendements tendant à insérer des articles additionnels qui, pour véritablement simplifier l'environnement juridique des petites entreprises, visent respectivement :

- à étendre à l'entrepreneur individuel la faculté ouverte aux personnes morales de domicilier leur entreprise chez un domiciliataire ;

- à permettre que la domiciliation du siège social de la personne morale puisse suivre le changement de domicile de son représentant légal ;

- à tirer les conséquences sur le fonctionnement des sociétés coopératives ouvrières de production de la faculté ouverte par la loi relative aux nouvelles régulations économiques de dissocier dans une société anonyme (SA) les fonctions de président et de directeur général ;

- à faciliter la manière dont le cessionnaire peut vérifier la comptabilité du vendeur du fonds de commerce pour apprécier la valeur économique de ce fonds ;

- à alléger les modalités de constitution de l'EURL, en permettant à l'associé-gérant unique de réduire ses statuts au minimum légal nécessaire.

A l'article 24 (Article L. 223-31 du code de commerce) (Approbation des comptes de l'EURL dont l'associé unique est le gérant), la commission a voté un amendement de simplification évitant la tenue d'un registre des décisions pour l'EURL dont l'associé unique assure lui-même la gérance.

A l'article 25 (Article L. 223-30 du code de commerce) (Règles de quorum des assemblées générales des associés de la SARL), la commission a adopté un amendement rédactionnel.

Après l'article 25, la commission a voté trois amendements de simplification de la vie de l'entreprise tendant à insérer des articles additionnels et proposant, respectivement :

- d'éviter aux SA non cotées le dépôt au greffe du rapport sur les procédures de contrôle interne ;

- d'aligner le nombre maximum des associés d'une SARL coopérative artisanale sur le droit commun des SARL ;

- d'accélérer la procédure d'enregistrement des contrats d'apprentissage en la confiant aux établissements publics consulaires, sans préjudice du contrôle de la validité de l'enregistrement par la direction du travail.

L'article 26 (Article L. 420-2 du code de commerce) (Interdiction des accords de gamme au titre de l'exploitation abusive d'un état de dépendance économique) a été adopté sans modification.

A l'article 27 (Article L. 441-6 du code de commerce) (Possibilité d'introduire des différenciations dans les conditions générales et particulières de vente des contrats entre fournisseurs et distributeurs), la commission a adopté un amendement visant à encourager les fournisseurs à pratiquer des conditions particulières de vente différentes pour le réseau de petite distribution.

A l'article 28 (Article L. 441-6-1 [nouveau] du code de commerce) (Définition du contrat de coopération commerciale, contractualisation des services s'en distinguant et régime de sanction y afférant), la commission a voté deux amendements rédactionnels et un amendement ouvrant un délai d'un mois pour permettre la conclusion d'un contrat après communication, par le fournisseur, de ses conditions générales de vente ou ses tarifs.

L'article 29 (Article L. 470-4-1 [nouveau] du code de commerce) (Bénéfice du droit de transaction au profit de l'administration) a été adopté sans modification.

A l'article 30 (Article L. 470-4-2 [nouveau] du code de commerce) (Composition pénale), la commission a adopté un amendement rédactionnel.

L'article 31 (Article L. 442-2 du code de commerce) (Modification de la définition du seuil de revente à perte) a été adopté sans modification.

Après l'article 31, la commission a voté un amendement tendant à insérer un article additionnel qui vise à restreindre la pratique consistant à retenir sur les factures tous types de pénalités sans que le fournisseur ait été en mesure de contrôler la réalité du grief.

A l'article 32 (Article L. 442-6 du code de commerce) (Règlementation des relations commerciales entre fournisseurs et distributeurs), la commission a adopté un amendement visant à prohiber la transparence des conditions commerciales des fournisseurs à l'égard de leurs clients de la distribution entre firmes en concurrence sur le marché, ainsi qu'un amendement fixant, en cas de rupture des relations commerciales résultant d'enchères à distance par voie électronique, un délai minimum de préavis non uniforme et mieux adapté à la diversité des relations commerciales.

S'agissant des enchères à distance par voie électronique, M. Gérard Cornu, rapporteur, a indiqué que, sa réflexion sur cette nouvelle technique de relations commerciales n'étant pas totalement achevée, il n'était pas exclu qu'il propose à ses collègues, lors de la réunion d'examen des amendements extérieurs, un ou plusieurs amendements visant à rendre la loi aussi bien adaptée que possible à la diversité des situations.

A l'article 33 (Article L. 442-10 [nouveau] du code de commerce) (Réglementation des enchères à distance), la commission a adopté un amendement rédactionnel.

Les articles 34 (Article L. 443-2 du code de commerce) (Régime de sanction des pratiques d'enchères inversées illégales), 35 (Article L. 470-2 du code de commerce) (Affichage ou diffusion de condamnations au titre d'un délit prévu par le titre IV du livre IV du code de commerce), 36 (Article 495 du code de procédure pénale) (Possibilité de recours à la procédure de jugement simplifiée pour traiter de certains des délits prévus au titre IV du livre IV du code de commerce) et 37 (Article L. 470-4-3 [nouveau] du code de commerce) (Possibilité pour le fonctionnaire compétent de notifier au prévenu une convocation en justice) ont été votés sans modification.

Après l'article 37, la commission a adopté deux amendements tendant à insérer des articles additionnels qui :

- pour le premier, propose une mesure de sauvegarde pour s'assurer que la concentration des entreprises ne porte pas atteinte à la concurrence, notamment au niveau local ;

- pour le second, prévoit la remise au Parlement, avant le 1er octobre 2007, d'un rapport analysant l'impact de la loi sur les différents partenaires des relations commerciales et sur les consommateurs, pour procéder le cas échéant aux ajustements législatifs et réglementaires nécessaires.

Au Titre VII (Des dispositions du code de commerce relatives aux chambres de commerce et d'industrie), la commission a adopté un amendement modifiant l'intitulé de cette division.

L'article 38 (Intitulé du titre Ier du livre VII du code de commerce) a été voté sans modification.

A l'article 39 (Articles L. 711-1 à L. 711-10 du code de commerce) (Définition des échelons composant le réseau des chambres de commerce et d'industrie et fixation de leurs compétences respectives), après une intervention de M. Daniel Raoul, la commission a adopté deux amendements précisant que les chambres de commerce et d'industrie (CCI) et les chambres régionales de commerce et d'industrie (CRCI) peuvent se voir confier des délégations de service public en matière d'aéroports, de ports maritimes et de voies navigables, ainsi que dix amendements rédactionnels.

L'article 40 (Intitulé du chapitre II du titre Ier du livre VII du code de commerce) a été adopté sans modification.

A l'article 41 (Articles L. 712-2, L. 712-3 et L. 712-6 du code de commerce) (Coordination), la commission a voté un amendement rédactionnel.

A l'article 42 (Articles L. 712-1, L. 712-4 et L. 712-5 du code de commerce) (Fonctions de l'assemblée générale des élus, du président et du trésorier des établissements consulaires ; conséquences provoquées par l'absence de mise en oeuvre du schéma directeur ; solidarité budgétaire des CRCI), la commission a adopté, outre deux amendements rédactionnels, un amendement procédant à la clarification des responsabilités du président et renvoyant au règlement intérieur de chaque établissement le soin de déroger éventuellement à la limite d'âge fixée par l'article 7 de la loi du 13 septembre 1984.

A l'article 43 (Articles L. 712-7 à L. 712-10 [nouveau] du code de commerce) (Exercice de la tutelle sur les établissements du réseau ; procédures en cas de défaut budgétaire ; suspension d'un membre élu ou des instances consulaires ; conditions d'application), la commission a voté trois amendements rédactionnels.

A l'article 44 (Article 1600 du code général des impôts) (Prise en compte de l'adoption du schéma directeur régional pour la définition du taux de progression de l'imposition additionnelle à la taxe professionnelle), la commission a adopté un amendement rédactionnel.

Après l'article 44, elle a adopté un amendement tendant à insérer un article additionnel qui autorise la vente des matériels et objets mobiliers appartenant aux chambres du réseau des CCI sans passer par le service des Domaines.

Avant l'article 45, après une intervention de M. Daniel Raoul, la commission a adopté un amendement tendant à insérer un article additionnel pour rétablir les pouvoirs reconnus aux chambres des métiers en matière de droit de préemption.

L'article 45 (Articles 5-1, 6 et 9 de la loi n° 90-1258 du 31 décembre 1990) (Encadrement des possibilités d'investissement financier dans les sociétés d'exercice libéral) a été adopté sans modification, son examen au fond ayant été délégué à la commission des lois, saisie pour avis.

A l'article 46 (Articles L. 133-5-1 et L. 133-5-3 du code de la sécurité sociale) (Transformation du titre emploi entreprise en chèque emploi pour les très petites entreprises), après une intervention de M. Jean Desessard, la commission a voté, outre un amendement de coordination rédactionnelle, un amendement revenant sur la suppression, proposée par l'article, de la limite interdisant au pouvoir réglementaire de fixer un seuil de salariés supérieur à dix pour définir les entreprises éligibles au chèque emploi pour les très petites entreprises.

Après l'article 46, la commission a adopté un amendement tendant à insérer un article additionnel qui vise à abroger la mesure introduite par l'article 130 de la loi de finances pour 2005 interrompant à la date de l'obtention du diplôme ou du titre préparé dans le cadre du contrat d'apprentissage la prise en charge par l'Etat des cotisations sociales patronales dues au titre des salaires versés aux apprentis ou aux élèves de l'enseignement technologique lors de leur stage.

L'article 47 (Article 231 bis R [nouveau] du code général des impôts) (Exonération de la taxe sur les salaires des rémunérations versées aux enseignants des centres de formation des apprentis) a été voté sans modification.

Après l'article 47, la commission a adopté un amendement complémentaire tendant à insérer un article additionnel qui vise, dans certaines professions fixées par voie réglementaire, à lever l'interdiction de travailler les dimanches opposée aux apprentis mineurs.

L'article 48 (Articles L. 325-1 à L. 325-6 [nouveaux] et L. 324-13, L. 324-13-2 et L. 341-6-5 du code du travail) (Répression du travail illégal) a été voté sans modification.

A l'article 49 (Article L. 122-1-1 bis [nouveau] du code du travail) (Contrôle de la légalité du travail dans le secteur des activités culturelles), la commission a adopté un amendement rédactionnel.

Les articles 50 (Article L. 324-12 du code du travail) (Contrôle de la légalité du travail dans certaines professions réglementées) et 51 (Article L. 212-15-3 du code du travail) (Application des conventions de forfait en jours à certains salariés itinérants non cadres) ont été votés sans modification.

A l'article 52 (Article 13-1 [nouveau] du code de l'industrie cinématographique) (Pouvoirs de sanction du directeur général du Centre national de la cinématographie), la commission a adopté un amendement permettant au directeur général du Centre national de la cinématographie de cumuler plusieurs des sanctions prévues à l'encontre de certaines personnes coupables de divers types d'infractions.

Enfin, la commission a adopté l'ensemble du projet de loi ainsi modifié, le groupe socialiste et le groupe communiste républicain et citoyen s'abstenant.

Mercredi 11 mai 2005

- Présidence de M. Jean-Paul Emorine, président. -

Audition de M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, sur la mise en oeuvre de la loi organique n°2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances

Au cours d'une première séance tenue dans la matinée, la commission a, tout d'abord, procédé à l'audition de M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, sur la mise en oeuvre de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, a rappelé en préambule que la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) avait été rendue indispensable du fait, d'une part, des imperfections de la procédure budgétaire prévue par l'ordonnance organique de 1959 et, d'autre part, de l'évolution du contexte qui avait vu la montée en puissance des prélèvements à destination de l'Union européenne et des collectivités territoriales, ainsi que la mise en oeuvre des lois de financement de la sécurité sociale. Soulignant que la LOLF était le fruit d'une démarche consensuelle, il a insisté sur le fait qu'elle permettait de passer d'une logique de moyens à une logique de résultats.

Il a regretté, à cette occasion, que les débats budgétaires se consacrent essentiellement aux lois de finances initiales, malgré leur caractère en partie virtuel, et ce, au détriment des lois de règlement, qui constituaient en définitive le véritable élément d'appréciation de la dépense publique. Il s'est félicité de ce que la LOLF conduirait à porter plus d'attention à l'exécution budgétaire. Relevant que cet élément supposait un renforcement du contrôle du Parlement, il a estimé qu'il pouvait conduire à mettre en place des moyens supplémentaires à cet effet. Il a également émis le souhait d'un renforcement de la coordination entre les rapporteurs spéciaux et les rapporteurs pour avis des autres commissions permanentes.

Rappelant que la LOLF aboutissait à scinder le budget général de l'Etat en 34 missions et 132 programmes, il a souligné que, les missions constituant l'unité de vote budgétaire, les débats devraient à son sens être organisés autour de ces dernières. Jugeant que le débat budgétaire serait enrichi par cette réforme, il a cité comme exemple l'examen de l'article d'équilibre du projet de loi de finances, dont le vote devrait désormais être précédé d'un débat sur le niveau des effectifs des agents de l'Etat, le niveau des recettes et des dépenses, et donc l'évolution du déficit, et sur la variation de la dette publique.

M. Jean-Paul Emorine,président, après avoir relevé que la critique de l'ancienne procédure budgétaire faisait l'objet d'un large consensus, a indiqué que le Bureau de la commission des affaires économiques avait d'ores et déjà commencé à réfléchir à la nouvelle architecture budgétaire et à l'évolution du travail de la commission que celle-ci demandait. Rappelant que la commission des affaires économiques présentait jusqu'à présent 23 avis sur le projet de loi de finances, il a souhaité savoir dans quelle mesure deux rapporteurs pourraient présenter conjointement un avis sur une mission et quel serait alors le temps de parole imparti à chacun. Reconnaissant que les questions d'organisation interne des commissions permanentes constituaient une difficulté non négligeable de la réforme,M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, a indiqué que la commission des finances du Sénat avait conclu, à la différence de la solution retenue par les députés, qu'il n'était pas possible de présenter des rapports budgétaires sur des programmes. La solution retenue consistait donc à envisager que plusieurs rapporteurs puissent travailler de concert sur une même mission, y compris lorsqu'ils appartenaient à des groupes politiques différents. Il a estimé que, seule, cette solution permettait de respecter l'esprit de la réforme. Quant au temps de parole imparti aux orateurs, il a rappelé qu'en tout état de cause, le Sénat était tenu par le délai de 20 jours qui lui était accordé par la Constitution pour examiner le projet de loi de finances, ce qui imposait nécessairement certaines limitations. Il a souhaité à ce titre que les débats évoluent vers une forme plus vivante permettant des échanges plus spontanés entre le gouvernement et les sénateurs.

M. Gérard César a considéré que la LOLF constituait une révolution pour tous les parlementaires et que les deux années à venir seraient une période de transition. Il a soutenu la proposition du président Jean-Paul Emorine visant à permettre la présentation d'un même avis par deux rapporteurs. Il a souhaité obtenir des détails sur la procédure d'annulation de crédits, sur la nécessaire coopération entre les rapporteurs spéciaux et les rapporteurs pour avis et sur l'éventualité d'un refus par la Cour des comptes de certifier les comptes de l'Etat dans le cadre de la nouvelle procédure. En réponse, M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, s'est félicité tout d'abord de ce que la LOLF soit l'occasion de susciter la réflexion sur les questions budgétaires. Abondant dans le sens de M. Gérard César quant à la portée considérable de cette réforme, il a souligné la nécessité que le Parlement y participe d'autant plus qu'il avait parfois été quelque peu complice des rigidités de l'administration de l'Etat. Il en a conclu que la réussite de cette réforme permettrait de renforcer considérablement le sens de l'action parlementaire. Concernant les annulations de crédit, il a rappelé qu'elles étaient de la responsabilité du ministre compétent, à qui il revenait d'en informer les commissions permanentes. Il a distingué le cas différent des crédits qui étaient supprimés du projet de loi de finances par les parlementaires. Il s'est réjoui de l'intérêt témoigné par M. Gérard César pour une coopération accrue entre les différents rapporteurs. Quant à un éventuel refus de la Cour des comptes de certifier les comptes de l'Etat, il a estimé qu'il s'agissait là d'une configuration extrême et que l'on assisterait plus vraisemblablement à un dialogue constructif entre cette institution et le gouvernement. Il a déclaré que l'Etat avait du reste d'importants efforts à fournir en matière de sincérité budgétaire, la LOLF devant amener des progrès considérables dans ce domaine.

M. Marcel Deneux a estimé que la réussite de la réforme supposait une réelle volonté politique à moyen terme. Il a souhaité savoir dans quelle mesure serait mise en place une vision patrimoniale de la situation de l'Etat. Il a regretté que le découpage ministériel ne corresponde pas au découpage budgétaire en mission. Il a souhaité enfin savoir dans quelle mesure les agents de l'Etat adhéraient à cette réforme. Approuvant pleinement son analyse quant à la nécessité d'une volonté politique de moyen terme pour soutenir cette réforme, M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, a indiqué que la situation patrimoniale de l'Etat ferait l'objet d'un état annexe au projet de loi de finances. Quant à la question de l'adhésion des agents publics à la réforme, il a estimé que celle-ci ne devait pas susciter de réticence de leur part, dans la mesure où elle n'était qu'un instrument de visibilité et qu'elle ne conditionnait pas les choix budgétaires. Il s'est déclaré convaincu que la reconnaissance de la performance serait en outre un encouragement à l'action des agents publics.

M. Daniel Raoul, faisant valoir que les orateurs pouvaient, dans le cadre de la procédure actuelle, intervenir sur les différents titres du projet de loi de finances, a souhaité savoir ce qu'il en serait à l'avenir. Il a demandé quelles étaient les marges d'amendement sur le montant de chacune des missions. Concernant les temps de parole impartis aux différents orateurs lors du débat budgétaire, M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, a pris l'engagement que tout sénateur souhaitant s'exprimer pourrait le faire. Il a toutefois émis le souhait que ne soient pas présentés des amendements destinés seulement à justifier des prises de parole et rappelé à nouveau le cadre constitutionnel de 20 jours pour l'examen du projet de loi de finances par le Sénat. Quant à l'impossibilité pour les parlementaires de modifier par voie d'amendement l'enveloppe des missions, il a reconnu qu'il pouvait s'agir là d'un élément de frustration, mais qu'il lui paraissait en réalité justifié en raison de la responsabilité gouvernementale de présentation d'un budget cohérent. Il en a conclu que le travail essentiel du Parlement consistait en définitive à contrôler et à apprécier l'exécution des lois de finances, en particulier à l'occasion des lois de règlement.

M. Daniel Reiner s'est interrogé sur l'opportunité d'un parallélisme entre les approches de la commission des finances et de la commission des affaires économiques en matière budgétaire. Il a estimé que le travail du rapporteur pour avis devait nécessairement se distinguer de celui du rapporteur spécial, sans quoi il perdrait son intérêt. Dans ces conditions, il s'est demandé dans quelle mesure les rapports pour avis ne pourraient pas, dans certains cas, se limiter à des programmes, au sein des missions. Lui répondant quant au rôle respectif des rapporteurs spéciaux et des rapporteurs pour avis, M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, a estimé que les échanges entre les différents rapporteurs étaient tout à fait nécessaires. Il a souhaité que les rapporteurs spéciaux et pour avis d'un même budget puissent ainsi définir une stratégie commune de questionnement du gouvernement en préparation de la loi de finances, afin d'améliorer la qualité de l'information du Sénat. Il a jugé que les analyses thématiques présentées ces dernières années par les rapporteurs pour avis de la commission des affaires économiques constituaient un bon exemple de la complémentarité des approches des différentes commissions.

M. Bernard Piras, après s'être interrogé sur la possibilité pour un co-rapporteur d'exprimer son avis personnel sur le budget dont il était chargé, a également souhaité savoir comment s'articulait le calendrier budgétaire entre la discussion des lois de finances et le contrôle de leur exécution. En réponse, M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, a tout d'abord rappelé que la position défendue par les rapporteurs était toujours définie par leur commission. Il a estimé que la mise en oeuvre de la LOLF, en permettant une analyse exacte de la situation budgétaire, devait plutôt permettre de dégager des analyses convergentes de la réalité, même entre rapporteurs de groupes politiques différents. Quant à l'activité de contrôle parlementaire, il a jugé qu'elle devait être permanente et rappelé à ce titre que la commission des finances menait une vingtaine d'enquêtes de contrôle par an, auxquelles il a proposé que les rapporteurs pour avis puissent être associés. Il a indiqué que la commission des finances envisageait de développer encore cet aspect de son activité, en organisant notamment des auditions contradictoires suite aux enquêtes dont elle demandait la réalisation à la Cour des comptes.

M. Dominique Mortemousque, après avoir souligné l'importance de cette réforme et la demande croissante d'informations des citoyens, a estimé que les parlementaires devaient participer à cette évolution par un effort de concision et de clarté de leurs travaux, M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, abondant pleinement dans son sens.

M. Jean-Marc Pastor, après avoir exprimé les remerciements du groupe socialiste à M. Jean Arthuis pour son exposé et indiqué qu'il partageait les objectifs de la LOLF, a rappelé que le débat sur les différentes missions budgétaires conserverait nécessairement une dimension très politique, ce qui supposait aussi que le débat permette la pleine expression du point de vue des différents groupes. Il a ensuite fait part de sa préoccupation quant à la traduction effective de la LOLF dans les services déconcentrés de l'Etat. Il a enfin souhaité que le bureau de la commission des affaires économiques consacre, lors de ses prochaines réunions, le temps nécessaire à l'examen des conséquences de la LOLF sur les avis budgétaires de la commission et sur les relations entre les rapporteurs pour avis et les rapporteurs spéciaux. M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, a déclaré que les enjeux de la LOLF demandaient que sa mise en oeuvre demeure consensuelle, et non partisane. Il en a conclu que le droit d'expression de l'opposition serait pleinement respecté dans le cadre du débat budgétaire. Il a souligné, concernant les modalités de la discussion budgétaire, que rien n'empêcherait un orateur intervenant sur une mission de consacrer l'essentiel de son propos à un programme. Sur l'application de la LOLF par les services déconcentrés, il a déclaré partager l'analyse de M. Jean-Marc Pastor quant à l'insuffisante prise de conscience des implications prochaines de la réforme. Il a émis le souhait que la LOLF ne soit pas érigée à l'avenir en bouc émissaire de toute sorte de difficultés administratives. Il a également indiqué que la réforme devait donner plus de souplesse à la gestion administrative locale, à travers la mise en place de budgets opérationnels de programme (BOP) permettant un contrôle a posteriori de l'utilisation des crédits.

M. Gérard Cornu, après avoir fait part de sa pleine adhésion à la révolution portée par la LOLF, a déploré qu'au découpage en missions budgétaires ne corresponde pas un même découpage ministériel. M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, abondant dans son sens, a regretté, en outre, que la nomenclature ministérielle soit remise en cause à chaque nouveau gouvernement.

M. Benoît Huré a estimé que cette réforme permettrait une très importante revalorisation du travail parlementaire, ce qui justifiait un fort engagement des parlementaires pour vaincre les inerties qui pouvaient menacer sa mise en oeuvre. Il a jugé que ce nouveau cadre budgétaire était de nature à redéfinir l'équilibre entre l'exécutif et le législatif. Partageant pleinement cette analyse, M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, a estimé que les sénateurs pouvaient également diffuser l'esprit de cette ambitieuse réforme au sein des collectivités territoriales où ils assumaient des responsabilités.

Audition de M. Didier Lombard, président-directeur général de France Télécom

La commission a procédé à l'audition de M. Didier Lombard, président-directeur général de France Télécom, audition commune avec la Délégation à l'aménagement et au développement durable du territoire et le groupe d'études « Poste et Télécommunications ».

M. Didier Lombard a tout d'abord rappelé qu'à la nomination de son prédécesseur, M. Thierry Breton, à la présidence de France Télécom, en 2002, l'entreprise traversait une phase critique, faisant face à un endettement qu'elle ne pouvait rembourser. Le plan de sauvetage ambitieux alors mis en place, « France Télécom ambition 2005 », avait permis de redresser la situation de l'entreprise, grâce à 15 milliards d'euros de restructuration de la dette, 15 milliards d'euros d'augmentation de capital, avec la participation de l'Etat, et 15 milliards d'euros d'économies internes, représentant un effort considérable.

Le président de France Télécom s'est félicité que ce plan soit, à la mi-2005, c'est-à-dire six mois avant l'échéance initialement fixée, en voie de réalisation totale, estimant qu'une politique active de remboursement de la dette demeurerait nécessaire pour rapprocher le niveau d'endettement de l'entreprise de celui de ses principaux homologues.

M. Didier Lombard a indiqué qu'à compter de 2002, France Télécom s'était engagée dans une politique active d'aménagement du territoire, qui n'était pas jusque-là une priorité de l'entreprise. Il a précisé qu'en 2003 avait été lancé un plan « Haut débit pour tous », avant que France Télécom ne s'engage, à partir de janvier 2004, dans la signature de chartes « Départements innovants », permettant d'unir les efforts de l'entreprise avec ceux des collectivités territoriales soucieuses de disposer d'infrastructures à haut débit conditionnant leur développement économique.

En matière de couverture du territoire en accès à haut débit, M. Didier Lombard a rappelé que 96 % de la population serait couverte à la fin 2005 et que l'ensemble des points de raccordement du réseau serait équipé d'ici à la fin 2006, permettant d'atteindre une couverture de 98 % de la population. Il a décrit les conséquences de ce déploiement très rapide sur le nombre d'abonnés : alors que la France était mal placée pour le nombre d'abonnés ADSL (asynchronous digital subscriber line) il y a encore quelques années, ce nombre atteignait 6 millions à l'automne 2004 et 7 millions aujourd'hui, en croissance très rapide, classant le taux français de pénétration de cette technologie aux tout premiers rangs européens. Il a rappelé que France Télécom détenait une part de marché, en France, de moins de 50 % en matière d'abonnés ADSL.

M. Didier Lombard aindiqué qu'à compter de septembre 2005, France Télécom mettrait en oeuvre un plan de raccordement en fibre optique, en deux ans, de 2.000 zones d'activité économique (ZAE), au terme d'un dialogue avec les Conseils généraux. Il a fait valoir que les 20 plus grandes villes de France seraient raccordées en « Giga Ethernet », offrant des débits très élevés.

Le président de France Télécom a jugé que l'entreprise devait encore relever nombre de défis et indiqué qu'il livrerait, fin juin, les détails d'un plan visant à fixer les grandes lignes de la période 2005-2008, reposant sur quatre axes.

Le premier axe, a-t-il indiqué, serait la continuité dans le remboursement de la dette, le ratio d'endettement restant élevé dans un contexte de possible consolidation des opérateurs européens. Le deuxième axe serait l'accélération vers le haut débit et la convergence des réseaux (fixe, mobile, internet). Il a jugé que cette mutation technique profonde s'accompagnerait d'innovations marketing et d'un fort accroissement de l'offre de services aux abonnés, cette nouvelle attitude commerciale s'appuyant, le cas échéant, sur des partenariats avec, notamment, des sociétés éditrices de logiciels. Le troisième axe serait l'organisation interne, les personnels devant être en mesure, grâce à des programmes de formation ambitieux, de relever le défi de l'émergence de nouveaux métiers. Il a enfin précisé qu'une croissance externe prudente et raisonnée serait le quatrième axe de la stratégie France Télécom 2008, pour aller chercher les gisements de croissance là où ils se trouvent : Europe centrale, Moyen-Orient, Asie.

M. Didier Lombard, président-directeur général de France Télécom, a enfin jugé que l'opérateur devait s'attacher à améliorer et unifier la relation avec les clients de ses différentes marques : Wanadoo, Orange, France Télécom, ainsi qu'à relever la qualité de service.

Il s'est enfin déclaré confiant dans l'avenir de l'entreprise, les personnels ayant toujours su relever les différents défis de son histoire.

Constatant que le plan ZAE de France Télécom comportait un risque d'éviction de la concurrence sur le marché professionnel, M. Jean François-Poncet, président de la délégation à l'aménagement et au développement durable du territoire, a souhaité savoir comment l'opérateur historique comptait, en pratique, garantir l'accès des opérateurs alternatifs à ces zones d'activité.

M. Claude Belot, rapporteur au nom de la délégation à l'aménagement et au développement durable du territoire, s'est tout d'abord félicité du rétablissement de la situation économique et financière de France Télécom. Il a rappelé que les collectivités territoriales, en particulier les départements, étaient de plus en plus nombreuses à s'impliquer dans le domaine des télécommunications, non seulement pour assurer la couverture de leur territoire par l'internet haut débit, mais aussi  pour favoriser une concurrence entre opérateurs, garante d'une diversité d'offres et de tarifs intéressants. Il a mis l'accent, à cet égard, sur les différences de tarifs existant entre les offres proposées dans les zones dégroupées (et donc largement ouvertes à la concurrence), et celles pratiquées dans les zones non dégroupées. S'étant inquiété de la dépense publique occasionnée par la construction de réseaux de télécommunications parallèles à celui de France Télécom, il a regretté que l'opérateur historique se montre réticent à partager ses infrastructures et a appelé à davantage d'équité en la matière.

M. Charles Revet s'est réjoui du redressement de l'entreprise France Télécom, dont son président venait de faire part et s'est également félicité des développements que le président Lombard projetait de donner à France Télécom. Evoquant la convention que la Seine-Maritime avait signée avec le groupe France Télécom, il a insisté sur l'importance d'étendre l'accès à l'ADSL à l'ensemble du territoire. Concernant la téléphonie mobile, il a déploré les coupures fréquentes auxquelles sont encore confrontées certaines zones du territoire. Il s'est interrogé sur les solutions que M. Didier Lombard, président-directeur général de France Télécom, était en mesure de proposer pour remédier à cette situation.

Après avoir rappelé que le président du groupe d'études « Poste et Télécommunications », M. Pierre Hérisson, avait dû quitter à regret la réunion, M. Pierre-Yvon Trémel, vice-président du groupe d'études, a posé en son nom trois questions au président de France Télécom : d'abord, il lui a demandé quel était, selon lui, l'avenir de la téléphonie fixe, déjà malmenée par l'explosion de la téléphonie mobile et aujourd'hui bousculée par le développement accéléré de la téléphonie sur internet ; ensuite, rappelant la récente signature d'un accord d'opérateur mobile virtuel entre Tele 2 et Orange, il a demandé à M. Didier Lombard si la multiplication de tels accords lui paraissait de nature à faire sensiblement évoluer la situation concurrentielle sur le marché de la téléphonie mobile ; il a ensuite souhaité savoir quel bilan le groupe France Télécom était aujourd'hui en mesure de tirer de la mise en oeuvre de l'article L. 1425-1 du code général des collectivités territoriales, qui les autorise à devenir opérateur de télécommunications et s'est demandé si la mise en oeuvre de cet article conduisait à évincer France Télécom sur certains marchés.

Il a ensuite posé, à titre personnel, deux questions supplémentaires : évoquant le plan « France Télécom ambition 2005 », il s'est interrogé sur le déroulement de son volet « ressources humaines » ; il a enfin souhaité connaître les orientations du groupe France Télécom en matière de recherche.

M. Daniel Raoul, après avoir souligné qu'il partageait entièrement la préoccupation exprimée par M. Pierre-Yvon Trémel sur les incidences, pour la téléphonie fixe, des évolutions technologiques en matière de voix, a demandé dans quelle mesure cette évolution pouvait accroître le rôle de fournisseur d'accès internet assumé par France Télécom.

En réponse, M. Didier Lombard, président-directeur général de France Télécom, a précisé que, s'agissant de la couverture du territoire en téléphonie mobile, les revendications devenaient d'autant plus fortes que les zones non couvertes étaient moins nombreuses. S'agissant du haut débit, il a ensuite fait valoir que les évolutions technologiques en cours contribueraient à accélérer l'achèvement de la couverture du territoire, rappelant qu'il était encore inimaginable, il y a dix ans, d'obtenir des débits jusqu'à 18 mégabits avec les technologies DSL et évoquant les perspectives ouvertes par les expérimentations en cours d'ADSL élargi -RE-ADSL : reach extended ADSL- ainsi que par les technologies alternatives, telles que le satellite et le Wimax, pour laquelle France Télécom souhaitait obtenir une licence. Il a relevé que l'Europe bénéficiait d'un meilleur positionnement que les Etats-Unis quant aux potentialités de l'ADSL, en raison du plus gros diamètre des fils de cuivre utilisés sur notre continent.

S'agissant de l'article L. 1425-1 du code général des collectivités territoriales, il a rappelé que, historiquement, France Télécom ne répondait pas aux offres de délégation de service public, ce qu'elle faisait en revanche depuis deux ans en proposant de compléter son propre réseau, ce qui devrait permettre d'éviter toute redondance entre réseaux. Il a fait état d'un seul contentieux initié par France Télécom au sujet d'une seule délégation de service public, faisant également observer que, pour toutes les autres, France Télécom respectait les décisions prises par les collectivités territoriales et serait même client d'une entreprise ayant obtenu une délégation de service public, qui lui louerait ses réseaux pour certains besoins.

Concernant les tarifs, il a assuré M. Claude Belot qu'il partageait ses préoccupations, soulignant toutefois que les tarifs de Wanadoo étaient identiques sur tout le territoire grâce à la péréquation pratiquée par France Télécom. Il a également rappelé que ces tarifs étaient contrôlés par l'Autorité de régulation des télécommunications, laquelle visait, à l'époque, à faire perdre à France Télécom des parts de marché en l'obligeant à maintenir des tarifs élevés. Il a ensuite reconnu que les zones dégroupées n'étaient pas assez nombreuses, tout en expliquant que la responsabilité n'en incombait pas à France Télécom, puisque cet état de fait résultait d'un choix économique des opérateurs alternatifs. Il a même indiqué que cette situation gênait aussi France Télécom, notamment pour distribuer la télévision sur ADSL, faisant toutefois valoir que le dialogue avec le régulateur sur ce point était de plus en plus constructif.

Revenant sur l'étendue du réseau d'Orange, il a rappelé que, depuis longtemps, il promouvait l'idée d'un partage des points hauts entre opérateurs de téléphonie mobile afin d'accélérer la couverture du territoire. Il a convenu que cette mutualisation des infrastructures était longue à mettre en place en raison de la complexité de son montage juridique et qu'elle butait encore aujourd'hui en raison de la difficulté à obtenir les autorisations nécessaires à l'implantation des points hauts. Il a assuré que France Télécom était prête, une fois réalisées les deux phases prévues par les comités interministériels d'aménagement et de développement du territoire (CIADT), à aller plus loin. Il a enfin présenté l'extension de la couverture du réseau EDGE, correspondant à une norme intermédiaire entre la deuxième et la troisième génération de téléphonie mobile, comme un complément du plan haut débit, favorisant un accès de tous à l'internet haut débit, fixe ou mobile.

En réponse aux questions de M. Pierre-Yvon Trémel, M. Didier Lombard, président-directeur général de France Télécom, a estimé que la téléphonie fixe n'était pas morte, pour trois raisons :

- d'abord, il a rappelé que le téléphone fixe restait le moyen le plus rationnel de téléphoner et qu'il était simplement nécessaire de développer des services sur le fixe afin d'en accroître l'attractivité comme, par exemple, le carnet d'adresses unifié entre internet et les téléphones mobile et fixe. Il lui a semblé que, dans un avenir proche, on utiliserait un terminal unique, permettant de se connecter au réseau fixe en cas d'usage du terminal à domicile ;

- ensuite, il a estimé que le fixe l'emportait sur le mobile en matière de sécurité, l'alimentation électrique du fixe étant plus sûre que celle du réseau mobile ;

- enfin, il a jugé que la voix sur internet s'inscrivait dans un continuum de services et se trouvait le plus souvent utilisée comme une deuxième ligne complémentaire à la ligne fixe. Il a fait observer que l'important pour France Télécom était non d'accroître les revenus qu'elle tirait de la téléphonie fixe, mais de faire fructifier le « gisement de cuivre » qu'elle détenait grâce à l'ensemble des services susceptibles de lui rapporter des revenus.

Concernant les opérateurs mobiles virtuels, il a rappelé que le régulateur danois avait été trop loin et avait affaibli excessivement les opérateurs de réseaux mobiles qui avaient réduit leurs investissements. Il s'est donc félicité de ce que les conventions passées par Orange et ses deux concurrents majeurs avec des opérateurs virtuels étaient assez sages pour permettre à la fois une meilleure rentabilisation des investissements consentis et un accès plus large à des offres « bas de gamme », ce qui améliorerait la concurrence et complèterait la palette de services. Il a toutefois rappelé que ce jugement optimiste restait à confirmer dans les faits au cours des prochains mois.

Revenant sur l'article L. 1425-1 du code général des collectivités territoriales, il a confirmé que sa mise en oeuvre se manifestait par une multiplication d'offres de délégation de service public. Il a reconnu que, dans les cas où France Télécom ne pouvait pas raisonnablement faire un effort d'investissement supplémentaire, l'adoption de cet article du code avait au moins eu l'avantage de clarifier le cadre juridique dans lequel de tels investissements pouvaient être entrepris par les collectivités territoriales. Il a jugé qu'il était trop tôt pour tirer un bilan de l'application de cet article et qu'il conviendrait de le faire lorsqu'une première série de délégations de service public serait opérationnelle. Il a surtout exprimé le souhait que les sociétés nées de ces délégations de service public soient viables.

Evoquant la mobilité de personnel de France Télécom vers les collectivités territoriales, il a précisé que le dispositif n'était complet que depuis décembre 2004 et que la définition des conditions d'avancement au sein des fonctions publiques n'avait pu être finalisée que récemment. Il a fait observer que les nouveaux métiers d'avenir vers lesquels se dirigeait France Télécom pouvaient inquiéter certains agents du groupe et que pour eux, la mobilité vers les administrations permettait d'ouvrir d'autres voies de diversification de carrière.

Concernant la recherche, il a insisté sur l'augmentation régulière, de 20 % par an, des crédits consacrés par France Télécom à la recherche et au développement et a annoncé que cette augmentation se poursuivrait. Il a confirmé qu'à ses yeux, il était essentiel d'orienter France Télécom dans le sens de l'innovation et qu'il restait encore à mettre en place une « usine à produits » qui serait l'aboutissement normal de la chaîne de l'innovation.

Enfin, il a déclaré que le service universel finirait vraisemblablement par inclure l'internet à haut débit, mais s'est interrogé sur le délai dans lequel cette inclusion interviendrait.

M. Jean-François Le Grand a estimé que garantir aux usagers l'accès à l'internet haut débit à des conditions tarifaires acceptables constituait un enjeu en termes d'aménagement du territoire. Il a expliqué que les collectivités territoriales n'étaient pas particulièrement désireuses de construire des réseaux doublonnant celui de France Télécom, mais qu'elles ne pouvaient souvent pas faire autrement, compte tenu de l'impossibilité de louer les infrastructures de l'opérateur historique à un prix raisonnable. Il a souhaité, à cet égard, que l'Autorité de régulation des télécommunications (ART) exprime sa position sur le sujet. Enfin, il a constaté que France Télécom montrait plus d'empressement à déployer le haut débit dans les départements n'ayant pas signé de charte « Départements innovants ».

M. Claude Biwer a souhaité que les usagers résidant dans les zones peu densément peuplées ne soient pas oubliés, tant en ce qui concerne la couverture en téléphonie mobile que s'agissant de l'accès au haut débit. Il a notamment insisté sur le cas des populations habitant à proximité de zones d'activité raccordées au haut débit, mais n'y ayant malheureusement pas elles-mêmes accès. Il a regretté que les départements signataires de chartes « Départements innovants » ne bénéficient pas de progrès plus substantiels en matière de couverture haut débit. Enfin, il a relevé les retards de la politique d'enfouissement des lignes aériennes de France Télécom.

M. Jean-Paul Emorine, président, a souhaité savoir comment France Télécom appréhendait la recomposition du paysage concurrentiel, illustrée tout récemment par la fusion de Cégétel et de Neuf Télécom.

Revenant à la question des ZAE, M. Didier Lombard, président-directeur général de France Télécom, a indiqué qu'en équipant ces zones de fibre optique, l'opérateur historique ne s'inscrivait pas dans une démarche commerciale, mais accomplissait un effort volontaire en faveur de l'aménagement du territoire. Il a souligné que le réseau de France Télécom pouvait être utilisé par les opérateurs alternatifs sur tout le reste du territoire. S'agissant de l'enfouissement des lignes téléphoniques, il a fait savoir qu'une convention en cours de signature avec l'Association des Maires de France allait faire avancer ce dossier. Enfin, il a considéré que la fusion de Cégétel et de Neuf Télécom contribuait à la stabilisation du secteur des télécommunications et qu'il préférait, pour France Télécom, des concurrents ayant atteint une taille critique et supportant les mêmes contraintes que l'opérateur historique, à une multitude de petits acteurs.

Nomination d'un rapporteur

La commission a ensuite désigné M. Claude Biwer comme rapporteur sur les propositions de loi n° 441 (2003-2004) tendant à considérer comme les conséquences d'une catastrophe naturelle les mouvements de terrain différentiels consécutifs à la sécheresse ou à la réhydratation des sols et n° 302 (2004-2005) tendant à assurer la transparence du régime de l'assurance des risques de catastrophes naturelles.

Loi d'orientation sur l'énergie - Désignation de candidats pour faire partie de la commission mixte paritaire

La commission a désigné les candidats appelés à faire partie de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi d'orientation sur l'énergie.

Ont été désignés comme membres titulaires : MM. Jean-Paul Emorine, Henri Revol, Ladislas Poniatowski, Jean-François Le Grand, Marcel Deneux, Daniel Raoul et Roland Ries.

Ont été désignés comme membres suppléants : MM. Yves Coquelle, Gérard Delfau, Francis Grignon, Thierry Repentin, Bruno Sido, Yannick Texier, Jean-Pierre Vial.

Sauvegarde des entreprises  - Examen du rapport pour avis

Au cours d'une seconde séance tenue dans l'après-midi, la commission a examiné le rapport pour avis de M. Christian Gaudin sur le projet de loi n° 235 (2004-2005) de sauvegarde des entreprises.

Le rapporteur pour avis a tout d'abord rappelé qu'il y avait, chaque année, en France, environ 45.000 défaillances d'entreprises, c'est-à-dire 45.000 dépôts de bilan ou cessation des paiements, avec des « hauts et des bas » correspondant au niveau de l'activité économique.

Lorsque la croissance est plus favorable, le nombre des défaillances peut avoisiner 30 à 35.000 ; dans le cas contraire, ce nombre peut approcher les 50.000.

Le rapporteur pour avis a indiqué que l'année 2004 n'avait pas été une très bonne année pour les entreprises, avec environ 48.000 dépôts de bilan.

Il a ensuite déclaré que, pour l'essentiel, les défaillances concernaient des entreprises individuelles (la moitié du total, soit 22.000, par exemple, en 2004) et des PME de moins de 50 salariés. Toujours en 2004, les entreprises de plus de 100 salariés représentaient moins de 0,5 % du nombre des défaillances (soit 160). Quant aux entreprises entre 50 et 100 salariés, elles n'ont été qu'environ 300 à déposer leur bilan.

Il a signalé qu'une proportion très importante d'entreprises connaissait une défaillance dans les cinq premières années de leur activité (soit 25.000 sur 48.000 en 2004) et même dans les deux premières années (10.000).

M. Christian Gaudin, rapporteur pour avis, a indiqué que la cessation des paiements ouvrait une procédure collective dont le principal intérêt était, pour l'entreprise, la suspension -pendant la durée de la procédure- des poursuites, c'est-à-dire du recouvrement des créances nées avant l'ouverture de la procédure.

Si le débiteur est un commerçant ou une société commerciale, la juridiction saisie sera le tribunal de commerce ; si le débiteur est une société civile ou un indépendant, la juridiction sera le tribunal de grande instance.

Il a relevé que le droit des entreprises en difficulté était principalement régi par des lois de 1984 et 1985, retouchées, sur quelques points, par une réforme intervenue en 1994.

Il a distingué, ensuite, les procédures collectives qui interviennent alors qu'existe une chance de redresser l'entreprise (redressement judiciaire) et celles qui interviennent lorsque cette chance n'existe plus (liquidation judiciaire).

S'agissant des procédures de redressement judiciaire, il a ajouté que l'objectif était de tenter de sauvegarder l'activité de l'entreprise et l'emploi, et d'apurer le passif, c'est-à-dire de faire droit, dans la mesure du possible, aux intérêts des créanciers. Le redressement judiciaire réussi peut déboucher soit sur un plan de continuation de l'entreprise, accepté par les créanciers, soit sur un plan de cession de l'entreprise à un repreneur.

Quant à la procédure de liquidation judiciaire (vente des actifs de l'entreprise par un mandataire de justice pour désintéresser les créanciers de l'entreprise), elle constitue le débouché de la procédure collective dans 80 à 90 % des cas.

M. Christian Gaudin, rapporteur pour avis, a estimé que cette proportion traduisait les insuffisances des procédures de redressement, même si la moitié des procédures collectives débouchait, en fait, sur une liquidation judiciaire immédiate (environ 22.000 en 2004), l'entreprise n'ayant plus ni trésorerie, ni actif.

L'idée force du projet de loi, a-t-il insisté, c'est que si nos procédures de redressement fonctionnent mal, c'est parce qu'elles interviennent trop tard, alors que les difficultés rencontrées par l'entreprise sont déjà trop graves et irréversibles.

La principale innovation du projet de loi consiste donc en la création d'une procédure de redressement judiciaire anticipée, c'est-à-dire intervenant avant la cessation des paiements : la procédure de sauvegarde.

Le mécanisme envisagé, a-t-il ajouté, est largement inspiré de celui du redressement judiciaire actuel : c'est-à-dire la désignation préalable par le tribunal d'un certain nombre d'organes de la procédure : un ou plusieurs juges-commissaires, un administrateur judiciaire dans les entreprises d'une certaine taille, un mandataire judiciaire (ancien mandataire liquidateur) pour représenter l'intérêt collectif des créanciers, un à cinq contrôleurs, etc...

Est ensuite ouverte une période d'observation durant laquelle sera dressé un bilan économique et social de l'entreprise et surtout seront élaborées des propositions pour un plan de continuation (ou de cession dans le cas du redressement judiciaire) ou un plan de sauvegarde dans le cas de la nouvelle procédure de sauvegarde.

M. Christian Gaudin, rapporteur pour avis, a souligné que le projet de loi tendait à responsabiliser le chef d'entreprise. En effet, ce dernier pourra seul solliciter du tribunal l'ouverture d'une procédure de sauvegarde dans laquelle il restera aux « manettes », même s'il pourra bénéficier de l'assistance éventuelle d'un administrateur judiciaire. Il a rappelé que la procédure, maintenue par le projet de loi, du redressement judiciaire, était ouverte à l'initiative du débiteur (qui déclare sa cessation des paiements), mais aussi à celle d'un créancier, du ministère public, ou même du tribunal qui décide de se saisir d'office.

Le rapporteur pour avis a estimé que pour améliorer les chances de redressement des entreprises en difficulté, la réforme se fondait sur deux espoirs :

- l'ouverture anticipée de la procédure collective est de nature à enrayer l'aggravation des difficultés de l'entreprise, avec notamment le gel de son passif ;

- le chef d'entreprise, alors qu'il est encore solvable, n'hésitera pas à se mettre sous la protection du tribunal de commerce ou du tribunal de grande instance pour améliorer les chances de rétablir une situation financière délicate.

S'inspirant du droit américain (le Chapitre 11 du code américain de la faillite), le projet de loi met en place, dans la procédure de sauvegarde comme dans celle du redressement, deux comités de créanciers, l'un représentant les banques, l'autre les principaux fournisseurs, afin de délibérer, selon des règles de majorité qualifiée, sur les propositions du débiteur.

M. Christian Gaudin, rapporteur pour avis, a déclaré, ensuite, qu'avant la cessation des paiements, le droit actuel proposait des solutions judiciaires amiables. Il s'agit notamment de la procédure dite de règlement amiable, dans laquelle le président du tribunal de commerce désigne un conciliateur chargé de superviser la négociation d'un accord entre le débiteur et ses créanciers.

Dans ces hypothèses, l'entreprise est confrontée à des difficultés passagères et devrait pouvoir les surmonter dès lors que les principaux créanciers sont prêts à consentir un effort : délais de paiement et remises éventuelles de dettes.

Le rapporteur pour avis a indiqué que le projet de loi rebaptisait « conciliation » le règlement amiable, même si le conciliateur, choisi librement par le président du tribunal, était maintenu dans ses attributions actuelles avec pour objectif l'élaboration d'un plan de conciliation.

Il a jugé que le projet proposait une innovation majeure : la procédure de conciliation pourra être ouverte alors que le débiteur est déjà en cessation des paiements, dès lors que celle-ci dure depuis moins de 45 jours.

La réforme se propose aussi d'innover sur trois points :

- l'accord de conciliation pourra être sécurisé et revêtu de l'autorité de la chose jugée, dès lors qu'il sera homologué par le tribunal avec un certain nombre de conséquences juridiques. Toutefois, l'homologation entraîne une publicité que le chef d'entreprise pourra préférer éviter en faisant prévaloir une confidentialité absolue ; aussi bien, a-t-il précisé, l'Assemblée nationale a-t-elle maintenu, à côté de l'homologation, une simple constatation de l'accord -sans les effets juridiques de l'homologation- par le président du tribunal ;

- les créanciers qui apporteront de « l'argent frais » durant la procédure bénéficieront d'une priorité de paiement (juste après le Trésor et le super privilège des créances salariales) ;

- les établissements de crédit qui apporteront leur soutien financier durant la procédure seront mieux protégés contre d'éventuelles poursuites pour soutien abusif, puisque les poursuites de cette nature ne seraient possibles qu'en cas de fraude manifeste.

Le rapporteur pour avis a relevé qu'une des principales conséquences juridiques de l'homologation de l'accord était l'impossibilité de remettre en cause les engagements réciproques contenus dans ce dernier sous le prétexte que l'entreprise se trouvait en réalité en cessation des paiements.

En droit français, en effet, l'état de cessation des paiements crée une période dite suspecte durant laquelle les actes et engagements des différentes parties peuvent être annulés par le tribunal.

Il a ajouté qu'une des insuffisances de l'actuel règlement amiable était de ne pas empêcher ces éventuelles annulations en cas de constatation ultérieure d'un état de cessation des paiements.

M. Christian Gaudin, rapporteur pour avis, a souligné que la réforme avait pour objet de donner de la souplesse à des procédures trop rigides, avec notamment la notion de cessation des paiements, « épée de Damoclès » puisque conditionnant et générant actuellement l'ouverture obligatoire d'une procédure collective.

Il s'est agi aussi, pour elle, de faire preuve de pragmatisme en prévoyant des solutions adaptées aux différents cas de figure qui peuvent se présenter, de la simple panne de trésorerie aux graves difficultés structurelles, qu'elles soient de nature commerciale ou financière.

Le rapporteur pour avis a encore déclaré que le projet de loi comportait 197 articles et qu'il en avait examiné 24 (40 en comptant les articles codifiés) : il s'agit notamment des dispositions relatives à la conciliation -c'est-à-dire les procédures amiables- et les principales dispositions relatives à la nouvelle procédure de sauvegarde.

Il a estimé que cette réforme méritait d'être tentée pour améliorer une situation largement insatisfaisante.

S'il ne propose pas, a-t-il ajouté, une réforme des tribunaux de commerce que certains appellent de leurs voeux, ni un bouleversement des règles du droit des procédures collectives, le projet de loi s'efforce de supprimer plusieurs rigidités en mettant à la disposition des entreprises un certain nombre d'outils avec une forte incitation à la responsabilité.

Le rapporteur pour avis a déclaré que les 18 amendements qu'il présentait avaient pour objet d'améliorer le texte adopté par l'Assemblée nationale, qu'il s'agisse de la durée de la période d'observation des procédures collectives ou de la possibilité pour le chef d'entreprise de se faire assister, dans des cas plus fréquents, par un administrateur judiciaire.

Ces amendements proposeront aussi d'améliorer la représentation des artisans dans les nouvelles procédures. Un effort important, a-t-il souligné, a été consenti en faveur des professionnels libéraux, dont l'ordre professionnel ou l'autorité dont ils relèvent vont pouvoir participer au déroulement de la procédure.

Il semble équitable que les artisans, lorsqu'ils connaissent des difficultés, puissent aussi bénéficier de dispositions spécifiques, et notamment de l'aide et de l'assistance des chambres de métiers.

Puis M. Christian Gaudin, rapporteur pour avis, a proposé à la commission d'émettre un avis favorable à l'adoption du projet de loi de sauvegarde des entreprises.

A l'article 4 (article L. 611-2 du code de commerce) (Prévention des difficultés par le président du tribunal compétent en matière commerciale), elle a adopté un amendement prévoyant que lorsqu'ils publient leurs créances au greffe, le Trésor public et les organismes de prévoyance et de sécurité sociale adressent également copie de cette déclaration à la Banque de France.

A l'article 5 (article L. 611-3 et L. 611-6 du code de commerce) (Conditions d'ouverture du mandat ad hoc et de la procédure de conciliation), elle a adopté trois amendements :

- un amendement prévoyant que lorsque l'entreprise est une entreprise artisanale immatriculée au répertoire des métiers, le mandataire ad hoc pourra être choisi sur une liste établie par la chambre de métiers et de l'artisanat ;

- un amendement prévoyant que, seul, le débiteur aura la possibilité de proposer un conciliateur à la désignation par le président du tribunal ;

- un amendement énonçant six cas légaux de récusation du conciliateur par le débiteur.

A l'article 7 (article L. 611-8 du code de commerce) (Constatation ou homologation de l'accord obtenu par le conciliateur), elle a adopté un amendement précisant que le président du tribunal constatera l'accord de conciliation au vu d'une déclaration certifiée du débiteur attestant qu'il ne se trouvait pas en cessation des paiements lors de la conclusion de l'accord ou que ce dernier y met fin.

A l'article 10 (article L. 611-14 du code de commerce) (Régime d'incompatibilité, de rémunération et de confidentialité pour les mandataires ad hoc et les conciliateurs), elle a adopté un amendement précisant que tout conciliateur devra, pour être désigné, justifier d'une assurance garantissant les conséquences pécuniaires de la responsabilité civile encourue du fait de négligences ou de fautes dans l'exercice de son mandat.

A l'article 15 (article L. 621-1 du code de commerce) (Ouverture de la procédure de sauvegarde), elle a adopté un amendement prévoyant que lorsque le débiteur est immatriculé au répertoire des métiers, le tribunal statuera, après avoir entendu ou dûment appelé un représentant de la chambre de métiers et de l'artisanat dont il dépend.

A l'article 17 (article L. 621-3 du code de commerce) (Ouverture et durée de la période d'observation), elle a adopté un amendement fixant notamment à six mois la durée maximale de la période d'observation de la procédure de sauvegarde ainsi que de la procédure de redressement judiciaire.

A l'article 18 (article L. 621-4 du code de commerce) (Organes de la procédure de sauvegarde), elle a adopté un amendement selon lequel une décision spécialement motivée du tribunal sera nécessaire en cas de non-désignation d'un administrateur judiciaire.

A l'article 19 (article L. 621-6 du code de commerce) (Conditions de remplacement des organes de la procédure de sauvegarde), elle a adopté un amendement prévoyant que lorsque le débiteur est immatriculé au répertoire des métiers, la chambre de métiers et de l'artisanat dont il dépend peut saisir le ministère public aux fins du remplacement de l'administrateur judiciaire, de l'expert ou du mandataire judiciaire.

A l'article 20 (article L. 621-8 du code de commerce) (Faculté de désigner un technicien assistant), elle a adopté un amendement prévoyant que lorsque le débiteur est immatriculé au répertoire des métiers, la chambre de métiers et de l'artisanat dont il dépend est d'office contrôleur.

A l'article 25 (article L. 622-6 du code de commerce) (Inventaire des biens du débiteur), elle a adopté un amendement prévoyant que lorsque le débiteur est immatriculé au répertoire des métiers, l'inventaire est dressé en présence d'un représentant de la chambre de métiers et de l'artisanat dont il dépend.

A l'article 34 (article L. 622-15 du code de commerce) (Ordre de paiement des créances), elle a adopté un amendement étendant aux prêts autres que ceux consentis par les établissements de crédit, le bénéfice du classement avantageux pour le règlement du paiement à l'échéance prévu par l'article L. 622-15 du code de commerce.

A l'article 92 (article L. 626-27 du code de commerce) (Comités de créanciers), elle a adopté un amendement prévoyant que les comités de créanciers se prononceront après avoir recueilli l'avis du mandataire judiciaire.

A l'article 120 (article L. 641-13 du code de commerce) (Ordre de paiement des créances), elle a adopté un amendement de conséquence.

A l'article 152 (article L. 653-5 du code de commerce) (Cas généraux de faillite personnelle), elle a adopté un amendement supprimant la sanction de faillite personnelle, en cas d'omission de faire, dans le délai de quarante-cinq jours, la déclaration de cessation des paiements.

A l'article 154 (article L. 653-8 du code de commerce) (Interdiction de gérer en cas de défaut de communication des documents pour l'inventaire), elle a adopté un amendement prévoyant que l'interdiction de gérer pourra être prononcée à l'encontre du chef d'entreprise qui a omis de faire, dans le délai de quarante-cinq jours, la déclaration de cessation des paiements, sans avoir, par ailleurs, demandé l'ouverture d'une procédure de conciliation.

Après l'article 176 bis, elle a, enfin, adopté un article additionnel complétant l'article L. 811-11 du code de commerce (Régime d'inspection et de contrôle des administrateurs judiciaires) par un dispositif selon lequel la caisse des dépôts et consignations sera tenue, sans pouvoir opposer le secret professionnel, de déférer aux demandes des personnes chargées de l'inspection ainsi qu'à celles du conseil national des administrateurs judiciaires et mandataires judiciaires, tendant à la communication de tout renseignement et document utile à la connaissance des mouvements de fond intervenus sur les comptes ouverts dans ses livres au nom de chaque administrateur judiciaire ou mandataire judiciaire et de sommes qui sont déposées au titre des mandats sur lesquels porte l'inspection ou le contrôle.

Puis la commission a émis un avis favorable à l'adoption du projet de loi de sauvegarde des entreprises ainsi amendé, les groupes socialiste et communiste républicain et citoyen s'abstenant.

Audition de M. Jean-Louis Beffa, Président de Saint-Gobain

La commission a ensuite entendu M. Jean-Louis Beffa, président de Saint-Gobain, sur son rapport du 15 janvier 2005, intitulé « Pour une nouvelle politique industrielle ».

En préambule, M. Jean-Louis Beffa a indiqué que le point de départ de sa réflexion au sein du groupe de travail sur la politique industrielle était son expérience de direction d'un groupe implanté dans 44 pays, premier producteur mondial de verre et de matériaux à haute performance. Il a toutefois tenu à dissocier clairement sa confiance dans la situation de son entreprise en particulier de sa préoccupation quant à l'avenir de l'économie française en général. Il a estimé que cette préoccupation commençait à être de plus en plus répandue, à la faveur du débat sur les délocalisations, d'une part, et de la prise de conscience du retard dans les industries de pointe d'autre part et ce, dans un contexte de concurrence extrêmement aiguë, venant aussi bien des Etats-Unis et du Japon que des pays émergents, tels que la Chine et l'Inde. Il a toutefois jugé que cette prise de conscience n'était pas encore à la hauteur de la gravité et de la nouveauté de la situation.

Il a ensuite décrit cette situation d'affaiblissement de l'industrie comme différente de celle connue dans les années 1970, puisqu'il ne s'agit plus d'une diminution de l'emploi industriel liée à des investissements de modernisation, mais que l'on observe désormais un risque de rétrécissement de notre base industrielle, du fait du remplacement insuffisant des industries existantes par des activités nouvelles. Il a indiqué que le risque encouru était non seulement un recul du solde extérieur français en matière industrielle ou de l'emploi dans ce secteur, mais aussi la perte de nombreux emplois de service induits. Or, il a par ailleurs estimé que c'était précisément dans les services que reposait le principal potentiel de création d'emplois.

Il a ensuite analysé les causes de cette situation en mettant en avant la mauvaise spécialisation industrielle de la France, qui est essentiellement centrée sur des « métiers régionaux », c'est-à-dire des activités exigeant une production située près des zones géographiques où résident leurs clients, et non sur des « métiers mondiaux », alors que ce sont ces derniers qui donnent lieu à des productions dans le pays d'origine de l'entreprise, à l'instar de l'industrie d'équipement allemande.

A côté de cette spécialisation centrée sur les « métiers régionaux », il a constaté que les secteurs qui alimentaient encore aujourd'hui notre base industrielle nationale étaient en fait issus des grands programmes industriels dans les domaines du nucléaire, de l'aéronautique ou des trains à grande vitesse qui avaient été lancés par les Présidents de Gaulle et Pompidou et poursuivis ensuite, indépendamment des alternances politiques. En revanche, il a déploré l'absence d'une réelle capacité de production dans les deux secteurs à très forte valeur ajoutée que sont les technologies de l'information et de la communication et des biotechnologies et de la pharmacie. Il a fait valoir que, compte tenu du retard accumulé, le développement d'une industrie européenne dans ces secteurs nécessiterait un effort intense et prolongé se traduisant par une remise en cause du discours sur le désengagement de l'Etat. A ce titre, il a indiqué que le Japon, lui-même engagé dans une stratégie de rattrapage, pouvait être observé comme un exemple plus utile que les Etats-Unis, même si ces derniers n'hésitaient pas, eux non plus, à mettre en oeuvre une stratégie volontariste de soutien aux industries innovantes.

Il a ensuite analysé les causes des résultats décevants obtenus par les deux principales pistes explorées en France en matière de soutien à l'innovation. D'une part, il a fait valoir que le crédit d'impôt recherche n'avait pas pour objet de rééquilibrer l'effort de recherche et de développement au profit spécifique des activités nouvelles. D'autre part, il a fait observer que la politique de soutien aux PME ne permettait pas d'aboutir à la constitution de grandes entreprises européennes, dans la mesure où les jeunes entreprises innovantes les plus prometteuses étaient souvent rachetées par des groupes américains ou japonais au cours de leur croissance. Pour cette raison, précisément, il a proposé que la politique de soutien public à l'innovation s'appuie aussi à l'avenir sur les entreprises industrielles disposant déjà de la taille critique et de la solidité nécessaire pour développer des activités nouvelles jusqu'à leur terme.

Il a ensuite présenté les deux propositions principales formulées dans son rapport, à savoir, d'une part, le lancement de programmes d'innovation industrielle partenariale et, d'autre part, la création d'une agence chargée de mettre en oeuvre ses programmes. S'agissant des programmes, il a indiqué que ceux-ci devraient avoir pour finalité la réalisation d'un produit ou d'une activité nouvelle constituant une avancée technologique. Il a insisté sur le fait que, même s'il est probable et souhaitable que ces programmes donnent lieu à des partenariats avec les PME et les laboratoires de recherche publique, chaque projet devra demeurer avant tout celui d'une entreprise capable de le mener à bien, qui en assure la responsabilité et s'y engage pleinement. A ce titre, il a estimé que ce principe d'engagement et de responsabilité de l'entreprise initiatrice devait aussi guider le soutien de l'Etat, qui prendrait essentiellement la forme d'avances remboursables et non de subventions, sauf lors de la phase initiale de recherche. Il a, par ailleurs, fait valoir que des assurances avaient été prises auprès de la Commission européenne quant à l'euro-compatibilité de ce dispositif, et que celle-ci semble ne pas soulever de difficulté de principe, dès lors que la mesure concernerait des actions de recherche réalisées sur l'ensemble du territoire européen. Toutefois, il n'a pas caché que les délais de mise en oeuvre des actions ciblées prévues au niveau communautaire étaient trop longs et il a dès lors proposé de privilégier la coopération bilatérale avec l'Allemagne, déjà possible sur la base de quatre projets de recherche existant déjà.

S'agissant de la création de l'agence de l'innovation industrielle, il l'a justifiée par la nécessité de disposer d'un outil capable d'instruire les dossiers, suivre les programmes et de prendre toutes les décisions utiles avec la réactivité qu'exige le contexte international actuel. Il a estimé que cette mission ne pourrait être pleinement remplie que si l'agence disposait d'une réelle capacité de décision autonome par rapport à d'autres administrations plus traditionnellement chargées de financement de l'Etat, et que ceci supposait que l'agence bénéficie d'un soutien politique au plus haut niveau, aussi bien du pouvoir exécutif que du Parlement, d'où par exemple l'importance de la présence d'un député et d'un sénateur à son conseil de surveillance. Compte tenu de l'urgence de la situation, il a estimé que l'agence devrait voir le jour rapidement, par exemple sur la base du projet de décret qu'il prévoit de remettre au gouvernement le vendredi 13 mai.

A une question de Mme Evelyne Didier sur la façon dont ses propositions avaient été accueillies, M. Jean-Louis Beffa a fait état de l'accueil très positif qui avait été réservé à ses suggestions non seulement auprès des responsables politiques de la majorité et de l'opposition, mais aussi auprès des syndicats même réputés les plus revendicatifs, qui étaient d'ailleurs représentés au sein du groupe de travail. A cet égard, il a fait état d'un sentiment partagé de « devoir national », à l'instar des grands programmes lancés sous l'impulsion du général de Gaulle. A une autre question de Mme Evelyne Didier sur le point de savoir s'il existait encore un véritable esprit entrepreneurial qui ne se réduise pas à la recherche de gain financier, il a répondu par l'affirmative. Il a conclu dans le même esprit à une question de M. Daniel Reiner qui s'interrogeait sur la prégnance chez les dirigeants économiques d'une philosophie d'inspiration néo-libérale privilégiant la rentabilité financière des entreprises sur leur développement industriel, et ce alors même que le diagnostic de la division internationale du travail et la montée de la concurrence asiatique sont connus depuis trente ans. Sur ce point, M. Jean-Louis Beffa a reconnu qu'après la phase de modernisation de l'appareil industriel français consécutif aux nationalisations de 1982 puis la phase de restructuration des portefeuilles d'activités des groupes à partir de 1986, l'industrie française s'est ensuite effectivement trouvée être régie par des règles empruntées au capitalisme anglo-saxon. Mais il a fait valoir que depuis la fin de la bulle spéculative liée à la « nouvelle économie », les industriels français sont engagés dans une réflexion sur les limites d'un capitalisme centré sur la finance au profit des actionnaires et sur les conditions d'un retour à un capitalisme davantage centré sur le développement industriel et économique du pays. Il a estimé que ce deuxième modèle était non seulement plus adapté aux exigences du rattrapage technologique, comme en témoigne l'exemple des chefs d'entreprise japonais, mais surtout, qu'il était plus conforme à la culture profonde de pays tels que la France et l'Allemagne. A la question de M. Benoît Huré sur le partage d'une telle vision par les banques et non par les seuls industriels, il a répondu en faisant valoir que les banques pouvaient aussi se mettre au service de cette vision de l'économie si la puissance publique créait un cadre qui y soit favorable. Il a ajouté que le législateur disposait d'une réelle responsabilité sur ce point, par exemple en favorisant fiscalement l'actionnariat de long terme, qui est un atout majeur au profit du développement des entreprises, comme en témoigne l'exemple très spécifique de la politique de placement du fond de réserve des retraites.

M. Jean-Louis Beffa a aussi répondu à plusieurs questions sur les incidences des propositions du rapport. Eu égard à la situation de l'emploi, il a fait valoir, en réponse à une question de Mme Evelyne Didier, que l'objectif in fine était bien sûr le maintien des emplois et notamment des emplois induits par la base industrielle, mais il a indiqué, d'une part, que l'essentiel de la solution au chômage actuel se trouvait à ses yeux dans le secteur des services et, d'autre part, que les effets sur l'emploi des programmes industriels proposés ne seraient de toute façon pas immédiats et ne devraient déboucher sur de nouvelles activités qu'au terme d'un délai de sept à huit ans. S'agissant des incidences sur l'aménagement du territoire et donc sur la politique en faveur des PME mise en avant par une question de M. François Gerbaud, M. Jean-Louis Beffa a rappelé que les propositions du rapport nécessitaient précisément une bonne articulation entre les grandes entreprises chargées de la direction d'un programme et les PME, dès lors que celles-ci peuvent concourir à l'excellence globale dans leur domaine de compétence, tout en soulignant que cette condition d'excellence était absolument nécessaire, car l'objectif premier de ses propositions vise le rattrapage technologique, et non l'aménagement du territoire. De façon plus globale, il a tenu à faire valoir que cette politique industrielle orientée en faveur des hautes technologies était aussi une condition indispensable au développement de l'économie française et donc au financement de l'ensemble des politiques de type social et environnemental, telles que la politique d'aménagement du territoire.

Enfin, s'agissant de la politique d'aménagement du territoire elle-même, il a estimé, en réponse à une question posée par M. Gérard Bailly, que les entreprises et les collectivités territoriales voient trop souvent des projets d'implantation être ralentis, voire empêchés, à cause des lenteurs liées à une surréglementation administrative française.

Outre les questions relatives aux incidences de ses propositions, M. Jean-Louis Beffa a aussi été interrogé sur l'organisation des structures de recherche et d'innovation qu'il préconise. A ce titre, Mme Bariza Khiari l'a interrogé sur l'opportunité de constituer des groupements d'entreprises chargés de mettre en oeuvre un programme innovant, ainsi que sur les raisons du choix de la forme juridique de l'agence, le rapport préconisant le choix d'un EPIC et non, par exemple, d'un groupement d'intérêt économique. Sur le premier point, M. Jean-Louis Beffa a souligné la nécessité que les projets soient conduits par une entreprise bien identifiée afin d'éviter toute dilution de responsabilité et d'assurer l'indispensable engagement entrepreneurial sur lequel repose le succès de ces projets innovants. Il a toutefois rappelé que cette exigence n'excluait nullement la coopération entre plusieurs entreprises, par exemple sous la forme de consortiums.

Sur le second point, relatif au statut de l'agence, il a indiqué que la formule de l'EPIC était simplement un choix technique et qu'un des points essentiels résiderait dans le choix du commissaire du gouvernement, notamment quant à son orientation clairement marquée en faveur du développement industriel et non exclusivement de la gestion des finances publiques. S'agissant des autres structures publiques de recherche et d'innovation, M. François Gerbaud a posé une question relative à l'intérêt d'une plus grande décentralisation universitaire et M. Jean-François Le Grand s'est interrogé sur le réel engagement de toutes les structures existantes au service de la recherche et de l'innovation. A ces questions, M. Jean-Louis Beffa a répondu en insistant, d'une part, sur la nécessité de renforcer les moyens des laboratoires de recherche publique, tout en privilégiant l'excellence et les spécialités thématiques ou régionales. D'autre part, il a insisté sur le besoin d'interfaces entre le monde de la recherche et celui des entreprises, estimant que le système actuel dispose déjà d'outils très utiles comme l'ANVAR-OSEO, mais qu'il mériterait d'être amélioré dans le sens d'une plus grande réactivité et d'une collaboration plus étroite entre les différents acteurs. A ce titre, il a estimé que les pôles de compétitivité étaient une opportunité réelle, dès lors qu'ils appliquaient strictement le critère d'excellence évoqué plus haut, et ce, malgré les tentations légitimes liées à la politique d'aménagement du territoire.

Puis M. Christian Gaudin, en qualité d'ancien président du groupe de travail sur les délocalisations, a salué la convergence entre les propos de M. Jean-Louis Beffa et le rapport présenté par M. Francis Grignon au nom du groupe de travail intitulé « Délocalisations : pour un néo-colbertisme européen ». Il est aussi revenu sur la proposition formulée l'an dernier par M. Jean-Louis Beffa en faveur de la création d'une entité européenne en charge de la compétitivité fédérant les politiques communautaires en matière d'industrie, de recherche et d'innovation. En réponse, M. Jean-Louis Beffa a pris acte de la création d'une vice-présidence de la commission européenne chargée de l'innovation et de l'industrie.

En réponse à une question deM. Gérard César sur le projet ITER à Cadarache, ainsi qu'à une question de M. Jean-François Le Grand, M. Jean-Louis Beffa a insisté sur le nécessaire retour de la notion de « politique industrielle », mais aussi du volontarisme qui doit l'accompagner. A ce propos, il a rappelé l'audace des initiateurs d'Airbus face à la domination de Boeing ou des pionniers de l'Europe spatiale, malgré l'avance et le prestige de la NASA. S'agissant de la France, il a aussi souligné à quel point le choix ambitieux et visionnaire de l'énergie nucléaire, effectué il y a plusieurs décennies, donnait aujourd'hui à la France des atouts décisifs face aux grandes difficultés prévisibles en matière d'approvisionnement énergétique. Faisant référence à ces exemples du passé, il a aussi tenu à exprimer sa confiance dans le potentiel des jeunes générations de chercheurs et d'ingénieurs, ainsi que dans la capacité des structures à se réformer par le dialogue. Il a toutefois regretté que cette capacité d'évolution ne soit pas encore aujourd'hui suffisamment manifeste dans certaines structures de décision publique. Il a enfin proposé aux membres de la commission de poursuivre le débat en faveur d'une nouvelle politique industrielle en les conviant à une rencontre organisée sur ce thème le 1er juin par le centre Cournot, fondation d'études et de recherches économiques créée par le groupe Saint-Gobain.

En conclusion, M. Jean-Paul Emorine, président, a remercié M. Jean-Louis Beffa pour la clarté et la force de ses propos et souligné qu'ils avaient été très appréciés par la commission, comme en témoignent les félicitations formulées par l'ensemble des auteurs de questions. Il a aussi pris acte de l'appel lancé par M. Jean-Louis Beffa aux responsables politiques, compte tenu de leurs responsabilités dans la définition d'une nouvelle politique industrielle. A ce titre, il a indiqué que la commission des affaires économiques aurait prochainement à se prononcer sur des choix essentiels en la matière, notamment par l'examen de la loi d'orientation et de programmation de la recherche et de l'innovation.