Travaux de la délégation aux droits des femmes



DÉLÉGATION DU SÉNAT AUX DROITS DES FEMMES ET À L'ÉGALITÉ DES CHANCES ENTRE LES HOMMES ET LES FEMMES

Mardi 8 février 2005

- Présidence de Mme Gisèle Gautier, présidente.

Violences envers les femmes - Audition de Mme Nicole Ameline, ministre de la parité et de l'égalité professionnelle

La délégation a tout d'abord procédé à l'audition de Mme Nicole Ameline, ministre de la parité et de l'égalité professionnelle.

Mme Gisèle Gautier, présidente, a rappelé que la ministre de la parité et de l'égalité professionnelle avait déjà pris un certain nombre de dispositions pour lutter contre la violence envers les femmes, citant en particulier le plan global de lutte contre les violences comprenant « Dix mesures pour l'autonomie des femmes », présenté en Conseil des ministres le 24 novembre 2004.

Mme Nicole Ameline, ministre de la parité et de l'égalité professionnelle, après avoir rendu hommage à la délégation du Sénat aux droits des femmes pour l'acuité du choix de ses thèmes de travail, a noté que la lutte contre les violences envers les femmes s'inscrivait dans un contexte systémique de promotion des valeurs d'égalité et a estimé que seule une approche globale permettrait d'éradiquer ces violences, y compris les discriminations dont les femmes sont victimes.

Elle a considéré que le domicile conjugal ne pouvait pas échapper à la loi et qu'il ne devait pas être un lieu de non-droit, en particulier pour les femmes. Elle a dénoncé l'idée, trop longtemps répandue, que les femmes restaient seules face à la violence. A cet égard, elle a cité une importante mesure applicable depuis le 1er janvier 2005 qui permet l'éviction du conjoint violent du domicile conjugal. Au titre des réponses apportées par le gouvernement à la lutte contre les violences au sein des couples, elle a également mentionné la rédaction par le ministère de la justice, en partenariat avec ses services, d'un guide de l'action publique qui donne des indications à l'ensemble des magistrats, le vote d'une loi récente sanctionnant les propos sexistes ainsi que la création de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité (HALDE). Elle s'est également réjouie de ce que la lutte contre les violences envers les femmes soit devenue une priorité au niveau communautaire, comme l'a confirmé le récent Conseil des ministres réuni à Luxembourg.

Puis Mme Nicole Ameline a illustré ses propos sur la base de plusieurs exemples. Elle a ainsi affirmé son souhait de renforcer le rôle des associations qui sont des partenaires de plus en plus efficaces des pouvoirs publics et qui, pour cette raison, verront leurs subventions croître de 20 %. En matière d'éducation, elle a expliqué que la régression des violences entre les garçons et les filles devait également résulter d'une éducation à la mixité, qui passe, en particulier, par la formation des enseignants, et a félicité la délégation du Sénat aux droits des femmes pour le débat engagé sur ce thème en 2004. Enfin, elle a cité le cas de la publicité qui véhicule trop souvent une image dégradée de la femme et a indiqué que son ministère avait conclu avec le bureau de vérification de la publicité un accord destiné à sensibiliser les publicitaires sur ce point. Elle s'est félicitée des résultats obtenus dans ce domaine.

Elle a ensuite rapporté le cas d'une femme battue par son mari qu'elle a rencontrée lors d'un déplacement effectué à Créteil, avec le Premier ministre. Cette femme a osé parler à ses collègues, qui l'ont soutenue, des violences qui lui avaient été infligées, ce qui lui a permis d'enclencher un processus d'autonomie au terme duquel elle a retrouvé sa dignité. A partir de cet exemple, elle a expliqué que les pouvoirs publics devaient mettre en place un parcours balisé afin d'aider une femme ayant eu le courage de parler à se reconstruire. Elle a indiqué qu'elle ne disposait pas d'une évaluation du coût économique des violences, mais que celui-ci était assurément considérable, évoquant un « gâchis » non seulement pour les victimes, mais également pour les enfants et l'ensemble de la société.

Mme Nicole Ameline a ensuite rappelé les dix mesures pour l'autonomie des femmes qu'elle a présentées au Conseil des ministres du 24 novembre 2004, et qui doivent permettre d'aboutir à une politique publique globale. Elle a indiqué que les femmes quittant le domicile conjugal devaient bénéficier d'un logement selon une procédure d'urgence. Les victimes doivent également se voir proposer des aides financières et, à ce titre, l'allocation de parent isolé ou le revenu minimum d'insertion seront mobilisés rapidement. Elle a également évoqué l'accompagnement professionnel, précisant qu'une femme contrainte à une démission consécutive à des violences conjugales se verrait attribuer des allocations chômage, ce qui n'est pas possible actuellement. Elle a ensuite cité des mesures devant faciliter l'accès des femmes à la justice et assurer leur protection, par exemple, le renforcement des sanctions contre les auteurs de violences au sein des couples.

Dans le but de moderniser l'action publique par le renforcement des partenariats et une mise en cohérence des interventions, la ministre a insisté sur la nécessité de mieux repérer les situations de violences. Elle a également rappelé la hausse des crédits de son ministère consacrés au soutien financier des associations. Elle a ensuite évoqué la plus grande sensibilisation des professionnels, en particulier dans le domaine médical, et a cité la réflexion engagée avec le Conseil national de l'ordre des médecins et celui des pharmaciens sur l'introduction de la victimologie dans les études médicales, sur le secret médical, sur la simplification de l'élaboration du certificat médical et de la question délicate de l'incapacité totale de travail (ITT). Elle a ensuite évoqué la prévention des violences à l'école et, enfin, l'action de la France contre les violences au sein des couples au niveau européen et international.

Mme Nicole Ameline a exposé son souhait de voir réduit le délai entre le départ du domicile conjugal et l'apport de premières réponses aux victimes. A cet égard, elle a cité l'élaboration d'un dépliant, intitulé « Stop violences - AGIR, c'est le DIRE », qui sera largement diffusé, par exemple dans les commissariats, les services sociaux ou les pharmacies. Ce document permettra aux victimes d'identifier des référents locaux. Il mentionnera par exemple les services avec lesquels prendre contact pour trouver un logement. Elle a estimé qu'un flux important de demandes de la part de victimes qui ne s'étaient pas encore manifestées pouvait d'ores et déjà être anticipé au cours des deux ou trois années à venir, ce qui nécessite d'être rapidement opérationnel et d'éviter la dispersion des efforts. Elle a d'ailleurs noté que les dépôts de plaintes avaient déjà commencé à augmenter.

Mme Gisèle Gautier, présidente, a insisté sur la nécessité de dispenser une formation adéquate aux policiers et aux gendarmes, soulignant l'accueil parfois délicat réservé aux victimes dans les commissariats. Elle a notamment considéré que la formation des policiers devait intégrer des aspects concrets et ne pas se limiter à des considérations d'ordre théorique et général. Enfin, elle a indiqué que de nombreuses femmes se rendant au commissariat pour déposer plainte ne savaient pas qu'une mention sur la main courante n'entraînait pas de conséquences judiciaires.

Mme Nicole Ameline a estimé que la formation des services de police et de gendarmerie était effectivement essentielle et qu'elle avait beaucoup progressé, les agents étant aujourd'hui réellement sensibilisés aux violences envers les femmes. Elle a ajouté que, si ces efforts étaient suivis d'effet, des progrès demeuraient encore possibles. A titre personnel, elle s'est déclarée hostile à la suppression de la main courante, la mention de violences de la part de son conjoint pouvant constituer pour une femme un premier pas vers la dénonciation des sévices subis. Elle a néanmoins estimé que cette démarche devait être l'occasion, pour l'administration, de fournir à la victime des renseignements les plus complets possibles.

Mme Isabelle Debré, relatant son expérience d'élue locale, a noté que les femmes victimes de violences se confiaient fréquemment au maire de leur commune ou à l'adjoint au maire chargé des affaires sociales, qui est souvent une femme. Elle a donc émis le souhait que le dépliant « Stop violences - AGIR, c'est le DIRE » évoqué par la ministre soit également adressé à l'ensemble des maires et aux adjoints en charge des affaires sociales.

Mme Nicole Ameline a indiqué que des discussions avaient été abordées avec l'Association des maires de France dans ce sens, ajoutant que l'ensemble des acteurs devaient assumer leurs responsabilités en matière de violences au sein des couples. Il s'agit de montrer que ce type de violences est désormais pris très au sérieux.

Mme Gisèle Printz a noté le dépôt de propositions de loi sur la lutte contre les violences au sein des couples, qui seront prochainement examinées au Sénat. Puis elle s'est inquiétée du sort des victimes qui n'osent pas dénoncer les sévices qu'elles subissent, considérant qu'une femme s'étant rendue au commissariat était déjà sur la bonne voie. Elle s'est également interrogée sur la manière de faire reconnaître le viol entre époux. Elle a abordé la question de la sensibilisation des élèves aux violences conjugales. Puis elle s'est interrogée sur la situation réelle d'un foyer accueillant des femmes enceintes, en Vendée, dont le directeur aurait agressé des résidantes.

Mme Nicole Ameline a fait part de sa conviction que les femmes gardant le silence seraient de moins en moins nombreuses, grâce à la dénonciation collective des violences conjugales, qui constituera, selon elle, un « levier à l'action exceptionnel », à l'origine par exemple d'une prise de conscience de la part de catégories sociales qui, aujourd'hui, ne se sentent pas réellement concernées. Annonçant l'amorce d'un nouveau comportement, elle a cité l'exemple qu'elle a pu observer lors d'un voyage en Espagne avec des partenaires sociaux, ces derniers s'étant particulièrement émus des dégâts des violences conjugales en se rendant dans un foyer d'accueil des victimes. Elle s'est dite ouverte à une modification du droit positif de manière à renforcer la répression des violences au sein des couples. Elle a estimé que les récentes dispositions législatives sanctionnant les propos sexistes permettraient une prise de conscience de la gravité de ce type de violences et une évolution des mentalités. Enfin, s'agissant du foyer en Vendée, elle a indiqué que le gouvernement ferait preuve de la plus grande sévérité si ces faits étaient avérés.

Mme Hélène Luc a souligné le constat aujourd'hui partagé de l'importance de la lutte contre les violences au sein des couples et a mis en évidence un début de changement de mentalité. Rappelant que certaines femmes ayant un travail étaient la victime de leur conjoint, elle s'est interrogée sur la situation plus difficile encore des femmes économiquement dépendantes. Elle a fait observer qu'un nombre non négligeable de victimes ayant quitté le domicile conjugal finissaient par y retourner. Enfin, elle a insisté sur le caractère concret des mesures à mettre en oeuvre pour les femmes quittant le domicile conjugal, qui doivent être accueillies avec leurs enfants et mises en situation d'acquérir une formation professionnelle.

Mme Janine Rozier a estimé que les premiers effets bénéfiques de la réforme du divorce étaient déjà perceptibles. Elle a insisté sur le rôle important joué par l'avocat au moment du divorce et a estimé qu'il était préférable que chaque conjoint ait le sien. De ce point de vue, elle a qualifié de « modique » le montant de l'aide juridictionnelle accordé aux femmes sans ressources. Enfin, elle a noté la grande sensibilité des juges pour enfants, qui sont souvent des femmes, ainsi que leur attention à l'agressivité éventuelle du conjoint envers sa femme au moment du divorce.

Mme Brigitte Bout a elle aussi souligné l'évolution perceptible sur la réalité des violences conjugales, y compris dans les petites communes. Elle a cité le cas d'un homme violent quitté par sa femme qui a emmené les enfants, qui continue de bénéficier du versement des allocations familiales et s'est interrogée sur la possibilité de changer cette situation.

Mme Nicole Ameline a noté que les cas relatés illustraient le passage d'une situation individuelle à un phénomène de société qui, jusqu'à présent, n'était pas traité comme tel. Elle a mis en évidence l'importance des moyens existants, mais a regretté la carence de leur mutualisation entraînant une déperdition d'énergie et un traitement très inégal des situations selon les départements ou les services. Considérant que l'autonomie deviendrait une notion capitale pour les femmes, elle a insisté sur la nécessité pour la loi de les rendre autonomes, c'est-à-dire leur donner les moyens d'agir. A ce titre, elle a indiqué que le projet de loi sur l'égalité professionnelle en préparation comporterait un volet sur l'accès des femmes victimes de violences conjugales à des formations professionnelles. Elle a souligné l'engagement très important des procureurs de la République, qui se montrent souvent très sévères pour sanctionner les agresseurs, mais elle a aussi fait observer la complexité d'un phénomène comportant une grande part affective. Elle a ainsi cité le cas d'un homme emprisonné pour violences sur sa conjointe, attendu par celle-ci à sa sortie de prison. De même, elle a indiqué que certains hommes violents se reconnaissaient comme tels et acceptaient de suivre un traitement, ce qui peut être perçu comme un signe encourageant. Enfin, elle a rappelé que certaines femmes ne voulaient pas retourner chez elles et qu'elles souhaitaient parfois commencer une nouvelle vie.

Mme Muguette Dini a appelé de ses voeux la conduite de campagnes d'information permanentes, notamment dans les établissements scolaires, pour dénoncer les violences envers les femmes, relevant que ces dernières, à la fois verbales et physiques, existaient dès le collège et que des jeunes filles en étaient parfois victimes. Elle a établi un parallèle entre la lutte contre les violences conjugales et la pédophilie, les dénonciations croissantes de cette dernière révélant en fait l'occultation d'un problème longtemps tabou.

Mme Nicole Ameline a annoncé qu'une campagne de communication comportant un volet en direction des élèves allait être engagée dès le mois de mars prochain.

Mme Sylvie Desmarescaux a fait observer que certaines filles et jeunes femmes avaient vécu tout au long de leur vie familiale dans une atmosphère de violence, y compris verbale. Sur la base de son expérience de maire, elle a constaté que les services sociaux n'avaient pas encore pris la mesure du caractère d'urgence de certaines situations.

Mme Gisèle Gautier, présidente, a abondé dans ce sens, ajoutant que le temps perdu pouvait avoir des conséquences très graves pour les victimes. Elle a également souligné les effets destructeurs de la violence verbale et a considéré que le harcèlement moral au travail était sans doute encore plus insidieux et tabou que les violences physiques qui laissent des traces apparentes.

Mme Nicole Ameline n'a pu que constater que le harcèlement moral et sexuel illustrait combien la société n'avait pas été fondée sur des valeurs d'égalité. Elle a précisé que le projet de loi sur l'égalité professionnelle en préparation comporterait des dispositions relatives à la formation professionnelle des femmes victimes de violences.

Violences envers les femmes - Audition de M. Bernard Basset, sous-directeur de la santé et de la société à la direction générale de la santé du ministère des solidarités, de la santé et de la famille, accompagné de Mme Véronique Mallet, chef du projet « Violences et santé »

Puis la délégation a entendu M. Bernard Basset, sous-directeur de la santé et de la société à la direction générale de la santé du ministère des solidarités, de la santé et de la famille, accompagné de Mme Véronique Mallet, chef du projet « Violences et santé ».

M. Bernard Basset, sous-directeur de la santé et de la société à la direction générale de la santé du ministère des solidarités, de la santé et de la famille, a tout d'abord présenté les activités de son service, qui est notamment compétent en matière de lutte contre le tabac, l'alcool, les drogues et dans le domaine de la santé des personnes vulnérables.

Il a ensuite détaillé les actions conduites en matière de violences faites aux femmes en faisant, au préalable, observer que, jusqu'à une période récente, il n'y avait pas véritablement de prise de conscience globale de cette problématique, même si un certain nombre d'initiatives ponctuelles pouvaient s'y rattacher. Puis il a illustré le changement de perspective intervenu au cours des dernières années, en citant un certain nombre de mesures telles que la mise en place, en 1997, des pôles de référence pour les victimes qui se présentent dans les hôpitaux, la mobilisation au sein des services d'urgence d'une capacité d'accueil adaptée aux victimes et une sensibilisation du réseau des professionnels de santé aux questions de violences.

Puis M. Bernard Basset a évoqué la contribution majeure que constitue le rapport du professeur Roger Henrion, paru en février 2001, sur les femmes victimes de violences conjugales et le rôle des professionnels de santé, en précisant qu'étaient désormais diffusées sur le site Internet du ministère de la santé un certain nombre de fiches pratiques issues des principaux enseignements de ce rapport. Il a également mentionné la publication d'un guide intitulé « Le praticien face aux violences sexuelles » destiné aux professionnels de santé. Tout en montrant l'intérêt pratique de cet opuscule, il s'est interrogé sur l'impact réel de sa diffusion. En outre, il a évoqué les travaux conduits sur les auteurs d'infractions sexuelles, en précisant que ces actions s'inscrivaient dans le cadre de la loi du 17 juin 1998 relative à la prévention et à la répression des infractions sexuelles ainsi qu'à la protection des mineurs. Au chapitre des difficultés de la prévention et de la lutte contre les violences, il a évoqué la réticence des praticiens à s'investir sur ce sujet, qui peut les placer dans une position très délicate et inconfortable à l'égard des patients.

M. Bernard Basset a estimé que ce type de problématique relevait plus naturellement de la formation continue que de la formation initiale qui s'adresse à des étudiants avant tout soucieux d'acquérir des bases scientifiques et cliniques. Dressant le bilan des actions de formation ouvertes par le ministère de la santé dans ce domaine, il a chiffré à 560 le nombre de personnes formées, ce qui incorpore non seulement des médecins mais aussi d'autres catégories de personnels, et notamment des directeurs d'établissements pénitentiaires. Il n'a pas masqué un certain manque de popularité de ces formations au sein du corps médical, tout en indiquant que les efforts de sensibilisation se poursuivaient avec, par exemple, le concours de la fédération française de psychiatrie sur le thème de la prise en charge des auteurs d'abus sexuels.

Au titre des prévisions pour 2005, il a tout d'abord évoqué les travaux de réflexion entrepris sur le thème « Alcool et violence ». Il a précisé qu'au-delà de l'idée reçue selon laquelle l'alcool est un facteur aggravant, il n'existe pas de consensus, certains mettant en avant l'effet sédatif de l'alcool sur la violence. Il a annoncé la décision de financer une étude permettant de tirer des conclusions opérationnelles.

M Bernard Basset a enfin rappelé que la loi du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique prévoyait la mise en place d'un plan « violences et santé ». Pour l'élaboration de ce plan, il a indiqué que six commissions spécialisées avaient été mises en place sur les thèmes suivants : violence et santé mentale ; violence, travail et emploi ; personnes âgées et handicapées ; enfance et adolescence ; institutions, organisations et violence ; ainsi que genre et violence. Il a précisé que les conclusions de ces commissions devaient être prêtes à la fin du mois de février et faire l'objet d'un rapport qui pourra servir de base au plan violences et santé.

Mme Véronique Mallet, chef du projet « Violences et santé », a ensuite exposé brièvement les modalités de préparation de ce plan, conduit sous l'autorité de Mme Anne Tursz qui préside le Comité d'orientation interministériel. Elle a souligné que consigne avait été donnée par Mme Anne Tursz d'accorder une attention particulière à ce que les mesures préconisées concernent spécifiquement les professionnels de la santé. Elle a précisé que cette orientation visait à situer la perspective essentielle des travaux ainsi entrepris dans le champ de la santé publique sur un sujet au confluent du droit social et de la santé. Puis elle a précisé la composition tripartite de chaque commission qui rassemble des chercheurs, des professionnels de santé publique et des acteurs impliqués dans l'action.

Mme Gisèle Gautier, présidente, a soulevé les problèmes de dénombrement en matière de violences faites aux femmes en demandant s'il existait des statistiques précises disponibles ou en cours d'élaboration.

Mme Véronique Mallet a indiqué que les groupes d'experts s'étaient efforcés de dresser un état des lieux au début de leurs travaux et a témoigné des difficultés de recensement rencontrées au sein de chaque commission, notamment en raison du caractère éparpillé des données disponibles. Elle a mentionné, à ce sujet, la préparation au sein de la Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (DREES) et avec l'aide de l'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) d'une enquête intitulée « Evénements de vie et santé (18-75 ans) » dont l'exploitation sera riche d'enseignements sur les interactions entre violences et santé.

Mme Gisèle Gautier, présidente, revenant sur le thème de la réticence d'un certain nombre de médecins à l'égard d'une plus grande implication dans les problèmes de violences, a évoqué l'annonce par Mme Nicole Ameline de l'introduction d'une unité de formation au sein des études médicales.

Se disant convaincu de l'intérêt d'une sensibilisation des médecins à cette thématique, M. Bernard Basset a explicité les raisons pour lesquelles on pouvait marquer une certaine préférence pour incorporer ces modules dans la formation continue des médecins. Il a estimé, à titre personnel, que c'est au cours de la vie professionnelle du médecin que se manifeste avec le plus d'acuité l'importance des problèmes humains des patients au-delà du strict enjeu médical.

Mme Gisèle Gautier, présidente, a évoqué les difficultés liées à la délivrance des certificats d'incapacité totale de travail (ITT) en cas de violences.

Mme Sylvie Desmarescaux a évoqué son expérience de terrain pour illustrer à son tour la difficulté de l'utilisation des certificats médicaux. Elle a ensuite marqué sa préférence pour une sensibilisation des médecins au cours de leur formation continue.

Mme Gisèle Gautier, présidente, a interrogé les intervenants sur les éventuelles propositions concrètes qui pouvaient d'ores et déjà se dégager des travaux conduits par le ministère de la santé sur les violences faites aux femmes.

M. Bernard Basset a insisté sur l'importance de la prise de conscience globale du phénomène. Prenant, par analogie, l'exemple de l'usage du tabac, il a montré comment les entraves au tabagisme ont pu se révéler porteuses d'un changement de norme sociale, le tabagisme étant devenu non plus un usage communément admis mais un comportement surveillé, ce qui permet de prendre des mesures de plus en plus contraignantes. Tout en reconnaissant le déficit d'information en matière de violences faites aux femmes, il a insisté sur l'importance de la prise de conscience des praticiens et s'est félicité de l'appui apporté dans ce sens par le Parlement et l'Organisation mondiale de la santé.

Mme Gisèle Gautier, présidente, a insisté sur la nécessaire globalisation des phénomènes de violence pour en discerner les causes et déterminer les remèdes efficaces.

Mme Brigitte Bout a indiqué qu'elle avait été particulièrement bouleversée à l'occasion de son stage au tribunal de Lille de constater in vivo la situation extrêmement pénible de certaines femmes victimes qui s'adressaient à la justice.

M. Bernard Basset a souligné la nécessité d'écouter les victimes et de mobiliser à cette fin les intervenants adéquats.

Mme Gisèle Gautier, présidente, a posé le problème des enfants qui se trouvent placés en position de témoins de violences familiales et subissent, de ce fait, un traumatisme aux conséquences dommageables. Elle a également demandé si l'indépendance financière des femmes pouvait être considérée comme un facteur qui limite les violences à leur égard.

M. Bernard Basset a estimé qu'à l'avenir, il devrait être possible de déterminer si l'autonomie financière des femmes minimisait leur probabilité de devenir une victime de violences. Il a fait observer que certains couples vivant en « vase clos » considèrent comme normale une situation qui ne l'est pas.

Evoquant les débats intervenus dans la commission « genre et violence », Mme Véronique Mallet a indiqué que, dans la sphère privée, les comportements violents « traditionnels » pouvaient s'exprimer plus librement et que, dès lors, l'autonomie des femmes n'était pas nécessairement une garantie contre les violences.

En réponse à l'interrogation de Mme Gisèle Gautier, présidente, sur l'efficacité des traitements des conjoints violents, M. Bernard Basset a tout d'abord évoqué la mise en place d'une étude destinée à évaluer l'effet des traitements chimiques. S'agissant des traitements psychologiques, il a indiqué que les praticiens affirmaient souvent que leur activité ne pouvait pas faire l'objet d'une évaluation. Il a cependant plaidé pour tenter de surmonter cette tendance à refuser toute évaluation.