Audition de Son Eminence Mgr Nicodemus Daoud Matti SHARAF, Archevêque syriaque de Mossoul

Jeudi 3 octobre 2018 (8h30-9h30)

Propos introductifs de M. Bruno RETAILLEAU, Président du groupe de liaison, de réflexion, de vigilance et de solidarité avec les chrétiens, les minorités au Moyen-Orient et les Kurdes

Mes chers collègues,

Avant de commencer cette audition, je voudrais en votre nom à tous, exprimer ma grande tristesse suite à la disparition d’Antoine Sfeir, directeur des Cahiers de l’Orient, journaliste et politologue reconnu pour sa grande connaissance du Moyen-Orient, des religions et en particulier de l’Islam. Nous l’avions auditionné en décembre 2016 pour entendre son analyse sur les conflits entre chiites et sunnites, mais aussi sur ses inquiétudes quant à l’évolution de la place des Chrétiens en Orient…

Avec les groupes France-Irak et France-Syrie, présidés par Bernard Cazeau et Jean-Pierre Vial, nous auditionnons aujourd’hui Son Éminence Mgr Nicodemus Daoud Matti Sharaf, Archevêque syriaque de Mossoul et de Kirkouk, à qui nous souhaitons la bienvenue. C’est la première fois que notre groupe de liaison à l’ occasion de vous rencontrer. Nous sommes très impatients de vous entendre. Permettez-moi également de saluer les personnes qui vous accompagnent : M Benjamin Blanchard, directeur général de SOS Chrétiens d'Orient, et Mme Tala Massaad, responsable développement de SOS Chrétiens d'Orient qui nous aidera pour la traduction.

Nous poursuivons ainsi notre cycle d’auditions sur l’Irak, pour suivre l’évolution de ce pays suite aux élections législatives du 12 mai. Les choses semblent s’arranger progressivement puisqu’un Président a pu être désigné au Parlement. Il s’agit de Muhammad al-Halbousi, qui est sunnite – ainsi que le prévoit la répartition des postes entre communautés. Il serait aussi proche de l’ancien Premier ministre Al-Abadi. L’élection du Président de la République est en cours. Il y a deux candidats en lice. La coutume est de réserver le poste à un Kurde, et un accord tacite en faisait la chasse gardée de l'Union patriotique du Kurdistan (UPK). L'UPK a désigné Barham Saleh, 58 ans, personnalité consensuelle et modérée, qui a pris ses distances avec la frange indépendantiste kurde, ancien vice-Premier ministre irakien et Premier ministre du Kurdistan. Mais pour la première fois depuis 2005, le PDK présente un candidat : Fouad Hussein, 72 ans, vétéran de l'opposition à Saddam Hussein. La Constitution irakienne impose que le chef de l'État soit élu au plus tard aujourd’hui, mercredi, mais au vu des divisions, le délai pourrait être dépassé. Il faut en effet qu’un candidat obtienne deux tiers des voix des députés, et si aucun ne les obtient, la séance parlementaire peut être déclarée ouverte sans limite de temps.

Ainsi, le processus post-électoral se poursuit. Nous craignions en effet un temps que les élections soient contestées et que ces contestations débouchent sur le chaos. Fort heureusement, ce n’est pas le cas même si la situation demeure incertaine et fragile.

Votre Eminence, vous êtes archevêque de Mossoul, de Kirkouk, du Kurdistan et des environs, depuis le 27 novembre 2011.

Le 6 juin 2014, vous avez été forcé par Daech de quitter le siège de l’archidiocèse de Mossoul. Avec la défaite de Daesch, vous avez pu revenir. Vous résidez actuellement à Ankawa, à Erbil, au Kurdistan irakien. Vous pourrez ainsi nous donner des nouvelles du terrain si je puis dire. Une délégation de notre groupe s’est rendue sur place en janvier dernier et nous avons été marqués par ce que nous y avons vu. Les populations ont été très fortement éprouvées. Les destructions sont profondes. Quel a été le climat pendant les élections et depuis la proclamation des résultats ? Comment ressentez-vous les choses ?

Notre groupe est très sensible à la question de la citoyenneté et au respect de toutes les composantes de la société. Nous sommes attentifs en particulier au sort réservé aux communautés chrétiennes bien sûr et nous serons très intéressés par votre témoignage sur la situation actuelle à Mossoul de ce point de vue, mais pas seulement.

Notre collègue Jacky Deromedi s’est rendue en Irak il y a une dizaine de jours pour aller à la rencontre de la communauté yézidie particulièrement éprouvée pendant le conflit avec Daesch.

Nous suivons également très attentivement la situation au Kurdistan.

À terme, il nous semble que le processus politique en cours devrait permettre de créer les conditions de la réconciliation nationale et de la concorde civile, afin qu’aucune composante de la société irakienne ne se sente exclue ou menacée. Cette vision d’une société inclusive, c’est la position constante de la diplomatie française et c’est aussi celle que nous avons toujours défendue au sein de notre groupe de liaison.

Je vous laisse la parole Éminence puis mes collègues, nombreux ce matin pour vous écouter, auront très certainement des questions à vous poser.

M. Bruno Retailleau et Mgr SharafM. Bruno Retailleau et Mgr Sharaf