MISSION COMMUNE D'INFORMATION CHARGEE DE DRESSER LE BILAN DE LA DECENTRALISATION ET DE PROPOSER LES AMELIORATIONS DE NATURE A FACILITER L'EXERCICE DES COMPETENCES LOCALES

Table des matières


Mardi 21 mars 2000

- Présidence de M. Jean-Paul Delevoye, président -

Audition de M. Patrice Bergougnoux, directeur général de la police nationale

La mission a tout d'abord procédé à l'audition de M. Patrice Bergougnoux, directeur général de la police nationale.

M. Jean-Paul Delevoye, président,
a souhaité faire le point sur la mise en place de la police de proximité, le redéploiement des personnels et le statut des polices municipales, au regard de la contrainte d'une efficacité accrue de l'action publique.

M. Patrice Bergougnoux a rappelé que les principes de la police de proximité avaient été définis par le ministre de l'intérieur, lors du colloque de Villepinte en octobre 1997. Il a précisé que celle-ci avait été mise en oeuvre, à partir d'avril 1999, dans une première phase, à la préfecture de police de Paris et sur cinq sites pilotes.

Il a souligné que cette expérimentation avait été étendue à 62 autres sites à l'automne 1999. Au total, l'expérimentation concerne 2 millions d'habitants dans 37 départements, hors Paris.

Il a indiqué que les évaluations, qui avaient été confiées à l'inspection générale de l'administration (IGA) et à l'inspection générale de la police nationale (IGPN), montraient, de façon concordante, que la mise en oeuvre de la police de proximité ne suscitait pas de blocage administratif, mais qu'en revanche des efforts devaient être engagés en matière d'information et de communication auprès des personnels de police. Aussi, un vaste plan de communication a-t-il été mis en place avec l'approbation du ministre, constitué de réunions d'information au niveau inter-régional, départemental et de chaque circonscription de police. L'objectif est que chaque fonctionnaire de police ait reçu directement une information sur la police de proximité.

M. Patrice Bergougnoux a estimé que la réforme était bien accueillie par les agents, qui appréciaient l'accroissement de leurs responsabilités sur le terrain, aussi bien en matière de prévention que de répression. Il a rappelé, à cet égard, que la police de proximité se différenciait de l'îlotage qui se caractérisait essentiellement par des actions préventives.

M. Patrice Bergougnoux a souligné, en outre, que la mise en oeuvre de la réforme de la police de proximité, constituant une sorte de " révolution culturelle ", était accompagnée d'un effort significatif en matière de formation : le ministère de l'intérieur a adopté un schéma directeur de la formation qui a conduit à remanier le programme de formation du gardien de la paix ; 380 personnels, actuellement en cours de formation, se consacreront à la formation continue en matière de police de proximité ; des stages d'intégration à la police de proximité ont été mis en place, y compris pour les adjoints de sécurité ; des stages plus spécifiques ont été instaurés pour former à la pratique de la médiation dans les quartiers sensibles et à la résolution amiable des conflits.

Admettant que les résultats de la police de proximité étaient difficilement quantifiables, M. Patrice Bergougnoux a observé toutefois une stabilisation de l'évolution de la délinquance à partir du deuxième semestre de 1999. Se refusant à assimiler " causalité et simultanéité ", il a relevé toutefois que cette stabilisation correspondait à la phase de mise en oeuvre de la police de proximité et il y a vu un signe encourageant pour poursuivre et généraliser la réforme.

Il a indiqué que les Assises nationales de la police, qui se tiendraient le 30 mars 2000 à Paris, ainsi que sur 6 sites décentralisés, constitueraient un moment fort de communication et d'évaluation. Un coup d'envoi sera donné à la généralisation de la police de proximité qui concernera, en juin 2000, 63 circonscriptions entières de police, soit 10 millions d'habitants, en priorité dans les zones couvertes par un contrat local de sécurité (CLS). Une deuxième phase devra être lancée en octobre 2000, puis une troisième phase en juin 2001.

S'agissant des CLS, M. Patrice Bergougnoux a rappelé qu'ils avaient été mis en place par une circulaire du 28 octobre 1997 qui posait les principes d'un nouveau partenariat entre les collectivités locales et l'Etat, ce dernier demeurant responsable de la sécurité tout en mobilisant les énergies locales et en articulant son intervention avec les autres partenaires concernés.

Il s'est félicité de l'engagement des conseils généraux, signataires de 55 CLS sur 330, dans les domaines de l'insertion des jeunes délinquants, de la lutte contre la toxicomanie, de l'aide aux parents en difficulté et de la sécurité dans les transports en commun.

M. Patrice Bergougnoux a estimé que les CLS donnaient des résultats d'autant plus satisfaisants que le diagnostic initial en matière de sécurité était pertinent, en admettant que des améliorations avaient été apportées à mesure que la procédure contractuelle s'était développée.

Il a souligné que la police de proximité, aussi bien que les CLS, procédaient d'une même logique, qui était d'organiser les services de police selon le principe de territorialisation autour de territoires bien identifiés. Il a estimé que la police nationale ne devait pas être seulement réactive à l'événement mais devenir aussi " pro-active ", c'est-à-dire capable d'anticiper et de prévenir les difficultés.

Concernant les redéploiements de personnels, M. Patrice Bergougnoux a tout d'abord rappelé que la carte d'implantation des forces de police datait d'une loi du 23 avril 1941, aujourd'hui largement périmée du fait des changements démographiques et de l'évolution de la délinquance. Il a indiqué que la loi du 21 janvier 1995 d'orientation et de programmation relative à la sécurité avait actualisé le dispositif, en fixant à 20.000 habitants le seuil démographique de la présence de la police nationale, au lieu de 10.000 habitants auparavant, et en permettant de mieux tenir compte des particularités de certaines zones urbaines, ainsi que des mouvements saisonniers de population.

Il a précisé que la mission parlementaire confiée à MM. Roland Carraz et Jean-Jacques Hyest, suivie par une mission d'expertise confiée à M. Guy Fougier, conseiller d'Etat, avait conduit le Gouvernement à apprécier, au cas par cas, les opérations de transfert de compétence territoriale de la police vers la gendarmerie. Il a précisé que les redéploiements effectués sur 6 sites avaient permis de transférer environ 200 policiers vers des zones urbaines sensibles (ZUS).

D'une manière générale, en matière de gestion de personnels, il a indiqué que le Gouvernement faisait appel à quatre types de " ressources ".

Il a rappelé tout d'abord que le conseil de sécurité intérieure avait pris la décision de redéployer 3.600 policiers de zones ne connaissant pas de problèmes aigus de sécurité, vers des zones " sensibles ", au rythme de 1.200 par an.

Par ailleurs, il a rappelé que, pour compenser le mouvement d'accélération des départs à la retraite, le ministre de l'intérieur avait obtenu le recrutement de 2.100 gardiens de la paix pour 1999, puis pour 2000, auxquels il convenait d'ajouter un effort exceptionnel de recrutement de 1.000 policiers supplémentaires en 1999.

M. Patrice Bergougnoux a souligné que ces recrutements exceptionnels permettaient de titulariser des fonctionnaires de qualité, issus notamment des rangs des policiers auxiliaires. Il a précisé que 7.100 nouveaux gardiens de la paix, actuellement en cours de formation, dans les écoles de la police, rejoindraient le service actif le 1er janvier 2001.

M. Patrice Bergougnoux a abordé ensuite les missions de " fidélisation " des forces mobiles de sécurité dans les départements très urbanisés : le principe est de mettre des unités de compagnie républicaine de sécurité (CRS) et de gardes mobiles à la disposition du directeur départemental des services de police dans les départements les plus sensibles. Il a souligné, toutefois, que les forces mobiles de sécurité devaient demeurer en nombre opérationnel, pour faire face aux tâches d'encadrement des manifestations sur la voie publique.

Enfin, M. Patrice Bergougnoux a souligné que les personnels de police étaient mieux utilisés du fait de " l'externalisation " des tâches techniques et administratives vers le secteur privé, dans les domaines, notamment, de la réparation mécanique ou de la maintenance informatique. Considérant néanmoins que trop de policiers étaient affectés à des tâches administratives, M. Patrice Bergougnoux a rappelé que la loi de finances pour 2000 avait prévu le recrutement de 100 personnels administratifs supplémentaires qui seraient affectés à la police scientifique et technique.

Concernant les adjoints de sécurité (ADS), M. Patrice Bergougnoux a rappelé que 14.072 postes avaient été ouverts au 1er mars 2000, dont 1.280 en cours de formation. Au total, 17.667 ADS ont été recrutés, près de 3.000 d'entre eux ayant trouvé des débouchés dans la police nationale ou dans les métiers de la sécurité depuis la signature de leur contrat. Il a précisé que la durée de formation initiale, d'abord fixée à 6 semaines, avait été portée à 8 semaines et complétée par 2 semaines de service actif, les ADS étant affectés dans les départements où ils ont été recrutés.

Remarquant que les policiers auxiliaires n'avaient bénéficié que d'un mois de formation, M. Patrice Bergougnoux a souligné que les ADS s'intégraient bien dans les rangs de la police nationale et que la population appréciait leur présence sur le terrain. Il a rappelé qu'un encadrement de ces personnels devait être assuré, leur mission consistant à assister les policiers professionnels.

S'agissant des agents locaux de médiation sociale (ALMS), M. Patrice Bergougnoux a rappelé que 8.200 agents avaient été mis en place à la fin de 1999, dont 5.760 dans les départements très sensibles. Il a indiqué que leurs employeurs étaient soit des collectivités locales, soit des personnes morales chargées d'une mission de service public, notamment dans le domaine des transports.

Concernant la police municipale, M. Patrice Bergougnoux a tout d'abord indiqué que la loi du 15 avril 1999 avait permis, après de nombreuses tentatives, de fournir un cadre juridique clair aux activités des policiers municipaux, de valoriser leurs tâches et d'améliorer les instruments de coordination entre l'Etat et les services de police municipale.

A propos de la publication des décrets d'application, il a souligné que l'Etat n'était pas resté inactif et que 9 décrets ainsi que 6 arrêtés d'application avaient été publiés au Journal officiel du 21 janvier 2000, concernant le volet statutaire du dispositif. Il a annoncé la prochaine parution des décrets relatifs aux conventions de coordination entre l'Etat et les services municipaux de police, à l'armement des personnels des services de police municipale et à leur intervention en matière d'infraction au code de la route.

Il a indiqué que la mission des policiers municipaux serait encadrée en matière de police routière et que l'armement des policiers municipaux devrait être rendu possible au cas par cas. Il a indiqué que l'Etat veillerait à la formation des policiers municipaux aux techniques de la police de proximité.

M. Jean-Paul Delevoye, président, a remercié M. Patrice Bergougnoux pour cet exposé qui répondait largement aux interrogations de la mission d'information.

Audition de M. Loïc Le Masne, président de la fédération nationale des sociétés d'économie mixte, accompagné de M. Maxime Peter, Directeur général

Puis, la commission a procédé à l'audition de M. Loïc Le Masne, président de la fédération nationale des sociétés d'économie mixte, accompagné de M. Maxime Peter, Directeur général.

M. Loïc Le Masne a rappelé que les sociétés d'économie mixte (SEM) avaient été créées par les lois de décentralisation dans le but d'offrir aux collectivités locales un outil alliant les avantages du secteur privé et ceux du secteur public. Il a souligné que le capital des SEM devait être majoritairement public mais que les acteurs privés ne pouvaient en détenir moins de 20 %.

Après avoir rappelé qu'il existait aujourd'hui 1.300 SEM en France, employant 60.000 personnes pour un chiffre d'affaires de 70 milliards de francs, M. Loïc Le Masne a considéré que le secteur de l'économie mixte était en bonne santé, comme en témoignent les quarante nouvelles adhésions enregistrées par la fédération nationale des sociétés d'économie mixte depuis décembre 1999.

Il a indiqué que le modèle français des sociétés d'économie mixte était unique en Europe, précisant que, dans les autres pays, la participation au capital des acteurs publics et privés n'était pas strictement délimitée. Il a signalé que, en Europe, les sociétés de service public comparables aux SEM représentaient un million de salariés pour un chiffre d'affaire de 130 millions d'euro.

M. Loïc Le Masne a indiqué que, depuis 1983, 45 textes législatifs ou réglementaires avaient modifié le régime juridique des sociétés d'économie mixte. Il a insisté sur le fait que les SEM étaient aujourd'hui en concurrence tant avec les organismes HLM qu'avec les deux grandes sociétés privées de gestion de services publics. Il a estimé que le régime actuel des SEM ne leur permettait pas de lutter à armes égales avec ces concurrents. Il a notamment regretté que les collectivités soient régulièrement accusées de favoritisme lorsqu'elles travaillent avec des SEM présidées par un élu issu de leur assemblée.

M. Loïc Le Masne s'est inquiété des dispositions relatives aux SEM figurant dans le projet de loi relatif à la solidarité et au renouvellement urbains ainsi que dans le projet de loi relatif aux interventions économiques des collectivités locales. Il a estimé que ce dernier texte ne répondait pas aux aspirations des SEM et s'est réjouit que plusieurs sénateurs aient décidé de déposer une proposition de loi contenant de dispositions véritablement adaptées aux besoins des SEM.

M. Loïc Le Masne a considéré que, pour que les SEM soient véritablement concurrentielles, les collectivités locales devaient bénéficier de marges de manoeuvre plus grandes dans l'exercice de leur rôle d'actionnaire. Il a rappelé que le conseil d'administration de sa fédération était composé en nombre égal de représentants des quatre grandes tendances politiques. Il a considéré qu'il était indispensable de restaurer l'image de marque des SEM, qui sont des sociétés rentables et qui rémunèrent leurs actionnaires. Il a précisé que les pertes enregistrées par les SEM dans le secteur de l'immobilier avaient été très inférieures aux pertes enregistrées par le secteur privé.

M. Loïc Le Masne a estimé que les SEM étaient les entreprises les plus contrôlées de France puisque, comme les entreprises privées, elles étaient soumises au contrôle d'un conseil d'administration, d'un commissaire aux comptes et de l'administration fiscale mais que, du fait de leur actionnariat public, elles relevaient également du contrôle de la légalité et des chambres régionales des comptes. Il a ajouté que l'ensemble des rémunérations versées par les SEM aux élus devaient être approuvées par la collectivité actionnaire.

M. Loïc Le Masne a déploré les difficultés rencontrées par les SEM transfrontalières, et notamment le fait que la participation à leur capital de collectivités locales étrangères soit considérée comme une participation privée. Il a constaté que cette situation rendait les partenariats difficiles puisque les collectivités françaises avaient toujours la majorité absolue.

Il a préconisé la mise en place d'un conseil supérieur de l'économie mixte pour veiller à garantir la cohérence de la législation applicable aux SEM.

Répondant à M. Jean-Paul Delevoye, président, M. Loïc Le Masne a signalé qu'il existait, au sein de sa fédération, un débat relatif aux modalités de répartition du capital des SEM entre le secteur public et le secteur privé.