Table des matières




Mercredi 26 février 2003

- Présidence de M. Francis Grignon, président. -

Audition de M. Renaud Dutreil, secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation

La commission spéciale a procédé à l'audition de M. Renaud Dutreil, secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation.

Indiquant que le projet de loi avait pour double objectif de favoriser la création d'emplois nouveaux et d'augmenter la richesse nationale en élevant d'environ un point le taux de croissance moyen du PIB par habitant pour le rapprocher de celui de nos principaux partenaires, M. Renaud Dutreil a précisé que le texte visait tout à la fois à encourager la création des entreprises, renforcer leur développement et faciliter leur transmission.

Observant que la création de 100.000 entreprises nouvelles permettait celle de 160.000 emplois l'année même du démarrage, et le maintien de 270.000 emplois cinq ans après, il a rappelé que l'objectif de la création d'un million d'entreprises en cinq ans figurait déjà dans le discours prononcé par le Président de la République à St-Cyr-sur-Loire en 1997. Pour l'atteindre, il convient d'accroître le rythme annuel actuel, qui s'établit à environ 175.000 créations quel que soit l'état de la conjoncture, comme en témoigne l'observation des cinq années passées, pour retrouver le nombre de 200.000 créations d'entreprises par an que connaissait notre pays dans les années quatre-vingt.

S'agissant du développement des entreprises existantes, M. Renaud Dutreil, après avoir noté que 40 % des grandes entreprises cotées américaines n'existaient pas en 1960, a souligné la nécessité d'accroître les capacités de croissance des entreprises françaises et, pour augmenter le niveau de leurs investissements, de diriger l'épargne des Français, qui s'élève à 17 % du revenu disponible brut, vers les placements productifs de croissance et d'emplois.

Enfin, rappelant qu'environ 500.000 chefs d'entreprise allaient prendre leur retraite dans les prochaines dix années et soulignant l'urgence de préparer cette mutation qui va mettre en jeu des centaines de milliers d'emplois, M. Renaud Dutreil a estimé qu'il importait de faciliter la transmission des entreprises françaises et relevé que plus de 300 millions d'euros étaient mobilisés à cette fin dans le projet de loi.

Puis le secrétaire d'Etat a indiqué que ce texte avait été élaboré en étroite concertation avec les organisations professionnelles, les réseaux d'accompagnement, les chambres de métiers et de commerce, les experts-comptables et les autres professions qui conseillent les entreprises, ainsi que les nombreuses associations concernées par la création et le développement des entreprises, et que, pour l'essentiel, tous ces partenaires avaient réservé un accueil favorable au projet de loi. Il a également souligné que les Français eux-mêmes, qui manifestent un engouement nouveau pour la création d'entreprise et l'initiative économique, exprimaient un intérêt certain pour ce projet, comme en témoignait un récent sondage indiquant que plus de la moitié (57 %) d'entre eux avait entendu parler des nouvelles mesures annoncées par le gouvernement (telles que la SARL à capital libre ou la domiciliation de l'entrepreneur chez lui).

M. Renaud Dutreil a ensuite présenté les cinq axes autour desquels est articulé le projet de loi : rendre la création d'entreprise plus simple et plus rapide, faciliter la transition entre le statut de salarié et celui d'entrepreneur, améliorer le financement des projets, développer l'accompagnement social et encourager la reprise et la transmission d'entreprises.

Afin de rendre la création d'entreprise accessible à tous et d'en faire un acte simple et rapide, les articles premier, 2 et 3 visent à permettre la création, en un jour et éventuellement en ligne, d'une société au capital librement fixé. A cet égard, le secrétaire d'Etat a estimé qu'il ne revenait pas à la loi de déterminer le niveau du capital social et qu'il fallait, comme dans les pays anglo-saxons, laisser aux entrepreneurs et à leurs conseils le soin de le faire au regard des besoins de l'entreprise.

Après avoir souligné que les articles 4 et 5 avaient pour objet de permettre de domicilier son entreprise chez soi pendant une durée plus longue qu'actuellement, où l'entreprise ne peut pas rester plus de deux ans au domicile de l'entrepreneur, M. Renaud Dutreil a évoqué l'article 6, qui répond à une demande très ancienne et légitime des entrepreneurs indépendants tendant à leur permettre de protéger, au sein de leur patrimoine, leur résidence principale. Il a indiqué que l'Assemblée nationale avait utilement complété cette mesure phare de son projet par l'information, préalable à la création de l'entreprise, du conjoint sous le régime de la communauté, par l'élargissement du rôle des groupements de prévention agréés (GPA) pour une meilleure prévention des difficultés de l'entreprise, par une plus grande information et protection des cautions, qui auront accès au dispositif de traitement du surendettement, et enfin par la mise en place d'un préavis de rupture du concours bancaire.

Rappelant que deux tiers des créateurs d'entreprises sont des salariés, le secrétaire d'Etat a ensuite présenté les dispositions visant à faciliter la transition « en douceur » entre le statut protecteur de salarié et celui plus risqué d'entrepreneur. Il a ainsi indiqué que, pendant une période de douze mois, les clauses d'exclusivité seraient inopposables au salarié-créateur sans pour autant remettre en cause l'obligation de loyauté du salarié vis-à-vis de son employeur (article 7), qu'il n'y aurait plus de double cotisation sociale pour le salarié-créateur (article 8) et qu'un droit au travail à temps partiel pour création d'entreprise viendrait compléter le droit actuel au congé pour création d'entreprise, sous réserve d'un accord de l'employeur pour les petites entreprises (article 9).

Relevant par ailleurs que l'accompagnement des créateurs d'entreprises permettait de multiplier par deux le taux de survie de l'entreprise, M. Renaud Dutreil a souligné que les articles 10 et 11 instituaient un « contrat d'accompagnement à la création d'une activité économique » afin d'asseoir le rôle des différents acteurs accompagnant les créateurs d'entreprise, notamment le dispositif dit des « couveuses » et l'essaimage. Enfin, l'article 12 vise à faciliter les activités occasionnelles par une proratisation des cotisations sociales.

S'agissant du volet financier, M. Renaud Dutreil a rappelé que le financement des projets constituait une question récurrente pour les créateurs, qui s'appuient à 60 % de leurs budgets sur les aides de leurs proches. Il a indiqué que, pour favoriser un capitalisme de proximité, source immédiate et importante de financement, les articles 13 et 14 créaient les fonds d'investissement de proximité (FIP) pour développer, à côté de l'auto-financement, du crédit bancaire et des actions cotées, une quatrième source de financement long des entreprises, plus proche des réalités économiques, grâce notamment à un avantage fiscal (25 % de 24.000 euros d'investissement par an pour un couple). De même, les articles 15 et 16 visent à favoriser l'investissement direct dans les entreprises afin de susciter des vocations d'investisseur providentiel (« business angels »), par un double mécanisme d'avantage fiscal à l'entrée (25 % de 40.000 euros d'investissement déduits par an pour un couple) et à la sortie (30.000 euros de perte en capital déduits par an pour un couple). Enfin, l'article 17, relatif au taux de l'usure, a pour objet d'assouplir les conditions de prêt aux entreprises afin d'obtenir un meilleur fonctionnement du marché du crédit et permettre à des entreprises auxquelles aucune banque ne prête aujourd'hui, de trouver du crédit.

Après avoir relevé que l'ensemble de ces dispositions fiscales, de même que celles ajoutées ultérieurement dans le texte par les députés, n'avaient d'autre objectif que de stimuler la création d'entreprises, M. Renaud Dutreil s'est félicité de l'adjonction, par l'Assemblée nationale, d'une mesure permettant l'utilisation des sommes versées dans un PEA pour investir dans la création d'entreprise, observant qu'elle libérait potentiellement une fraction des quelque 70 milliards d'euros épargnés par plus de 7 millions de Français.

En ce qui concerne l'accompagnement social des projets et des créateurs, le secrétaire d'Etat a successivement présenté les dispositifs de l'article 18, qui permet le report des charges sociales de l'entrepreneur pour ses douze premiers mois d'activité sur les cinq années suivantes afin de faciliter, par un allègement en trésorerie, le passage du cap de la troisième année si dévastateur aujourd'hui, de l'article 19 étendant le dispositif EDEN aux chômeurs de plus de cinquante ans, de l'article 20 qui étend de six à douze mois le délai de maintien, pour les créateurs d'entreprise, de certaines allocations sociales (allocation spécifique de solidarité, allocation de parent isolé et allocation veuvage), en cohérence avec celui du RMI, et enfin de l'article 21 visant à développer le mécénat d'entreprise en direction des réseaux d'accompagnement à la création et la reprise d'entreprise.

Puis M. Renaud Dutreil a indiqué que les députés ont complété ce volet social par des mesures de simplification permettant la mise en oeuvre d'un guichet social unique pour diminuer le nombre des formalités administratives auxquelles est assujetti l'entrepreneur pour assurer sa propre protection sociale (article 18 bis), la création d'un chèque emploi-entreprises pour embaucher plus facilement et plus rapidement les premiers salariés - jusqu'au troisième - ainsi que les travailleurs saisonniers ou temporaires - moins de cent jours d'embauche par an - (articles 6 quater et 6 quinquies), enfin la rationalisation de l'évaluation et du paiement des charges sociales dans le régime micro-fiscal (article 18 A).

S'agissant de la reprise et de la transmission, le secrétaire d'Etat a relevé que les dispositions du projet de loi, qui sont les plus coûteuses, avaient pour objet de diminuer le coût de l'opération pour le cédant et le repreneur afin qu'elle ne soit pas anti-économique à l'orée d'une période de dix ans où le nombre des transmissions et des reprises d'entreprises de propriétaires partant à la retraite sera particulièrement élevé. Il a ainsi évoqué les dispositions de l'article 22, qui relève le seuil d'exonération des plus-values, de l'article 23, qui accorde une réduction d'impôt en cas de reprise financée par un prêt, de l'article 24, qui encourage la transmission anticipée à l'aide d'un engagement de conservation de titres, de l'article 25, qui exonère des droits de mutation les donations aux salariés, et de l'article 26 qui diminue le droit d'enregistrement sur les cessions.

En outre, et tout en estimant que ce point avait eu plus de retentissement qu'il n'en méritait, M. Renaud Dutreil a présenté les amendements sur la fiscalité du patrimoine adoptés par l'Assemblée nationale (articles 26 bis et 26 quater), soulignant que le Gouvernement était favorable à leur logique visant à encourager l'investissement dans les PME, et donc l'emploi, comme en témoignait au demeurant l'amendement permettant d'exonérer d'ISF les sommes investies dans les PME qu'il avait lui-même présenté (article 26 ter). Il a toutefois insisté sur la finalité très précise de ces amendements, qui lui paraissaient s'inscrire parfaitement dans la philosophie générale du projet de loi, dont il a rappelé qu'il n'avait pas pour objet de réformer l'ISF mais exclusivement de trouver les mesures intelligentes directement favorables à la création, au développement et à la transmission des entreprises, en corrigeant le cas échéant, sans aucun tabou, les mesures qui ont eu un effet inverse.

En conclusion, M. Renaud Dutreil a souligné qu'il comptait sur les travaux du Sénat pour donner à plus de Français l'envie et les moyens de devenir entrepreneurs, d'être autonomes, de prendre des initiatives, et pour contribuer à développer et conforter le tissu économique, notamment celui des petites entreprises, principal facteur de dynamisme et de création d'emploi de notre économie.

Un débat s'est engagé à l'issue de cette intervention.

Après que M. Francis Grignon, président, a souligné les répercussions bénéfiques pour la création d'emplois que devrait avoir le projet de loi grâce au soutien qu'il apportait aux petites et moyennes entreprises, M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur, a interrogé le ministre sur plusieurs points du titre Ier consacré à la simplification de la création d'entreprise.

Considérant que les difficultés rencontrées par les sociétés françaises naissaient souvent de l'insuffisance de leurs fonds propres, il lui a demandé si la suppression de l'exigence d'un capital social minimal lors de la création d'une SARL ne risquait pas de susciter des initiatives irréfléchies d'une part, et d'inciter les établissements prêteurs à accroître encore leurs exigences de garanties émanant des dirigeants et de leurs proches d'autre part.

Concernant le récépissé de création d'entreprise (RCE), il a souhaité savoir si sa délivrance par le centre de formalités des entreprises (CFE), prévue par l'Assemblée nationale, et non plus seulement par le greffe du tribunal de commerce, ne risquait pas de créer de confusion, et si l'INSEE serait en mesure de délivrer en temps réel le numéro d'identification devant être porté sur le récépissé pour permettre les premières démarches nécessaires à la création de l'entreprise.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur, s'est également interrogé sur le dispositif relatif à l'insaisissabilité de la résidence principale de l'entrepreneur individuel. Il a ainsi observé que cette protection ne s'appliquait qu'à la propriété faisant office de résidence principale et que l'entrepreneur contraint d'être locataire de sa résidence principale tout en possédant par ailleurs un bien immobilier n'en bénéficierait pas. Il s'est en outre inquiété de ce que, lors de la dissolution du régime matrimonial, le sort du bien différait selon que le juge l'attribuait à l'entrepreneur ou à son conjoint.

Enfin, se félicitant du dispositif tendant à exonérer de droits les donations faites aux salariés, il s'est enquis de la préservation des ayants droit lors de la liquidation de la succession.

Après que M. Francis Grignon, président, a estimé peu réaliste d'espérer créer une entreprise avec une mise de départ symbolique, même pour une activité de services, dans la mesure où les charges fixes devaient être assumées dès les premiers mois alors que les paiements n'intervenaient souvent qu'avec retard, M. Renaud Dutreil, secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation, a rappelé que des pays comme les Etats-Unis ou la Grande-Bretagne ne connaissaient pas de seuil légal pour le capital social, ce qui n'empêchait pas un fort dynamisme de la création d'entreprise.

Observant que l'exigence d'un capital social minimal n'était pas imputable au travailleur indépendant s'installant à son compte sans choisir la forme sociétaire, il a estimé nécessaire de ne pas surestimer la garantie que représentait la somme de 7.500 euros, somme généralement dépensée dès les premiers jours de l'activité. Il a souligné qu'en tout état de cause, la création d'entreprise et surtout sa viabilité n'étaient pas envisageables en l'absence de fonds propres, ce que le projet de loi prenait en considération en proposant des mécanismes qui encourageaient leur abondement. Considérant que le bon niveau de capital social pouvait être très différent d'un type d'activité à l'autre, il a indiqué que sa fixation relevait de la liberté de l'entrepreneur en fonction de son plan d'exploitation économique prévisionnel. Il a souligné qu'au cours des concertations menées pour l'élaboration du projet de loi, les professionnels de l'expertise comptable, après avoir exprimé leur réticence, s'étaient ralliés à l'idée selon laquelle la détermination du capital social ne devait pas être fixée par la loi.

Après avoir rappelé que la protection de la résidence principale de l'entrepreneur individuel répondait à une demande ancienne, M. Renaud Dutreil a estimé envisageable d'en préciser le champ pour éviter des inégalités injustifiées, indiquant toutefois que le projet de loi s'était attaché à éviter toute disposition qui aurait conduit à des modifications dans le droit des régimes matrimoniaux.

Il a par ailleurs confirmé que le dispositif d'exonération fiscale en cas de donation à un salarié pouvait jouer au bénéfice des enfants de l'entrepreneur pour peu que ceux-ci aient été salariés de l'entreprise depuis au moins deux ans.

Il a enfin considéré que, sans constituer une mesure majeure, la création du RCE correspondait à une véritable simplification en permettant d'engager l'activité avant la délivrance du K bis. Il a approuvé sa délivrance par les CFE qui, prêtant assistance aux créateurs d'entreprise pour constituer leurs dossiers de demande d'immatriculation, lui paraissent constituer une « porte d'entrée » bien identifiée. Estimant que l'INSEE avait pu accorder davantage d'attention à sa mission statistique qu'à celle de la délivrance des numéros d'immatriculation, il a indiqué que des discussions étaient en cours pour mettre au point une procédure automatisée d'envoi de ceux-ci par internet.

Concernant les dispositifs relatifs au guichet social unique et au chèque emploi-entreprises introduits dans le projet de loi par l'Assemblée nationale, Mme Annick Bocandé, rapporteur, s'est interrogée sur le point de savoir s'ils ne faisaient pas double emploi avec les procédures simplifiées déjà développées par la branche recouvrement de la sécurité sociale, qu'il s'agisse du portail internet « net entreprises » ou du logiciel « impact emploi ». Exprimant sa crainte que la multiplication des procédures déclaratives propres à chaque catégorie d'employeur ou d'activité ne rende plus opaques les formalités sociales au lieu de les simplifier, elle s'est inquiétée de la possibilité d'assurer une coordination entre le « chèque emploi-entreprises » et le « titre de travail simplifié » en vigueur dans les départements d'outre-mer ou le « titre de travail simplifié agricole » d'une part, et le « chèque emploi associatif » dont l'institution est en cours de discussion au Sénat d'autre part.

Concernant la création du guichet unique pour le recouvrement des cotisations sociales des professions indépendantes, elle a souhaité connaître les raisons des réactions défavorables s'étant exprimées. Elle a également observé que cette création, tout comme celle du chèque emploi-entreprises et du guichet social unique pour les cotisations sociales salariales, étaient prévues par le projet de loi portant habilitation du Gouvernement à prendre par ordonnances des mesures de simplification et de codification du droit, ce qui nécessiterait d'assurer une coordination dans la procédure d'examen des deux textes.

Enfin, Mme Annick Bocandé, rapporteur, s'est interrogée sur le coût des mesures relatives aux exonérations et reports de paiement des cotisations sociales ainsi que sur celui des aides à l'emploi et des actions de formation à la création d'entreprise. Elle s'est inquiétée d'un éventuel effet d'aubaine susceptible d'en résulter et a demandé si ces mesures pourraient bien être mises en oeuvre dès 2003.

Après avoir souligné que les formalités administratives constituaient une contrainte pesante pour les très petites entreprises (TPE) qui n'avaient pas les moyens de recourir aux services d'un expert-comptable, et que leur allègement représenterait une véritable mesure de justice sociale à leur égard, M. Renaud Dutreil, secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation, a observé que, par le passé, les simplifications annoncées avaient bien souvent constitué un leurre, à commencer par le portail « net entreprises » en raison du faible taux d'équipement en matériel informatique des entrepreneurs individuels. Il a ainsi estimé que cette initiative avait constitué un habillage informatique de la complexité plutôt qu'une véritable simplification. Concernant « impact emploi », il a considéré que ce dispositif pouvait être perçu comme un instrument de concurrence déloyale au profit de l'URSSAF et au détriment de la profession d'expert-comptable.

M. Renaud Dutreil a par ailleurs souligné que le « chèque emploi-entreprises » avait pour cible les TPE, contrairement aux autres dispositifs évoqués par le rapporteur, et qu'aucun risque d'incompatibilité n'était dès lors à craindre. Il a cependant estimé que sa gestion devrait logiquement revenir à l'URSSAF, et non aux banques comme l'avait prévu l'Assemblée nationale. Il a relevé qu'un récent sondage indiquait que 88 % des travailleurs indépendants approuvaient l'institution d'un collecteur unique des charges sociales, les difficultés rencontrées actuellement tenant largement à la diversité des organismes interlocuteurs et à la disparité des assiettes, des taux et des échéances de paiement. Se référant au rapport Monier, il a rappelé que des études avaient déjà été menées sous le gouvernement précédent pour tenter de déterminer quel organisme pourrait faire office de collecteur unique.

Il a estimé que les craintes des URSSAF de voir disparaître 3.000 emplois sur 16.000 étaient probablement surestimées dès lors que n'est concernée que la collecte des cotisations des travailleurs indépendants, et non celle de leurs salariés, l'ORGANIC se disant en mesure de gérer le dispositif de collecte unique des travailleurs indépendants avec 650 emplois. A cet égard, il a rappelé que la collecte des cotisations des travailleurs indépendants représentait seulement 3 % du total des cotisations collectées. Il a indiqué que les inquiétudes manifestées par l'Union professionnelle artisanale (UPA) pouvaient relever aussi bien d'une analyse de principe que de celle conduite au titre de la présidence qu'elle exerce à l'Agence centrale des organismes de Sécurité sociale (ACOSS) si celle-ci n'était plus compétente pour gérer le recouvrement des cotisations des professions indépendantes. Soulignant enfin que le guichet social unique constituait un acte majeur de réforme de l'Etat, il a déclaré pouvoir comprendre qu'une telle réforme, que le Gouvernement envisageait toujours de mettre en oeuvre après concertation dans le cadre des ordonnances de simplification, méritait d'être décidée par le Parlement si celui-ci le souhaitait.

En ce qui concerne les coûts et le calendrier des différentes mesures proposées en matière sociale, M. Renaud Dutreil a expliqué que, par définition, le report du paiement des charges sociales la première année ne coûtait rien, et évalué les compensations que verserait l'Etat aux organismes sociaux à 6 millions d'euros s'agissant du maintien des minimas sociaux et à 12 millions pour ce qui concerne l'élargissement du dispositif EDEN. Jugeant qu'il n'y aurait pas d'effet d'aubaine car le paiement des charges sociales serait dû quoiqu'il en soit, il a estimé que le dispositif pourrait entrer en vigueur le 1er septembre 2003 à condition que les organismes fassent diligence.

M. René Trégouët, rapporteur, a souhaité savoir quelles étaient les entreprises visées par le nouveau type de financement que constituaient les fonds d'investissement de proximité (FIP) et demandé si les TPE seraient en pratique effectivement concernées. Il a exprimé son attachement à un financement par les FIP des entreprises nouvellement créées, rappelant que dans le « marathon » que représente la vie d'une entreprise, les « 250 premiers mètres » étaient les plus difficiles à parcourir. A l'appui de son raisonnement, il a souligné le nombre impressionnant d'entreprises cessant leur activité dans les trois premières années. Il a souhaité connaître par ailleurs les risques de chevauchement entre les FIP et les fonds communs de placement dans l'innovation (FCPI) et voulu s'assurer que les mécanismes prévus pour les FIP permettraient une utilisation rapide et efficace de l'important volume financier qui ne manquera pas d'être collecté, compte tenu de l'important avantage fiscal.

En ce qui concerne l'impôt sur la fortune (ISF), M. René Trégouët, rapporteur,a demandé des précisions sur les modalités pratiques de l'article 26 bis qui prévoit une exonération partielle des titres soumis à un engagement collectif de conservation d'au moins six ans, s'interrogeant sur les rigidités du dispositif proposé et les possibilités de respiration nécessitées par la vie économique de l'entreprise. Il a également souhaité que soient prévues des dispositions pour les investisseurs providentiels qui ne sont pas aujourd'hui récompensés des risques financiers qu'ils prennent pour investir dans la création d'entreprise.

Enfin, M. René Trégouët, rapporteur, a profondément regretté que les chefs d'entreprise ayant connu un échec dans la conduite de leur entreprise soient exclus pendant d'aussi longues années d'une nouvelle création d'entreprise, rappelant que si l'échec était sanctionné en France, il était reconnu aux Etats-Unis comme une expérience digne d'intérêt. Il s'est interrogé, pour les entrepreneurs n'ayant pas connu de cessation frauduleuse de leur activité, sur l'opportunité de leur inscription par la Banque de France à la « cotation 6 », ainsi que sur les pratiques de la Société française d'assurance crédit (SFAC) qui les empêche dans un grand nombre de cas de reprendre une activité. Il a souhaité qu'à l'occasion du projet de loi pour l'initiative économique, un signal soit envoyé pour sortir de leur ghetto les entrepreneurs ayant connu l'échec, se félicitant du dispositif prévoyant l'insaisissabilité de l'habitation principale.

En réponse, M. Renaud Dutreil, secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation, a observé au sujet des FIP qu'ils avaient une logique universelle et concernaient donc toutes les entreprises. Il a indiqué avoir veillé, grâce à l'introduction d'un quota de 10 % d'entreprises de moins de huit ans, que les entreprises nouvelles puissent être financées par des FIP, tout en rappelant que ceux-ci seraient abondés par appel à l'épargne publique et qu'il convenait donc d'assurer aux petits épargnants que les fonds confiés recevraient un minimum de garanties et auraient un minimum de rentabilité. Il a expliqué que les collectivités territoriales pourraient favoriser une gestion territoriale des FIP, pour notamment orienter les fonds vers du plus haut risque, comme par exemple l'investissement dans certains territoires ruraux, en apportant des fonds de garantie ou en versant des subventions pour les frais d'instruction des dossiers pour les plus petits projets.

Il a par ailleurs reconnu qu'il convenait de donner du temps pour l'investissement sans encourager l'immobilisation stérile des fonds, certains spécialistes relevant que les deux années prévues étaient insuffisantes. Il a rappelé que cette période était compatible avec le calendrier fiscal, l'administration disposant d'un délai pour contrôler la bonne conformité de l'usage des fonds avant expiration du délai de reprise. Il a enfin expliqué au sujet des FIP que ceux-ci visaient à créer un marché de l'investissement direct pour les PME et à contourner le problème du crédit bancaire.

En ce qui concerne ce crédit bancaire, M. Renaud Dutreil a souligné l'opportunité de l'assouplissement du taux de l'usure pour les entreprises prévu par l'article 17 du projet de loi, relevant que le dispositif actuel excluait certaines entreprises, surtout les plus petites, de l'accès au crédit. Il a expliqué que cet assouplissement n'aurait pas pour effet de renchérir le coût du crédit, les taux moyens étant aujourd'hui à deux points en dessous du taux d'usure.

M. Renaud Dutreil a reconnu que le dispositif prévu par l'article 26 bis du texte en matière d'ISF pourrait le cas échéant mieux prendre en compte les conséquences d'une sortie de l'engagement collectif de conservation. Il a en revanche souligné les risques d'inconstitutionnalité que présenterait une exonération complète des titres détenus au sein d'un engagement collectif de conservation, l'avantage fiscal devant, selon la jurisprudence du Conseil constitutionnel, être proportionné à l'intérêt général poursuivi, qui coïncide en l'occurrence ici également avec l'intérêt social des entreprises. Il a rappelé que l'exonération au titre de l'ISF des apports en capital aux PME, en raison du caractère risqué de ce placement, concernerait au premier chef les investisseurs providentiels.

Après avoir rappelé que les « business angels» ne relevaient pas de la tradition de notre pays, M. Francis Grignon, président, a demandé si la suspension temporaire des clauses d'exclusivité prévue par l'article 7 du projet de loi ne menaçait pas l'activité des entreprises existantes, en exposant les employeurs de salariés créateurs ou repreneurs d'entreprises à un risque de concurrence déloyale de ces derniers. M. Renaud Dutreil, secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation, a répondu que le dispositif se justifiait par la nécessité de donner aux salariés souhaitant créer ou reprendre une entreprise, mais hésitant à le faire, les moyens de tester pendant douze mois la viabilité de leur projet. Il a cependant souligné que cette mesure ne remettait en rien en cause l'obligation de non-concurrence imposée au salarié, que le juge est d'ores et déjà éventuellement appelé à apprécier.

Estimant indispensable de renforcer les liquidités sur le « Nouveau marché », M. Pierre Laffitte a préconisé une réforme du système des assurances-vie dites « DSK » et le développement d'avantages, telles des primes, incitant les investisseurs privés à se porter sur le « Nouveau marché ».

Afin de limiter le travail non déclaré dans la population étudiante, M. Henri de Raincourt a demandé si les étudiants occupant des emplois saisonniers étaient éligibles au dispositif du chèque-emploi-entreprises, et s'est inquiété des récents propos que lui a tenus M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité, relatifs à la nécessité de réviser l'ensemble des conventions collectives actuellement en vigueur pour mettre en oeuvre ce dispositif. Par ailleurs, estimant que les entreprises agricoles ne voyaient pas leur spécificité reconnue par le projet de loi, il a douté qu'un certain nombre de mesures du texte puissent leur être applicables. A cet égard, il a annoncé qu'il déposerait un amendement visant à adapter aux caractéristiques du monde agricole le régime d'exonération des plus-values prévu par l'article 22 du texte, les seuils retenus ne lui paraissant pas du tout prendre en compte la diversité des situations des exploitations agricoles.

Se félicitant de ce texte qu'il a qualifié de « rupture », M. Gérard Cornu a cependant regretté l'absence de mesures incitatives particulières en faveur de l'accompagnement de la transmission d'entreprise. S'agissant du financement, et parallèlement aux FIP dont il a approuvé la création, il a préconisé d'ouvrir le bénéfice du plan d'épargne logement (PEL) à la création d'entreprise afin de renforcer le soutien familial au créateur. Enfin, il a souhaité que les décrets d'application de la loi soient lisibles et simples afin d'en faciliter la lecture aux petites entreprises.

Indiquant que le club Sénat.fr, dont il est membre, s'est réjoui de voir certaines de ses propositions relayées dans ce projet de loi, M. Philippe Adnot a indiqué que deux autres dispositions lui semblaient mériter d'y figurer afin d'améliorer, d'une part, le dispositif actuel d'imposition des stock-options et, d'autre part, les dispositions de l'article 18 qui étalent sur cinq ans le paiement des cotisations sociales de la première année d'activité. Sur ce second point, il a en effet estimé qu'un tel mécanisme ne levait pas les dangers pesant sur les entreprises nouvelles, qui auraient à supporter une charge de plus en plus importante une fois le cap de la première année franchi, et qu'il convenait de lier l'étalement des charges à leur capacité financière, c'est-à-dire aux bénéfices qu'elles réalisent.

En réponse, M. Renaud Dutreil, secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation, a tout d'abord relevé que ce texte consentait déjà des efforts financiers considérables, estimés globalement à 500 millions d'euros, et qu'il lui serait difficile d'aller plus avant dans un contexte économique et budgétaire aujourd'hui très tendu.

Puis il a apporté les précisions suivantes :

- s'agissant de la proposition tendant à renforcer les liquidités sur le « Nouveau marché », il s'est dit ouvert à un examen des suggestions de réforme des assurances-vie dites DSK ;

- concernant le chèque emploi-entreprises, il a reconnu que sa mise en oeuvre serait complexe dans la mesure où il faudrait préalablement tenir compte des conventions collectives propres à chaque profession ;

- en matière de création d'entreprises agricoles, après avoir indiqué qu'il avait veillé à permettre aux agriculteurs de bénéficier des mêmes avantages que les commerçants, artisans et professions libérales, il a précisé qu'il porterait une attention particulière aux petites exploitations agricoles dont le chiffre d'affaires est inférieur à 300.000 euros ;

- s'agissant de la proposition d'étaler l'acquittement des charges sociales en fonction du bénéfice des nouvelles entreprises, il a estimé que les mesures d'aide à la trésorerie des douze premiers mois figurant dans le projet de loi constituaient déjà une première étape importante ;

- indiquant que le futur projet de loi de Mmes Nicole Fontaine, ministre déléguée à l'industrie, et Claudie Haigneré, ministre déléguée à la recherche et aux nouvelles technologies, contiendrait des mesures fiscales spécifiquement destinées à soutenir le secteur de la recherche et de l'innovation, il a considéré que ce texte et la loi de finances paraissaient plus appropriés pour examiner la question de la fiscalité des stock-options ;

- concernant la suggestion d'utiliser le PEL pour financer la création d'entreprises, il a indiqué qu'elle semblait se heurter au principe du cloisonnement des circuits de financement, que la réduction de l'IRPP à 25 % de la somme investie paraissait en tout état de cause plus avantageuse, et qu'enfin le plan d'épargne entreprise constituait un outil mieux adapté pour la création d'une entreprise ;

- reconnaissant que l'accompagnement à la transmission d'entreprise était en effet absent du texte, M. Renaud Dutreil, secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation, a cependant rappelé que les initiatives privées en la matière ne manquaient pas, notamment de la part des chambres de métiers, des chambres de commerce et d'industrie, ainsi que des experts-comptables, tous préoccupés par le prochain départ à la retraite de nombreux entrepreneurs. Observant que le nombre d'entreprises à racheter était mal connu, il a en outre précisé que le régime du mécénat institué dans le texte était autant applicable aux réseaux d'accompagnement à la création qu'aux réseaux d'accompagnement à la transmission.

Après avoir annoncé que son groupe participerait activement à la promotion de la création d'entreprises tout en exprimant ses divergences, notamment sur la réforme de l'impôt sur la fortune, Mme Odette Terrade a souligné qu'il était nécessaire d'offrir aux créateurs d'entreprises des nouveaux crédits à des taux plus faibles qu'actuellement. Elle a également estimé indispensable d'encourager spécifiquement la création d'entreprises dans les zones rurales et dans les quartiers difficiles pour favoriser leur revitalisation, indiquant que son groupe proposerait des amendements en ce sens.

Relevant que ce projet de loi ne s'inscrivait pas dans une logique de zonage, M. Renaud Dutreil, secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation, a cependant assuré qu'il visait aussi à favoriser la création d'entreprises dans les quartiers en difficulté. A cet égard, il a indiqué qu'il entendait créer un grand réseau national de soutien ciblé sur ces quartiers afin d'encourager les nombreux jeunes y habitant à créer leur entreprise et d'éviter que, face à la complexité des procédures administratives, ils ne se rabattent, par découragement, sur les revenus d'assistance. Concernant les zones rurales, il a enfin souligné que les FIP pouvaient être mis au service de la valorisation du monde rural et qu'au-delà, M. Hervé Gaymard, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales, préparait des mesures spécifiques à la ruralité dans le cadre du futur projet de loi sur les affaires rurales.

Jeudi 27 février 2003

- Présidence de M. Francis Grignon, président. -

Audition de M. François Hurel, délégué général de l'Agence pour la création d'entreprises (APCE)

Au cours d'une première séance tenue dans la matinée, la commission spéciale a procédé à l'audition de M. François Hurel, délégué général de l'Agence pour la création d'entreprises (APCE).

M. François Hurel, délégué général de l'Agence pour la création d'entreprises (APCE), a tout d'abord dressé un bilan de la création d'entreprises en France, en s'appuyant sur un double constat : notre pays enregistre moins de créations que ses voisins européens (deux fois moins que l'Espagne et l'Italie), et il est, d'après une récente étude de l'OCDE, un pays où le nombre global d'entreprises ne varie pas, les créations se trouvant compensées par les disparitions (2,4 millions d'entreprises, dont 2,2 très petites entreprises (TPE) et 1,2 n'ayant aucun salarié).

Il a ensuite mis en évidence les enjeux représentés par ces créations d'entreprises : 175.000 entreprises créées par an se traduisent, en effet, par la création de 300.000 emplois et par une augmentation du PIB de l'ordre de 20 milliards d'euros.

Il s'est félicité, en conséquence, du dépôt du projet de loi pour l'initiative économique, après avoir rappelé que le soutien à la création d'entreprises, longtemps négligé par le législateur, avait attendu 1994 pour faire l'objet d'une première loi spécifiquement consacrée à cet objectif.

S'interrogeant ensuite sur les causes de ce retard français, M. François Hurel a dénoncé une idée reçue et évoqué trois raisons techniques. Il a ainsi contesté le préjugé selon lequel nos concitoyens ne seraient pas entreprenants, s'appuyant, d'une part, sur un sondage réalisé par l'APCE, démontrant que l'envie d'entreprendre des Français avait été multipliée par dix en dix ans, et, d'autre part, sur le taux de fréquentation du site internet de l'APCE, qui atteint 400.000 visiteurs par mois.

Il a en revanche souligné que trois difficultés majeures semblaient expliquer la situation actuelle. La première concerne le financement et la « règle des 20/20/60 » (20 % du financement des nouveaux projets assurés par les banques, 20 % par des aides publiques, et 60 % par l'épargne du créateur de l'entreprise et de son entourage), alors même que 80 % des projets nécessitent un financement inférieur à 15.000 euros. Considérant que l'épargne de proximité pourrait constituer le principal support du financement des projets, il a insisté sur la nécessité d'une mutualisation des fonds communs de placement à risque, qui permettrait de drainer l'épargne vers la création d'entreprise. Rappelant en effet que l'épargne des Français atteignait environ 200 milliards d'euros en 2002, et que seulement 1 % de cette somme était consacré à la création d'entreprise, il a estimé que dégager 1 % supplémentaire permettrait arithmétiquement de multiplier par deux les créations d'entreprises.

Pour M. François Hurel la deuxième difficulté résulte de la complexité du statut social des entrepreneurs, qui décourage pour beaucoup les créateurs. Il a ainsi regretté le décalage de deux ans appliqué aux charges sociales des entreprises nouvellement créées, dont il a dénoncé « l'effet guillotine » induit par les arriérés de cotisations, et souligné que d'autres pays avaient pallié cet inconvénient par un dispositif assis sur le chiffre d'affaires (les taux de prélèvement s'étalant de 14 à 21 %). Il a également évoqué les effets pervers du dispositif social français, dont le cloisonnement, excessif, rend difficile le passage d'un statut à l'autre au cours d'une vie professionnelle, ainsi que la confusion systématique entre le patrimoine de l'entreprise et celui de son dirigeant.

Abordant enfin la troisième difficulté, relative à la complexité administrative, M. François Hurel a tout d'abord estimé que, s'agissant de la création d'entreprise même, cette supposée complexité administrative n'était qu'une idée reçue puisque la France était le pays au monde où il était, sans doute, le plus facile de créer une entreprise. Il a, en effet, rappelé que depuis 1981, il était possible de créer son entreprise en moins de 24 heures, en un lieu unique et sur un seul formulaire, les formalités obligatoires étant comparables à celles nécessaires à l'obtention d'une carte grise de véhicule. Il a en revanche regretté qu'aucun effort de simplification n'ait été prévu pour les démarches administratives ultérieures : c'est ainsi qu'en France, la complexité administrative est la même quels que soient la taille de l'entreprise, son secteur, son activité, etc.

M. François Hurel a ensuite salué les trois pistes ouvertes par le projet de loi, lui paraissant les plus novatrices :

- tout d'abord, la fluidité introduite entre les statuts de salarié et d'entrepreneur, permettant une meilleure sécurisation des « premiers pas » des créateurs, dont il a rappelé que 60 % étaient d'anciens salariés ;

- ensuite, la création des fonds d'investissement de proximité (FIP), enrichie, par l'Assemblée nationale, par la possibilité d'une garantie de prêt ;

- enfin, la forfaitisation des charges sociales.

Répondant à M. René Trégouët, rapporteur, M. François Hurel a jugé que la possibilité pour le FIP de devenir un outil de garantie d'emprunt serait précieuse pour les TPE et les entreprises nouvellement créées. Il a souscrit, en outre, à la proposition de réserver une part de ces fonds aux nouvelles sociétés.

En réponse à une appréciation critique de M. Jean Chérioux sur le rôle des banques, M. François Hurel a considéré que celles-ci ne constituaient pas un outil adapté à la création d'entreprise car elles étaient soumises à une double contrainte : l'obligation de rentabilité et la volonté des épargnants de limiter leur prise de risque. S'interrogeant sur les effets bénéfiques que pourrait présenter un relèvement du taux de l'usure (actuellement plafonné à 8,7 %), alors que la moyenne des prêts aux créations d'entreprises avoisine actuellement le taux de 6,25 %, il a préconisé un dispositif d'évaluation à deux ans. Il a par ailleurs suggéré d'étendre aux cautions la protection du domicile personnel et la déductibilité des pertes.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur, s'est ensuite interrogé sur la possibilité de créer une entreprise sans moyens financiers, alors même que la jurisprudence qualifiait de faute de gestion l'insuffisance du capital social.

Après avoir demandé si le double statut de salarié-entrepreneur autorisé par le projet de loi ne faisait pas courir un risque de concurrence déloyale à « l'entreprise-mère », Mme Annick Bocandé, rapporteur, a souhaité connaître l'opinion de M. François Hurel sur le guichet unique, le chèque emploi-entreprise et le groupement d'intérêt public « Modernisation des déclarations sociales » (GIP-MDS).

M. Paul Dubrule a considéré que le financement constituait l'élément le plus important de la création d'entreprise, et qu'à cet égard, la mesure la plus incitative restait la défiscalisation. Il a jugé que le FIP était un dispositif utile, mais trop complexe, qui ne permettait pas de mettre directement en relation les investisseurs et les créateurs.

Saluant l'idée d'étendre aux cautions la déductibilité des pertes, M. Philippe Adnot a, en revanche, désapprouvé la proposition de protéger également leur domicile, estimant qu'elle pouvait rendre plus difficile l'accès au crédit. Il s'est par ailleurs félicité de l'extension des FIP à la garantie des prêts, considérant qu'elle pouvait avoir un important effet de levier, mais s'est interrogé sur la rentabilité des fonds en cas d'utilisation trop importante de cet outil.

Se plaçant ensuite dans une perspective historique, M. Jacques Oudin a rappelé l'expérience des sociétés de développement régional (SDR), créées il y a presque cinquante ans avec un objectif équivalent à celui du FIP : ces sociétés ont, en effet, rapidement perdu leur vocation à réaliser du capital-investissement pour se cantonner aux prêts, puis ne se sont plus adressées qu'aux grandes entreprises, et ont enfin cessé totalement de jouer leur rôle initial. Il a ensuite considéré que seules la défiscalisation et la déductibilité des pertes pouvaient s'avérer incitatives pour l'investissement.

En réponse, M. François Hurel a dit partager les analyses relatives à l'intérêt de la défiscalisation, mais a toutefois souligné la double contrainte pesant sur ce mécanisme : la nécessité de la titrisation de l'entreprise, impossible pour les plus petites d'entre elles, et l'existence d'un lien direct entre l'épargnant et l'entrepreneur, qui est relativement rare. C'est pourquoi il a jugé que le dispositif de mutualisation que constitueront les FIP devrait être très utile.

Rappelant par ailleurs que 17 % des échecs des projets étaient économiques, il a regretté que la caution soit aujourd'hui un outil plus administratif que juridique. S'agissant de l'impôt sur la fortune (ISF), il a évoqué la législation britannique qui ouvre au contribuable la liberté du choix de la déductibilité fiscale dont il souhaite bénéficier entre l'ISF, l'impôt sur le revenu, les droits de succession ou l'imposition sur les plus-values.

Il a par ailleurs jugé que le guichet unique devait concerner en premier lieu les cotisations sociales des entrepreneurs eux-mêmes, et salué le bon fonctionnement et l'utilité du GIP-MDS. Il a par ailleurs insisté sur la nécessité, concernant les salariés-entrepreneurs, d'éviter toute confusion pour le client, ainsi que toute pratique de concurrence déloyale. Enfin, il a suggéré de donner au FIP une dimension non seulement territoriale, mais aussi sectorielle, et s'est interrogé sur l'utilité pratique du récépissé de création d'entreprise (RCE), souhaitant que celui-ci concerne plus encore les transports électroniques de formalités.

Audition de M. Claude Caze, président du Conseil supérieur de l'ordre des experts comptables (CSOEC), Didier Kling, président d'honneur du Bureau de la Compagnie nationale des commissaires aux comptes, et Joseph Zorgniotti, vice-président du CSOEC chargé des entreprises

Puis la commission spéciale a procédé à l'audition de MM. Claude Caze, président du Conseil supérieur de l'ordre des experts comptables (CSOEC), Didier Kling, président d'honneur du Bureau de la Compagnie nationale des commissaires aux comptes, et Joseph Zorgniotti, vice-président du CSOEC chargé des entreprises.

Après avoir rappelé que le Conseil supérieur de l'ordre des experts comptables (CSOEC) avait contribué, par ses études préparatoires, à l'élaboration du projet de loi pour l'initiative économique, et participait à la préparation des ordonnances relatives à la simplification administrative, M. Claude Caze, président du CSOEC, s'est réjoui des orientations du texte tout en exprimant un regret et une observation :

- il a souligné la timidité des dispositions relatives à la transmission d'entreprise, estimant que la reprise d'une entreprise était aussi un acte de création qui, au surplus, était beaucoup moins risqué que la création d'entreprise ex nihilo. Dès lors, les reprises lui paraissaient mériter d'être autant valorisées que les créations pures ;

- il a souhaité insister sur la nécessité d'encourager l'esprit d'entreprise au sein du système éducatif, dès l'école et à l'université, observant que l'esprit d'entreprise était à la base de la dynamique entrepreneuriale d'un pays.

Indiquant que les modifications apportées par l'Assemblée nationale ne lui inspiraient pas de remarques particulières, M. Claude Caze a toutefois précisé que la création du chèque emploi-entreprises lui semblait une mesure de simplification pertinente, dès lors que le dispositif s'apparentait à celui du chèque emploi-services, lequel avait démontré son intérêt en permettant de sortir de la clandestinité certaines activités souterraines et d'élargir l'assiette fiscale. Il a cependant ajouté que ce système devait être cantonné aux activités saisonnières, dans la mesure où les conditions de son succès étaient difficiles à réunir (unicité des conventions collectives, participation active des banques, désignation et mise en place d'un organisme collecteur unique).

S'agissant des aspects liés au financement de la création d'entreprises en France, M. Didier Kling, président d'honneur du Bureau de la Compagnie nationale des commissaires aux comptes, après avoir précisé qu'il allait s'exprimer aussi en tant que membre du directoire et président de la commission « Financement » de l'Agence pour la création d'entreprises (APCE), a mis en doute l'idée répandue selon laquelle la France manquerait de moyens de financement pour la création d'entreprises. En effet, selon un sondage réalisé par le CSOEC, seuls, 38 % des créateurs d'entreprises se heurteraient à des problèmes de financement, les investisseurs estimant, quant à eux, que les bons projets ne rencontraient aucune difficulté de financement. Il a en revanche souligné qu'un véritable problème d'accès au financement existait bien pour les très petites entreprises (TPE), leur dossier étant aussi coûteux à monter que pour les autres initiatives alors que les espoirs de rentabilité des investisseurs étaient évidemment très différents.

S'agissant du texte du projet de loi pour l'initiative économique après son examen par l'Assemblée nationale, M. Didier Kling a indiqué qu'il n'était pas défavorable à la suppression de l'exigence d'un montant minimum de capital social pour la création d'une SARL dès lors qu'il n'appartenait pas aux pouvoirs publics de décider d'une telle mesure. Puis il a proposé quatre pistes d'amélioration au projet :

- après avoir estimé que le fonds d'investissement de proximité (FIP) créé par les articles 13 et 14 du texte était un mécanisme complexe qui mettrait du temps à se mettre en place, et que le seuil minimal de 10 % fixé par la loi pour financer spécifiquement la création d'entreprises était relativement bas, il a considéré qu'il serait plus efficace, pour répondre aux besoins de financement des TPE, de porter de 25 à 50 % le seuil de réduction fiscale accordée aux personnes physiques souscrivant en numéraire au capital des sociétés non cotées plutôt que d'augmenter le plafond de 6.000 à 20.000 euros, comme le propose l'article 15 du projet de loi ;

- s'agissant du cautionnement, il a souhaité que la déduction des pertes en capital soit étendue à l'appel en garantie, ce qui permettrait au passage d'apporter une aide aux entrepreneurs quelle que soit la forme juridique de leur entreprise, alors même qu'actuellement, il existe une différence entre les entrepreneurs individuels et ceux exerçant en société ;

- en matière de transmission d'entreprise, M. Didier Kling a relevé que le véritable frein n'était pas tant l'imposition des plus-values en elle-même que le moment de l'imposition, qui est immédiat même si l'encaissement est fractionné : aussi a-t-il jugé nécessaire d'instituer un sursis d'imposition adapté au rythme de l'encaissement ;

- enfin, observant que le système des bons de souscription d'actions présentait une faille dans la mesure où le bénéfice de l'exonération de la plus-value n'était ouvert qu'à la condition que le réinvestissement concerne une entreprise différente de celle pour laquelle l'investisseur avait jusqu'à lors manifesté son intérêt, il a souhaité que le législateur revienne sur cette exclusion lui paraissant surprenante et dont il s'est demandé si elle était fondée.

Il a conclu en estimant que l'effort devait être plus porté sur l'amélioration de la lisibilité des circuits financiers que sur l'accroissement des moyens de financement.

Concernant l'obligation de loyauté, M. Joseph Zorgniotti, vice-président du CSOEC chargé des entreprises, s'est félicité de l'obligation faite aux salariés créateurs ou repreneurs d'entreprises de ne pas concurrencer de manière déloyale leurs employeurs. Il s'est également réjoui du succès de l'essaimage. Cependant, il a suggéré d'amender l'article 7 du projet de loi afin d'imposer aux salariés souhaitant créer ou reprendre une entreprise de solliciter l'approbation de leur employeur. Par ailleurs, il a proposé aux parlementaires d'instituer un « service après loi » pour, un an après sa promulgation, mesurer l'efficacité de la loi au regard des réalités de la vie de l'entreprise.

Après avoir noté une évolution du discours du CSOEC sur la question du capital social minimum pour la création d'une SARL, M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur, s'est demandé comment une entreprise pourrait assurer sa capacité financière sans fonds propres, affirmant qu'il avait au contraire, dans le passé, préconisé un relèvement de ce capital de 50.000 à 100.000 francs.

Mettant en doute l'utilité d'un capital social uniforme, M. Didier Kling a proposé de l'adapter à la taille de l'entreprise, observant qu'il n'était pas nécessaire d'exiger des TPE un capital social de départ élevé. Evoquant la protection du domicile de l'entrepreneur, il a relevé qu'il était de la tradition de notre pays d'exiger des entreprises de fortes garanties bancaires, à l'inverse de pays comme l'Allemagne où la confiance en un projet l'emportait sur les exigences financières. A cet égard, M. Francis Grignon, président, a rappelé le grand intérêt que présentait la « Small business administration » (SBA) qui, aux Etats-Unis, permettait la mutualisation publique du risque.

Mme Annick Bocandé, rapporteur, a souhaité connaître la position du CSOEC sur, d'une part, le guichet unique et le groupement d'intérêt public « Modernisation des déclarations sociales » (GIP-MDS) et, d'autre part, l'obligation de loyauté du salarié créateur d'entreprise envers son employeur.

Estimant intéressant le principe du guichet unique pour la collecte des cotisations des professions indépendantes, M. Claude Caze a en revanche exprimé de vives réserves à l'égard tant du dispositif « impact emploi », mis en place par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2002, qui ne lui semblait être ni une mesure de simplification, ni une réponse au retard de la France en matière de création d'entreprises, que du GIP-MDS, considérant que les pouvoirs publics n'avaient pas assumer le rôle de conseiller fiscal et social des entreprises et qu'il ne fallait pas confondre les fonctions de collecteur et de contrôleur. Quant au chèque emploi-entreprises, il en a approuvé le principe, pour peu que le dispositif élargisse l'assiette des cotisations sociales, ce qui ne lui a paru possible, d'autant que la faisabilité semble très complexe, qu'en le cantonnant aux activités saisonnières ainsi qu'à deux ou trois secteurs professionnels.

S'agissant de l'obligation de loyauté, M. Joseph Zorgniotti a rappelé l'importance du phénomène des pépinières et des couveuses d'entreprises pour le développement des entreprises nouvelles, et souhaité que le texte de l'article 7 comporte, sinon l'accord du chef d'entreprise, au moins l'assurance que celui-ci aura été informé par son salarié.

Après avoir estimé que les mesures du projet de loi en faveur de la transmission étaient trop timides, M. René Trégouët, rapporteur, s'est interrogé sur les conditions de « respiration » du pacte d'actionnaires de six ans prévu par l'article 24 du texte. Rappelant avoir favorisé l'essaimage au cours de sa vie professionnelle, M. Paul Dubrule a souligné que son groupe avait perdu les quelques procès qu'il avait intentés à l'encontre de salariés qu'il estimait coupable de concurrence déloyale, pour juger indispensable de prévoir l'accord de l'employeur à l'article 7.

Enfin, M. Jean Chérioux, considérant que les banques ne faisaient plus aujourd'hui leur métier de prêteur, notamment aux TPE, a suggéré de prévoir la défiscalisation des prêts et des investissements réalisés directement dans les opérations de création ou de reprise d'entreprise. En réponse, M. Didier Kling a expliqué que les coûts du risque et les frais de dossier pour le financement des TPE étaient beaucoup trop élevés pour les banques au regard des sommes en cause et des résultats à attendre, et estimé que la difficulté de mettre en présence directe des investisseurs et des emprunteurs rendait nécessaire la création d'intermédiaires comme les FIP.

Audition de MM. Pierre Fonlupt, membre du Conseil exécutif du MEDEF, et Jean-Pierre Bournac, directeur du groupe propositions-actions « Entrepreneurs » du MEDEF

La commission spéciale a ensuite procédé à l'audition de MM. Pierre Fonlupt, membre du Conseil exécutif du MEDEF, et Jean-Pierre Bournac, directeur du groupe propositions-actions « Entrepreneurs » du MEDEF.

M. Pierre Fonlupt, membre du Conseil exécutif du MEDEF, président du GPA « Entrepreneurs », a tout d'abord indiqué que sur ses 700.000 adhérents, le MEDEF comptait 95 % d'entreprises de moins de 50 salariés et 200.000 de moins de 20 salariés. Il s'est félicité de la présentation d'un projet de loi pour l'initiative économique, relevant un certain nombre de mesures positives qui, telles celles visant à la simplification de la création d'entreprises ou permettant de protéger le patrimoine de l'entrepreneur individuel ainsi que les cautions, répondaient aux attentes du MEDEF. Exprimant également sa satisfaction sur les dispositions relatives au report de paiement des charges sociales la première année, il a souligné que les éléments adoptés par les députés pour introduire plus de sécurité juridique dans le dispositif concernant le temps partiel du salarié pour créer son entreprise allaient dans le bon sens.

En ce qui concerne le financement de l'entreprise, M. Pierre Fonlupt a observé que l'alignement de la fiscalité des fonds d'investissement de proximité (FIP), dont la vocation consiste à orienter l'épargne locale sur les fonds propres des petites sociétés, sur celle des fonds communs de placement dans l'innovation (FCPI), rendrait les FIP plus attractifs. Il a par ailleurs exprimé son accord sur la disposition permettant une libération anticipée des sommes investies dans un PEA et sur celle supprimant le taux d'usure applicable aux entreprises. Il a enfin marqué sa satisfaction de voir dans le projet de loi pour l'initiative économique des mesures en faveur de la transmission et la reprise de l'entreprise, attendues depuis très longtemps, et des dispositions relatives à l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF).

Puis M. Pierre Fonlupt a jugé que certaines propositions du texte, certes positives, pouvaient être améliorées. Il s'est ainsi déclaré favorable à la libre fixation du capital d'une SARL, pourvu que celle-ci s'accompagne d'une exonération des droits fixes en cas d'augmentation de capital, ainsi que d'un encouragement fiscal des chefs d'entreprise à renforcer leurs fonds propres par une exonération d'impôt sur les sociétés pendant cinq ans de la part des bénéfices réincorporés dans les capitaux propres des entreprises nouvellement créées. Il a déclaré que le chèque emploi-entreprises, souhaitable dans son principe, risquait de se heurter aux conventions collectives, et proposé, pour tenir compte de la réalité du travail à temps partiel, que le seuil en deçà duquel il était possible d'utiliser un tel dispositif soit fixé en heures de travail par an, et non en jours de travail par an. Il a également suggéré la déduction intégrale des pertes subies à la suite d'une souscription au capital d'une société nouvelle. Il a indiqué que si le MEDEF était conscient de l'effort consenti dans le projet de loi en faveur de la transmission d'entreprise, il voulait néanmoins attirer l'attention sur l'intérêt de rétablir le dispositif de reprise d'une entreprise par ses salariés (RES), abandonné en 2000 alors qu'il avait connu un indéniable succès. Il a souligné également la nécessité d'étendre l'allègement des droits de mutation à titre gratuit en cas de transmission d'entreprise entre vifs aux donations en nue-propriété, qui constituent une modalité intéressante pour inciter le dirigeant à préparer suffisamment tôt sa succession.

M. Pierre Fonlupt a ensuite fait part de ses réserves sur certaines mesures proposées. Rappelant qu'en ce qui concernait la disposition rendant désormais les clauses d'exclusivité inopposables aux salariés créateurs, le MEDEF privilégiait la contractualisation pour les rapports entre salariés et créateurs, il a regretté que le projet de loi n'aborde pas le problème des clauses de non-concurrence, dont certaines, en raison d'une récente décision de la Cour de Cassation, ne sont plus valables si elles ne sont pas assorties d'une contrepartie financière pour le salarié. Aussi a-t-il appelé de ses voeux une intervention du législateur pour préserver la sécurité juridique des clauses conclues antérieurement à la décision de la Cour de Cassation, ajoutant qu'en cette matière comme en d'autres, la rétroactivité était très pénalisante pour les entreprises.

Enfin, M. Pierre Fonlupt a conclu en évoquant le rôle que pourrait jouer, sur la pérennité des entreprises, le dispositif de l'article 26 bis prévoyant une exonération partielle au titre de l'ISF en cas de signature d'un engagement collectif de conservation. Il a indiqué qu'une exonération totale lui paraissait, au regard des intérêts économiques en jeu, plus justifiée que celle de 50 % prévue actuellement. Il a souligné l'intérêt qu'il y aurait à ce que deux niveaux d'interposition soient autorisés entre l'actionnaire et l'entreprise, observant que cela correspondrait davantage à la réalité des entreprises familiales. Il s'est interrogé sur l'opportunité d'inclure obligatoirement un dirigeant dans l'engagement en raison des risques de contentieux que cette présence pourrait engendrer en cas de conflit entre les actionnaires réunis dans l'engagement collectif et le dirigeant. Il a enfin souhaité que l'engagement collectif de conservation puisse survivre au départ d'un des associés et se prolonger au-delà de la durée pour laquelle il avait été initialement conclu, par reconduction tacite annuelle.

En réponse à Mme Annick Bocandé, rapporteur, M. Pierre Fonlupt a précisé les problèmes de rétroactivité soulevés par la décision de la Cour de Cassation relative aux clauses de non-concurrence et appelé à une intervention du législateur. S'il a par ailleurs affirmé son intérêt pour les dispositifs visant à soutenir l'accompagnement du créateur et l'essaimage, il a en revanche considéré, tout comme M. Jean-Pierre Bournac, directeur du GPA « Entrepreneurs » du MEDEF, que l'accompagnateur du projet ne pouvait être responsable des conseils prodigués et estimé que les dispositions actuelles du projet de loi prévoyant une coresponsabilité entre accompagnateur et créateur de l'entreprise jusqu'à l'immatriculation faisaient peser une véritable épée de Damoclès sur le processus d'accompagnement.

Après que M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur, se fut déclaré favorable aux mesures permettant le renforcement en fonds propres des entreprises, un capital social suffisant étant essentiel à leur pérennité, M. René Trégouët, rapporteur, a indiqué qu'il s'attacherait à faire en sorte que le dispositif d'engagement collectif de conservation, prévu à l'article 26 bis, « vive » sur le plan économique. A cet égard, M. Paul Dubrule a estimé que l'exonération partielle d'ISF prévue à cet article était trop limitée et introduisait des différences entre les actionnaires à la fois inéquitables et non pertinentes en termes économiques.

Audition de M. François Bernardin, président de l'Assemblée des chambres françaises de commerce et d'industrie (ACFCI)

La commission spéciale a enfin procédé à l'audition de M. François Bernardin, président de l'Assemblée des chambres françaises de commerce et d'industrie (ACFCI).

M. François Bernardin, président de l'Assemblée des chambres françaises de commerce et d'industrie (ACFCI), a déclaré que le projet de loi, qui considérait les entreprises dans leur ensemble sans distinguer de catégories, adoptait une bonne approche de la création d'entreprise, la consacrant comme vecteur de production d'emplois et de richesses. Il a expliqué que si la création d'emploi était tributaire d'un environnement général, lequel n'était pas très favorable en France du fait du poids des prélèvements sociaux et du formalisme administratif, elle se heurtait également dans notre pays à des réticences culturelles. Evoquant les exemples de la législation sur le harcèlement et sur la sécurité dans l'entreprise, il a souligné que la complexité croissante du droit social et l'élargissement du champ des responsabilités du chef d'entreprise, y compris en matière pénale, constituaient des freins de plus en plus puissants à la création d'entreprise.

Tout en approuvant l'économie générale du projet de loi, M. François Bernardin a estimé que la portée de certaines mesures devait être accentuée. Observant que bien souvent le candidat à la création d'entreprise ne connaissait pas les démarches à engager, il a indiqué que les chambres de commerce et d'industrie (CCI), conjointement avec les chambres de métiers, avaient proposé de créer un portail de la création d'entreprise faisant l'objet d'une charte remise au Gouvernement. Il a rappelé que les CCI recevaient chaque année 170.000 personnes souhaitant créer leur entreprise et 40.000 créateurs au titre de l'accompagnement.

Concernant le récépissé de création d'entreprise (RCE), il a considéré que si la simplification des formalités administratives était toujours la bienvenue, celles-ci ne constituaient pas un obstacle majeur à la création. Il s'est interrogé sur les différences de valeur juridique entre le RCE et le K bis. Considérant que les retards enregistrés dans la délivrance de ce dernier avaient des causes multiples qui n'étaient pas précisément identifiées, il a regretté la mise en place d'une nouvelle procédure sans qu'un état des lieux préalable ait été dressé. Faisant valoir que la mise en oeuvre d'un accompagnement du créateur d'entreprise nécessitait de pouvoir l'identifier dès l'origine, il a souligné la nécessité que le RCE puisse être, en tout état de cause, délivré par les centres de formalités des entreprises (CFE).

Après avoir fait état du projet, qui devrait être opérationnel avant la fin de l'année, permettant d'accomplir les formalités administratives via internet, M. François Bernardin a considéré que cet outil serait très utile pour déclarer commodément des modifications dans la situation de l'entreprise mais a soutenu que l'acte de création nécessitait un contact avec le futur chef d'entreprise afin de pouvoir lui dispenser les conseils nécessaires. Il a précisé qu'actuellement 70 % des travaux des CFE consistaient à effectuer des modifications et que le développement de l'outil informatique leur permettrait à l'avenir de consacrer davantage de temps à l'accompagnement.

Reconnaissant avoir tout d'abord eu une réaction de scepticisme à l'annonce de la suppression d'un seuil légal de capital social pour la création d'une SARL, il a estimé qu'il s'agissait en définitive d'une mesure justifiée, les 7.500 euros actuellement exigés ne pouvant aujourd'hui être considérés comme une véritable garantie pour les créanciers du fait de la faiblesse de ce montant, qui n'avait pas été actualisé. Il a enfin déploré la complexité des systèmes de prélèvements sociaux, leur multiplicité rendant difficile le passage d'un régime à l'autre, ce qui était dissuasif pour le salarié désireux de se lancer dans la création d'entreprise.

En réponse à Mme Annick Bocandé, rapporteur, qui l'interrogeait d'une part sur le guichet social unique, le GIP-MDS et le chèque emploi-entreprises, et d'autre part sur l'accompagnement des créateurs d'entreprise, M. François Bernardin a indiqué que les mentalités des chefs d'entreprises ayant évolué, ceux-ci pratiquaient aujourd'hui fréquemment le tutorat envers un salarié : il a estimé en conséquence qu'il fallait éviter de compromettre cette évolution en prenant le risque d'encourager la concurrence déloyale, et s'assurer du respect de la volonté de l'employeur.

Concernant le chèque emploi-entreprises, il a approuvé la philosophie du dispositif tout en estimant qu'il était trop timoré pour susciter un véritable élan en faveur de la création d'entreprise ; aussi a-t-il considéré qu'il devait être compris comme constituant un premier pas. Approuvant par ailleurs l'objectif d'unification des régimes sociaux dans la mesure où leur multiplicité constituait un obstacle majeur à la création d'entreprises, il a estimé qu'il s'agissait là d'un véritable défi du fait de l'ampleur des difficultés techniques qu'il y aurait à surmonter.

Après avoir rappelé que la chambre de commerce et d'industrie de Paris (CCIP) préconisait la suppression des dispositions créant le RCE, M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur, s'est interrogé sur les facteurs engendrant des retards dans la délivrance du K bis, et en particulier sur les responsabilités de l'INSEE en la matière. M. François Bernardin a estimé que la position de la CCIP s'expliquait par les spécificités de la situation parisienne, le greffe du tribunal de commerce accueillant 40 % des candidats à la création d'entreprise, et indiqué qu'en tout état de cause, l'objectif devait demeurer une accélération de la délivrance du K bis.

Rappelant les prises de position d'Etienne Dailly lors de l'examen par le Sénat de la loi Madelin, M. Philippe Marini a reconnu que les perspectives avaient évolué et que le montant initial du capital social n'était plus conçu comme un élément essentiel fondant la crédibilité d'un projet. Se référant par ailleurs aux nombreux courriers reçus des divers organismes sociaux s'inquiétant des conséquences de la création d'un guichet social unique, il a estimé que la simplification en ce domaine répondait à une préoccupation primordiale d'encouragement à la création d'entreprise.

Considérant qu'imposer un seuil légal pour le capital ne répondait à aucune logique économique, M. François Bernardin a cependant déclaré qu'il était illusoire de croire possible la création d'une entreprise sans mise de fonds initiale. Il a annoncé qu'une manifestation organisée par les CCI le 19 juin prochain aurait pour objet de démontrer que la création d'entreprise pouvait être à la portée de tous. Il a par ailleurs souligné l'importance de faire en sorte que la personne se portant caution soit avisée du montant maximal de la garantie apportée. Enfin, sans méconnaître les difficultés qu'il faudrait surmonter, il a réaffirmé l'impérieuse nécessité de créer un guichet social unique.

Audition de Mme Dominique Sénéquier, présidente de la commission « capital-investissement » de l'Association française de gestion (AFG)

Au cours d'une seconde séance tenue dans l'après-midi, la commission spéciale a procédé à l'audition de Mme Dominique Sénéquier, présidente de la commission « capital-investissement » de l'Association française de gestion (AFG).

Après avoir indiqué qu'elle centrerait son intervention sur les fonds d'investissement de proximité (FIP), Mme Dominique Sénéquier, présidente de la commission « capital-investissement » de l'Association française de gestion (AFG), a relevé que leur mécanisme s'apparentait à celui des fonds communs de placement et d'investissement (FCPI) qui, après des débuts difficiles, géraient aujourd'hui 2 milliards d'euros, répartis en 400 entreprises représentant quelque 10 000 emplois.

Elle a ensuite présenté et expliqué trois propositions d'amendement.

La première vise à remédier à une erreur de transcription, au moment de la codification, figurant dans l'actuel article L. 214-41-1 du code monétaire et financier. Ne reflétant pas l'intention initiale de la loi n° 99-587 du 12 juillet 1999 sur l'innovation et la recherche, cet article place actuellement 300.000 épargnants en situation d'incertitude fiscale, que Mme Dominique Sénéquier a jugé nécessaire de lever.

La deuxième tend à faire passer de deux à quatre exercices la durée au terme de laquelle la totalité des fonds levés par les FIP devrait être investie, et à étendre cette disposition aux autres types de fonds.Mme Dominique Sénéquier a estimé qu'une telle augmentation du délai, qui deviendrait au demeurant ainsi conforme aux normes internationales en matière de capital-risque, était indispensable pour utiliser de manière efficace les fonds considérés.

La troisième proposition d'amendement vise à améliorer la liquidité des fonds en autorisant les opérations de reprise directe entre organismes de placements collectifs en valeurs mobilières gérés par une même société de gestion. Mme Dominique Sénéquier a indiqué que cette disposition, qui figurait dans un article d'un projet de loi portant diverses dispositions d'ordre économique et financier déposé, mais non examiné, sous la précédente législature, permettrait de protéger les épargnants des décotes de sortie des FCPI, notamment de celles liées à la perte du label ANVAR après trois exercices.

S'agissant par ailleurs du zonage géographique des FIP, Mme Dominique Sénéquier s'est interrogée sur la portée de la référence à « la majeure partie de l'activité » en l'absence de précision supplémentaire.

A M. Jean Chérioux qui l'interrogeait sur les performances des fonds d'investissement et sur un éventuel allongement de leur durée, Mme Dominique Sénéquier a répondu que cette modification ne lui apparaissait pas indispensable et que les performances des fonds avaient globalement été meilleures que l'évolution du CAC 40.

M. Francis Grignon, président, l'ayant interrogée sur les limites imposées à la rentabilité potentielle des FIP par leur caractère régional, Mme Dominique Sénéquier a estimé qu'il convenait en tout état de cause d'agir avec prudence dans les premiers temps, et que la possibilité d'investir dans des zones transfrontalières lui paraissait intéressante.

Mme Dominique Sénéquier ayant évalué à 40 % la proportion des entreprises nouvellement créées qui disparaissent après deux ans d'activité, M. Jean-Paul Emin a rappelé qu'un pourcentage de 17 % avait été évoqué lors d'une audition précédente.

M. René Trégouet, rapporteur, a indiqué que le secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation, avait justifié la période limitée à deux ans par le délai de rappel dont dispose l'administration fiscale pour contrôler l'utilisation des fonds. Il a par ailleurs évoqué l'éventualité de déplacements d'investissements des FCPI vers les FIP, et s'est demandé si la réussite des premiers ne résultait pas de l'intervention d'autres acteurs, tels que l'ANVAR. En réponse, Mme Dominique Sénéquier a contesté l'argument du contrôle et jugé que le délai de deux ans témoignait de la frilosité de l'administration fiscale à l'égard d'un éventuel succès trop important des FIP, estimé que le risque de glissement des FCPI vers les FIP était faible, considéré que l'absence de label ANVAR ne constituait pas un inconvénient majeur, et ajouté qu'elle était plus préoccupée par le fait que les régions risquaient de vouloir interférer dans la distribution des investissements.

Enfin, après avoir estimé qu'il revenait à l'Etat d'aider à la diffusion de fonds d'amorçage destinés aux tout premiers temps d'activité des entreprises, qui ne pouvaient, en raison des risques encourus, être abondés par l'épargne publique, Mme Dominique Sénéquier a évoqué le « Nouveau marché ». Observant que, n'étant plus alimenté par les courants acheteurs, il avait perdu une grande partie de ses capacités de financement, elle a souhaité que, pour le relancer, les investissements directs, accompagnés par une défiscalisation, soient désormais autorisés.

Audition de M. Gilles Guitton, directeur général de la Fédération bancaire française (FBF)

Puis la commission spéciale a procédé à l'audition de M. Gilles Guitton, directeur général de la Fédération bancaire française (FBF).

Présentant les différents points du projet de loi intéressant plus particulièrement sa fédération,M. Gilles Guitton, directeur général de la Fédération bancaire française (FBF), a tout d'abord évoqué l'article 6, qui prévoit une insaisissabilité de la résidence principale, en indiquant qu'il lui paraissait indispensable que l'acte déclarant insaisissable la résidence principale de l'entrepreneur soit publié. Il a déclaré ne pas comprendre le sens de l'article 6 ter sur la prise en compte des cautions dans le traitement des cas de surendettement, indiquant que soit la caution était appelée, et elle figurait déjà dans la dette de la personne surendettée, soit elle n'était pas appelée, et ne pouvait donc être prise en compte dans le cadre du traitement du surendettement. En ce qui concerne les fonds d'investissement de proximité (FIP), il a relevé les problèmes de liquidité que pourraient connaître ces fonds et souhaité la création de FIP pilotes avant de lancer l'opération plus largement. Il s'est par ailleurs demandé si le traitement fiscal de sortie serait identique à celui des autres fonds communs de placement à risque (FCPR). Soulignant que l'article 13 A, qui prévoit la fixation par décret d'un délai minimal pour la suppression de crédits aux entreprises par leurs établissements de crédit, venait se substituer à une règle établie aujourd'hui de manière contractuelle, il a estimé cette mesure inutile et caractéristique d'une économie administrée.

M. Gilles Guitton a ensuite présenté la position de sa fédération sur l'article 17 du projet de loi, relatif au taux d'usure. Sur le plan sémantique, il a regretté la persistance de l'emploi d'un terme aux connotations balzaciennes donnant un caractère passionnel à tout débat sur le sujet. Sur le plan philosophique, il a précisé que la France était un des rares pays européens à contrôler a priori les taux, et que seuls quatre pays dans l'Union européenne pratiquaient un plafonnement des taux. Sur le plan économique, il a souligné le caractère contestable de la méthodologie suivie par la Banque de France pour fixer le taux d'usure, celle-ci incluant tous les éléments à la charge du prêteur, qu'il s'agisse des frais de dossiers et des jours de valeur. Il a observé que le taux d'usure, égal à la moyenne des taux pratiqués multipliée par 1,33, constituait un problème pour les prêts de faible montant et de court terme. Relevant que le taux d'usure publié au mois de décembre 2002 était inférieur à 10 % pour les entreprises, il a estimé que ce faible niveau conduisait mécaniquement à baisser la quantité de crédits et à exclure délibérément de l'accès au crédit toute une partie des entreprises, à savoir les TPE, les entreprises à risque important et celles subissant des difficultés conjoncturelles. Il a insisté sur le caractère pervers de cette législation, les entreprises concernées devant dès lors soit se financer à l'étranger, soit utiliser les dispositifs de crédit-bail ou recourir au crédit à la consommation, ce qui n'est pas satisfaisant et coûte très cher. S'il a considéré que le dispositif proposé par l'article 17 du projet de loi allait dans le bon sens, il a regretté le maintien du plafonnement du taux d'usure pour les entrepreneurs individuels et pour les découverts.

Enfin, M. Gilles Guitton, tout en exprimant son accord avec le principe d'une sortie anticipée du plan d'épargne en actions (PEA) en cas de création d'entreprise, s'est interrogé sur les modalités pratiques de fonctionnement de cette disposition et sur le rôle que devraient jouer les banques pour apprécier la réalité de la création d'entreprise et l'opportunité d'autoriser l'épargnant à remettre ses fonds dans son PEA en cas d'échec de son projet de création.

En réponse aux questions de M. Francis Grignon, président, M. Gilles Guitton a indiqué que la gestion du chèque emploi-service ne constituait pas un problème pour les banques. Il s'est montré réticent face à des propositions de financement de la création d'entreprise par le biais du plan d'épargne logement (PEL), expliquant que les mécanismes liés au PEL étaient fragiles et qu'un financement de la création d'entreprise par le PEL risquait de remettre en cause l'objet de ce dernier.

A M. René Trégouët, rapporteur, qui lui demandait quels seraient les clients des FIP et si un risque de glissement des FCPI vers les FIP était possible, M. Gilles Guitton a répondu qu'il y avait incontestablement une clientèle de proximité pour de tels instruments de financement, mais qu'il convenait d'abord de lancer quelques expérimentations avant de généraliser ces outils.

M. Jean Chérioux ayant estimé que les banques ne faisaient plus leur métier et préféraient faire du crédit à la consommation à partir des ressources des dépôts gratuits au lieu de financer les entreprises, M. Gilles Guitton a relevé les progrès réalisés par les banques depuis plusieurs années dans l'écoute de leurs clients. Il a néanmoins expliqué que l'on devait considérer les banques comme les autres fournisseurs de l'entreprise, ceux-ci refusant bien plus souvent que les banques leurs services aux entreprises en difficulté. Il a insisté sur l'absence de concordance entre les risques que l'on demandait de prendre aux banques s'agissant des très petites entreprises ou des créations et la rémunération accordée par les taux.

Répondant à M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur, M. Gilles Guitton a déclaré que les banques ne pourraient débloquer les fonds à partir du récépissé de création d'entreprise (RCE) et qu'elles auraient nécessairement besoin du K bis pour éviter toute fraude. Il a indiqué qu'en ce qui concernait l'insaisissabilité de la résidence principale, le dispositif paraissait au point s'agissant de la publicité de l'acte en question mais qu'il posait question au regard du régime matrimonial de l'entrepreneur ; il a ajouté qu'en tout état de cause, ce nouveau dispositif aurait des répercussions sur la surface financière prise en compte par la banque pour effectuer des prêts.

Enfin, M. René Trégouët, rapporteur, ayant cité le cas de chefs d'entreprise ayant connu des cessations d'activité, et dont l'inscription à la cotation 6 de la Banque de France empêchait toute reprise d'activité, M. Gilles Guitton s'est voulu rassurant en soulignant que les véritables chefs d'entreprise trouvaient toujours la ressource pour repartir dans l'aventure de la création d'entreprise.

Audition de Mme Danielle Rouganne, présidente de la Fédération des organismes contribuant à la création des entreprises et à leur reprise (FORCE), et de M. Jean-Jacques Laurent, délégué général de la FORCE

La commission spéciale a ensuite procédé à l'audition de Mme Danielle Rouganne, présidente de la Fédération des organismes contribuant à la création des entreprises et à leur reprise (FORCE), et de M. Jean-Jacques Laurent, délégué général de la FORCE.

A titre liminaire, Mme Danielle Rouganne, présidente de la Fédération des organismes contribuant à la création des entreprises et à leur reprise (FORCE), a exposé que cette fédération, fondée en mai 2001, regroupait huit réseaux d'appui à la création d'entreprise afin de promouvoir la complémentarité de leurs dispositifs respectifs, d'échanger leurs bonnes pratiques, d'accroître leur visibilité et leur lisibilité aussi bien vis-à-vis des pouvoirs publics que des créateurs d'entreprise et, plus généralement, d'améliorer la qualité de l'accompagnement des créateurs d'entreprises et d'accroître le nombre des personnes accompagnées. Elle a ajouté que la FORCE accueillait ainsi, tous réseaux confondus, près d'un million de créateurs d'entreprise potentiels par an.

Mme Danielle Rouganne a ensuite rappelé que la fédération FORCE avait fait état de son soutien aux principes essentiels du projet de loi pour l'initiative économique, en se félicitant tout particulièrement de l'instauration du guichet social unique et de la création du chèque emploi-entreprises par l'Assemblée nationale.

Elle a toutefois formulé quatre souhaits d'amélioration de ce projet de loi. En premier lieu, estimant que la rédaction de ses articles 10 et 11 pouvait être source de confusion, elle a jugé opportun d'insérer un article additionnel portant reconnaissance de la nécessité de l'accompagnement des créations d'entreprises, qu'elles soient ou non en couveuse. En deuxième lieu, elle a indiqué que la FORCE souhaitait que les fonds d'investissement de proximité (FIP) puissent accorder des concours sous forme de prêts aux entreprises individuelles nouvellement créées. En troisième lieu, considérant que le report des cotisations sociales dues au titre de la première année d'activité pourrait être en fait fatal à la survie des entreprises les plus vulnérables, notamment celles dégageant un revenu inférieur au salaire minimum interprofessionnel de croissance (SMIC), voire au revenu minimum d'insertion (RMI), elle a préconisé que ces dernières bénéficient de régimes spécifiques, notamment sous la forme d'allègements de cotisations sociales. S'agissant enfin de rendre plus immédiatement attractif l'article 21 relatif au mécénat en faveur de la création ou de la reprise d'entreprise, elle a souhaité que les entreprises mécènes puissent bénéficier, sous certaines limites, d'un crédit d'impôt égal à 50 % de leurs dons, au lieu que ceux-ci soient seulement déduits de leur résultat imposable.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur, s'est interrogé sur ce qu'apporterait la création du récépissé de création d'entreprise (RCE) dès lors que les créateurs d'entreprise avaient surtout besoin d'un accompagnement renforcé.

Après avoir évoqué la question de l'emploi des termes respectifs de tutorat et d'accompagnement pour la création des entreprises, Mme Annick Bocandé, rapporteur, a demandé des précisions sur l'appréciation portée par la FORCE sur le guichet social unique.

En réponse, Mme Danielle Rouganne a estimé que, la simplification de l'environnement administratif des créateurs d'entreprise étant aujourd'hui un impératif, l'instauration d'un guichet social unique constituait de ce point de vue une avancée essentielle. Elle a ajouté que l'extension du dispositif Eden aux chômeurs de plus de 50 ans était également un élément positif.

M. Paul Dubrule s'est interrogé sur la fiscalité applicable aux dons en faveur de la création d'entreprise, pour regretter que le projet de loi pour l'initiative économique ne prévoie pas d'amélioration du régime fiscal des dons effectués par des personnes physiques aux réseaux d'accompagnement.

Enfin, M. Jean-Paul Emin a rapporté le nombre de personnes accueillies chaque année par les réseaux de FORCE (près d'un million) et le nombre annuel de création d'entreprises (près de 250.000), à celui des créations d'entreprises accompagnées par les réseaux de FORCE (environ 30.000 par an), pour demander si le projet de loi pour l'initiative économique donnait effectivement des clefs pour améliorer ces ratios.

Après avoir indiqué que l'objectif de FORCE était de porter le nombre de créations d'entreprise accompagnées d'un peu moins de 30.000 à 130.000 par an, Mme Danielle Rouganne a précisé que cela supposait avant tout un effort financier sous la forme de subventions de la part des autorités publiques, qu'elle a estimé à environ 350 millions d'euros par an sur la base du coût moyen minimum d'un accompagnement (soit 3.300 euros par entreprise). Elle a ajouté que cet effort n'était pas prévu dans le cadre du projet de loi pour l'initiative économique, mais que le Gouvernement s'était déclaré ouvert à une augmentation de la contribution de l'Etat à l'accompagnement de la création d'entreprise.

Audition de MM. Yvon Gattaz, président de l'Association syndicale des moyennes entreprises patrimoniales (ASMEP), et Jacques-Henri Bourdois, délégué général de l'ASMEP

Puis la commission spéciale a procédé à l'audition de MM. Yvon Gattaz, président de l'Association syndicale des moyennes entreprises patrimoniales (ASMEP), et Jacques-Henri Bourdois, délégué général de l'ASMEP.

A titre liminaire, M. Yvon Gattaz, président de l'Association syndicale des moyennes entreprises patrimoniales (ASMEP), a présenté l'ASMEP en relevant que la France se singularisait par l'absence de définition des moyennes entreprises, entendues par l'ASMEP comme celles employant entre 100 et 3.000 personnes, alors même que ces entreprises étaient les plus performantes. Il a par ailleurs précisé que les moyennes entreprises patrimoniales, entendues par l'ASMEP comme les moyennes entreprises personnelles, familiales ou d'associés dont les dirigeants détenaient une fraction du capital leur permettant de prendre les décisions stratégiques, rencontraient des difficultés spécifiques en cas de transmission, en raison notamment du niveau et de la progressivité des droits de succession.

Après avoir souligné que l'ASMEP avait d'ores et déjà obtenu des améliorations à cet égard, notamment sous la forme d'abattements des droits de succession en cas de pacte d'actionnaires, M. Yvon Gattaz a ensuite formulé trois propositions concrètes de nature à réduire ces difficultés.

En premier lieu, il a estimé que le projet de loi pour l'initiative économique devait étendre l'abattement sur les droits de mutation à l'ensemble des donations et non pas seulement aux donations en toute propriété, en précisant que cette disposition serait sinon vidée de toute portée dès lors que la plupart des donations s'accompagnaient d'une réserve d'usufruit.

En second lieu, après avoir souligné que l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) pesait tout particulièrement sur les moyennes entreprises patrimoniales de deuxième ou de troisième génération, dès lors que seul le dirigeant de l'entreprise était exonéré de l'ISF et que les autres actionnaires familiaux étaient de ce fait incités à vendre leurs parts -surtout si l'entreprise distribuait peu de dividendes-, M. Yvon Gattaz a suggéré que les actionnaires familiaux non dirigeants qui avaient vraiment l'affectio societatis, c'est-à-dire qui laissaient leur capital dans la société familiale en signant des engagements de conservation de titres, soient entièrement exonérés d'ISF au titre de l'outil de travail, alors que le projet de loi proposait seulement un abattement de 50 %.

Enfin, il a souhaité la simplification de la réglementation relative aux engagements de conservation de titres, en précisant que sa complexité était aujourd'hui excessivement rebutante.

M. Jean Chérioux s'est tout d'abord interrogé sur la possibilité de subordonner l'exonération de l'ISF sur les parts d'une entreprise détenues dans le cadre d'un pacte d'actionnaires à l'existence d'un plan d'actionnariat salarié, puis il s'est déclaré favorable au rétablissement des incitations fiscales à la reprise d'entreprises par leurs salariés (RES).

En réponse, M. Yvon Gattaz a précisé que l'ASMEP avait insisté pour que les engagements de conservation de titres soient accessibles aux actionnaires salariés, mais que la RES conduisait trop souvent à un endettement massif.

M. Charles Guéné a estimé excessive la proposition d'exonération totale de l'ISF présentée par l'ASMEP et s'est interrogé sur l'opportunité de son plafonnement à un niveau intermédiaire.

M. Paul Dubrule a souligné que les problèmes de transmission se posaient aussi dans des termes similaires pour les petites entreprises fortement capitalistiques, puis s'est interrogé sur la conformité à la Constitution de la mesure d'exonération totale suggérée par l'ASMEP, qu'il a déclaré approuver quant à son efficacité économique.

En réponse, M. Jacques-Henri Bourdois, délégué général de l'ASMEP, a estimé que le principe selon lequel un engagement de conservation de titres pouvait emporter un effet fiscal avait déjà été de facto reconnu conforme à la Constitution. Il a ajouté que la constitutionnalité de la deuxième mesure proposée par l'ASMEP dépendait de sa qualification et que, si un abattement de 100 % pouvait apparaître comme rompant le principe constitutionnel d'égalité, il n'en était pas de même de l'élargissement de la qualification de bien professionnel aux parts de sociétés détenues par des actionnaires familiaux non dirigeants réunis dans un pacte d'actionnaires.

Audition de M. Jean-François Humbert, vice-président du Conseil supérieur du notariat

La commission spéciale a ensuite procédé à l'audition de M. Jean-François Humbert, vice-président du Conseil supérieur du notariat.

Après avoir rappelé que les notaires s'étaient souvent exprimés sur les questions de création et de transmission des entreprises à l'occasion de leurs congrès annuels, M. Jean-François Humbert, vice-président du Conseil supérieur du notariat, a souhaité formuler des observations sur le projet de loi en retenant les deux thèmes de la sécurité juridique et de l'égalité en matière de traitement fiscal.

Concernant le récépissé de création d'entreprise (RCE), il l'a interprété comme une tentative de réponse à la difficulté tenant à l'impossibilité de se prévaloir de la personne morale entre la date de signature des statuts et celle de l'immatriculation de la société, en dépit des mécanismes juridiques de reprise par la société des engagements contractés préalablement à sa naissance qui permettaient de démarrer immédiatement l'activité. Indiquant que l'objectif assigné au RCE était de réduire les incertitudes affectant cette période précédant l'immatriculation, il s'est interrogé sur la durée de validité du RCE et sur sa portée juridique. Il a observé que dans d'autres pays de l'Union européenne et en application d'une directive de 1968, la création de la société par acte authentique permettait l'acquisition immédiate de la personnalité morale, ce qui conférait à la création une meilleure sécurité juridique.

S'agissant de la déclaration d'insaisissabilité de la résidence principale de l'entrepreneur individuel, M. Jean-François Humbert a relevé que la notion d'insaisissabilité ne constituait pas une novation, certaines donations consenties aux descendants contenant parfois des clauses de même nature constitutives de droits réels. Soulignant l'importance pour les tiers de la publicité donnée à la déclaration, il a estimé que parmi les trois mesures prescrites par le projet de loi à cet effet (publication dans un journal d'annonces légales, mention portée au registre du commerce et des sociétés ou au répertoire des métiers, et publication à la conservation des hypothèques), seule, la dernière était indispensable, dans la mesure où, tout à la fois, elle assurait la pérennité de l'information aux tiers, donnait date certaine et force probante à la déclaration en garantissant la vérification des origines de propriété et la capacité du déclarant, et permettait une conservation sécurisée de l'original de la déclaration. Il a en outre observé que dans les cas où l'habitation principale abritait des locaux à usage professionnel nécessitant d'établir, en vue de la déclaration, un état descriptif de division, la procédure déclarative se complexifiait puisqu'il était alors nécessaire de procéder à une répartition de tantièmes.

En ce qui concerne le statut de la personne se portant caution personnelle du créateur d'entreprise pour l'aider à obtenir des prêts, M. Jean-François Humbert a souligné que, dans la plupart des cas, les prêteurs imposaient à la caution la renonciation au bénéfice de la discussion, faisant d'elle un co-emprunteur.

Il a par ailleurs estimé que la possibilité ouverte par l'Assemblée nationale d'opérer la mainlevée d'une inscription de nantissement de fonds de commerce par simple acte sous seing privé introduisait une insécurité juridique dans la mesure où l'acte authentique garantissait la vérification de la réalité des consentements et du désintéressement du créancier ainsi que de la capacité des parties. Il a souligné les risques d'escroquerie susceptibles de résulter d'une mainlevée effectuée par acte sous seing privé et conduisant, pour le créancier trompé, à la perte irréversible du bénéfice de l'inscription, ce qui le ramenait au rang de simple créancier chirographaire.

En réponse à M. Francis Grignon, président, qui s'interrogeait sur les modalités spécifiques de publicité données à la déclaration d'insaisissabilité en Alsace-Moselle et sur le coût d'une radiation d'inscription opérée par acte authentique, M. Jean-François Humbert, vice-président du Conseil supérieur du notariat, a confirmé l'importance de la mention qui serait portée au livre foncier, équivalent alsacien-mosellan de la conservation des hypothèques, et indiqué que le coût de l'acte authentique était tout à fait modique.

Evoquant une situation dont il avait eu connaissance, M. Jean Chérioux s'est interrogé sur le moyen d'exiger du prêteur poursuivant le recouvrement de sa créance auprès de la caution qu'il apporte la preuve des diligences par lesquelles il s'est préalablement efforcé de la recouvrer auprès du débiteur principal. Il s'est demandé s'il ne conviendrait pas de limiter la possibilité d'invoquer la renonciation au bénéfice de la discussion. M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur, a estimé qu'il fallait prendre garde à ne pas provoquer le tarissement du crédit par des mesures rendant inopérante la caution comme prise de garantie et a observé que l'exigence d'apporter la preuve des diligences mises en oeuvre pour recouvrer la créance auprès du débiteur principal nécessiterait des poursuites judiciaires.

En réponse à M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur, qui l'interrogeait sur le sort du bien déclaré insaisissable en cas de décès du déclarant ou de dissolution du régime matrimonial, M. Jean-François Humbert a indiqué que, dans le premier cas, le bien tombait dans l'universalité du patrimoine, à charge pour les ayants droit d'accepter ou non la succession, et que, dans le second cas, le caractère d'insaisissabilité était maintenu ou non selon que le bien était attribué au déclarant ou à son conjoint.

Abordant ensuite le thème de l'égalité du traitement fiscal, M. Jean-François Humbert, vice-président du Conseil supérieur du notariat, a relevé que les donations entre vifs d'une entreprise familiale portaient rarement sur la pleine propriété mais plutôt sur la nue-propriété, les parents se réservant l'usufruit comme moyen de subsistance pour leurs vieux jours. Il a souligné l'importance de ce mécanisme de dévolution des biens, seul de nature à garantir la pérennité de l'entreprise. Il a en conséquence regretté que l'avantage fiscal prévu par le projet de loi ne porte que sur les donations en pleine propriété, ce qui revenait, selon lui, à exclure de son bénéfice les petites entreprises familiales. A ce propos, M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur, a réfuté l'argument de coût avancé par le ministère des finances en observant qu'une exonération portant sur la nue-propriété grèverait les rentrées fiscales de façon moindre que celle portant sur la pleine propriété, l'assiette de l'impôt étant moins étendue dans le premier cas que dans le second. M. Jean Chérioux a en outre observé qu'un dispositif fiscal ne favorisant pas les donations en nue-propriété ne résolvait pas le problème de la transmission des entreprises familiales, ce qui, dès lors que cela portait atteinte à la pérennité de ces entreprises, tarissait une source importante de rentrées fiscales.

Abordant, en conclusion de son intervention, l'article 23 du texte, M. Jean-François Humbert, vice-président du Conseil supérieur du notariat, a estimé que la réduction d'impôt de 25 % des intérêts de l'emprunt souscrit pour l'acquisition d'une entreprise qu'il prévoit ne supprimerait pas les montages financiers artificiels permettant de bénéficier du régime d'intégration fiscale.

Audition de Mme Maria Nowak, présidente de l'Association pour le droit à l'initiative économique (ADIE)

Enfin, la commission spéciale a procédé à l'audition de Mme Maria Nowak, présidente de l'Association pour le droit à l'initiative économique (ADIE).

Après avoir rappelé que l'Association pour le droit à l'initiative économique (ADIE), inspirée des banques des pauvres apparues au Bangladesh, avait été créée il y a une douzaine d'années, Mme Maria Nowak, présidente, a indiqué que l'ADIE finançait aujourd'hui 20.000 emplois dans 16.000 entreprises nouvelles, et que les prêts, qui s'élevaient à 2.500 euros en moyenne par entreprise, avaient un taux de remboursement de 93,5 %, ce qui était supérieur à celui des banques.

Ajoutant qu'elle militait depuis des années pour la création d'entreprises, convaincue que celle-ci était source de richesses et d'emplois et qu'elle constituait un moyen décisif de réintégration des populations en difficulté dans la société, Mme Maria Nowak a rappelé que 30 % des créateurs ou repreneurs d'entreprises étaient des chômeurs ou des bénéficiaires du RMI, et que 50 % des entreprises en France n'avaient pas d'employé. Elle a ainsi estimé que l'économie populaire devrait entrer dans toute stratégie de relance de l'emploi.

Si elle s'est réjouie que le projet de loi pour l'initiative économique contienne des mesures en faveur des petites et moyennes entreprises, elle l'a toutefois considéré insuffisant pour deux raisons majeures.

Mme Maria Nowak a ainsi relevé l'absence de mesures spécifiques en direction des chômeurs créateurs d'entreprise, qui subissent des charges sociales qu'elle a qualifiées de « barbares ». Elle a notamment souligné que plus le créateur d'entreprise était pauvre, plus le taux des cotisations sociales qui lui était appliqué était élevé, notamment du fait des importants effets de seuil : ainsi, lorsqu'un chômeur dégageait de sa nouvelle entreprise un chiffre d'affaires équivalent au RMI, il devait s'acquitter de cotisations sociales s'élevant à 57 % de ce montant, de telle sorte que la plupart des chômeurs préféraient renoncer au travail pour, de surcroît, percevoir des prestations équivalentes. Regrettant l'absurdité d'un système socio-fiscal caractérisé par la progressivité de l'impôt et la dégressivité des cotisations sociales, elle en a conclu que le niveau des cotisations sociales avait un effet désincitatif sur le travail et contribuait au développement du travail non déclaré. S'agissant du report des cotisations sociales de la première année prévu par le projet de loi, elle a indiqué que les petits entrepreneurs individuels, dont les bénéfices étaient quasi-inexistants, étaient dans l'incapacité d'amortir la première année sur les années suivantes.

Mme Maria Nowak a par ailleurs dénoncé la complexité des procédures qui suivent l'immatriculation de la nouvelle entreprise, en mettant le nouvel entrepreneur face à un nombre pléthorique d'interlocuteurs et de formalités. Elle a jugé indispensable de rechercher une simplification drastique des procédures, non pas tant au moment de la création que surtout ensuite, tout au long de la vie de la très petite entreprise.

Elle a alors recommandé de porter l'effort dans deux directions :

- ouvrir aux entreprises individuelles le bénéfice de l'assouplissement du taux de l'usure, prévu par l'article 17 pour les seules personnes morales, afin de favoriser les prêts bancaires aux très petits entrepreneurs. Considérant que l'Etat avait pour mission de compenser les défaillances du marché et non de les créer, elle a estimé qu'il était temps de lever l'actuel blocage idéologique sur le taux d'intérêt, qui empêche la réalisation de l'équilibre naturel entre l'offre et la demande de capital. Elle a illustré son propos en citant la réforme récente de la loi bancaire, qui avait permis aux associations d'emprunter auprès des banques, d'encaisser elles-mêmes les revenus d'intérêts et de procéder à des prêts aux créateurs d'entreprises. Elle a précisé à cet égard que l'ADIE finançait ses activités par des subventions de l'Etat et des collectivités publiques, ainsi que par une collaboration avec une cinquantaine de banques ;

- permettre aux FIP de prêter aux chômeurs créateurs d'entreprises, lesquels, après avoir déjà été fortement pénalisés par la disparition du dispositif ACCRE, voient également le projet de loi proposer de transformer le dispositif Eden en avance remboursable. Exprimant sa perplexité au regard de l'intérêt de cette dernière mesure, Mme Maria Nowak a estimé impératif que les fonds propres des chômeurs créateurs d'entreprises soient constitués à la fois de crédits, qui responsabilisent, et d'une prime, qui permet de passer le cap des premiers mois d'activité. Rappelant que l'accompagnement d'un chômeur créateur d'entreprise ne représentait pour la collectivité que le dixième du coût annuel d'un chômeur, elle a jugé que l'Etat avait tout intérêt à faire de la création d'entreprises par les chômeurs une priorité nationale.

Concédant cependant que tous les obstacles ne pouvaient être surmontés dans le cadre de la présente loi, Mme Maria Nowak a dit espérer que les ordonnances annoncées permettent réellement une clarification et une simplification du système, rendues nécessaires par l'ampleur des enjeux sous-tendant la création d'entreprises, dont elle a rappelé qu'elle était non seulement pourvoyeuses d'emplois et de croissance, mais encore indispensables à l'intégration des immigrés et, plus globalement, à la paix sociale. C'est pourquoi il lui a semblé essentiel que la République, qui se disait sociale et faisait de la liberté d'entreprendre un droit fondamental, donne aux chômeurs les moyens de travailler.

Après que M. Francis Grignon, président, a observé que Mme Maria Nowak apportait un éclairage particulier sur la réalité de la création d'entreprises en France, Mme Annick Bocandé, rapporteur, l'a remerciée pour ce témoignage plein d'humanisme, avant de lui demander son appréciation sur trois points relatifs au volet social du projet de loi : le contrat d'accompagnement proposé par les articles 10 et 11, les mesures d'exonération et de report du paiement des cotisations sociales prévues à l'article 18, et l'extension du dispositif Eden aux chômeurs de plus de 50 ans opérée par l'article 19 ainsi que celle, prévue par l'article 20, de la durée du bénéfice des allocations solidarité spécifique, veuvage et parent isolé aux allocataires qui souhaitaient créer ou reprendre une entreprise.

Approuvant l'extension du dispositif Eden aux chômeurs de plus de 50 ans, Mme Maria Nowak a toutefois regretté qu'elle ne concerne pas toutes les populations en difficulté. S'agissant des cotisations sociales, elle a recommandé un système d'allègement, voire d'exonération, durant les premières années, plutôt que de report, qui ne lui semble pas suffisant pour nombre d'activités ne dégageant pas beaucoup de revenus, même après plusieurs années. Elle a alors illustré son propos en expliquant que le public aidé par l'ADIE était composé de 30 % d'entreprises qui embauchaient des salariés à la suite de leur création, de 50 % de structures qui dégageaient un chiffre d'affaires équivalent au SMIC, et de 20 % qui se contentaient d'un chiffre d'affaires inférieur au montant du SMIC.

S'agissant de l'accompagnement, elle en a démontré les difficultés et la complexité des financements, indiquant qu'en la matière, l'ADIE avait signé plus de 600 conventions avec les collectivités publiques (Etat, collectivités locales, fonds social européen). Elle a alors suggéré de mobiliser les fonds de la formation continue et professionnelle, arguant du fait que l'accompagnement constituait aussi une activité de formation à la création d'entreprises, et de procéder à une évaluation globale des actions d'accompagnement, jugeant qu'il pourrait être envisagé d'accorder des financements à raison des résultats obtenus par les organismes d'accompagnement.

Enfin, Mme Annick Bocandé, rapporteur, ayant souhaité connaître la position de l'ADIE sur le guichet unique et le chèque emploi-entreprises, Mme Maria Nowak a exprimé son soutien total au principe du guichet unique, qui lui semblait constituer une simplification décisive, et a affirmé craindre que ce projet, qui remettait en cause certaines situations, soit une fois de plus repoussé avec comme prétexte une prétendue trop grande complexité de mise en oeuvre.