Mercredi 28 avril 2010

- Présidence de M. Bruno Retailleau, président -

Audition de M. Gérard Andreck et Mme Catherine Traca, président et secrétaire générale adjointe du groupement des entreprises mutuelles d'assurances (GEMA)

La mission a tout d'abord procédé à l'audition de M. Gérard Andreck et Mme Catherine Traca, président et secrétaire générale adjointe du groupement des entreprises mutuelles d'assurances (GEMA).

M. Bruno Retailleau, président, s'est interrogé sur l'existence de nouvelles données relatives au nombre de sinistres résultant de la tempête Xynthia ainsi qu'à leur coût, suite aux annonces faites le 8 avril dernier par M. Bernard Spitz, président de la fédération française des sociétés d'assurances (FFSA), lors de son audition par la mission. Ce coût était ainsi évalué à 1,5 milliard d'euros.

M. Gérard Andreck, président du GEMA, a confirmé cette estimation. Il a toutefois précisé que le nombre total de déclarations de sinistres provoqués par la tempête Xynthia serait plutôt de l'ordre de 400 000 et non de 500 000 comme annoncé précédemment.

En réponse à une question de M. Bruno Retailleau, président, il a indiqué que le délai pour la transmission de dossiers de sinistrés, exceptionnellement rallongé du 5 au 31 mars 2010, fait l'objet d'une interprétation très souple puisque les sociétés d'assurance continuent d'accepter de nouvelles demandes d'indemnisation.

Mme Catherine Traca, secrétaire générale adjointe du GEMA, a confirmé l'inapplication de coefficients de vétusté dans le cas des biens immobiliers situés dans les zones noires. S'agissant des biens mobiliers, ce seront les clauses des contrats qui permettront de déterminer les règles d'indemnisation. Elle a toutefois précisé qu'une part croissante des contrats prévoit un remboursement égal à la valeur de remplacement à neuf des biens.

En réponse à M. Bruno Retailleau, président, Mme Catherine Traca a ensuite fait état de difficultés à établir la valeur moyenne du coût des sinistres provoqués par la tempête Xynthia. Elle a cependant indiqué la référence d'une indemnisation moyenne de 1 000 euros par assuré s'agissant des dommages faisant suite à une tempête. Ce précédent n'apparaît pas suffisant pour déterminer l'indemnisation moyenne des victimes de Xynthia.

M. Bruno Retailleau, président, a souhaité connaître les délais d'indemnisation envisagés par les sociétés d'assurance.

M. Gérard Andreck, président du GEMA, a souligné l'existence de deux cas de figure distincts :

- pour les sinistres d'une valeur inférieure à 2 000 euros, le délai de moins de trois mois sera de rigueur, dans la mesure où les expertises ne posent pas de difficultés ;

- les sinistres d'un montant plus important nécessiteront des expertises plus longues, qui auront des conséquences certaines sur les délais d'indemnisation.

M. Bruno Retailleau, président, a fait part des interrogations des sinistrés sur le nombre d'expertises nécessaires ainsi que sur la demande de production de factures dans certains cas. Ces deux éléments pourraient être de nature à ralentir les procédures d'indemnisation.

M. Gérard Andreck, a observé que les premières visites d'experts étaient justifiées pour distinguer rapidement les sinistres d'une valeur inférieure à 2 000 euros des autres dossiers : il s'agissait surtout d'effectuer un premier tri dans les dossiers. De plus, de nouvelles visites sont nécessaires puisque l'indemnisation des biens immobiliers doit s'accompagner d'une expertise spécifique, en recourant le cas échéant à des architectes.

Mme Catherine Traca, secrétaire générale adjointe du GEMA, est convenue que des factures et des devis, y compris dans les zones noires, avaient été demandés dans les jours qui ont suivi la tempête. Les zones noires n'ayant pas encore été annoncées, les sociétés d'assurance ont en effet appliqué les règles en vigueur. La production de tels documents n'apparaît plus nécessaire, ce qui devrait accélérer les procédures d'indemnisation.

Le calendrier devrait être le suivant : avant la fin du mois de mai 2010, l'ensemble des habitations classées en zones noires utilisées en tant que résidence principale doit avoir été expertisé. Les autres habitations, y compris les résidences secondaires, et l'ensemble des biens mobiliers seront, pour leur part, expertisés d'ici à la fin du mois d'août 2010.

Mme Catherine Traca a souligné la rapidité avec laquelle les sociétés d'assurance indemnisent dès lors que les sinistrés sont favorables aux propositions faites par celles-ci. Ainsi, dans un délai de quinze jours après la transmission des informations par les experts, les assureurs sont en mesure de formuler leurs offres. Si ces dernières font l'objet d'un accord, le paiement peut être effectué sans délai.

M. Gérard Andreck, président du GEMA, a précisé qu'à côté des zones noires les autres dossiers feront également l'objet d'un traitement accéléré. Il a observé qu'au 16 avril 2010, 40 000 habitations ont déjà été expertisées, sur un total de 58 000.

M. Michel Doublet s'est interrogé sur la présence dans les zones noires de maisons n'ayant pas enregistré de dégâts.

Mme Catherine Traca, secrétaire générale adjointe du GEMA, a reconnu l'existence de telles situations et précisé que, pour ces cas précis, les sociétés d'assurance n'ont pas vocation à intervenir. Ces habitations seront en revanche l'objet de visites par les Domaines.

M. Bruno Retailleau, président, a souhaité connaître le régime fiscal des indemnités versées par les assurances.

Mme Catherine Traca a observé que ces sommes échappent à la fiscalité.

M. Daniel Laurent a souhaité connaître l'état des indemnisations concernant les exploitations agricoles, ostréicoles et conchylicoles.

Mme Catherine Traca a indiqué que les sociétés adhérentes du GEMA sont principalement liées aux sinistrés par des contrats d'habitation : elles ne traitent donc que très marginalement des professionnels.

M. Bruno Retailleau, président, s'est interrogé sur les zones noires, l'évolution de leur dénomination et leur cadre juridique.

M. Gérard Andreck, président du GEMA, est convenu de l'absence de base juridique claire pour ce zonage. Il a déploré que les variations dans les déclarations successives des membres du Gouvernement  aient pu susciter de plus grandes interrogations chez les sinistrés, voire accroître leurs inquiétudes.

M. Bruno Retailleau, président, a observé que l'indemnisation des habitations classées en zone noire conduirait à un versement par les assurances privées, d'une part, et par l'Etat via le fonds de prévention des risques naturels majeurs (FPRNM), ou fonds « Barnier », d'autre part. Il a souhaité savoir si l'évaluation par les Domaines serait postérieure à la fixation des indemnités par les sociétés d'assurance.

Mme Catherine Traca a confirmé le recours à ces deux instruments d'indemnisation. Elle a ensuite précisé que le travail des assureurs est conduit indépendamment de l'évaluation objective par les Domaines.

En réponse à M. Bruno Retailleau, président, qui a souhaité connaître la part prise en charge par les assureurs au sein d'une indemnisation moyenne estimée à 250.000 euros, Mme Catherine Traca a indiqué que le montant moyen pour une remise en état ou une reconstruction suite à une inondation s'élève à 20.000 euros. Elle a observé que l'indemnisation par l'Etat sera bien plus élevée puisqu'elle portera sur l'intégralité de la valeur vénale du bien immobilier, y compris son terrain.

M. Gérard Andreck, président du GEMA, s'est félicité de l'existence du régime « catastrophes naturelles » (catnat), dispositif efficace qui permet d'associer les assurances privées à un mécanisme de réassurance publique avec la garantie de l'Etat. Il a estimé peu utile le débat sur l'estimation des indemnisations par habitation dans les zones noires dans la mesure où cette indemnisation couvrira la valeur totale du bien.

M. Bruno Retailleau, président, s'est interrogé sur le degré de sollicitation du fonds Barnier, qui traduit le recours à la solidarité nationale.

Mme Catherine Traca, secrétaire générale adjointe du GEMA, a observé que les assureurs conduisent ce travail en relation avec les préfectures de Vendée et de Charente-Maritime, mais que le montant des indemnisations par les assureurs ne serait connu qu'à la fin du mois de mai pour les résidences principales et à la fin du mois d'août pour les résidences secondaires.

M. Jean-Claude Merceron s'est interrogé sur l'existence de freins aux procédures d'indemnisation.

Mme Catherine Traca n'a pas relevé de blocage en cette matière. A l'inverse, les factures et devis ne sont pas exigés, de manière à accélérer les délais d'indemnisation. En outre, elle a précisé que les sinistrés conserveront la possibilité de contester les propositions faites par les sociétés d'assurance.

En réponse à M. Bruno Retailleau, président, elle a relevé le caractère provisoire des arrêtés de péril. Ceux-ci présentent l'intérêt d'empêcher à ce stade le retour des sinistrés dans les habitations classées en zone noire, mais il convient d'observer que ces mesures ne conduisent pas à interrompre les procédures d'indemnisation.

M. Michel Doublet a souligné la difficulté à solliciter le fonds Barnier à hauteur de 300 millions d'euros au minimum, alors que les réserves disponibles ne sont pas de cet ordre de grandeur.

M. Gérard Andreck, président du GEMA, a rappelé le mode de financement du fonds, qui conduit à dégager un produit d'environ 150 millions d'euros par an. Une telle somme peut donc être utilisée pour les indemnisations à la condition qu'elle soit étalée sur plusieurs années. Il a déploré que l'usage du fonds se destine parfois à des fins plus contestables, telles que des études. Il a plaidé pour un accroissement des mises en réserve vouées à l'indemnisation.

M. Bruno Retailleau, président, a fait état d'une réserve de trésorerie du fonds estimée à 80 millions d'euros environ. Il a indiqué que l'examen du projet de loi portant engagement national pour l'environnement, dit « Grenelle II », est l'occasion d'une adaptation du cadre législatif du fonds Barnier. Il doit ainsi s'agir de prévoir son intervention pour les cas de submersion marine et de relever son plafond en matière d'indemnisation.

Mme Catherine Traca a rappelé que le fonds Barnier a été mis en place pour l'indemnisation de personnes soumises à des risques naturels graves, tels que le risque d'éboulement du massif de la Séchilienne. Différents aménagements législatifs ont ensuite conduit à élargir progressivement les missions de ce fonds.

M. Bruno Retailleau, président, s'est interrogé sur l'opportunité de prévoir la constitution de réserves obligatoires pour le fonds Barnier, selon un ratio à déterminer. Il a ensuite abordé la question du régime « catnat », en faisant part de l'existence de différentes propositions de réforme.

M. Gérard Andreck, président du GEMA, s'est félicité du modèle français d'assurance des catastrophes naturelles. Ce dernier représente l'un des systèmes les plus performants au monde. Il bénéficie en effet d'une large mutualisation, d'une présence dans la plupart des contrats d'assurance et de la garantie de l'Etat via la Caisse centrale de réassurance (CCR). Ce modèle pourrait toutefois être amélioré sur deux points : l'indemnisation des victimes de sécheresse et les procédures de zonage, notamment les zones d'expansion des crues. Les plans de prévention des risques constituent en revanche la principale faiblesse du régime actuel sur laquelle les pouvoirs publics doivent agir prioritairement.

M. Bruno Retailleau, président, s'est interrogé sur les intentions des assureurs quant à leur participation au débat public sur l'amélioration des régimes d'assurance.

M. Gérard Andreck, président du GEMA, a fait part de la volonté affirmée des sociétés d'assurance de contribuer à l'ensemble des réflexions en cours, y compris s'agissant des franchises.

Mme Catherine Traca, secrétaire générale adjointe du GEMA, a pour sa part exprimé son désaccord pour ce qui concerne la modulation des primes d'assurance en fonction du niveau de risque de la zone considérée. Elle a plaidé pour une conservation d'un mécanisme de solidarité et relevé le caractère modeste de la surprime induite par la tempête Xynthia, de l'ordre de deux à trois euros par contrat d'habitation. Le dispositif existant n'empêche pas la responsabilisation des assurés. Il appelle surtout un renforcement des politiques de prévention.

M. Bruno Retailleau, président, a observé le montant relativement conséquent des franchises : 380 euros pour les habitations, les véhicules à moteur et les autres biens à usage privé, d'une part, et 10 % du montant des dommages avec un minimum de 1.140 euros pour les biens à usage professionnel, sachant que les contrats peuvent prévoir une franchise supérieure. En outre, il s'est interrogé sur les limites de la culture du risque en France et sur les perspectives envisageables en matière de prévention.

En conclusion, M. Gérard Andreck, président du GEMA, a rappelé qu'environ 90 % des sinistrés seraient indemnisés dans le cadre de leur contrat d'assurance de droit commun. En effet, seuls 10 % des dossiers devraient relever du régime « catnat ». Il a souligné que l'aggravation prévisible des catastrophes naturelles, tant dans leur ampleur que dans leur fréquence, plaide pour des réponses adaptées, à l'instar de politiques de prévention plus ambitieuses.

Audition de Mme Chantal Jouanno, secrétaire d'Etat chargée de l'écologie

La mission a ensuite procédé à l'audition de Mme Chantal Jouanno, secrétaire d'Etat chargée de l'écologie.

Mme Chantal Jouanno a d'abord dressé un bilan des actions menées par les gouvernements successifs en termes de prévention des inondations, citant la loi du 2 février 1995 relative au renforcement de la protection de l'environnement, dite « loi Barnier », ainsi que la loi du 30 juillet 2003 relative à la prévention des risques technologiques et naturels et à la réparation des dommages, dite « loi Bachelot ». Elle a également évoqué les débats sur les submersions marines dans le « Grenelle de la mer » ainsi que l'actuelle transposition de la directive européenne sur les inondations dans le projet de loi portant engagement national pour l'environnement.

Elle a ensuite rappelé le lancement, en 1995, des plans de préventions des risques naturels (PPRN), tendant à limiter l'urbanisation en zones à risques et à l'encadrer dans des zones de moindre risque. 7 750 communes avaient un tel PPR approuvé fin 2009, dont 6 600 pour le risque inondations. Par ailleurs, a-t-elle poursuivi, la prévision et l'alerte ont été renforcées avec l'instauration, depuis une dizaine d'années, de la vigilance météo, de la vigilance pluie-inondations et de la surveillance et la prévision des crues sur 20 000 km de cours d'eau, des travaux étant en cours depuis 2009 sur la submersion marine.

Les ressources financières, en particulier celles du fonds de prévention des risques naturels majeurs, dit « fonds Barnier », ont été renforcées, tandis qu'une cinquantaine de plans d'actions de prévention des risques d'inondations (PAPI) et cinq plans « grands fleuves » ont concouru, entre autres, au renforcement des digues. Dans certaines zones à très fort risque de crue rapide, la délocalisation d'habitations, voire d'activités excessivement exposées ont été financées.

Restent cependant, a reconnu Mme Chantal Jouanno, certains points de faiblesse à traiter :

- les PPR sont contestés, étant accusés soit de trop contraindre le développement des territoires, soit de ne pas être totalement pertinents au regard du degré d'aléa retenu. L'adoption de nombre d'entre eux reste par ailleurs enlisée dans des procédures trop longues et complexes ;

- il convient de progresser pour intégrer en amont prévention des risques et organisation du territoire, par exemple au niveau des schémas de cohérence territoriale (SCOT) et des plans locaux d'urbanisme (PLU) ;

- le lien entre la surveillance des phénomènes, l'alerte et la gestion de la crise doit être renforcé, tout comme la performance des dispositifs, la capacité à couvrir un maximum de territoires à risques et l'aptitude à prendre en compte l'ensemble des phénomènes, qu'il s'agisse de submersion marine comme de ruissellement urbain ou rural ;

- 48 PAPI ont été conventionnés entre les collectivités locales et l'Etat depuis 2003, pour un total de 900 millions d'euros, dont un tiers pris en charge par l'Etat et deux tiers par les collectivités locales. Il convient à présent pour certains de dépasser la phase d'études et de lancer les travaux ;

- le renforcement et la gestion des digues doivent être revus. Nombre d'entre elles sont sans responsable actif, voire identifié, ce qui inévitablement retentit sur leur état. Les responsables privés ou publics ne sont pas forcément à la hauteur des enjeux techniques et financiers induits. Dans le même temps, les collectivités qui se lancent dans l'entretien des digues, par exemple sous forme de syndicats mixtes, s'interrogent sur leurs responsabilités à la fois financières et pénales, alors même qu'elles prennent une compétence non obligatoire.

Les 250 km de digues appartenant à l'Etat méritent d'être confortés en priorité ;

- si d'importantes avancées ont été enregistrées sur les crues fluviales, le bilan est moins bon sur les risques de submersion marine. Ainsi, sur 864 communes littorales, seuls 46 PPR ont été approuvés et 71 prescrits.

Mme Chantal Jouanno a appelé à développer des actions de terrain intégrant les sept piliers de la prévention : connaître les risques ; exercer la surveillance, la vigilance et alerte ; informer de façon préventive les citoyens ; aménager et urbaniser en intégrant le risque ; réduire la vulnérabilité ; préparer à la gestion de crise et intégrer le retour d'expérience. A cet égard, la transposition de la directive « inondations » implique tout à la fois d'identifier les territoires à risques importants, d'élaborer au niveau des grands bassins des plans de gestion des risques d'inondations et d'intégrer tous les types d'inondations, de la submersion marine au ruissellement urbain, en passant par les crues torrentielles ou de cours d'eau.

Evoquant ensuite les règles d'urbanisme et le droit des sols dans les zones dangereuses, Mme Chantal Jouanno a rappelé les objectifs fixés par le président de la République : arrêter de construire dans les zones à fort risque et réaliser les PPR inondations les plus importants d'ici trois ans. C'est dans cette optique que seront proposées, à l'occasion de l'examen du projet de loi portant engagement national pour l'environnement, des modifications de la législation visant :

- à prévoir la définition par décret des grandes règles d'élaboration des PPR, notamment la détermination du niveau d'aléa, et des règles de constructibilité en fonction de l'ampleur du risque, de la nature urbanisée ou non de la zone et de l'existence de protections de qualité ;

- d'améliorer diverses procédures, comme le renforcement de la validité des PPR approuvés par anticipation et la simplification des processus de modification ;

- de réaffirmer la possibilité de limiter ou d'interdire les constructions dans les zones à risques, ainsi que l'impossibilité de tirer prétexte de l'existence d'ouvrages de protection pour construire dans des zones non urbanisées.

Mme Chantal Jouanno a par ailleurs souhaité améliorer la mise en oeuvre des mesures existantes, et ce par un renforcement des capacités de cartographie des territoires et des risques, mais aussi par une meilleure concertation avec les élus en vue de les inciter à introduire le plus en amont possible la prévention des risques dans les documents d'urbanisme. Elle a aussi souligné la nécessité d'une stratégie nationale de gestion du trait de côte, du fait notamment de la hausse prévisible du niveau de la mer, qui pourrait atteindre jusqu'à un mètre d'ici 2100, selon certains scénarios.

Elle a rapporté avoir demandé aux préfets et aux services déconcentrés, par une circulaire signée début avril, d'entamer les travaux sur le littoral en veillant à être intransigeants sur les constructions en zone à fort risque, y compris en l'absence de PPR ; d'identifier les territoires prioritaires nécessitant des PPR et de se préparer à les prescrire ; et d'évaluer les PPR prêts ou en voie de l'être et, s'ils sont de bonne qualité, de les appliquer par anticipation et de les mener rapidement au stade de l'enquête publique et à l'approbation. Elle a également dit avoir demandé aux 60 préfets n'ayant pas encore prescrit les plans de prévention des risques technologiques (PPRT) qui les concernent de le faire dans les meilleurs délais, avec pour objectif l'intégralité des PPRT prescrits d'ici fin 2010. Seront diffusées par ailleurs des cartes des zones basses, tandis que la connaissance fine de la topographie du littoral sera renforcée.

S'agissant ensuite du plan de reconstruction et de renforcement des défenses contre la mer, Mme Chantal Jouanno en a rappelé les grands objectifs :

- renforcer les digues dans la durée, par rapport à leur destination actuelle. Ainsi, une digue n'ayant pas pour objet de protéger des zones occupées par des activités humaines ne pourra changer de destination ;

- prendre en compte, sauf exception dûment justifiée, le niveau de protection actuel visé par la digue qui, s'il est rehaussé au regard des enjeux à protéger, ne devra pas servir à augmenter l'exposition aux risques des populations ;

- ne pas créer de nouvelles digues destinées à ouvrir à l'urbanisation des zones exposées à un risque important ou perturbant l'expansion des crues ;

- interdire les constructions nouvelles derrière les digues dans les zones d'aléa fort, sauf certains bâtiments spécifiques et sauf les exceptions prévues par la future réglementation des PPR ;

- abandonner les digues protégeant des enjeux faibles ou bien se trouvant en déshérence ;

- inscrire le renforcement des digues dans une vision globale de la prévention du risque inondations, du type des PAPI ;

- renforcer les moyens de contrôle du respect de la réglementation relative à la sécurité des ouvrages ;

- prendre en considération les digues tant fluviales que maritimes ;

- créer les conditions de l'émergence et de la pérennité d'une maîtrise d'ouvrage compétente techniquement, solide financièrement et ayant les moyens de s'engager dans la durée.

Sur ce dernier point, a indiqué Mme Chantal Jouanno, des questions complexes restent à traiter, comme le caractère facultatif ou obligatoire de la compétence, son niveau communal ou départemental, la possibilité de lever une ressource pérenne et, enfin, l'appui de l'Etat au titre de la solidarité nationale et au regard de l'ampleur de l'enjeu. Aussi ce sujet sera t-il articulé avec la réforme des collectivités territoriales, en concertation avec la représentation nationale.

Sur le volet incitatif en revanche, des amendements seront examinés en urgence, s'agissant :

- d'élever le taux d'intervention du fonds Barnier, aujourd'hui au plus de 25 %, à 40 % si besoin, dans les communes couvertes par un PPR approuvé. Le FEDER pourra le compléter jusqu'à 50 %, cette demande devant être défendue au plus haut niveau communautaire ;

- de donner une compétence facultative aux communes et conseils généraux.

Puis elle a indiqué que sur 7 500 à 8 000 km de digues, 3 500 à 4 000 sont à conforter, pour un coût de l'ordre de 3,5 à 4 milliards d'euros. L'Etat doit, a-t-elle estimé, renforcer assez vite 250 km de digues fluviales, et mieux cerner les digues maritimes qui sont sous sa responsabilité. Le schéma théorique pourrait être, avec les ressources actuelles auxquelles serait adjoint un complément de l'ordre de 500 à 600 millions d'euros :

- 250 millions d'euros pour les digues d'Etat ;

- 550 millions d'euros d'aides aux collectivités.

Il conviendra de mobiliser des aides du Feder, en vue de lancer le renforcement de 1 600 km de digues prioritaires sur six ans, puis 150 à 175 km par an selon un programme s'étendant sur 18 à 20 ans.

Mme Chantal Jouanno a enfin souhaité augmenter les moyens humains dans les services de contrôle de la sécurité des ouvrages hydrauliques, digues et barrages. Ceux-ci sont passés de 20 équivalents temps plein (ETP) à 60 en deux ans, chiffre qu'il faudrait porter à 110 ou 120. Un renforcement des moyens sera par ailleurs également requis pour accélérer les PPR et améliorer la prévision des crues.

Au final, Mme Chantal Jouanno a rappelé qu'il conviendrait de veiller à ne pas suivre une politique du « tout digue », mais au contraire à combiner différents moyens de prévention et protection, ainsi qu'à ne pas chercher à urbaniser derrière les digues restaurées.

Rappelant que le ministre d'État chargé de l'environnement, M. Jean-Louis Borloo, avait annoncé lors de sa venue en Charente-Maritime à la mi-avril que les « zones noires » feraient l'objet d'une relecture, M. Michel Doublet a regretté l'annonce, la veille, de nouvelles zones de ce type dans un climat très tendu, s'interrogeant sur la pertinence du classement dans cette catégorie de maisons n'ayant pas été inondées.

Mme Chantal Jouanno a indiqué que le classement en « zones noires » avait été réalisé très rapidement en vue d'offrir aux personnes démunies de logement du fait de la tempête la faculté de faire racheter leur maison par l'Etat et de financer ainsi une nouvelle acquisition immobilière. Le zonage ayant été fait de manière globale et homogène, il peut englober des propriétés ayant été épargnées par les inondations. Cependant, il fera l'objet d'un travail d'affinement à la parcelle par des experts pour déterminer plus précisément lesquelles des maisons seront appelées à être détruites, après enquête contradictoire et déclaration d'utilité publique, sous le contrôle du juge. Les zonages actuels n'ont certes pas de caractère juridique, seuls ceux découlant des procédures d'expropriation étant appelés à en être dotés.

M. Daniel Laurent a déploré le manque d'information des élus et des populations à l'échelle locale et les effets dévastateurs sur l'opinion publique d'une communication qu'il a qualifiée de cacophonique. Puis il a interrogé la ministre sur le complément de financement des programmes de restauration des digues, l'Etat n'en prenant que la moitié à sa charge. Enfin, il a regretté les avis systématiquement réservés ou négatifs émis par les commissions des sites à l'encontre des projets de construction ou de renforcement de digues, qui bloquent ou retardent leur adoption et leur mise en oeuvre.

En réponse, Mme Chantal Jouanno a apporté les éléments de précision suivants :

- l'information a été délivrée par l'intermédiaire de la lettre de M. Jean-Louis Borloo aux maires, ainsi que par les délégués à la solidarité dépêchés sur le terrain ;

- l'intégralité des digues n'appartient pas à l'Etat. Il financera entièrement la restauration de celles dont il est propriétaire, portant pour les autres son soutien à 50 % du montant des travaux ;

- si le Gouvernement n'a pas été particulièrement alerté sur des problèmes liés aux commissions des sites, il reste ouvert à la réflexion sur ce point.

Mme Nicole Bonnefoy a souligné la contradiction du Gouvernement à souhaiter éviter tout mitage dans la détermination des « zones noires », tout en acceptant que celles-ci soient ensuite réétudiées afin éventuellement d'en extraire certaines parcelles.

Mme Chantal Jouanno a précisé que les « zones noires » avaient été définies de façon à ouvrir un droit à rachat suffisamment large et rapide. Elle a fait observer que le retrait du classement en « zones noires » de propriétés y figurant actuellement permettrait certes leur maintien, mais les fragiliserait davantage du fait de leur isolement et rendrait leur évacuation encore plus difficile.

Tout en rappelant qu'il ne souhaitait absolument pas remettre en cause le classement en « zones noires » des parcelles affectées par un risque mortel, M. Bruno Retailleau, président, s'est interrogé sur le développement d'un mouvement de contestation chez les populations concernées résultant d'une incompréhension des mesures gouvernementales.

Remarquant que la perception du risque par la population se rapportait au vécu de chacun, qui pouvait être en décalage avec le risque réellement encouru, Mme Chantal Jouanno a insisté sur le danger intrinsèque aux « zones noires » et rappelé les critères présidant au classement : la hauteur d'eau, supérieure à un mètre ; sa vitesse d'écoulement ; la proximité d'un pied de digue ; le positionnement en cuvette et la possibilité d'installer des dispositifs de protection.

En réponse à M. Bruno Retailleau, président, qui souhaitait savoir si le périmètre des « zones noires » serait superposable à celui des zones soumises à enquête d'utilité publique, Mme Chantal Jouanno a tout d'abord rappelé que ces zones étaient affectées d'un risque mortel. Elle a précisé que l'intégralité desdites zones ne figurerait pas dans le périmètre des zones soumises à enquête publique dans la mesure où la détermination de ces dernières serait précédée d'une étude détaillée préalable permettant d'affiner les parcelles situées en « zones noires ».

M. Philippe Darniche a souhaité savoir si des maisons à étages pourraient tout de même être classées en « zones noires ». Observant qu'une étude au cas par cas risquait d'entraîner des comparaisons et discussions sans fin, il a souligné la persistance d'une variable inconnue liée au degré de risque. Enfin, il a appelé à ce qu'interviennent rapidement les premières estimations immobilières et rachats subséquents, afin d'infléchir l'opinion publique dans un sens plus favorable.

M. Bruno Retailleau, président, a indiqué qu'une trentaine d'évaluateurs avait été dépêchée sur le terrain par l'administration, avec pour consigne d'opérer rapidement en veillant à donner la priorité aux résidences principales.

Mme Chantal Jouanno a alors apporté les précisions suivantes sur ce point :

- 34 évaluations sont en cours en Charente-Maritime et 76 en Vendée, la fin de la procédure y étant attendue pour respectivement la mi-juin et la fin mai ;

- 22 millions d'euros ont été délégués à cet effet dans le cadre du « fonds Barnier » ;

- le fait pour une maison en « zone noire » de posséder un étage n'est pas en soi un élément de protection, mais le devient en « zone jaune » ;

- il convient de prendre également en compte la qualité des constructions.

M. Bruno Retailleau, président, a noté que le fonds Barnier était plafonné à 60 000 euros par dossier et ne prenait pas en compte le risque de submersion marine. Il s'est par ailleurs interrogé sur l'opportunité de modifier son régime pour que le bilan entre le coût d'une expropriation et celui de mesures de protection alternatives ne soit plus le principal élément pris en compte.

Mme Chantal Jouanno a souligné que la procédure d'expropriation était une mesure ultime. Elle a par ailleurs rappelé que le Gouvernement souhaitait faire adopter, lors de l'examen à l'Assemblée nationale du projet de loi portant engagement national pour l'environnement, deux amendements tendant respectivement à étendre le « fonds Barnier » au risque de submersion et à définir par décret l'aléa de référence pris en compte dans les PPR. Elle a ajouté que le plafond du « fonds Barnier » avait été porté par arrêté de 60 000 à 240 000 euros.

Répondant à M. Bruno Retailleau, président, Mme Chantal Jouanno a indiqué que le Gouvernement souhaitait aller vite, et clore la phase d'expertise préalable d'ici la fin de l'été.

Répondant ensuite à M. Jean-Claude Merceron, qui regrettait par ailleurs que le Sénat ne puisse se prononcer sur les modifications introduites dans le projet de loi portant engagement national pour l'environnement, Mme Chantal Jouanno a annoncé que les amendements du Gouvernement sur ce texte, qui avaient un caractère d'urgence, étaient d'ores et déjà consultables. Précisant que le Gouvernement consultait le Conseil d'orientation pour la prévention des risques naturels majeurs, elle a ajouté que les adaptations de fond de la législation pourraient faire l'objet ultérieurement d'une proposition de loi.

M. Bruno Retailleau, président, a convenu de la nécessité d'utiliser rapidement un véhicule législatif pour les mesures les plus urgentes, soit le projet de loi portant engagement national pour l'environnement, dont la commission mixte paritaire est prévue pour le 16 juin. En revanche, il a insisté sur la volonté de la Haute assemblée d'examiner les mesures dépourvues de caractère d'urgence, et s'est enquis de savoir si un amendement imposerait des délais pour l'adoption des PPR.

Mme Chantal Jouanno a rappelé les cinq mesures portées par les amendements du Gouvernement dans le projet de loi, et précisé que n'y figurait pas la question des délais d'adoption des PPR.

M. Bruno Retailleau, président, s'étant inquiété de ce que le « fonds Barnier » ne permette pas de financer à la fois l'indemnisation des victimes de la tempête et les programmes de renforcement des digues, Mme Chantal Jouanno a rappelé que ce fonds disposait, au début de l'année, d'un reliquat de 75 millions d'euros, que l'Etat pourrait l'abonder et, en tout état de cause, que des ressources nouvelles resteraient à dégager, principalement pour le financement des digues.

M. Bruno Retailleau, président, l'ayant interrogée sur les facteurs humains de responsabilité auxquels faisait allusion le président de la République dans le discours qu'il a prononcé suite à la tempête Xynthia, Mme Chantal Jouanno a évoqué des responsabilités diffuses et partagées découlant de constructions dans les zones à risque. Se félicitant du bon fonctionnement du dispositif de prévision et d'alerte, elle a noté que l'expérience de la tempête de 1999 avait permis de mieux se préparer et que le processus d'apprentissage était continuel.

Convenant avec M. Bruno Retailleau, président, qu'il s'agissait davantage d'un problème lié davantage à l'application des normes qu'à leur contenu, Mme Chantal Jouanno a répondu à ce dernier, qui l'interrogeait sur le conflit d'intérêt relevé par la mission en Charente-Maritime pour la construction ou le renforcement de digues entre sécurisation des personnes d'un côté, et préservation de l'environnement de l'autre, que le principe de sécurité primait systématiquement. Estimant que le droit de l'environnement n'empêchait en rien l'entretien des digues existantes, elle a convenu qu'il pouvait s'opposer à la construction de nouveaux ouvrages de protection, surtout s'ils avaient pour but de protéger des opérations immobilières de nature spéculative.

M. Bruno Retailleau, président, ayant attiré son attention sur les problèmes de gouvernance liés à la multiplicité des propriétaires de digues, Mme Chantal Jouanno a dit attendre les conclusions de la mission travaillant actuellement sur le sujet.

Rapportant l'hostilité des propriétaires privés des digues à leur transmission à un opérateur public centralisé, M. Bruno Retailleau, président, s'est prononcé en faveur d'une gestion de proximité, faisant remarquer que l'Etat n'aurait pas les moyens d'entretenir des centaines de kilomètres d'ouvrages.

Mme Chantal Jouanno s'est dite ouverte sur la question, pointant les difficultés d'ingénierie existant en ce domaine.

Jugeant que cette dernière pouvait être mutualisée, M. Bruno Retailleau, président, a préconisé une meilleure prise en compte du trait côtier et du cordon dunaire, faisant état du recul de 5 à 22 mètres de ce dernier relevé par le bureau de recherches géologiques et minières (BRGM).

Mme Chantal Jouanno a indiqué que ces problématiques, étroitement liées, étaient au coeur du « Grenelle de la mer ».

Anticipant une montée du niveau de la mer de 20 à 50 cm d'ici cinquante ans, et faisant état d'un tassement des digues existantes, M. Bruno Retailleau, président, a interrogé la ministre sur l'opportunité d'un rehaussement de ces dernières.

Mme Chantal Jouanno s'y est montrée favorable, s'agissant de la protection du bâti existant, estimant en revanche que la préservation des activités économiques, par exemple ostréicoles, n'était pas prioritaire. Elle a par ailleurs fait observer que le risque résultant d'une surverse était d'autant plus grand que la digue était haute.

Notant que le financement de la restauration des digues était facilement assuré lorsque l'Etat en prenait en charge une moitié, M. Bruno Retailleau, président, s'est inquiété de savoir si celui-ci continuerait de s'engager ainsi dans la durée.

Mme Chantal Jouanno a indiqué que l'amendement portant l'intervention du « fonds Barnier » à 50 % des dossiers était dépourvu de date-butoir.

M. Bruno Retailleau, président, s'étant dit sceptique sur la capacité du « fonds Barnier » à porter durablement le financement des opérations de restauration attendues, Mme Chantal Jouanno a estimé celui-ci opérationnel pour les deux prochaines années, tout en reconnaissant la nécessité d'un complément de financement à hauteur de 500 ou 600 millions d'euros pour le « plan digues ». Elle a par ailleurs confirmé le soutien de l'Etat à hauteur de 50 %, sans qu'il soit restreint aux travaux d'urgence.

Convenant à son tour du bon fonctionnement global du dispositif d'alerte, M. Bruno Retailleau, président, a toutefois noté une carence, dans la modélisation de la tempête, s'agissant de son impact sur les côtes.

Mme Chantal Jouanno a souligné les importants progrès réalisés en matière de prévision, notamment dans l'évaluation du niveau des vagues en mer. Elle a reconnu que des progrès restaient à réaliser dans leur modélisation sur terre, du fait de la difficulté à prendre en compte la topographie des sites. Il s'agit là d'un sujet de recherche actuel, qui rejoint les travaux menés sur l'impact d'un tsunami en Méditerranée, et qu'il faudra croiser avec ceux réalisés sur les crues des principaux fleuves français. Les éléments de faiblesse concernent aujourd'hui la modélisation des crues sur les fleuves moins importants, ainsi que la submersion marine dans les zones littorales basses.

M. Bruno Retailleau, président, a relevé l'existence d'un dispositif de modélisation très abouti en Gironde, du fait de l'implantation d'une centrale nucléaire. Il a par ailleurs fait état de points de faiblesse dans le Nord de la France et dans le bassin méditerranéen.

Audition de M. François Démarcq, directeur général délégué du Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM), Thierry Winter, adjoint au chef de service « risques naturels », M. Manuel Garcin et M. Rodrigo Pedreros, co-auteurs du compte rendu de mission préliminaire du BRGM sur la tempête Xynthia

La mission commune d'information a ensuite procédé à l'audition de M. François Démarcq, directeur général délégué du Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM), Thierry Winter, adjoint au chef de service « risques naturels », M. Manuel Garcin et M. Rodrigo Pedreros, co-auteurs du compte rendu de mission préliminaire du BRGM sur la tempête Xynthia.

M. François Démarcq, directeur général délégué du Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM), a présenté le BRGM, établissement public de recherche qui se consacre aux phénomènes et ressources liés au sous-sol, avec une mission d'appui aux politiques publiques dans ses domaines de compétence. Le BRGM compte 1 000 personnes environ dont 25 personnes travaillant sur les risques littoraux. Il travaille sur les risques naturels (séismes, volcanisme, mouvements de terrain, risques liés aux cavités souterraines et risques côtiers) ainsi que sur l'eau, la géologie et les ressources minérales. Ainsi, le BRGM a pu mener ces dernières années, sur financement du « fonds Barnier », un grand programme de recherche lié à la problématique de la sécheresse (gonflement des argiles). Sa spécialité est la cartographie des aléas. Dans le domaine spécifique des risques littoraux (érosion, submersion marine), le BRGM travaille dans le cadre de programmes européens. Avec l'Office national des forêts (ONF) et l'Institut français de recherche pour l'exploitation de la mer (IFREMER), le BRGM a travaillé sur l'évolution du trait de côte en Aquitaine. Il a également conduit des recherches sur l'impact des houles, des tempêtes et phénomènes cycloniques dans plusieurs régions françaises métropolitaines et d'outre-mer.

M. Manuel Garcin, co-auteur du compte rendu de mission préliminaire du BRGM sur la tempête Xynthia avec M. Rodrigo Pedreros, a présenté, à l'aide d'une vidéo-projection, les principaux éléments de conclusions de la mission conduite du 8 au 12 mars 2010. Menée en collaboration avec l'ONF pour la gestion des dunes domaniales, la mission avait pour objectif de mesurer les phénomènes d'érosion, les niveaux d'inondation, et les dégâts induits par la tempête sur une côte de 240 kilomètres, à dominante sableuse, avec quelques secteurs à dominante vaseuse. Les principales constatations sont l'érosion de l'ensemble du cordon dunaire, de 3 mètres à 22 mètres, avec un phénomène de « falaisage » des dunes, une submersion marine très importante avec un cote absolue dépassant 4,5 mètres NGF (nivellement général de la France) et des dommages très importants aux habitations (érosion et affouillement des fondations, destructions par l'action directe des vagues) ainsi qu'aux infrastructures portuaires et routières. Les digues ont été fortement endommagées.

M. Bruno Retailleau, président, a demandé des précisions sur la brèche du cordon dunaire dans le secteur de la Belle Henriette à la Faute-sur-Mer, sur la norme de référence NGF et la définition de la cote absolue.

M. Manuel Garcin a répondu que la brèche s'était produite dans le bas de la dune dans le secteur de la Belle Henriette, la mer retrouvant ainsi le cours de la rivière Le Lay.

M. Rodrigo Pedreros a précisé que la norme NGF correspondait au nivellement moyen du territoire métropolitain et que la cote absolue était le niveau d'eau maximal atteint lors de la submersion marine.

M. Rodrigo Pedreros a présenté les apports de modélisation numérique du BRGM. Il a détaillé le phénomène de la tempête Xynthia, caractérisée par une marée haute, des vents sud/sud-ouest créant des vagues au large, et une « surcote atmosphérique ». Au marnage (différence entre les niveaux haut et bas de la marée) se sont ajoutées la surcote atmosphérique et la surcote liée aux vagues (« set-up ») entraînant un jet de rive (« run up »), le tout atteignant la cote de 4,506 mètres NGF. L'état des recherches permet de modéliser avec une grande précision l'ensemble du phénomène, à l'exception de la phase de déferlement, dont l'effet dépend de facteurs qui ne sont pas toujours connus, comme la réaction de la roche sédimentaire. Pour ces travaux, le BRGM a utilisé les données du Service hydrographique et océanographique de la Marine (SHOM) de La Rochelle.

M. Bruno Retailleau, président, s'est interrogé sur la mention dans le rapport de mission du BRGM selon laquelle, « si l'on extrapole le niveau de 4,5 mètres NGF atteint à La Rochelle, cela correspondrait à une période de retour proche de 10 000 ans ».

MM. Manuel Garcin et Thierry Winter, adjoint au chef de service « risques naturels », ont souligné la mauvaise interprétation de cette observation par certains médias : il ne s'agissait pas d'affirmer qu'un phénomène comme la tempête Xynthia ne pourrait se reproduire que tous les 10 000 ans, mais de souligner qu'en extrapolant les hypothèses actuelles de « retour centennal », on aboutissait à cette probabilité statistique aberrante. Il s'agissait de mettre en valeur le fait que les extrapolations statistiques actuelles se fondent sur des données récoltées sur quelques dizaines d'années, ce qui en limite la validité.

M. Bruno Retailleau, président, a demandé comment le BRGM pouvait intervenir en prévision des risques naturels et la manière dont il travaillait avec d'autres établissements comme Météo-France ou l'IFREMER.

M. Rodrigo Pedreros a répondu que le BRGM pouvait réaliser des simulations très précises, approchant la réalité, sur les niveaux d'eau en fonction de certaines données, mais qu'il ne jouait encore aucun rôle en matière de prévision des effets d'un phénomène naturel sur le point de survenir, Météo-France et l'IFREMER développant leurs propres modèles. Le BRGM fait des calculs a posteriori, il ne participe pas au dispositif d'alerte et se situe dans une logique de prévention plutôt que dans une logique opérationnelle face à un phénomène climatique.

M. Rodrigo Pedreros a conclu sa présentation par des perspectives, notamment confier au BRGM la prévision des niveaux d'eau au rivage à l'échelle régionale et si possible locale grâce à une connaissance topographique fine et à la modélisation des phénomènes de submersion. Il a évoqué des projets de recherches qui ont été conduits au Sri Lanka dans le cadre d'une aide de la France après le tsunami, et un projet en Languedoc-Roussillon et à Tahiti en Polynésie.

M. Manuel Garcin a indiqué que ces modélisations très précises des effets de submersion sur des zones côtières ne pouvaient être réalisées que sur des zones restreintes, qui ne pouvaient aller jusqu'au plan régional ou national.

M. Thierry Winter a expliqué que le BRGM commençait cependant à disposer d'outils qui permettraient une hiérarchisation des zones à risques à une échelle régionale, et qui seraient utiles dans la préparation des plans de prévention des risques d'inondations (PPRI).

M. François Démarcq a ajouté que le BRGM pouvait procéder à des recherches qui se fonderaient sur les niveaux d'eau extrêmes enregistrés par le SHOM, en appliquant des formules semi-empiriques permettant de caractériser le phénomène de « jet de rive » zone par zone, et en intégrant ces données à un modèle numérique de terrain pour mesurer les effets de la submersion marine sur les terres.

En réponse à une question de M. Bruno Retailleau, président, sur le coût de telles recherches, M. Thierry Winter a répondu que celui-ci pouvait être estimé entre 500 000 euros et un million d'euros pour couvrir l'ensemble du territoire métropolitain sur une durée de deux ans. Cela permettrait de hiérarchiser les secteurs les plus exposés aux risques d'inondation et de faciliter les travaux de prévention. Dans un second temps, il serait possible de réaliser une modélisation à une échelle locale, grâce à un modèle numérique de terrain de très haute résolution (litto3D).

M. Bruno Retailleau, président, a demandé aux chercheurs du BRGM ce qu'ils pensaient de la fiabilité de la définition des « zones noires » et s'il fallait, selon eux, rehausser les digues.

M. Thierry Winter a répondu que les critères de définition des zones noires n'étaient pas seulement liés à des données scientifiques mais également à des considérations telles que le degré de protection des habitations ou les facilités d'évacuation, ce qui ne permettait pas de porter un jugement technique. Par ailleurs, il a souligné que la tempête Xynthia constituait la vraie référence puisque c'était bien là l'évènement qui s'était déroulé, et que les modèles scientifiques ne pouvaient pas remplacer l'expérience réelle. Pour les digues, il a indiqué que tout dépendait du niveau de protection que l'Etat souhaitait apporter aux habitants : les constatations du BRGM ont montré que les digues en Vendée et en Charente-Maritime étaient sous-dimensionnées pour un phénomène de retour centennal, mais on ne peut construire des digues qui résistent à tout et il y a des arbitrages, notamment financiers, à réaliser.

M. Bruno Retailleau, président, s'est ensuite interrogé sur l'élévation générale du niveau de la mer.

M. François Démarcq a confirmé que l'on se situait dans une dynamique d'élévation du niveau des mers.

MM. Manuel Garcin et Rodrigo Pedreros ont ajouté que le GIEC estimait que le niveau des mers s'élèverait de soixante-cinq centimètres à l'horizon 2100, d'autres estimations faisant désormais état d'une hausse d'un mètre à un mètre et vingt centimètres, en prenant en compte la fonte des calottes glacières. Les observations satellitaires permettent aujourd'hui d'enregistrer une hausse de deux millimètres par an.

A la question de M. Bruno Retailleau, président, sur la dégradation du cordon dunaire suite à la tempête Xynthia, M. Thierry Winter a confirmé que le recul et le falaisage des dunes étaient source d'une aggravation des risques de submersion marine.

M. François Démarcq a souligné l'importance de disposer de données de terrain fiables et actualisées qui permettent de connaître l'évolution morphologique de l'ensemble du trait de côte.

En conclusion, M. François Démarcq a indiqué que, pour les missions dans le champ de compétence du BRGM, la priorité devait être accordée à la définition des zones à risques de submersion marine au plan national, ce qui permettra de mieux préparer les plans de prévention des risques.

Audition de M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat chargé des transports

Au cours d'une première séance tenue dans la matinée, la mission a tout d'abord procédé à l'audition de M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat chargé des transports.

M. Bruno Retailleau, président, a rappelé que l'audition de M. Dominique Bussereau par la mission se tient à double titre, en tant que membre du Gouvernement mais aussi en tant que président du conseil général de Charente-Maritime.

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat chargé des transports, a précisé que les systèmes d'alerte ont correctement fonctionné en amont du déclenchement de la catastrophe. Suite à l'information des maires par le préfet de Charente-Maritime, plusieurs mesures d'évacuation ont ainsi été prises permettant de réduire le nombre de victimes. L'ampleur du vimer, conjonction particulièrement puissante dans le cas de Xynthia de vents violents et de fortes marées, n'avait pu, quant à elle, être anticipée. En dépit de la gravité et de l'étendue des phénomènes de submersion et d'inondation, les opérations de sauvetage ont été conduites de manière remarquable. Il convient de souligner la grande réactivité des pouvoirs publics face à la catastrophe. Les visites de terrain du Président de la République et des membres du Gouvernement ont ainsi permis d'apprécier rapidement les conséquences de la tempête Xynthia et de proposer des mesures d'urgence.

M. Bruno Retailleau, président, a souhaité savoir si les moyens aériens mobilisés en vue du sauvetage des victimes ont rencontré des difficultés.

M. Dominique Bussereau a souligné que la réussite des opérations de sauvetage doit beaucoup au rôle essentiel joué par l'officier de liaison, qui a assuré une communication et une coordination particulièrement efficaces entre les différents services de secours.

M. Bruno Retailleau, président, s'est interrogé sur la présence éventuelle d'obstacles en matière de procédures et de délais d'indemnisation, ainsi que sur les dégâts causés aux exploitations agricoles.

M. Dominique Bussereau a relevé la forte implication des assureurs dans la gestion des conséquences de la tempête Xynthia. M. Bernard Spitz, président de la fédération française des sociétés d'assurances (FFSA), a ainsi accompagné le Président de la République lors de son premier déplacement sur les lieux de la catastrophe, le lundi 1er mars 2010. Le médiateur des assurances, M. Yann Boaretto, a ensuite été nommé afin de faciliter l'exécution des procédures d'indemnisation.

Pour ce qui concerne les délais d'indemnisation eux-mêmes, s'il subsiste encore quelques cas de mécontentement, c'est principalement parce que l'ensemble des sinistrés n'ont pas encore reçu la visite des experts des sociétés d'assurance.

S'agissant enfin des agriculteurs, le ministre de l'Alimentation, de l'agriculture et de la pêche s'est fortement mobilisé pour répondre à leurs difficultés. Il convient à cet égard de distinguer les dommages réparables à court terme de dégâts plus indirects, à l'instar de la salinisation des terres qui nécessitera un gypsage conséquent. Pour le plan exceptionnel en faveur de l'aquaculture, un montant de 20 millions d'euros a été notifié et accepté par la Commission européenne. Cette somme devrait être consacrée pour 75 % aux agriculteurs de Charente-Maritime, le reste allant aux producteurs vendéens. L'attribution des aides devrait relever d'une commission associant des représentants des départements, des régions et de l'Etat, comme dans le cas de la tempête de décembre 1999. Cette commission aura aussi pour mission d'attribuer, au cas par cas, des avances aux professionnels.

M. Bruno Retailleau, président, a évoqué les difficultés liées au traitement des indemnisations au titre du fonds d'intervention pour les services, l'artisanat et le commerce (FISAC), ainsi que celles résultant du plafonnement du chiffre d'affaires des entreprises éligibles à un million d'euros. S'agissant des agriculteurs, il s'est interrogé sur le taux moyen de couverture des dégâts indemnisés par l'intermédiaire du fonds national de garantie des calamités agricoles (FNGCA), qui pourrait s'établir autour de 35 %.

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat chargé des transports, est convenu de la faiblesse du seuil d'éligibilité au FISAC. Il a ensuite souligné que le FNGCA constitue l'outil adapté pour les biens non assurables, surtout que le Gouvernement devrait proposer que le taux moyen de couverture par ce fonds soit porté à 40 % dans le cas précis des conséquences de la tempête Xynthia. Enfin, il a indiqué que l'indemnisation des exploitants agricoles devrait représenter la difficulté majeure en matière de réparation des dégâts causés par la tempête Xynthia. Ainsi, l'acheminement de gypse sur les sites submergés devrait représenter un coût considérable, dont le montant n'est pas connu à ce stade. En outre, la possibilité de recourir aux crédits communautaires reste encore incertaine, en particulier s'agissant du fonds de solidarité de l'Union européenne (FSUE). Une part des crédits du fonds européen de développement régional (FEDER) devrait faire l'objet d'un redéploiement. Ainsi, au moins cinq millions d'euros pourraient être destinés à des travaux de reconstruction des digues.

M. Bruno Retailleau, président, s'est interrogé sur les motifs de la forte contestation des zones noires. Il a fait valoir que les différents discours tenus par les membres du Gouvernement concernant ce sujet ne sont pas toujours de nature à apaiser les tensions exprimées sur le terrain.

M. Dominique Bussereau a rappelé que le Président de la République, dans son discours prononcé à La Roche-sur-Yon le 16 mars 2010, visait explicitement l'interdiction de la reconstruction d'habitations sur des sites exposant à un risque mortel. Il a toutefois déploré que ces mesures de zonage aient ensuite été prises par les services de l'Etat dans la précipitation et en l'absence de toute concertation. A cet égard, il a regretté la prise en charge de l'élaboration de ces mesures par les préfets alors que des hauts fonctionnaires moins engagés dans la gestion de la crise auraient pu être spécialement nommés pour mettre en place ce dispositif.

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat chargé des transports, a ensuite plaidé pour une approche différenciée des zones selon le caractère plus ou moins inhabituel des inondations. Ainsi, dans les villes, à l'instar de La Rochelle, ou dans des îles comme l'île de Ré ou l'île d'Oléron, ces phénomènes ne sont pas connus et provoquent des effets d'autant plus lourds qu'ils ne sont pas anticipés. Il a enfin observé que l'affectation de marais à des activités économiques telles que la pisciculture les a empêchés de jouer leur rôle d'absorbeur naturel, ce qui a amplifié les dégâts causés par la submersion marine.

M. Alain Anziani, rapporteur, a évoqué le flou qui entoure le régime juridique des zones noires, alors que des objectifs clairs doivent être conciliés avec une méthode efficace sur le plan de la mise en oeuvre des moyens.

M. Dominique Bussereau a estimé ces mesures suffisamment précises. D'une part, les zones jaunes, inondées mais non submergées, feront l'objet d'une prise en charge dans le cadre du plan digues. D'autre part, les zones orange ont vocation à devenir noires ou jaunes. Enfin, les zones noires, ou zones de solidarité, donneront lieu à des procédures de rachat à l'amiable des habitations. En cas de désaccord des sinistrés, une expropriation pourra intervenir suite à une enquête publique ayant débouché sur une déclaration d'utilité publique de l'opération. Celle-ci sera soumise au contrôle du juge administratif, tandis que le montant de l'indemnité pourra être contesté devant le juge civil.

M. Bruno Retailleau, président, s'est interrogé sur l'existence de procédures contradictoires préalables aux expropriations.

M. Dominique Bussereau a indiqué que le Président de la République avait prévu la possibilité d'aménagements à la marge s'agissant des zones noires. Il a précisé que dans le cas d'accord des sinistrés sur la démarche à l'amiable proposée par le Gouvernement, les Domaines se rendent sur place pour évaluer la valeur du bien immobilier. Si les habitants souhaitent conserver leur maison, une enquête publique, soumise au principe du contradictoire, devra être ouverte et ce n'est qu'à son terme que l'Etat choisira de lancer ou non une procédure d'expropriation.

M. Dominique Bussereau a observé que les services du conseil général de Charente-Maritime ont créé une ligne téléphonique gratuite, destinée à la fois à l'assistance aux victimes et à la gestion des sinistres.

M. Bruno Retailleau, président, a ensuite évoqué les difficultés liées à l'entretien des digues. Il a mis en exergue la contradiction potentielle entre les préoccupations environnementales et les objectifs de prévention et de protection des personnes.

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat chargé des transports, a observé que les problèmes posés par la reconstruction et l'entretien des digues sont différents selon le type de digue, en particulièrement sur le plan de leur mode de financement et sur celui des procédures juridiques qui les régissent. Trois types de digues doivent ainsi être distingués :

- les ouvrages de protection en terre, propriété d'associations syndicales agricoles le plus souvent, relèvent du domaine privé bien qu'ils contribuent fréquemment à la protection de villages et d'infrastructures publiques ;

- les digues « en dur », construites sur le domaine public naturel (DPN) et qui sont donc la propriété de l'Etat, mais dont les départements assurent en réalité la maîtrise d'ouvrage des travaux ;

- les grandes digues entretenues directement par l'Etat, par le Conservatoire du littoral ou par de grandes entreprises publiques nationales, à l'image de Réseau ferré de France (RFF) ou la Société nationale des chemins de fer français (SNCF).

Dans certains cas, les travaux sur les digues nécessiteront de plus un examen par les commissions des sites. Pour mettre en oeuvre efficacement le plan digues, le Gouvernement devra répondre aux deux enjeux que sont la répartition du coût des travaux et l'évolution des règles en vigueur. Par ailleurs, la région Poitou-Charentes pourrait utilement intervenir financièrement dans les travaux de reconstruction des digues, à l'image de ce que la région Pays-de-la-Loire s'est engagée à faire.

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat chargé des transports, a estimé que la création d'un établissement public chargé de la gestion des digues représente une piste intéressante. Il serait également possible de confier au Conservatoire du littoral un rôle transversal dans le suivi et l'expertise de ces ouvrages. Une telle piste présente l'intérêt d'être plus consensuelle, puisqu'elle est compatible avec le maintien de propriétaires de proximité, à l'image des collectivités territoriales.

Le conseil général de Charente-Maritime a créé pour sa part une « mission littoral », dont l'expertise participera à la réflexion engagée par l'Etat et les régions. Cette mission s'appuiera notamment sur l'activité et les travaux de recherche de l'union des marais de la Charente-Maritime (UNIMA) et de l'institut du littoral et de l'environnement de l'université de La Rochelle.

M. Bruno Retailleau, président, a fait part de ses réserves quant à la création d'un établissement public national chargé de la gestion des digues, bien que le caractère public de la maîtrise d'ouvrage doive désormais devenir systématique.

M. Alain Anziani, rapporteur, a souhaité savoir si le fonds de prévention des risques naturels majeurs (FPRNM), ou fonds « Barnier », constitue un instrument satisfaisant et si le régime d'assurance des catastrophes naturelles, dit « catnat », doit être révisé comme le recommandait le rapport de la mission d'enquête sur le régime d'indemnisation des victimes de catastrophes naturelles en 2005 et le rapport du groupe de travail du Sénat sur la sécheresse de 2003.

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat chargé des transports, a plaidé pour une utilisation plus rationnelle du fonds Barnier : il convient en effet de conserver en son sein des réserves conséquentes et de réduire la part des crédits utilisée à des fins de recherches et d'études. Par ailleurs, il a indiqué que le régime « catnat » n'appelle pas d'observations particulières de sa part.

M. Bruno Retailleau, président, a fait état d'une pression importante en matière d'urbanisation du littoral. Selon une étude des Nations-Unies, 80 % de la population mondiale devrait ainsi habiter sur une bande côtière de 100 kilomètres au cours des prochaines années.

M. Dominique Bussereau a rappelé que le rôle des maires en matière d'urbanisme procède d'une délégation de l'Etat : il s'agit en effet d'une compétence déconcentrée mais non décentralisée. Les politiques d'urbanisation sont donc théoriquement mises en oeuvre au niveau local sous un contrôle particulièrement strict de l'Etat. Celui-ci doit donc assumer la plénitude de ses responsabilités tout en veillant à conseiller les collectivités territoriales dans leurs prises de décision. Par ailleurs, il pourrait être envisagé d'associer avantageusement l'Etat à la définition des schémas de cohérence territoriale (SCOT). En revanche, le transfert aux intercommunalités de la compétence des communes en matière de droit de l'urbanisme n'apparaît pas opportun.

M. Bruno Retailleau, président, a ensuite évoqué le double rôle de l'Etat, dans l'instruction en amont et dans le contrôle de légalité en aval, ce dernier étant réalisé par échantillonnage.

M. Dominique Bussereau est convenu que la coexistence ces deux fonctions ainsi que le mode de contrôle par simple échantillon pouvaient créer une difficulté. Mais il a souligné que l'urbanisme était un domaine sur lequel les citoyens exerçaient une particulière vigilance.

M. Alain Anziani, rapporteur, s'est interrogé sur la possibilité de transférer aux intercommunalités ou aux départements la compétence de délivrance des permis de construire, ainsi que sur l'opportunité pour l'Etat d'abandonner son rôle d'instructeur au profit d'un recentrage sur le contrôle de légalité.

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat chargé des transports, a observé que les intercommunalités développent de fait une compétence en matière de droit de l'urbanisme. Sans leur confier la responsabilité de la délivrance des permis de construire, il pourrait être envisagé d'accroître leurs missions de conseil aux communes, au moins à titre facultatif.

En conclusion, il s'est félicité de la démarche de la mission d'information du Sénat sur les conséquences de la tempête Xynthia, qui a contribué, notamment par son déplacement en Charente-Maritime et en Vendée, à l'apaisement de la relation entre les pouvoirs publics et les sinistrés. En outre, il a fait état de deux attentes quant aux travaux de la mission : une analyse précise des événements, d'une part, et des préconisations utiles pour l'avenir, d'autre part.

Audition de M. Jean-Jacques Brot, préfet de la Vendée

Puis la mission a procédé à l'audition de M. Jean-Jacques Brot, préfet de la Vendée.

Interrogé par M. Bruno Retailleau, président, sur la qualité de l'alerte météo transmise aux maires et sur les actions entreprises par la préfecture avant le passage de la tempête Xynthia, M. Jean-Jacques Brot, préfet de la Vendée, a indiqué que l'insuffisance de la culture du risque en France métropolitaine avait été pénalisante dans la phase d'alerte, mais que le bulletin envoyé par Météo France, par sa précision sur le niveau de surcote, avait permis aux services préfectoraux de réagir rapidement : ainsi, une cellule de crise a été réunie dès le 27 février à 22 heures, tandis qu'une cellule opérationnelle était installée dès minuit. Il a précisé que cinq messages d'alerte avaient été envoyés à chaque maire par plusieurs moyens de communication, mais que ceux-ci étaient restés lettre morte dans certaines communes, comme à La Faute-sur-Mer. Dans ce cadre, il a souligné qu'aucun maire n'avait sollicité l'appui de la préfecture pour organiser l'évacuation des populations dans les zones menacées d'inondation, mais que cette mesure pourrait être prévue à l'avenir ; il a estimé qu'une évacuation ne pouvait pas être improvisée et qu'il était nécessaire d'anticiper les modalités de sa mise en oeuvre en l'intégrant aux plans communaux de sauvegarde (PCS), qui devraient alors délimiter des « zones de repli » permettant de protéger les populations évacuées. Il a en outre fait valoir que, en tout état de cause, aucune évacuation n'aurait pu être menée au cours de la tempête, c'est-à-dire de nuit et avec des vents de plus de 130 km/h, puisqu'une telle décision aurait mis en danger la vie des personnes évacuées et des sauveteurs.

En réponse à une question de M. Bruno Retailleau, président, M. Jean-Jacques Brot, préfet de la Vendée, a indiqué que, parmi les 69 communes vendéennes qui devraient être couvertes par un PCS, 49 (dont les communes de La Faute-sur-Mer et de L'Aiguillon-sur-Mer) étaient dépourvues d'un tel document, ce qui avait poussé la préfecture à leur adresser un courrier le 12 mars 2010 afin de leur proposer son soutien dans l'élaboration de ce plan.

À Mme Nicole Bonnefoy, qui rappelait que M. Dominique Bussereau avait déclaré, lors de son audition par la mission, que des évacuations avaient été réalisées en Charente-Maritime sur instruction du préfet, M. Jean-Jacques Brot, préfet de la Vendée, a répondu qu'il n'était arrivé en Vendée que depuis treize jours au moment du passage de la tempête et que s'il avait eu une plus grande connaissance des lieux (notamment la situation de la « cuvette » de La Faute-sur-Mer, dont il a considéré qu'elle était scandaleusement lotie), il se serait rapproché du maire de La Faute-sur-Mer en vue de procéder à une évacuation.

Interrogé par M. Dominique de Legge sur le contenu exact du message d'alerte envoyé par Météo France, M. Jean-Jacques Brot a rappelé que la tempête Xynthia avait fait l'objet d'une alerte rouge, ce qui signalait son caractère exceptionnel, et qu'elle avait été largement annoncée par les médias, si bien que les populations et les élus locaux avaient été parfaitement informés de la gravité de l'évènement ; dès lors, il a jugé que les maires des communes exposées à des risques d'inondation forts auraient dû tirer les conséquences de cette alerte en contactant la préfecture pour organiser, en amont, la gestion de la tempête.

En réponse à une remarque de Mme Gisèle Gautier, qui s'étonnait de l'absence de communication entre les préfets de Charente-Maritime et de Vendée, M. Jean-Jacques Brot a exposé que ces deux départements appartenaient à deux régions différentes et que les préfectures avaient dû agir dans l'urgence, ce qui expliquait qu'elles ne se soient pas concertées sur les mesures à prendre pour faire face à la violence de la tempête. Plus précisément, il a rappelé que la préfecture de Vendée, en l'absence de PCS comportant des plans d'évacuation et de demandes particulières des communes, n'avait pas pu évacuer les populations menacées.

M. Bruno Retailleau, président, a jugé que les questions relatives à la culture du risque, d'une part, et à la modélisation des risques complexes, comme les risques de submersion marine qui imposent de croiser plusieurs éléments et de modéliser l'impact de phénomènes maritimes sur la côte, d'autre part, devraient être traitées par la mission, qui serait amenée à formuler des propositions sur ces thèmes.

M. Philippe Darniche a marqué son accord avec ces propos et a estimé que la tempête Xynthia devait inciter les communes littorales à modéliser des plans d'évacuation et mettre en place des actions de préparation (entraînements, exercices...) afin de renforcer leur culture du risque.

Interrogé par M. Bruno Retailleau, président, sur l'organisation des secours, M. Jean-Jacques Brot a déclaré avoir été impressionné par le professionnalisme, le dévouement et l'héroïsme de tous ceux qui avaient contribué aux sauvetages, malgré des problèmes matériels particulièrement graves : il a indiqué que les téléphones mobiles avaient connu des pannes lourdes, si bien que pendant douze heures, les services de secours n'avaient disposé que d'une seule ligne fixe ; toutefois, il a précisé que la zone de défense Ouest, basée à Rennes, ainsi que la direction de la sécurité civile, avaient apporté une aide précieuse aux secours vendéens.

M. Bruno Retailleau, président, a relevé que le problème de l'effondrement des réseaux de communication s'était également posé lors de la tempête Katrina à la Nouvelle-Orléans, et qu'il était nécessaire que la stratégie française de réponse aux crises intègre, à l'avenir, cet élément.

Mme Gisèle Gautier a rappelé que, lors de la visite de la mission au SDIS de Vendée, il avait été fait état de lourdes difficultés avec l'opérateur SFR, qui avait mis plusieurs jours à rétablir son réseau alors même que ce rétablissement était d'une importance capitale pour les services de secours, ce que M. Jean-Jacques Brot a confirmé ; elle a estimé que cette situation était aberrante et que la mission devrait faire état de ce problème dans son rapport.

Répondant à M. Bruno Retailleau, président, qui soulignait que l'urbanisation excessive du littoral avait contribué à alourdir le bilan de Xynthia, M. Jean-Jacques Brot, préfet de la Vendée, a estimé que l'implantation de maisons dans des zones à risque découlait d'un insuffisant contrôle de l'État sur les actes délivrés par les communes en matière d'urbanisme et, partant, d'une application dévoyée de la décentralisation : à ce titre, il a rappelé que le Président de la République avait déclaré, dans son discours du 16 mars 2010, que les conséquences dramatiques de la tempête étaient le fruit non seulement d'évènements climatiques, mais aussi d'une accumulation de confusions. Ainsi, il a estimé que tous les acteurs impliqués dans la délivrance des autorisations d'urbanisme avaient été, à des degrés divers, complaisants et laxistes : à titre d'exemple, il a cité les procès-verbaux de la commission départementale des sites, celle-ci ayant approuvé, parfois à l'unanimité, la construction de lotissements exposés à des risques majeurs et totalement détruits par Xynthia. De même, il a affirmé que la loi « Littoral » n'avait pas été correctement appliquée, que des décisions avaient été prises au mépris du bon sens, et que l'occupation illégale du domaine public maritime de l'État avait été tolérée (à L'Aiguillon-sur-Mer, dans le secteur de La Pointe, 150 maisons ont ainsi été illégalement construites), ce qui est d'autant plus problématique que l'occupation illégale du domaine public maritime de l'État est prescrite au bout de trois ans. Dès lors, il a estimé que l'esprit de la décentralisation, qui impose qu'un dialogue franc et loyal se noue entre les représentants de l'État et les collectivités territoriales, n'avait pas été respecté, et que les responsabilités de chacun des acteurs (État, élus locaux, habitants...), qui seraient établies par la justice, étaient conjointes.

Interrogé par M. Alain Anziani, rapporteur, sur les actions entreprises par la préfecture lorsqu'elle avait constaté que le droit en vigueur était mal appliqué par les collectivités, M. Jean-Jacques Brot, préfet de la Vendée, a indiqué que la mise en application anticipée du PPRI en juin 2007 dans les communes de L'Aiguillon-sur-Mer et de La Faute-sur-Mer avait permis de déférer une trentaine d'autorisations d'urbanisme, qui avaient toutes été censurées par le juge administratif ; il a toutefois déploré que ce sursaut ne soit intervenu que tardivement. En outre, il a regretté que les instruments dévolus aux représentants de l'État dans le cadre de leur mission de contrôle de légalité soient utilisés de manière très inégale, et que la fréquence du recours à ces outils dépende largement de la personnalité et du style des préfets en place ; de plus, il a estimé que cette application discontinue et inconstante du droit était une source d'incompréhension pour les élus locaux.

M. Bruno Retailleau, président, a rappelé qu'une très faible proportion des actes relatifs à l'urbanisme était finalement déférée au juge administratif (0,024 % en 2008) ; il s'est demandé si ce constat n'était pas lié au fait que les préfectures étaient « juge et partie », dans la mesure où elles étaient chargées à la fois de l'instruction des demandes de permis de construire pour le compte des petites communes, et de l'exercice du contrôle de légalité.

M. Jean-Jacques Brot, préfet de la Vendée, a estimé que ce constat du faible nombre de déférés préfectoraux à l'échelle nationale était affligeant. Il a fait valoir que l'Etat devait avoir un dialogue loyal avec les collectivités territoriales mais qui puisse, le cas échéant, déboucher sur un contentieux. Il a considéré que les préfets devaient privilégier l'exigence républicaine consistant à faire respecter le droit, en n'hésitant pas à déférer les actes apparemment illégaux. À cet égard, il a affirmé qu'il ne fallait considérer le contentieux comme un échec en soi, mais qu'il devait à l'inverse être assumé comme un moyen de faire respecter la loi. En outre, il a souligné que des directives orales incitant les préfets à exercer leur mission de contrôle de légalité avec moins de rigueur avaient été données par les membres de tous les gouvernements depuis plusieurs années, et que l'exercice du contrôle était complexifié par la révision générale des politiques publiques (RGPP), qui avait provoqué une diminution drastique et brutale des effectifs consacrés à cette tâche sans pour autant atténuer la responsabilité de la puissance publique qui peut, quelles que soient les conditions matérielles de mise en oeuvre du contrôle de légalité, être engagée en cas de faute lourde. Il a estimé que, en réponse à cette baisse de moyens, les préfectures seraient contraintes de mieux hiérarchiser leurs priorités et qu'il serait souhaitable qu'elles contrôlent en priorité les actes ayant un impact sur la sécurité des personnes et des biens. Enfin, il a jugé que la dualité de fonctions des services de l'Etat, souvent chargés de contrôler des autorisations d'urbanisme dont ils avaient eux-mêmes réalisé l'instruction, posait un réel problème dont le législateur devait se saisir en interdisant aux services de l'État d'intervenir dans l'instruction des demandes de permis.

En réponse à une question de M. Bruno Retailleau, président, sur le renforcement de l'effectivité des plans de prévention des risques (PPR), M. Jean-Jacques Brot, préfet de Vendée, a émis le souhait que l'adoption des PPR soit encadrée dans un délai raisonnable à l'expiration duquel le préfet pourrait, sous le contrôle du juge, les mettre en application ; dans ce contexte, il a rappelé que, en neuf ans, quatre projets de PPR avaient été préparés pour les communes de La Faute-sur-Mer et de L'Aiguillon-sur-Mer, mais qu'aucun document n'avait été adopté. En outre, concernant l'évaluation de l'aléa, il a estimé que les services de l'État devaient, à l'avenir, mieux tenir compte des données historiques et géographiques dont ils disposaient et des évolutions climatiques probables ; il a précisé que cette méthode avait été employée par le ministère de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer (MEEDDM) pour la délimitation des « zones noires », et que des éléments de terrain, comme l'état des digues, avaient également été pris en compte.

Ayant fait état de la diversité d'appellation des zones exposées à de forts risques de submersion marine, celles-ci étant nommées alternativement « zones noires » ou « zones de solidarité », M. Bruno Retailleau, président, a rappelé que M. Dominique Bussereau avait affirmé devant la mission d'information que les experts nationaux en charge du zonage avaient fait preuve d'amateurisme et que le choix des préfectures de département n'était peut-être pas le plus pertinent pour gérer la question des « zones mortelles ».

Ayant relevé que M. Dominique Bussereau, en sa qualité de secrétaire d'Etat chargé des transports, était présent à la réunion du 1er avril 2010, au cours de laquelle les cartographies des « zones noires » avaient été approuvées par le gouvernement, M. Jean-Jacques Brot, préfet de la Vendée, a rappelé que les zonages avaient été établis par les préfectures, mais en fonction de critères figurant dans une circulaire du 18 mars 2010 et fixés par l'administration centrale. Il a indiqué que, sur la base de cette circulaire, une première cartographie avait été élaborée par les préfectures et qu'elle avait ensuite été affinée, au cours de visioconférences successives, par un jeu itératif entre les experts nationaux, les cabinets des ministères compétents et les services préfectoraux ; à ce titre, il a précisé que, dans la cartographie définie pour la Vendée au tout début du processus, les « zones noires » étaient sensiblement plus étendues que dans la version finale du gouvernement. Il a estimé que les délais impartis pour élaborer ce zonage, bien que courts, avaient été suffisants dans la mesure où, en Vendée, seules deux communes étaient concernées, et où leurs caractéristiques en termes de risques étaient parfaitement connues des services de l'État grâce au long travail de préparation des PPRI qui avait été mené depuis 2001. En outre, il a indiqué que chacune des 915 habitations classées en « zone noire » n'avait pas été visitée en amont de la définition de la cartographie, et que les conseils municipaux n'avaient pas été formellement consultés.

En réponse à M. Alain Anziani, rapporteur, qui soulignait que la rapidité avec laquelle le processus de délimitation des « zones noires » avait été mené avait suscité l'incompréhension des habitants, et qui s'interrogeait sur le nombre de demandes d'acquisition amiable reçues par la préfecture, M. Jean-Jacques Brot, préfet de la Vendée, a rappelé que le classement en « zone noire » permettait aux propriétaires concernés de bénéficier d'un système d'indemnisation exceptionnellement favorable et sans précédent en France. En outre, il a indiqué que les évaluateurs du service des Domaines avaient reçu 613 personnes désireuses de recourir à la procédure d'indemnisation amiable, qu'ils avaient procédé à 109 évaluations et qu'ils devraient en avoir mené 138 d'ici la fin de la semaine en cours ; sur ce terrain, il a souligné que les premières acquisitions seraient actées dans la semaine à venir et qu'elles seraient définitives dès la fin du mois de juin.

Interrogé par M. Bruno Retailleau, président, sur les critères de définition des « zones de solidarité », M. Jean-Jacques Brot, préfet de la Vendée, a souligné que l'État s'était attaché à délimiter des zones homogènes afin d'éviter le mitage urbain. De plus, il a indiqué que les périmètres ainsi définis n'étaient pas intangibles et que des modifications à la marge pourraient être opérées, ainsi qu'en témoignait la mise en place de « délégués de solidarité » envoyés sur le terrain par le Premier ministre pour examiner les cas litigieux. Il a estimé que les zones d'expropriation finalement retenues devraient tenir compte des observations formulées par les élus locaux et des conclusions des commissaires-enquêteurs chargés de mener l'enquête publique préalable à toute expropriation et que ces enquêtes publiques devaient être lancées rapidement, simultanément dans les deux départements de Vendée et de Charente-Maritime, et dans une période où les résidents secondaires pourraient faire valoir leur point-de-vue : il a donc envisagé que la phase d'expropriation débute dès le mois de juillet, sous réserve que ce calendrier convienne à la préfecture de Charente-Maritime. Ayant indiqué qu'il ne disposait pas encore d'instructions gouvernementales sur le déroulement de cette phase, il a déclaré que, selon lui, il était logique que les enquêtes parcellaires dont la mise en place a été annoncée par le Premier ministre soient organisées pendant l'enquête publique. De plus, il a estimé nécessaire que plusieurs enquêtes publiques soient mises en oeuvre, chaque « zone noire » étant couverte par une enquête séparée, afin qu'une éventuelle annulation contentieuse de la déclaration d'utilité publique sur un secteur n'entraîne pas mécaniquement l'annulation de l'intégralité de la procédure.

En réponse à une question de M. Bruno Retailleau, président, qui l'interrogeait sur le rôle exact des « délégués à la solidarité », M. Jean-Jacques Brot, préfet de Vendée, a indiqué que ces délégués étaient chargés de réexpliquer le processus de définition des « zones noires » aux sinistrés et de prendre note des cas les plus complexes afin que ceux-ci soient réexaminés avant la délimitation du périmètre d'enquête publique.

Concernant le plan « Digues », M. Jean-Jacques Brot, préfet de la Vendée, a émis le souhait que l'État prenne un rôle central dans la gestion des ouvrages de protection ; à titre personnel, il s'est déclaré favorable à une gestion des digues par l'Etat. En tout état de cause, il a estimé que les expériences étrangères récentes, et notamment le mouvement de « dépolderisation » qui est à l'oeuvre aux Pays-Bas et en Grande-Bretagne, devraient être pris en compte, et que l'État devrait s'attacher à éviter que les digues ne soient utilisées à des fins de spéculation immobilière.

M. Philippe Darniche a fait valoir que l'information sur le zonage établi était essentielle. Il a jugé nécessaire que le dossier soit solide juridiquement et souhaité que l'indemnisation des sinistrés soit rapide et équitable. Il a estimé que, si cet objectif était rempli, les expropriations seraient peu contestées devant le juge administratif.

M. Jean-Claude Merceron a marqué son accord avec ces déclarations ; il a en outre estimé judicieux d'organiser des enquêtes publiques séparées.

Audition de M. Benoist Apparu, secrétaire d'État chargé du logement et de l'urbanisme

Au cours d'une seconde séance tenue dans l'après-midi, la mission a entendu M. Benoist Apparu, secrétaire d'État chargé du logement et de l'urbanisme.

Ayant rappelé que l'augmentation de la pression démographique sur les zones littorales était un phénomène de fond au niveau mondial, M. Bruno Retailleau, président, a exposé que la construction indue d'habitations dans les zones à risque, que la tempête Xynthia avait révélé, résultait d'une cascade de responsabilités impliquant non seulement les élus locaux, mais aussi les services préfectoraux, qui instruisent environ 80 % des demandes de permis de construire et qui ont peu fait usage de leur capacité de déférer des actes apparemment illégaux à la juridiction administrative ; il a interrogé M. Benoist Apparu sur les conséquences à tirer de ces constats en matière de droit des sols.

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État chargé du logement et de l'urbanisme, a tout d'abord souligné qu'une éventuelle réforme du droit des sols ne concernerait que les logements futurs et que le législateur, s'il pouvait gérer l'avenir, n'avait pas d'emprise sur le passé, c'est-à-dire sur le stock de maisons existantes ; à cet égard, il a rappelé que les plans de prévention des risques (PPR) pouvaient contenir des prescriptions applicables aux bâtiments existants, mais que les coûts des travaux qu'ils imposeraient alors de réaliser était limité à 20 % du prix de l'habitation. Ensuite, sur le cas particulier de l'urbanisme du littoral, il a estimé que deux dynamiques contradictoires étaient à l'oeuvre, à savoir une forte pression démographique (en France, le quart nord-est est en effet en dépeuplement, tandis que les façades maritimes sont en nette croissance) et la nécessité de tenir compte des risques et de protéger le patrimoine. Il a fait valoir qu'elles formaient une équation extrêmement complexe à gérer. Dans ce cadre, il a observé que des expériences d'urbanisme de projet, qui permettent de faire primer les objectifs poursuivis -qui sont prédéfinis en amont par les pouvoirs publics- sur les normes infra-législatives, avaient récemment été menées dans les zones littorales, par exemple à Guérande et à Antibes, et qu'elles avaient montré que la prolifération et la complexité des normes pouvait faire obstacle à la réalisation effective des buts poursuivis par le législateur.

En outre, M. Benoist Apparu, secrétaire d'État chargé du logement et de l'urbanisme, a indiqué que la révision générale des politiques publiques (RGPP) avait des conséquences évidentes sur le contrôle de légalité, mais que l'acceptation totale de la logique de la décentralisation impliquait que le contrôle des préfets s'amoindrisse, et donc que les déférés soient plus rares ; il a également affirmé que le faible taux d'actes déférés en matière d'urbanisme (0,024 % en 2008) était dû à l'existence d'échanges informels entre les élus et les préfectures qui permettaient, le plus souvent, d'éviter les contentieux, et au fait que l'État, lorsqu'il instruit les demandes de permis de construire, vérifie ex ante la légalité desdits permis.

Ayant relevé que la proportion d'actes pris en matière d'urbanisme qui faisaient l'objet d'une lettre d'observation était elle aussi très faible (1,2 % en 2008, selon la DGCL), M. Bruno Retailleau, président, a estimé qu'il existait une tension entre les besoins des petites communes, qui sont dépourvues de services suffisants pour assurer seules l'instruction des demandes de permis de construire, et la nécessité de mettre fin à une situation dans laquelle l'État, en instruisant la délivrance d'actes dont il est censé garantir la légalité, est à la fois juge et partie.

Ayant rappelé que la plupart des communes françaises étaient trop petites pour disposer de services instructeurs efficaces, M. Benoist Apparu, secrétaire d'État chargé du logement et de l'urbanisme, a estimé que la question centrale était celle de la planification en matière d'urbanisme, et du niveau auquel cette planification devait être effectuée ; ainsi, il s'est demandé s'il était pertinent de maintenir les plans locaux d'urbanisme (PLU) au niveau communal.

M. Alain Anziani, rapporteur, a souhaité savoir :

- s'il était souhaitable que les services préfectoraux chargés de l'instruction des demandes de permis de construire, qui se bornent aujourd'hui à contrôler la conformité de ces permis aux documents d'urbanisme qui leur sont immédiatement opposables, mènent un contrôle plus approfondi à l'avenir, notamment dans la mesure où les maires s'en remettaient généralement à l'avis des services instructeurs sans effectuer d'investigations complémentaires ;

- s'il était souhaitable de mettre en place une règle supra-communale directement opposable aux permis de construire ;

- s'il était envisageable que l'instruction des demandes de permis de construire pour le compte des petites communes soit confiée aux intercommunalités ou aux départements, plutôt qu'aux services préfectoraux.

Enfin, il a estimé que l'esprit de la décentralisation ne s'opposait pas à ce que des actes soient déférés au juge administratif par le représentant de l'État, et ce d'autant plus que la responsabilité de l'État peut être engagée en cas de faute lourde dans l'exercice du contrôle de légalité.

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État en charge de l'urbanisme et du logement, a estimé que la mise en place d'une nouvelle norme supra-communale serait un facteur de complexité et que la hiérarchie des documents d'urbanisme devait être respectée. Ayant rappelé que, en l'état du droit, les PPR étaient directement opposables aux permis de construire, il a souligné que les actuels schémas de cohérence territoriale (SCOT) ne pouvaient pas valablement être utilisés pour faire échec aux permis de construire, dans la mesure où ils se bornaient à fixer des objectifs -et non des normes précises comme les PLU- et où ils ne couvraient que rarement des zones rurales, qui sont celles où l'instruction des demandes de permis de construire par les services préfectoraux est quasiment systématique.

À M. Alain Anziani, rapporteur, qui déclarait que la solution consisterait alors à rendre les PLU obligatoires sur tout le territoire, M. Benoist Apparu, secrétaire d'État en charge de l'urbanisme et du logement, a répondu que cette question était complexe, puisqu'un PLU communal n'était pas utile dans les très petites communes et que la progression des SCOT permettait d'ores et déjà de structurer les territoires au niveau des agglomérations, mais que, parallèlement, si le PLU était intercommunal, la solution de sa généralisation pourrait avoir de nombreux avantages. Toutefois, il a noté que les maires étaient très attachés au maintien d'une compétence communale en matière de droit des sols.

En réponse à M. Bruno Retailleau, président, qui faisait valoir que le fonds Barnier, qui perçoit environ 150 millions d'euros par an, ne pourrait que difficilement faire face aux dépenses résultant de la tempête Xynthia -les dépenses d'indemnisation dans les « zones de solidarité » étant, à elles seules, évaluées entre 300 et 400 millions d'euros-, M. Benoist Apparu, secrétaire d'État en charge de l'urbanisme et du logement, a rappelé que l'État pouvait consentir des avances au fonds.

Ayant estimé qu'il était légitime de maintenir l'urbanisme à un niveau de proximité avec les populations, M. Bruno Retailleau, président, a voulu connaître le contenu des amendements qui seraient déposés par le gouvernement à l'Assemblée nationale sur le projet de loi portant engagement national pour l'environnement, dit « Grenelle 2 », afin de mettre en oeuvre les mesures d'urgence permettant de faire face à court terme aux conséquences de la tempête Xynthia.

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État en charge de l'urbanisme et du logement, a indiqué que les amendements déposés par le gouvernement viseraient notamment à :

- sécuriser l'intervention du fonds Barnier, qui doit être étendu aux cas de submersion marine ;

- augmenter la capacité d'intervention de l'État pour le financement du plan « Digues », en faisant passer le taux d'aide aux collectivités territoriales dans le cadre du fonds Barnier de 25 à 40 % dans les communes disposant d'un PPR approuvé ;

- mettre en place une procédure simplifiée de révision des PPR, afin de garantir une prise en compte rapide de l'augmentation de l'aléa de référence par ces documents ;

- faire en sorte que les PPR mis en application par anticipation ne soient pas inopérants à l'expiration d'un délai de trois ans.

En outre, il a fait valoir que d'autres dispositions du « Grenelle 2 », comme la généralisation des SCOT, auraient un impact positif sur la prévention des risques, et que la généralisation des PPR relevait d'une volonté politique, traduite par les instructions données par le gouvernement aux préfets de département, plutôt que de modifications législatives : il s'agirait alors de donner pour directive aux préfets d'accélérer l'adoption des PPR, ce qui se traduira mécaniquement par une diminution de la concertation avec les élus locaux.

Répondant à M. Alain Anziani, rapporteur, qui envisageait qu'une date maximale pour l'adoption des PPR soit fixée par voie législative, M. Benoist Apparu, secrétaire d'État en charge de l'urbanisme et du logement, a estimé que cette solution, bien que légitime dans son principe, se heurtait à l'état d'avancement très variable des PPR, certains étant presque achevés alors que, pour d'autres, les travaux n'ont même pas débutés. À cet égard, il a souligné que les PPRI, qui tenaient compte des risques d'inondation et non des risques de submersion, étaient bien plus avancés dans les zones fluviales que dans les zones littorales et que ces deux situations soulevaient des problématiques très diverses, les PPR en zone fluviale devant prévenir les atteintes aux biens tandis que les PPR en zone littorale doivent s'intéresser prioritairement aux risques pour les personnes : il a estimé que, à l'avenir, ces deux types de risques devraient être clairement différenciés dans les PPR. En outre, il a exposé que, si le législateur fixait une date-butoir pour l'adoption des PPR, il devrait alors prévoir une sanction proportionnée.

À M. Bruno Retailleau, président, qui l'interrogeait sur les conséquences à tirer de la tempête Xynthia à long terme en matière de droit de l'urbanisme, M. Benoist Apparu, secrétaire d'État en charge de l'urbanisme et du logement, a indiqué que le gouvernement mènerait cette réflexion à la lumière des travaux du Parlement.

En réponse à une question de M. Bruno Retailleau, président, sur la raison des fortes oppositions à la cartographie des « zones noires » sur le terrain, M. Benoist Apparu, secrétaire d'État en charge de l'urbanisme et du logement, a indiqué qu'il avait rencontré les maires des communes de Charente-Maritime touchées par la tempête Xynthia lors d'une réunion du 10 mars 2010 sur le relogement des sinistrés et que, à cette occasion, il avait été interrogé sur le devenir des habitations à court terme ; dès lors, c'est pour répondre aux interrogations et aux craintes des élus locaux et des habitants qu'un micro-zonage a été mis en place pour repérer rapidement les zones mortelles et empêcher les populations de s'y réinstaller. Il a précisé que les expertises conduites pour mener à bien cette opération, bien que rapides, n'avaient pas été précipitées, et qu'elles avaient été sérieuses et s'étaient attachées à mettre en place des zones pertinentes : à cet égard, il a souligné que les experts avaient travaillé durant 5 000 heures pour établir la cartographie des « zones mortelles » en Charente-Maritime. Toutefois, il a admis que des incohérences -dont certaines ne sont qu'apparentes et visent, en réalité, à éviter le mitage urbain- persistaient et que des erreurs de communication avaient été commises par le gouvernement, ce qui expliquait partiellement la forte opposition aux « zones noires » sur le terrain.

Interrogé par M. Bruno Retailleau, président, sur le périmètre des zones soumises à enquête publique et sur le calendrier des procédures d'expropriation, M. Benoist Apparu, secrétaire d'État en charge de l'urbanisme et du logement, a indiqué qu'une enquête parcellaire serait menée, en concertation avec les élus locaux et les habitants concernés, avant le lancement des enquêtes publiques afin d'affiner les périmètres d'expropriation, et que ces derniers seraient ensuite précisés tout au long de la procédure. En outre, il a souligné que des directives claires seraient données aux préfectures par le pouvoir central, certainement par le biais d'une lettre d'engagement interministériel.

M. Alain Anziani, rapporteur, a relevé que les expropriations pour risque naturel majeur ne pouvaient, aux termes de la loi « Barnier » de 1995, être menées que si elles s'avéraient moins coûteuses que la mise en place de mesures de protection ; ayant estimé que ce « bilan financier » était difficile à appréhender, il a souhaité savoir comment ce critère serait appliqué par le gouvernement et s'il avait eu un impact dans la définition des « zones de solidarité ».

Ayant souligné qu'aucun critère financier n'avait été pris en compte pour la délimitation des « zones de solidarité », M. Benoist Apparu, secrétaire d'État en charge de l'urbanisme et du logement, a indiqué que la législation applicable en matière d'expropriation serait strictement appliquée par le gouvernement mais que, dans la mesure où les « zones noires » se caractérisaient par un degré de risque pour la vie humaine tel qu'aucune protection efficace ne pouvait être mise en place -contrairement aux « zones jaunes »-, il ne serait peut-être pas nécessaire d'établir un bilan financier. De plus, il a précisé que les enquêtes publiques, qui seraient informellement lancées à la fin de l'été 2010, débuteraient au cours de l'automne.

Interrogé par M. Alain Anziani, rapporteur, sur la possibilité de construire les habitations autrement plutôt que de déclarer les zones à risque inconstructibles, M. Benoist Apparu, secrétaire d'État en charge de l'urbanisme et du logement, a estimé que des prescriptions sur la construction et l'aménagement des maisons ne sauraient être suffisantes pour prévenir les risques extrêmes, dans la mesure où elles ne s'appliqueraient qu'aux bâtiments nouveaux et non aux maisons existantes. Néanmoins, il a souligné que le risque d'inondation n'interdisait pas, en tant que tel, toute construction et que, dans les zones exposées à un niveau de risque acceptable, il conviendrait de garantir non seulement la protection des biens, mais aussi la préservation de la vie sociale, économique et humaine de la zone en cas d'inondation durable.

Interrogé par Mme Gisèle Gautier, qui estimait anormal que chaque maison classée en « zone noire » n'ait pas été préalablement visitée par les experts et qui relevait que de nombreuses erreurs de pédagogie avaient été commises, M. Benoist Apparu, secrétaire d'État en charge de l'urbanisme et du logement, a indiqué qu'il partageait cette analyse mais que, sur un plan technique, il n'était pas nécessaire que les experts aient visité individuellement les habitations touchées par la tempête Xynthia pour déterminer si elles étaient soumises, ou non, à un risque mortel ; en outre, il a fait valoir que ces experts avaient été sur le terrain, où ils avaient effectué plus de 150 relevés des niveaux de submersion, mais qu'ils auraient dû y rester environ six mois pour effectuer une analyse au cas par cas, cette durée étant incompatible avec la nécessité de renseigner rapidement les populations sur l'avenir de leur maison. Enfin, il a souligné que, sur les 915 habitations classées en « zone de solidarité » en Vendée, 830 avaient fait l'objet d'une demande de rendez-vous dans le cadre de la procédure d'acquisition amiable.

M. Jean-Claude Merceron a jugé nécessaire d'examiner de plus près les cas les plus difficiles.

En réponse à des remarques de MM. Bruno Retailleau, président, et Alain Anziani, rapporteur, M. Benoist Apparu, secrétaire d'État en charge de l'urbanisme et du logement, a indiqué que le gouvernement avait donné pour instruction aux préfets de repérer et de signaler d'éventuelles « zones mortelles » dans leur département, et que les « zones noires », une fois « sanctuarisées » (c'est-à-dire au terme de la phase d'acquisition amiable et de la phase d'expropriation), pourraient être réhabilitées dès lors qu'aucune activité nocturne n'y était organisée ; en tout état de cause, il a précisé que la destination de ces zones serait régie par les futurs PPR.

Interrogé par M. Bruno Retailleau, président, sur l'établissement public foncier d'État dont le gouvernement a annoncé la création pour contribuer, en Vendée, à la gestion des conséquences de la tempête Xynthia et notamment au relogement des sinistrés, M. Benoist Apparu, secrétaire d'État en charge de l'urbanisme et du logement, a précisé que le décret instituant cet organisme serait prochainement publié.

Mme Gisèle Gautier a estimé qu'il serait opportun de permettre aux sinistrés de recourir à une procédure d'urgence en matière de marchés publics.

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État en charge de l'urbanisme et du logement, a indiqué que le relogement à long terme des populations serait facilité par plusieurs mesures :

- l'accélération de l'instruction des demandes d'autorisation d'urbanisme ;

- l'assouplissement du prêt à taux zéro : ce prêt, qui est aujourd'hui réservé aux primo-accédants, sera ouvert aux sinistrés, et une enveloppe exceptionnelle de 5 millions d'euros sera accordée au financement de ce dispositif.

En réponse à M. Bruno Retailleau, président, qui l'interrogeait sur un éventuel déplafonnement des ressources prises en compte pour ce prêt, M. Benoist Apparu, secrétaire d'État en charge de l'urbanisme et du logement, a fait valoir que les procédures d'acquisition amiable des habitations permettront déjà de couvrir 100% du coût du foncier.

Enfin, il a précisé que les dépenses exposées par les communes pour préfinancer le fonds d'aide au relogement d'urgence (FARU) -pour un coût estimé, à ce stade, à 954 millions d'euros- seraient remboursées en urgence et intégralement par l'État.

En conclusion, M. Benoist Apparu, secrétaire d'État en charge de l'urbanisme et du logement, a déclaré comprendre les difficultés auxquelles les sinistrés se trouvent confrontés. Il a rappelé que l'objectif prioritaire était de protéger la population. Il a de nouveau souligné que les PPR apporteraient une réponse pour l'avenir mais qu'il fallait pouvoir traiter la situation du bâti existant.

Audition de M. Raymond Léost, responsable juridique de France nature environnement

La mission a enfin procédé à l'audition de M. Raymond Léost, responsable juridique de France nature environnement (FNE).

M. Raymond Léost a tout d'abord rappelé que FNE était une fédération d'associations créée en 1968 et reconnue d'utilité publique, regroupant 3 000 associations locales et plusieurs associations nationales défendant, non des intérêts catégoriels, mais l'intérêt général environnemental.

Puis il a dressé certains constats relatifs à la tempête Xynthia :

- la mer aurait pénétré sur les terres, qu'il y ait eu des digues ou non ;

- les réponses doivent être différenciées, selon que les zones sont urbanisées ou non ;

- si les risques de submersion ou d'inondation sont connus, leur probabilité est en revanche difficilement définissable.

Il a alors exposé les mesures préconisées par sa fédération :

- la prévention des risques naturels ne peut s'analyser à l'échelon de la seule commune ; elle requiert un territoire approprié, qui coïncide préférentiellement avec une entité écologique ;

- les communes situées à l'intérieur des terres, et non les seules communes littorales, doivent être prises en compte ;

- l'objectif d'un développement à tout prix des communes doit être abandonné. Il convient en effet de réfléchir à l'échelon intercommunal aux moyens de mieux répondre aux besoins des habitants actuels.

M. Bruno Retailleau, président, ayant fait remarquer que les populations demandaient souvent le développement de leur commune, M. Raymond Léost a acquiescé, tout en précisant que la réponse ne devait pas être que quantitative. La loi « littoral », a t-il poursuivi, doit intégrer les risques naturels et viser, non la seule protection des espaces naturels, mais également leur mise en valeur. Ainsi, l'interdiction de construire dans une bande de 100 mètres en retrait du rivage, motivée par la prévention de l'érosion, pourrait également être justifiée par la protection des communes exposées. De même, la capacité d'accueil de ces dernières devrait prendre en compte la prévention des risques naturels. Il conviendrait également d'identifier les espaces non urbanisés soumis à ce type de risques en vue de les soustraire à l'urbanisation et d'y développer des activités marines ou agricoles. Enfin, il faudrait revenir sur la disposition de la loi du 23 février 2005 relative au développement des territoires ruraux ayant rendu inapplicable l'interdiction de construction dans la bande de 100 mètres pour ce qui est des chenaux : en effet, la mer s'y est engouffrée, dans le cas de la tempête Xynthia, provoquant des dégâts dans les parties urbanisées.

M. Bruno Retailleau, président, a fait observer le risque de fragmentation de la législation entre des plans de prévention des risques inondation (PPRI) relevant du code de l'environnement, et une loi « littoral » intégrée dans le code de l'urbanisme. Il s'est interrogé sur l'opportunité d'une meilleure adaptation des PPRI au risque de submersion marine, plutôt que d'une modification de la loi « littoral » en ce sens.

M. Raymond Léost a estimé que la protection des risques naturels dans la loi « littoral » ne serait en rien exclusive des dispositions contenues à cet effet dans les PPRI. Il a par ailleurs regretté que les directives territoriales d'aménagement (DTA), créées en 1995, risquent d'êtres supprimées lors de l'adoption prochaine du projet de loi portant engagement national pour l'environnement. Elles offrent en effet une réflexion sur les coupures d'urbanisation dans les espaces proches du rivage à une échelle supérieure à celle de la commune. Il eût été judicieux d'utiliser un tel instrument existant plutôt que d'en développer de nouveaux.

M. Raymond Léost a par ailleurs jugé que la gestion du trait de côte devait également être approchée à une échelle supracommunale, soit celle de la région au moyen de syndicats mixtes interdépartementaux, permettant d'avoir une vision concertée entre élus. Dans les zones urbaines exposées à des risques, a t-il poursuivi, il conviendrait de mieux prendre en compte le bilan coût/avantages d'une destruction des maisons. Celle-ci n'étant pas nécessairement la meilleure solution, une restauration ou une surélévation des digues pourrait lui être préférée, l'objectif prioritaire devant être de soustraire les populations exposées aux risques.

Notant qu'un tel bilan coût/avantage se trouvait dans la loi du 2 février 1995 relative au renforcement de la protection de l'environnement, dite « loi Barnier », M. Bruno Retailleau, président, a alors interrogé l'intervenant sur les « zones de solidarité ».

Remarquant tout d'abord qu'elles échappaient à toute définition juridique, M. Raymond Léost s'est inquiété du devenir des terrains ainsi libérés, préconisant leur affectation au Conservatoire du littoral, ainsi que du relogement des actuels propriétaires, estimant qu'il faudrait veiller à ne pas les installer dans de nouvelles zones à risques ni ouvrir de dérogations aux dispositions anti-mitage de la loi « littoral ».

Déplorant l'insuffisante transparence dans la procédure de détermination des « zones de solidarité », il a observé que l'Etat avait repris les critères présidant à l'élaboration des PPRI, dont il a jugé qu'ils seraient sous-dimensionnés en cas de survenance d'un évènement climatique de plus grande ampleur.

Evoquant le manque de culture du risque chez les citoyens et l'effort pédagogique que devraient fournir les pouvoirs publics, M. Raymond Léost a apprécié favorablement le principe des « zones de solidarité », sous réserve de quelques ajustements possibles à la marge. Partisan d'une libre circulation des eaux mais jugeant de façon assez négative les maisons sur pilotis, que le courant affaiblit, il a souhaité que les recherches sur les ouvrages de protection soient rendues publiques et que la concertation soit renforcée. Par ailleurs, a-t-il poursuivi, les documents d'urbanisme doivent tenir compte des éléments de prévision des risques et l'Etat devrait contraindre les communes récalcitrantes dans cette voie. Evoquant une récente jurisprudence, il s'est dit favorable à la suppression de la procédure des permis de construire tacites dans les zones exposées aux risques, dans l'intérêt tant des auteurs desdits permis que des pouvoirs et des finances publics. L'Etat, et non les autorités décentralisées, doit rester le garant de la prévention des risques naturels. Il conviendrait enfin de revenir sur la loi de décentralisation du 7 janvier 1983 ayant transféré définitivement de l'Etat aux communes la responsabilité de la délivrance des permis de construire dès l'adoption d'un plan local d'urbanisme (PLU), en ôtant notamment cette compétence lorsqu'elle est exercée en anticipation d'un PPRI.

M. Bruno Retailleau, président, a fait observer que l'Etat pouvait déférer des permis de construire devant le juge administratif et qu'il l'avait d'ailleurs fait à plusieurs reprises.

M. Alain Anziani, rapporteur, a rappelé pour sa part les principes généraux de la responsabilité pénale du maire.

M. Raymond Léost a préconisé l'implantation des postes de secours en-dehors des zones à risques, ainsi que l'application de la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales pour ses dispositions relatives aux plans communaux de sauvegarde (PCS), dont il a estimé que les populations devaient être régulièrement informées.

M. Bruno Retailleau, président, a noté que l'occurrence d'une tempête du type Xynthia étant improbable à l'échelle d'une vie, la culture du risque par mémorisation du vécu s'en trouvait réduite d'autant.

M. Raymond Léost a précisé que la responsabilité pénale d'une personne ayant délivré un permis de construire pouvait être recherchée pour délit de blessures ou homicide involontaire, en cas de dommages corporels, les personnes l'ayant assisté étant susceptibles d'être considérées comme complice. Les règles de prescription, favorables aux victimes, rendent possibles des mises en examen longtemps après la survenance des faits, la date de leur connaissance étant prise en compte.

A M. Bruno Retailleau, président, qui lui demandait si des élus avaient, selon lui, pu délivrer des permis de construire sur des terrains affectés par des risques mortels, M. Raymond Léost a répondu que l'instruction des dossiers permettrait parfois facilement de prouver la faute caractérisée des autorités concernées. Le système assurantiel, a-t-il continué, devrait être davantage incitatif, en privant d'une partie de leurs droits à réparation les victimes s'étant installées en connaissance de cause dans des zones à risques. Enfin, les assureurs devraient pouvoir se retourner contre les personnes responsables.

M. Bruno Retailleau, président, a ensuite interrogé l'intervenant sur le « plan digues », dépourvu de dispositions concernant le cordon dunaire, ainsi que sur l'incidence des contraintes environnementales sur la construction ou le renforcement des digues.

M. Raymond Léost a estimé que les dunes devaient être prioritairement restaurées, les digues, sans lesquelles il faudrait apprendre à vivre, n'étant en aucun cas des protections absolues. Leur restauration ou surélévation ne doit être recherchée que lorsque leur bilan bénéfice/coût est positif.

M. Alain Anziani, rapporteur, l'ayant interrogé sur les effets des digues sur l'environnement et la biodiversité, M. Raymond Léost, après avoir précisé qu'il n'était pas spécialisé dans ces problématiques, a indiqué qu'elles favorisaient l'érosion du littoral, la Grande-Bretagne ouvrant d'ailleurs certaines d'entre elles afin de laisser les eaux circuler librement.

M. Bruno Retailleau, président, ayant fait remarquer que certaines digues, notamment dans les marais bretons, avaient contribué à la protection et au développement de la biodiversité, M. Raymond Léost a répondu que la réticence de sa fédération aux digues était un principe susceptible d'aménagements selon les circonstances.