Jeudi 6 avril 2023

- Présidence de Mme Vivette Lopez, rapporteur -

Foncier agricole dans les outre-mer - Audition de MM. Arnaud Martrenchar, délégué interministériel à la transformation agricole des outre-mer et Jacques Andrieu, directeur de l'Office de développement de l'économie agricole d'outre-mer (ODEADOM)

Mme Vivette Lopez, présidente et rapporteure. - Monsieur le président, messieurs, chers collègues, j'ai l'honneur de remplacer aujourd'hui le Président Stéphane Artano, qui vous prie de l'excuser de ne pas être présent physiquement. Il est actuellement à Saint-Pierre-et-Miquelon et il participe à nos travaux en visioconférence. Il vous salue chaleureusement et conclura cette audition.

Dans le cadre de l'étude sur le foncier agricole dans les outre-mer lancée début mars par la Délégation sénatoriale aux outre-mer, nous entendons ce matin Arnaud Martrenchar, délégué interministériel à la transformation agricole des outre-mer, et Jacques Andrieu, directeur de l'Office de développement de l'économie agricole d'outre-mer (ODEADOM).

Dans un premier temps, nous vous demanderons de répondre au questionnaire qui vous a été adressé pour préparer cet échange. Au cours de nos premières auditions, nous avons identifié plusieurs problématiques qui s'articulent autour du recul du foncier agricole disponible, des difficultés de fonctionnement des Safer, de la lutte contre les friches, de l'installation des jeunes agriculteurs, de la mutation des modes de production, ou encore de l'impact de la transition écologique.

Dans un deuxième temps, les rapporteurs Thani Mohamed Soilihi et moi-même interviendront pour vous demander des précisions complémentaires.

Enfin, je donnerai la parole à nos collègues qui la demanderont.

Monsieur le délégué interministériel, vous avez la parole.

M. Arnaud Martrenchar, délégué interministériel à la transformation agricole des outre-mer. - Bonjour madame la présidente, mesdames et messieurs les sénateurs. Je salue le président Stéphane Artano et la sénatrice Victoire Jasmin, qui sont présents malgré l'heure matinale dans leurs territoires.

Mme Victoire Jasmin. - Je suis à l'aéroport en partance pour la Guadeloupe. Je suis heureuse de vous saluer.

M. Arnaud Martrenchar. - Nous estimons que la surface agricole utile des territoires ultramarins représente aujourd'hui environ 130 000 hectares.

Le dernier recensement agricole, publié en mars 2022, date de 2020. Il s'agit d'un outil statistique remarquable qui offre de précieuses données. Cependant ce recensement n'est mené que tous les dix ans. En effet, il est difficile de dresser un état des lieux de l'emploi agricole, ou de mesurer le nombre d'exploitants, les surfaces agricoles, ou encore les volumes de production.

Ce recensement montre l'évolution de la situation du foncier agricole depuis 1985, dans chacun des territoires d'outre-mer. Nous constatons une rétractation globale de la surface agricole utile des territoires ultramarins. Cette problématique se retrouve dans l'ensemble du territoire national.

Seule la Guyane fait exception. La surface agricole utile de ce territoire augmente assez régulièrement depuis 1985. Il s'agit aussi du seul territoire où le nombre d'installations d'exploitants agricoles a augmenté.

Le recul du foncier agricole doit évidemment être suivi de près au regard de l'objectif d'autosuffisance alimentaire. L'augmentation des productions agricoles est étroitement liée à l'évolution des surfaces agricoles.

Dans les territoires de grandes cultures traditionnelles d'exportation, comme la Martinique, la Guadeloupe ou La Réunion, il existe un débat très ancien autour d'une éventuelle diminution de la culture de la banane ou de la canne à sucre, au profit d'une diversification des cultures.

Nous avons réalisé des estimations sur le nombre d'hectares supplémentaires à mettre en culture pour aboutir à une autosuffisance alimentaire. Pour autant, chacun sait que nous ne parviendrons pas à une autosuffisance alimentaire en outre-mer d'ici à 2030. Certaines cultures, comme les cultures céréalières, y sont quasiment absentes.

Les surfaces nécessaires pour atteindre les objectifs réalistes fixés par chaque territoire d'outre-mer représentent quelques centaines d'hectares. Nous pourrions largement trouver ces surfaces, sur les terres en friche.

Il existe aussi une volonté d'augmenter la production de banane ou de canne à sucre, ainsi que les surfaces dédiées à ces cultures. Cependant, ces productions diminuent en raison de difficultés de certains exploitants. Ces derniers ne parviennent plus à poursuivre leurs activités, notamment en raison de retraits de produits phytosanitaires, et ils finissent par laisser leurs cultures en friche.

Actuellement, il faut suivre de près le recul du foncier agricole. Il faut mettre en place tous les outils disponibles pour préserver au mieux la surface agricole. Pour autant, la situation actuelle n'est pas rédhibitoire au regard de l'objectif d'autosuffisance alimentaire.

M. Jacques Andrieu, directeur de l'Office de développement de l'économie agricole d'outre-mer. - Cette étude sur le foncier agricole d'outre-mer est particulièrement intéressante. Les territoires d'outre-mer connaissent en effet de fortes contraintes sur le foncier. Le modèle agricole des outre-mer se différencie fortement de celui de l'Hexagone.

Les surfaces moyennes d'exploitation atteignent cinq ou six hectares en outre-mer, contre plus de soixante en métropole. L'agriculture d'outre-mer est très productive à l'hectare. Elle emploie aussi beaucoup de main-d'oeuvre à l'hectare. Dans ces territoires, les zones cultivables sont limitées, en raison de contraintes topographiques, bien que la Guyane présente des spécificités sur ce point. Aussi, ces territoires sont petits et il est difficile d'y trouver de nouvelles surfaces agricoles, si ce n'est par la mise en valeur des friches.

Il est possible d'atteindre une autonomie alimentaire dans les outre-mer en augmentant les surfaces des activités agricoles qui peuvent permettre des augmentations sensibles de la production (maraîchage, élevage...). Parmi les consommations de produits agricoles qui montent le plus en puissance dans les outre-mer figurent celles des viandes blanches (poulet, porc...), qui proviennent notamment de l'élevage hors-sol. De plus, une grande part de l'augmentation de la production des fruits et des légumes est réalisée en serres.

Ainsi, si les pâtures et les productions en plein champ dépendent beaucoup de l'évolution des surfaces agricoles, il existe des marges de progrès importantes pour d'autres types de productions.

Par ailleurs, nous pouvons penser qu'au regard de la taille de la Guyane, il suffirait d'augmenter la surface agricole pour augmenter la production. En réalité, le cas de ce territoire s'avère plus complexe. En effet, la surface réellement utilisable pour l'agriculture reste essentiellement limitée au littoral guyanais. Même un défrichage de la forêt tropicale, que nous ne souhaitons évidemment pas, n'offrirait pas de sols qui se prêteraient particulièrement à l'agriculture. Nous ne pouvons pas espérer une grande augmentation de la surface agricole guyanaise via des défrichements. Pour autant, il est aussi possible en Guyane de réaliser des gains de surfaces agricoles sur des friches.

Enfin, les recensements agricoles décennaux nous fournissent des données objectivées et comparables qui nous permettent de suivre des évolutions. Cependant, Mayotte n'a pour le moment participé qu'au dernier recensement.

Mme Vivette Lopez, présidente et rapporteure. - Ces recensements rendent-ils compte d'une diversité des cultures ?

M. Jacques Andrieu. - Ces recensements montrent effectivement toute la diversité des systèmes de production agricole des territoires ultramarins. Toutefois, comme l'indiquait Arnaud Martrenchar, certaines cultures peuvent occuper localement une place importante, voire dominante, en termes de surface agricole. La culture de la banane occupe une place importante en Guadeloupe et en Martinique. Il en est de même pour la culture de la canne à sucre dans ces deux territoires et à La Réunion, bien que sa place tende à diminuer en Martinique.

M. Arnaud Martrenchar. - Une Safer fonctionne comme une agence immobilière, en se rémunérant sur les transactions foncières agricoles. Cependant, en outre-mer, le volume de ces transactions est bien plus faible que dans l'Hexagone. De ce fait, le système de financement des frais de fonctionnement des Safer rencontre des difficultés en outre-mer.

Ces Safer dépendent donc d'une subvention du ministère de l'Agriculture et d'un fonds de péréquation des Safer, similaire à celui des chambres d'agriculture. Pour autant, ces Safer peinent à fonctionner. Ces aides ne leur permettent pas d'obtenir un niveau de financement équivalent à celui des Safer métropolitaines.

Pourtant, les Safer sont utiles et leur absence se fait sentir. La Safer de Guyane, qui ne dispose pas encore d'un agrément, ne peut exercer son droit de préemption. Par conséquent, nous constatons que certains terrains agricoles de ce territoire sont vendus en prévision d'une spéculation immobilière.

En 2014, une discussion a eu lieu avec le Conseil d'État sur les dispositions relatives aux outre-mer de la loi d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt. Le Conseil d'État avait émis des réserves sur la complexité de mise en oeuvre d'une des dispositions de cette loi, qui modifiait le code rural et de la pêche maritime pour permettre la sortie de l'indivision successorale de terres non cultivées avec l'accord de seulement deux tiers des ayants droit.

En pratique, cette mesure a effectivement été difficile à appliquer. Lorsque les notaires ne connaissent pas le nombre d'héritiers, il n'est pas possible de calculer le pourcentage d'héritiers qui s'accordent à sortir d'une indivision et l'opération s'étend dans le temps.

Pour les terres en friche, les dispositions du code rural et de la pêche maritime pour les outre-mer prévoient une procédure de mise en valeur des terres incultes ou manifestement sous-exploitées. Un recensement de ces terres est réalisé, puis les propriétaires concernés sont informés sur l'état de leurs terres. Si leurs terres ne sont pas mises en culture, les préfets émettent des arrêtés de mise en demeure. Néanmoins, si les propriétaires ne respectent pas ces mises en demeure, la situation de leurs terres est peu susceptible d'évoluer. Il faut donc réfléchir à une évolution législative qui exposerait ces propriétaires à des sanctions, qui pourraient être d'ordre fiscal.

Des dispositifs incitatifs pourraient aussi être imaginés. Les propriétaires qui feraient l'effort de mettre en valeur leurs terres, en les exploitant eux-mêmes ou via un fermage ou un autre bail, pourraient être exonérés de certaines taxes (taxe foncière...).

En tout état de cause, en matière de mise en valeur de friche, il faut réfléchir à des dispositifs législatifs plus forts. En effet, les dispositifs actuels ne fonctionnent pas bien.

Or, ces terres en friche seraient bien utiles pour parvenir aux objectifs d'autonomie alimentaire et d'installation des jeunes exploitants. Ces derniers peinent aujourd'hui à s'installer.

Pour cela, il faut résoudre les difficultés liées aux retraites agricoles. En effet, de nombreux exploitants d'outre-mer ont peu ou pas cotisé. Malgré les systèmes de bonification qui permettent de cotiser moins longtemps en outre-mer que dans l'Hexagone pour un niveau de retraite équivalent, les personnes qui n'ont pas cotisé ne bénéficient pas de retraites. Ainsi, de nombreux exploitants disposent de pensions de retraite qui atteignent 300 à 400 euros par mois. Ils sont donc contraints de travailler après l'âge de la retraite, sans transmettre leurs exploitations.

L'allocation de solidarité aux personnes âgées (ASPA) peut permettre de recevoir environ 960 euros par mois. Cependant, l'ASPA fait l'objet , après le décès du bénéficiaire, d'un recouvrement de la part des ayants droit. Le seuil du recouvrement de l'ASPA a été réhaussé pour les outre-mer, passant de 39 000 euros à 100 000 euros. Il devrait encore s'élever, peut-être à 150 000 ou 160 000 euros.

Néanmoins, malgré l'augmentation de ce seuil, il existe un frein spécifique aux outre-mer pour l'adhésion à l'ASPA. Les maisons d'habitations attenantes aux exploitations agricoles sont moins nombreuses en outre-mer, alors même qu'elles sont exclues du champ de recouvrement de l'ASPA. Cette spécificité tient à l'histoire métropolitaine du foncier agricole, marquée par le développement de corps de ferme séculaires. De cette façon, les agriculteurs métropolitains sont plus nombreux à pouvoir léguer leurs maisons et leurs exploitations, tout en bénéficiant de l'ASPA.

Même s'il a existé des plantations en outre-mer, les maisons attenantes aux exploitations y sont moins fréquentes. On peut également citer l'exemple de l'application de la loi Littoral à Mayotte qui a contribué à séparer les maisons d'habitations et les exploitations agricoles. Les personnes dont la maison n'est pas attenante à leur exploitation agricole ne choisissent donc pas de bénéficier de l'ASPA, pour permettre à leurs ayants droit de la récupérer.

C'est pourquoi il serait possible de faire évoluer la loi pour que les maisons d'habitation des agriculteurs soient réputées attenantes à leurs exploitations. Naturellement, cette mesure aurait un coût, mais elle pourrait être très utile pour favoriser l'installation des jeunes exploitants.

M. Jacques Andrieu. - Nous recueillons actuellement des remontées de l'ensemble des départements sur les freins et les leviers liés au développement de l'agriculture et le foncier agricole est toujours cité comme un enjeu majeur.

La question du foncier est étroitement liée à celle de l'installation des jeunes. Il faut pouvoir fluidifier l'accès à la propriété agricole en agissant sur les freins cités par Arnaud Martrenchar. De plus, il faut pouvoir limiter les rétentions d'exploitations par les retraités, mais aussi les autres usages des friches liés au tourisme ou encore aux infrastructures.

Pour ce faire, l'ensemble des dispositifs existants doivent être examinés. Nous pouvons y intégrer des sanctions pour les rétentions d'exploitation en friche et des incitations pour les installations. Nous fluidifierions ainsi le marché foncier agricole, tout en continuant à le réguler.

Pour améliorer la situation de la propriété foncière, je me rapporte aux propos d'Arnaud Martrenchar, qui a évoqué le champ de recouvrement de l'ASPA. Il est vrai que l'histoire particulière des territoires d'outre-mer fait que la maison attenante à l'exploitation n'y est pas la norme. Cette particularité peut d'ailleurs aussi poser des difficultés pour la sécurisation des terres agricoles contre les vols.

M. Arnaud Martrenchar. - La sécurisation des terres agricoles constitue effectivement un enjeu important en outre-mer, notamment dans certains territoires. Le sénateur Thani Mohamed Soilihi conviendra qu'il existe un vrai problème de sécurité à Mayotte, notamment sur les terres agricoles (vols de produits agricoles...). En effet, les exploitants mahorais ne résident pas dans leurs exploitations. Leurs exploitations sont désertes la nuit et il est aisé d'y pénétrer. De plus, même lorsque les voleurs sont surpris, ils ne s'enfuient pas nécessairement.

Devant ce problème de sécurité mahorais, il existe un dispositif d'aides publiques pour acheter des chiens. Ce dispositif avait été mis en place dans l'Hexagone pour lutter contre la prédation des ours ou des loups. En Guyane, ce dispositif permet d'acheter des mules et des chiens pour protéger les cheptels contre les jaguars. Les mules sont très protectrices et n'ont pas peur des jaguars.

Pour sécuriser les terres agricoles mahoraises, il importe que les agriculteurs puissent disposer de maisons d'habitation dans leurs exploitations. La loi Littoral, qui impose de bâtir sans rupture de continuité avec l'urbanisation existante et qui s'applique à Mayotte, pourrait donc être aménagée, spécifiquement pour les agriculteurs mahorais.

Par ailleurs, aux Antilles, presque un chevreau sur deux, voire deux chevreaux sur trois, est tué par des chiens errants. Une telle mortalité s'avère dramatique pour les éleveurs. Ce cas se retrouve aussi à La Réunion, où des éleveurs voient parfois la totalité de leurs basses-cours ravagée par des meutes de chiens errants. Pour faire face à cette problématique, les exploitants ne doivent pas hésiter à faire appel aux aides publiques pour acheter des chiens de garde, qui peuvent se montrer très efficaces, même contre des meutes de chiens. Il faut aussi continuer à sensibiliser les propriétaires pour les inciter à ne plus laisser divaguer leurs animaux et pour les stériliser.

Les grandes cultures de canne à sucre ou de banane, très critiquées pour différentes raisons, sont cependant très structurées. Les entreprises de ces filières sont associées à des conseils techniques, à de l'ingénierie administrative et financière, ainsi qu'à des ingénieries de projets. Elles peuvent embaucher des cadres, pour répondre aux appels à projets nationaux et offrir des conseils techniques aux agriculteurs.

Ces cadres peuvent notamment conseiller les jeunes agriculteurs, en leur prodiguant des conseils techniques très spécialisés. En particulier, ils fournissent des conseils sur les adaptations à réaliser devant les retraits croissants de produits phytosanitaires demandés par les scientifiques. Ces adaptations peuvent d'ailleurs demander de mettre en place des itinéraires techniques spécifiques, exploitation par exploitation. Or seules ces filières structurées peuvent apporter aux agriculteurs ce type de conseils techniques.

Le modèle de la filière sucrière de la Guadeloupe, de la Martinique et de La Réunion souffre d'un défaut majeur, d'ordre structurel. En effet, cette filière se trouve excessivement dépendante des aides publiques qui sont de l'ordre chaque année d'environ 220 millions d'euros. Ces aides sont destinées uniquement à la production de sucre. Elles ne soutiennent pas la production de rhum. Or cette filière produit 200 000 tonnes de sucre, qui se vend aux alentours de 500 euros la tonne. Cette production est donc vendue à 100 millions d'euros.

Ce sucre est exporté vers l'Hexagone et concurrence directement la betterave sucrière. Par ailleurs, les sucres de spécialité proviennent d'Amérique du Sud. Or chacun sait que les coûts de l'agriculture résident avant tout dans la main-d'oeuvre. Il est donc difficile de concurrencer des pays où le salaire mensuel minimum atteint 100 euros.

De plus, les aides transitent par les sucreries, qui les reversent ensuite aux exploitants, et elles sont forfaitaires. Quel que soit le volume de canne à sucre produit, l'aide perçue par les sucreries reste identique. Or, on peut penser qu'acheter 1,5 million de tonnes de canne à sucre revient moins cher à la sucrerie, que l'achat de 2 millions de tonnes de ce produit.

C'est pourquoi une transparence des entreprises sucrières sur le partage de la valeur ajoutée s'avère essentielle pour la sérénité de tous. Victoire Jasmin, qui est en Guadeloupe, pourra témoigner des tensions sociales liées à la signature de la convention canne.

Par ailleurs, les entreprises sucrières doivent se diriger vers des produits à forte valeur ajoutée. Est-il vraiment nécessaire de développer la production de sucre en vrac qui se vend à 250 euros la tonne ? Ne vaut-il pas mieux tendre au maximum vers la production de sucres de spécialité, qui se vendent à 900 ou 1 000 euros la tonne ?

Aujourd'hui, il n'existe pas de sucre de canne français issu de l'agriculture biologique. Je sais que la sucrerie Gardel souhaite en produire. La sucrerie Tereos souhaitait tenter de produire 5 000 tonnes de ce type de sucre, soit 10 % du marché national.

M. Jacques Andrieu. - Les entreprises sucrières ont connu d'importantes restructurations. En outre-mer, nous sommes passés d'une multitude d'entreprises sucrières, à cinq sucreries : deux sucreries à La Réunion, comprises dans un même groupe ; deux sucreries en Guadeloupe, dont une à Marie-Galante ; une en Martinique. Ce processus de restructuration est donc arrivé à son terme.

Il est difficile d'identifier les liens directs qui peuvent exister entre les évolutions de filières particulières et le marché foncier agricole. En tout état de cause, la réallocation des besoins est permise par la fluidité de ce marché.

Je présume que votre question renvoie à l'expérience à tirer des groupements fonciers agricoles (GFA) de la Guadeloupe. Ces GFA avaient été créées dans le cadre de la troisième réforme foncière du territoire amorcée en 1981. La fermeture de sucreries avait donné lieu à la réallocation de terres. Dans ce cas particulier, il existe un lien direct entre une mutation sectorielle et le marché foncier agricole.

Plus largement, dès lors qu'un marché foncier fonctionne correctement, les réallocations entre cultures peuvent s'opérer de manière relativement fluide.

M. Arnaud Martrenchar. - Les phénomènes naturels extrêmes auxquels sont exposés les territoires ultramarins représentent un handicap. Pour autant, ces phénomènes contraignent ces territoires à se situer à la pointe de l'innovation et de la résilience.

Ainsi, à Saint-Barthélemy, des bâtiments de dernière génération supposés être résistants aux cyclones se sont avérés sensibles aux cyclones majeurs, ce qui va pousser le territoire à être encore plus performant dans ce domaine.

La géographie tropicale n'est pas seulement associée à l'existence de phénomènes climatiques majeurs, hormis pour les territoires situés au niveau de l'équateur. Cette géographie est aussi associée à des problèmes particulièrement accrus liés aux ravageurs des cultures. Ces territoires ne connaissent pas d'hiver et les ravageurs y sont extrêmement virulents.

C'est pourquoi il est bien plus difficile de pratiquer une agriculture biologique en outre-mer qu'en climat tempéré. Des associations viennent me voir pour promouvoir une agriculture intégralement biologique en outre-mer et nourrir tous les territoires ultramarins avec des produits biologiques. Il est très facile de formuler ce voeu. Les agriculteurs n'emploient pas les produits phytosanitaires de gaieté de coeur. S'ils pouvaient se passer totalement de ces produits, ils le feraient. Cependant, il existe des réalités biologiques.

Si les maladies végétales n'étaient pas traitées avec ces produits, ces maladies détruiraient les cultures. Par conséquent, des pertes de rendement considérables seraient constatées et les prix des produits offerts aux consommateurs s'envoleraient. Or une frange importante de la population en outre-mer vit avec des revenus très faibles. Pour beaucoup, la première qualité d'un produit alimentaire se trouve dans son prix. Il s'agit d'une réalité. Il n'est tout simplement pas réaliste d'imaginer que nous pourrions pratiquer une agriculture intégralement biologique dans les territoires ultramarins, tout en proposant des produits peu onéreux.

Pour autant, des agriculteurs ultramarins se lancent dans l'agriculture biologique et nous les soutenons. Toutefois, nous devons être conscients des difficultés qui se présentent devant le développement de cette forme d'agriculture.

Par exemple, les représentants de la filière de la banane exprimaient il y a quelques années l'impossibilité de cultiver des bananes en utilisant l'agriculture biologique. Cette filière espère cultiver 320 000 tonnes de bananes en 2030, sans produit phytosanitaire, ce qui n'est pas possible aujourd'hui car ils doivent utiliser des fongicides contre la cercosporiose.

Pour éviter d'utiliser un fongicide et pratiquer une agriculture biologique, il existe un système de vitroplants de bananiers dont le gène de sensibilité à la cercosporiose a été retiré par la technique des ciseaux moléculaires. L'invention de cette technique a été récompensée par un Prix Nobel en 2020. Or les agriculteurs ne peuvent pas utiliser ces vitroplants, qui sont considérés comme des organismes génétiquement modifiés, même si aucun gène étranger n'a été introduit dans ces organismes. L'Union européenne réfléchit à l'utilisation de vitroplants dans toute l'Europe. Il est donc possible de se diriger vers une agriculture biologique, mais il ne faut pas s'interdire de bénéficier des innovations. Il est impossible d'un côté de refuser les progrès de la science, dont les améliorations génétiques et, de l'autre, de réclamer des productions peu onéreuses.

M. Jacques Andrieu. - Je partage entièrement les propos d'Arnaud Martrenchar sur les difficultés associées à la transition écologique. Je souhaite aussi mettre en exergue les atouts des outre-mer, qui peuvent les rendre propices au développement d'une agriculture biologique intensive, à savoir : le climat ; la disponibilité en eau ; la fertilité des sols ; la technicité des exploitants agricoles qui connaissent les cultures adaptées à leurs territoires. Le chemin de la transition écologique est déjà engagé en outre-mer et les filières agricoles jouent le jeu. Je suis confiant sur ce point.

Néanmoins, les agriculteurs ultramarins devront aussi s'adapter au changement climatique. Ce dernier peut se manifester de manière très différente selon les territoires, bien que la Guadeloupe et la Martinique se trouvent dans la situation comparable.

Il semble que le changement climatique devrait s'opérer plus rapidement dans les outre-mer, avec des phénomènes qui ne sont pas tous identifiés, même si la littérature scientifique s'étoffe sur ce sujet. Ces territoires devront faire face à une augmentation de la température, à une montée des eaux, à des modifications de régimes hydriques et à des phénomènes climatiques extrêmes (ouragans ...) qui ne seront pas nécessairement plus nombreux, mais qui seront plus intenses. Ces mutations doivent être anticipées, car elles toucheront fortement les modes de production et les itinéraires techniques des exploitants agricoles.

M. Arnaud Martrenchar. - Les ministres chargés de l'agriculture, des outre-mer, de la santé et de la mer ont écrit aux préfets des outre-mer en janvier 2023 pour leur demander de bâtir dans chaque territoire, avec les acteurs locaux, les collectivités et les représentants du monde agricole, des feuilles de route territoriales associées à un objectif de souveraineté alimentaire. Cette démarche s'adapte à chaque territoire, car aucun territoire n'est semblable.

Dans ce cadre, nous cherchons à construire des trajectoires réalistes, pour progresser au mieux dans certains secteurs, tout en identifiant les points où les progrès ne sont pas possibles. L'autonomie alimentaire atteint des niveaux variables selon les territoires. Par exemple, Mayotte et la Guyane se trouvent assez avancées en termes d'autosuffisance en produits végétaux, mais leur autosuffisance en produits animaux est bien moindre.

Dans la construction de ces trajectoires, nous identifions des facteurs limitants, tels que le foncier. Nous incitons donc les acteurs locaux à mettre en place toutes les procédures possibles pour préserver le foncier agricole.

Les commissions départementales de préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers (CDPENAF) s'intéressent directement à la préservation du foncier agricole. En outre-mer, contrairement à l'Hexagone, un avis conforme des CDPENAF est obligatoire pour la délivrance de permis de construire. Des élus ultramarins souhaitent changer cette obligation d'avis conforme. Néanmoins, nous savons que le retrait de cette obligation impacterait le foncier agricole.

Je comprends tout à fait les maires qui souhaitent conserver la maîtrise du foncier. Cependant, nous ne pouvons pas envisager de développer les productions alimentaires et de préserver le foncier agricole, tout en prenant des mesures qui aboutiraient à un recul du foncier agricole. Telle est la position du ministère de l'agriculture.

L'Union européenne n'intervient pas sur les outils de préservation directe du foncier agricole. L'État central n'intervient pas non plus dans les décisions des CDPENAF. En revanche, le système d'aides de l'Union européenne peut avoir des effets sur la préservation du foncier agricole.

La politique agricole commune (PAC) comprend deux piliers, à savoir le soutien des marchés et des revenus agricoles, et le soutien de la politique de développement rural. Dans l'Hexagone, le premier pilier de la PAC bénéficie d'un budget annuel de 7 à 8 milliards d'euros, tandis que l'enveloppe annuelle du second pilier s'élève à 1 milliard d'euros.

En outre-mer, le premier pilier de la PAC est porté par le POSEI, avec 278 millions d'euros de crédits communautaires annuels, tandis que le second pilier est porté par le fonds européen agricole pour le développement rural (FEADER), dont l'enveloppe septennale s'élève à environ 850 millions d'euros sur l'ensemble des régions ultrapériphériques sur sept ans, soit environ 120 millions d'euros par an.

Dans l'Hexagone, les aides de la PAC sont liées à la surface des exploitations. Les agriculteurs déclarent leurs surfaces agricoles et reçoivent des subventions, indépendamment du niveau de production des exploitations. En Europe continentale, à une époque donnée, il avait fallu freiner la production.

En outre-mer, nous avons choisi en 1989 de coupler ces aides à la production, pour inciter à la production. À l'occasion du Conseil interministériel des outre-mer (CIOM) du 6 novembre 2009, ce choix politique a été réitéré par le président de la République. C'est un choix politique.

Les agriculteurs ultramarins dont la production n'est pas connue ne peuvent donc pas bénéficier de ces aides. Dans les faits, la proportion de ces agriculteurs n'est pas négligeable. Régulièrement, des représentants du monde agricole ultramarin réclament la mise en place d'aides surfaciques.

Des aides surfaciques ont été mises en place par exception à Mayotte. En effet, le niveau de structuration des filières agricoles est bas dans ce territoire, où les agriculteurs structurés sont généralement les seuls à déclarer leurs niveaux de production. Sans cette mesure, très peu d'aides auraient été versées à Mayotte. De plus, cette mesure a incité les agriculteurs à déclarer leurs surfaces, alors que beaucoup d'entre eux ne l'avaient pas fait.

Par ailleurs, un rapport produit en 2022 par le Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (CIRAD) préconisait le recours à une aide par exploitation. L'Académie d'Agriculture est du même avis. La forme de ces aides dépend seulement de choix politiques.

Toutefois, la mise en place des aides surfaciques dans l'ensemble des outre-mer a des inconvénients. Imaginons l'affectation d'une enveloppe de près de 20 millions d'euros pour une aide surfacique. Immédiatement, les 20 millions d'euros sont consommés sans qu'un seul kilogramme de plus ne soit produit. Elle pourrait toutefois contribuer à limiter à terme la déprise agricole en sécurisant financièrement les agriculteurs.

Même si la mise en place d'aides nationales destinées à améliorer la gestion du foncier agricole demande l'approbation de l'Union européenne, la gestion du foncier agricole s'opère davantage au niveau national qu'au niveau européen.

M. Jacques Andrieu. - L'Union européenne ne souhaite d'ailleurs pas s'ingérer dans la gestion du foncier agricole, ou dans la définition des modèles agricoles. Elle laisse les États membres définir leurs propres orientations et leurs propres organisations en la matière. Les régimes liés au foncier agricole sont d'ailleurs très différents selon les territoires européens.

Pour la PAC (2023-2027), des propositions d'orientation sont formulées par les États membres, puis validées par l'Union européenne. La gestion du POSEI suit ce même principe. L'Union européenne se contente de vérifier que les propositions d'orientations liées au POSEI sont conformes à ses objectifs généraux, sans établir elle-même de règles très précises.

Par ailleurs, l'ODEADOM n'intervient pas directement sur les questions foncières. Pour autant, cet office s'intéresse aux effets fonciers des dispositifs d'aides qui peuvent être mis en place (aides à l'hectare...). Ces dispositifs peuvent inciter des agriculteurs à agrandir leurs exploitations ou à relâcher du foncier. Autrement dit, ces dispositifs peuvent avoir des effets sur la pression foncière, ou encore sur la limitation des friches.

Mme Vivette Lopez, président et rapporteur. - Un agriculteur qui parvient à vivre de son activité a-t-il le droit de ne pas recevoir d'aides ? Je pense que certains agriculteurs souhaitent pouvoir s'en sortir sans aides.

M. Arnaud Martrenchar. - Il n'est évidemment pas obligatoire de demander des aides. Les exploitants qui ne souhaitent pas d'aides n'en demandent pas.

En revanche, certains agriculteurs qui souhaiteraient recevoir des aides n'en perçoivent pas. Pour percevoir ces aides, ils seraient contraints de déclarer leurs volumes de production. Or ils ne souhaitent pas effectuer ces déclarations, car ils craignent des vérifications fiscales. Ces déclarations les contraindraient aussi à entrer dans une forme de structuration, qui peut ne pas leur convenir, notamment en raison de risques de retards de paiement. Ces agriculteurs préfèrent se rendre au marché, pour vendre directement leurs productions.

Mme Vivette Lopez, présidente et rapporteure. - On ne peut pas tout avoir !

M. Arnaud Martrenchar. - Certains agriculteurs se rendent sur les marchés locaux, que nous cherchons d'ailleurs à promouvoir, tout en étant parfaitement à jour de leurs obligations fiscales. Nous pourrions aussi réfléchir à un système d'aide destiné à promouvoir ce type de circuits courts. Je le répète, personne ne contraint les agriculteurs à demander des aides.

Je ne suis pas expert en matière de fermage. Ce système existe en outre-mer comme ailleurs. Il faut tenter de le développer. Des propriétaires peuvent ne pas être en mesure d'exploiter eux-mêmes leurs terres, pour différents motifs (manque de moyen, absence de vocation agricole...).

Nous ne pouvons pas contraindre ces propriétaires à aliéner leurs exploitations. Une telle contrainte serait inconstitutionnelle, hormis dans des cas très précis, tels que des expropriations liées à des projets d'intérêt général (autoroutes...). Pour autant, nous pouvons contraindre ces propriétaires à proposer un fermage, dans le cadre de procédures liées aux terres en friche. Toutes les mesures qui peuvent contribuer à la mise en valeur des terres arables doivent être prises. Dans ce cadre, le fermage peut être mobilisé.

M. Jacques Andrieu. - Je ne suis pas non plus expert sur la question du fermage en outre-mer.  Historiquement, dans la politique agricole française, le fermage a représenté un élément important de sécurisation des terres cultivées. Le fermage est toutefois mobilisé très diversement selon les régions. Il existe des régions de fermage et des régions de propriété. Ces disparités existent sans doute aussi en outre-mer.

Le développement du fermage serait certainement utile en outre-mer, mais je ne saurais pas déterminer s'il s'agit d'un levier majeur à actionner pour atteindre les objectifs d'autosuffisance alimentaire. Je ne sais pas non plus si nous pourrons beaucoup le développer. En effet, le fermage présente des contraintes importantes qui peuvent rebuter les propriétaires (obligations de baux à long terme ...).

M. Thani Mohamed Soilihi, rapporteur. - Monsieur le délégué, monsieur le directeur, je vous remercie vivement pour vos éclairages. Vous nous avez beaucoup appris. Nous pourrons avancer dans notre étude - très importante - qui concerne le foncier agricole.

Je souhaite revenir sur les Safer, que vous présentez comme étant économiquement en difficulté en outre-mer. Ces Safer sont toutefois utiles, notamment dans le cadre de la lutte contre l'inflation et de la protection des espaces naturels et des terres agricoles.

Comme vous le savez, Mayotte ne dispose pas de Safer. Le droit de préemption y est donc exercé par l'établissement public foncier et d'aménagement (EPFA). Estimez-vous que l'exercice du droit de préemption est bien géré à Mayotte ? Je vous interroge sur ce point, car la Guyane, qui dispose aussi d'un EPFA, met pourtant en place une Safer.

Pourrait-on imaginer pour Mayotte un système qui permette de répondre à l'objectif de protection du foncier agricole porté par les EPFA et les Safer, tout en améliorant le modèle économique de l'agriculture ?

Par ailleurs, au sujet de la loi Letchimy, vous avez expliqué que l'obligation de contacter les indivisaires peut s'avérer difficile lorsque nous ne les connaissons pas tous. Certes, des mesures de publicité sont prises pour que chacun puisse savoir qu'une indivision est en cours de traitement. Néanmoins, je signale que l'une des difficultés liées à ces indivisions tient au fait que les indivisaires sont contactés tant au début qu'à la fin du processus de sortie de l'indivision. Par conséquent, pourrions-nous réaliser l'économie de la seconde prise de contact avec les indivisaires ? En effet, cette seconde prise de contact peut générer des complications supplémentaires dans le processus de sortie d'indivision. En définitive, nous pourrions renforcer la publicité liée à ce processus, tout en le simplifiant. Il faut noter que des indivisaires sont parfois introuvables.

M. Arnaud Martrenchar. - La Guyane a été le premier territoire à se doter d'un EPFA. Cet établissement disposait durant des années de la compétence agricole et urbaine. Le ministère de l'Agriculture était réticent à l'idée d'installer une Safer en Guyane, alors même que les moyens nécessaires pour la faire fonctionner n'étaient pas identifiés et qu'elle n'aurait pas bénéficié d'une dotation nationale suffisante. Sur cette base, le droit de préemption devait être confié à l'EPFA de Guyane. Néanmoins, cet EPFA n'a pas exercé ce droit, dans l'attente d'un décret qui n'a jamais été publié. En effet, le projet de création d'une Safer était resté pendant. Le droit de préemption n'a donc jamais été exercé en Guyane.

À la suite du mouvement social guyanais de 2017, les accords de Guyane ont prévu la création d'une Safer. Or, en 2023, cette Safer n'est toujours pas agréée. Le droit de préemption n'est toujours pas exercé sur ce territoire. La sénatrice de Guyane, Mme Marie-Laure Phinera Horth, connaît les difficultés liées à l'agrément de cette Safer. Je rappelle que l'EPFA de Mayotte a été doté de ce droit de préemption.

Vous vous interrogiez sur les motifs de la création d'une Safer en Guyane. Les Guyanais ont estimé que la gouvernance de la commission de l'EPFA qui aurait décidé du droit de préemption serait trop peu orientée vers l'agriculture. Ils ont estimé que la création d'une Safer permettrait au monde agricole d'exercer par lui-même le droit de préemption sur le foncier agricole.

Un EPFA dépend essentiellement du ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires et bénéficie de moyens de fonctionnement. En intégrant à cet établissement la gestion du foncier agricole, il était possible de bénéficier de ces moyens de fonctionnement. De plus, les textes précisent bien que les décisions liées à l'exercice du droit de préemption qui concernent le monde agricole sont prises par des commissions à dominante rurale.

Néanmoins, si dans les textes, l'EPFA de Mayotte dispose du droit de préemption, je n'ai pas de précisions sur la fréquence de l'exercice de ce droit par cet établissement. Je ne connais pas suffisamment la situation de Mayotte, mais je ne me remémore pas d'exemples d'usage de ce droit par son EPFA. S'il s'avérait que ce droit n'avait pas été exercé, il faudrait identifier les éventuels points de blocage.

Par ailleurs, en 2014, la loi d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt avait fait évoluer le code rural et de la pêche maritime, pour faciliter la procédure de sortie de l'indivision. Pour vérifier l'existence d'indivisaires, les notaires doivent effectuer une publicité au niveau national, mais aussi au niveau du territoire de l'exploitation concernée. En l'absence de réponse durant un certain délai fixé dans les textes, le notaire est en droit de procéder à la vente, même lorsque le nombre exact d'indivisaires n'est pas connu.

Vous évoquez une difficulté liée au fait que cette publicité doit être réalisée au début et à la fin de la procédure de sortie de l'indivision. Les parlementaires pourraient toujours faire évoluer la législation sur ce point. Cependant, je pense qu'il faudrait préalablement inviter des notaires ultramarins, pour leur demander de préciser les éléments qui pourraient être changés dans les textes. Je vois bien qu'il existe une difficulté liée à l'indivision, mais je ne suis pas notaire. Une séance de travail pourrait être organisée avec des spécialistes de la question.

M. Thani Mohamed Soilihi, rapporteur. - Avec Marie-Laure Phinéra-Horth, nous avons assisté en mars à un colloque qui dressait un bilan de la loi Letchimy. Les travaux de ce colloque donneront lieu à la rédaction d'un rapport. J'avais insisté sur les particularités du foncier agricole d'outre-mer.

M. Arnaud Martrenchar. - Je vous transmettrai la disposition qui a été intégrée au code rural en 2014. Cette disposition concerne exclusivement les terres agricoles et elle est très précise. À ce jour, je ne suis pas en mesure de vous indiquer les changements à apporter à la loi Letchimy. Il faudrait échanger avec des spécialistes de la question.

Mme Marie-Laure Phinera-Horth. - La loi relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale (3DS) a été adoptée par le parlement il y a plus d'un an. Ce texte prévoit la suppression du plafonnement des cessions de terrain aux communes de Guyane. Cette disposition vise à faciliter la mise en oeuvre de l'accord de Guyane du 21 avril 2017. De plus, l'État s'est engagé à céder 250 000 hectares de terrains à la collectivité de Guyane et aux communes du territoire. Pouvez-vous apporter des précisions sur la publication des décrets d'application de cette loi, relatifs à ces engagements ?

Par ailleurs, nous ne pouvons pas nier l'importance d'une structure telle que la Safer pour mon territoire. Arnaud Martrenchar vient d'évoquer ce sujet. Pourtant, près de deux ans après la création de la Safer de Guyane, la structure ne dispose toujours pas d'agrément ni de droit de préemption. Or, ces outils, vous le savez, sont primordiaux pour permettre à la Safer de mener à bien ses missions. Devons-nous paralyser le fonctionnement d'une telle structure pour des histoires personnelles ?

Enfin, j'ai eu l'occasion de me rendre sur le terrain avec l'ex-député Olivier Damaisin, pour rencontrer des jeunes agriculteurs en souffrance après une succession de suicides d'agriculteurs. Olivier Damaisin devrait remettre un rapport sur ce sujet vers la fin du mois de février ou début mars. Comme nous sommes en avril, je souhaite m'informer sur l'état de ce rapport.

M. Arnaud Martrenchar. - Olivier Damaisin a remis son rapport il y a une semaine. La semaine prochaine, ce rapport sera présenté au cabinet du ministère de l'agriculture. J'ai lu ce rapport qui présente plusieurs recommandations.

Ce rapport évoque certaines questions pour lesquelles je ne trouve pas de réponses, comme la question des pistes agricoles. Il est notoire que les pistes agricoles ne sont pas entretenues. En particulier, l'Office national des forêts n'entretient plus les pistes qu'il trace, une fois les exploitations forestières achevées. Or je ne sais pas à qui appartiennent ces pistes. Je crains que ces pistes appartiennent aux communes, qui ne disposent pas aujourd'hui des moyens nécessaires pour les entretenir. Au regard de l'intensité de la saison des pluies guyanaise, les agriculteurs installés le long de ces pistes rencontrent des difficultés dès que ces pistes cessent d'être entretenues par l'ONF. Des spécialistes du droit pourraient identifier les propriétaires de ces pistes. Une fois que leur statut sera précisé, nous pourrions vérifier si le Feader est mobilisable pour les entretenir.

Par ailleurs, j'avoue ne pas connaitre l'état d'avancement des décrets d'application de la loi 3DS qui se rapportent au transfert de 250 000 hectares de terrains que vous citez. Je dois me renseigner sur ce point. Je n'ai pas suivi ce sujet qui ne relève pas de ma compétence et je déplore avec vous le fait que ce transfert n'ait pas été réalisé à ce jour.

Enfin, la situation actuelle de la Safer de Guyane n'est pas du tout satisfaisante. Vous vous êtes rendue avec le sénateur Georges Patient au ministère de l'Agriculture pour défendre le cas de cette Safer. J'ai aussi reçu l'ex-député Gabriel Serville et actuel président de la Collectivité territoriale de Guyane, qui déplorait le fait que la Safer ne dispose pas du droit de préemption. Durant le temps de nos palabres, la spéculation foncière se poursuit. Cette situation n'est évidemment pas satisfaisante.

D'après la procédure en vigueur, le président de la Safer doit d'abord être agréé. Puis, il faut monter un dossier d'agrément de la Safer. Enfin, une fois que la Safer est agréée, elle dispose de facto du droit de préemption, sans qu'il y ait besoin de publier un texte. Or nous rencontrons une difficulté que je ne détaillerai pas dans le cadre de cette audition, dans la mesure où nous ne pouvons pas évoquer des situations individuelles. Pour autant, il faut absolument résoudre cette difficulté.

Mme Victoire Jasmin. - J'attends beaucoup du rapport d'information sur le foncier agricole.

Nous avons auditionné des représentants des Safer et de la Fédération nationale des Safer, qui nous ont fourni des explications au sujet des différents territoires d'outre-mer. Le fait que les agriculteurs disposent de petites surfaces peut leur poser des difficultés. Aussi, les agriculteurs ne bénéficient pas non plus toujours de toutes les aides qu'ils pourraient percevoir.

Selon vous, dans l'optique de favoriser la mise en valeur des terres en friche, serait-il opportun de mettre en place des chantiers d'insertion destinés à aider les enfants d'agriculteurs à reprendre les exploitations de leurs parents ? Ces chantiers d'insertion pourraient notamment inciter les jeunes à se diriger vers des formations agricoles. Dans les outre-mer, le chômage des jeunes est important et ces derniers ne sont pas toujours très qualifiés. Cependant, les jeunes peuvent craindre de prendre la suite de leurs parents par manque de formation ou d'accompagnement.

De plus, il faut aussi réaliser de la pédagogie auprès des agriculteurs proches de l'âge de départ en retraite. Je note que les jeunes agriculteurs payent de plus en plus leurs charges. Ils sont plus nombreux à cotiser pour leurs retraites, même si les absences de cotisations posent encore des problèmes au moment de la liquidation de la retraite.

Faudrait-il accompagner les agriculteurs pour les aider à préparer leurs départs à la retraite, en lien avec les services sociaux et la caisse de retraite des agriculteurs ?

Les agriculteurs continuent parfois à travailler après l'âge de la retraite, sans que leur travail soit toujours rentable. Ils peuvent bloquer le foncier, bien que des jeunes soient en attente d'emplois. Un accompagnement social permettrait d'éviter ces difficultés.

Par ailleurs, il est vrai que le dialogue social n'est pas toujours apaisé. Il existe en ce moment un mouvement social chez les planteurs de canne à sucre de Guadeloupe. Cependant, les économies d'outre-mer sont fragiles. En particulier, les filières agricoles s'appuient parfois majoritairement sur de la main-d'oeuvre étrangère, qui ne se trouve pas nécessairement en situation régulière de séjour. Dans ce contexte, au regard des montants importants utilisés pour subventionner les filières de la canne à sucre et de la banane, ne faudrait-il pas inciter ces filières à développer la formation de leurs salariés ? Ces formations pourraient prendre la forme de chantiers d'insertion, car les jeunes ont besoin d'être encadrés. Beaucoup de jeunes souhaitent travailler, mais ils ont peut-être peur de franchir le pas et de se diriger vers le monde agricole.

Parallèlement, il faut aussi favoriser le dialogue social dans ces filières pour construire des projets communs. Les usiniers peuvent évoluer vers la production de sucres de spécialité, ou d'autres produits plus rémunérateurs. Il est aussi possible de planter des cannes fibreuses destinées à la production de biocarburants. De nombreuses pistes existent.

Avec ces évolutions, les jeunes qui résident à proximité et qui se dirigent vers l'emploi devront être de plus en plus formés pour rejoindre ces filières.

De plus, au-delà des problèmes d'indivision, il est aussi possible d'inciter les enfants à reprendre les exploitations de leurs parents. Ainsi, dans le cadre de la procédure destinée à mettre en culture les terres laissées en friche (arrêtés préfectoraux de mise en demeure...), nous pourrions inciter les enfants d'agriculteurs qui se trouvent au chômage de se déclarer en tant qu'agriculteurs.

Ils pourraient alors bénéficier de formations de base, qui leur permettraient notamment de connaître le régime juridique des agriculteurs. Très souvent, des agriculteurs qui reprennent les exploitations de leurs parents n'ont pas été formés et ils ne prennent pas l'habitude de payer leurs charges fiscales ou sociales. Un accompagnement, qui impliquerait les collectivités et les différents services publics, pourrait être mis en place pour ces jeunes.

Certains agriculteurs ne demandent pas d'aides, par méconnaissance, mais aussi en raison de difficultés à remplir des dossiers administratifs. Ils peuvent avoir besoin d'aide. Les rapports du Sénat de 2018 et 2019 sur les risques naturels majeurs des outre-mer, dont j'ai été co-rapporteure, ont montré que beaucoup d'agriculteurs ne sont pas assurés. Ces personnes peuvent parfois beaucoup perdre en cas d'ouragans, avec la destruction de leurs cultures. Or, elles ne savent pas toujours comment procéder pour bénéficier des aides publiques liées aux catastrophes naturelles. Un effort pédagogique doit donc être mené avec le concours des chambres d'agriculture.

Les différents éléments que je viens d'évoquer pourraient contribuer à sécuriser l'avenir de l'agriculture et à réduire la surface des terres en friche.

Par ailleurs, certains enfants de bénéficiaires des GFA n'ont pas toujours compris le fonctionnement du dispositif. Un effort de pédagogie doit aussi être mené auprès d'eux. Pour eux, les terres des GFA appartiennent à leurs familles. Ils ne comprennent pas qu'à partir du moment où ils partent en retraite, ou qu'ils cessent leurs activités, ils doivent céder leurs exploitations pour permettre à d'autres personnes de les reprendre.

Selon moi, ces mesures pourraient contribuer à mieux utiliser et valoriser le foncier agricole. Sur le volet social, ces mesures permettraient aussi de mieux insérer les jeunes en attente d'intégration professionnelle.

En particulier, le foncier agricole peut être mobilisé pour favoriser le retour à l'emploi des bénéficiaires du revenu de solidarité active (RSA), dont les parents détiennent des exploitations non cultivées.

Enfin, je note que la loi Letchimy a notamment été inspirée par le rapport rédigé par notre collègue Thani Mohamed Soilihi sur le foncier à Mayotte. En tout état de cause, je remercie une fois de plus le président Stéphane Artano d'avoir lancé ces travaux sur le foncier agricole. Je remercie aussi les personnes auditionnées et j'attends leurs réponses et leurs suggestions.

M. Arnaud Martrenchar. - Je pense qu'il faut absolument se saisir de l'opportunité offerte par la concertation menée actuellement sur le projet de loi d'orientation et d'avenir agricoles. Ce projet de loi sera présenté cet automne au Parlement. Dans ce cadre, des groupes de travail nationaux se sont constitués autour de la formation agricole, de l'installation et de la transmission, et de la transition agroécologique.

En Guadeloupe, il existe un groupe de travail, chargé de faire remonter l'ensemble des propositions au ministère de l'Agriculture. Nous pourrions très bien intégrer dans ces propositions vos suggestions, telles que les chantiers d'insertion pour les jeunes, ou l'accompagnement social des agriculteurs qui souhaitent prendre leur retraite pour permettre aux jeunes de s'installer. Une réunion aura lieu le 12 avril 2023.

Il serait opportun d'y intégrer toutes les propositions que vous évoquez, et auxquelles je souscris pleinement. Cela faisait longtemps que nous n'avions pas disposé d'un vecteur tel que celui-là. Il faut en profiter, car, il peut s'avérer difficile de faire aboutir des propositions de nature législative sans un vecteur adapté. Lorsque nous les intégrons dans d'autres projets de loi, le Conseil constitutionnel les censure en tant que cavaliers législatifs.

Vous avez aussi évoqué le problème des agriculteurs qui n'ont pas accès aux aides par méconnaissance. Or nous sommes conscients qu'il existe un déficit en termes d'ingénierie de projets en outre-mer, pour les agriculteurs, ou même pour les communes.

Souvent, on déplore que les outre-mer demandent de l'argent mais qu'une fois cet argent octroyé, il n'est pas dépensé. Depuis des années, nous cherchons à trouver des moyens pour renforcer cette ingénierie.

En Guyane, nous avons établi une organisation particulière de la préfecture, avec une forme de cellule d'ingénierie de projets. Lorsque nous avons mis en place les systèmes d'aide à la relance, nous avons désigné des sous-préfets à la relance.

Dans le cadre du plan France 2030, nous craignons que les outre-mer réalisent un mauvais « score », dans la mesure où ce plan s'appuie sur des guichets nationaux. Nous savons bien que de nombreux acteurs ne disposent malheureusement pas de l'agilité nécessaire pour accéder à ces guichets. Lorsque ces guichets s'ouvriront, les acteurs de l'Hexagone seront les premiers à candidater aux appels à projets. C'est pourquoi nous avons établi dans chaque territoire d'outre-mer un référent France 2030.

Par ailleurs, les chambres d'agriculture devraient accompagner les agriculteurs qui peinent à monter des dossiers de demandes d'aides.

Mme Victoire Jasmin. - Je n'avais pas connaissance du groupe de travail qui oeuvre actuellement en Guadeloupe. Je ne pourrais pas participer à la réunion du 12 avril. Je n'y ai d'ailleurs pas été invitée directement.

Pour autant, je peux tout à fait présenter une contribution écrite à ce groupe de travail. J'ai d'ailleurs posé é récemment une question écrite au ministre de l'agriculture, où j'ai mentionné la proposition du chantier d'insertion. Compte tenu de la situation actuelle de mon département, je prépare aussi d'autres travaux...

M. Jacques Andrieu - Pour revenir sur votre intervention, je note que les questions que vous soulevez s'inscrivent directement dans les débats actuels liés au projet de de loi d'orientation et d'avenir agricoles. Ces débats sont tenus dans des groupes de travail nationaux, mais aussi au niveau local, dans les régions de l'Hexagone et dans l'ensemble des outre-mer. Dans ce cadre, il existe évidemment des possibilités de contributions écrites. Il importe aussi que les acteurs concernés puissent participer à cette concertation. Les travaux touchant l'enseignement et la formation professionnelle se tiennent souvent dans des lycées agricoles, dans tous les territoires.

Nous pouvons faire parvenir à la Délégation sénatoriale aux outre-mer des éléments généraux sur cette concertation, qui est pilotée par la Direction générale de l'enseignement et de la recherche (DGER) du ministère de l'Agriculture.

Cette concertation est en cours. Comme le mentionnait Arnaud Martrenchar, vous pouvez vous saisir de ce vecteur pour faire remonter vos propositions, qui concernent des sujets importants (formation, accompagnement des agriculteurs, transmissions intergénérationnelles...).

Le ministre souhaite aussi que cette concertation s'intéresse aux nouveaux enjeux de la transition agroécologique et du changement climatique. Si une réunion est organisée le 12 avril en Guadeloupe, d'autres réunions se tiendront aussi dans l'ensemble des départements.

Par ailleurs, comme vous l'indiquez, il existe effectivement un besoin de formation et d'accompagnement des jeunes agriculteurs et des personnes qui souhaitent se lancer dans l'agriculture. Pour répondre à ce besoin, nous avons la chance de pouvoir compter sur le réseau de la formation agricole (lycées publics, lycées privés, maisons familiales rurales...), qui existe dans tous les départements d'outre-mer. Ce réseau propose tant des formations initiales que des formations continues, courtes ou diplômantes, qui permettent d'accéder au statut d'agriculteur. Les freins à l'utilisation de ce réseau sont discutés dans les débats actuels.

Aussi, la question de l'emploi est remontée par les filières. Il s'agit d'une question majeure, notamment dans les outre-mer. D'une part, des employeurs peinent à trouver la main-d'oeuvre qui correspond à leurs attentes et d'autre part, le taux de chômage est important et des jeunes souhaitent entrer dans la vie active. Nous tentons d'étudier au mieux cette question.

Vous avez encore soulevé une question sur les assurances des exploitants agricoles. Ce sujet a aussi été identifié. Une importante réforme a été menée sur l'assurance récolte dans l'Hexagone. Cette réforme sera suivie d'une ordonnance qui permettra de tenir compte des particularités des outre-mer. L'offre d'assurance s'y avère insuffisante, car la survenue de phénomènes climatiques extrêmes rend l'assurabilité difficile pour les assureurs. Il s'agit de mieux identifier la part de la contribution de la solidarité nationale et celle des assurances.

Je serais très intéressé par d'éventuelles auditions qui concerneraient l'application de la loi Letchimy. La question de la sortie des indivisions est souvent ressortie des débats de la concertation actuelle. Je ne dispose pas d'éléments de bilan quantitatif sur cette loi. Je ne sais pas si cette loi fonctionne bien ou si elle permet de dépasser les dispositifs identifiés comme bloquants par les notaires.

Enfin, le dispositif des GFA de la Guadeloupe est particulier. Une question se pose sur la manière dont ce dispositif peut se pérenniser, après la vie active de ses bénéficiaires.

Mme Victoire Jasmin. - Je souligne l'importance de la question de l'assurance des agriculteurs.

Mme Vivette Lopez, président et rapporteur. - Je vous remercie pour vos éclairages très précis. Je propose maintenant à notre président de conclure cette réunion, depuis Saint-Pierre-et-Miquelon.

M. Stéphane Artano, président. - Je vous remercie, chère Vivette Lopez, d'avoir présidé cette séance. Je remercie nos interlocuteurs pour la qualité de leurs interventions.

Cette étude sur le foncier agricole se veut aussi constructive que celle que nous venons d'achever sur la continuité du territoire, à laquelle le Sénat est très attaché.

Cette étude s'inscrit dans le contexte de la préparation du prochain CIOM, prévu pour la mi-mai. En tant qu'élus, nous espérons que les thématiques mises en avant dans nos travaux (déchets, mobilité, enjeux agricoles...) seront prises en compte dans le cadre des travaux du CIOM. Naturellement, celui-ci ne réglera pas toutes les problèmes, mais il s'agit d'un élément important du dispositif annoncé par le ministre délégué chargé des outre-mer.

La présente étude s'achèvera fin juin . Nous pouvons faire confiance à notre binôme de rapporteurs, qui se montreront proactifs. Je pense que vous l'avez senti, au regard de son implication. Nous sommes évidemment intéressés par vos contributions écrites, d'autant plus que vous travaillez directement à répondre aux défis évoqués au cours de cette audition. Parmi ces défis figure celui de la pollution des sols et des eaux par le chlordécone, sujet qui a donné lieu à un échange nourri, autour du rapport fait au nom de l'Office parlementaire des choix scientifiques et technologiques (OPECST) par notre collègue Catherine Procaccia, entre les membres des délégations aux outre-mer de l'Assemblée nationale et du Sénat. Je me permets donc de vous renvoyer à ces débats.

Je précise aussi que nos rapporteurs se rendront prochainement à la Martinique du 16 au 20 avril, pour rencontrer des acteurs de terrain. De nombreuses pistes de réflexion seront sans doute à creuser du côté de nos collectivités territoriales, notamment autour du droit de préemption, des banques de terres, ou encore de la sortie de l'indivision en outre-mer (loi Letchimy...).

J'ai aussi retenu vos propositions, en particulier votre suggestion de modification législative concernant les maisons d'habitations non attenantes aux exploitations d'outre-mer. Pour porter leurs propositions, les parlementaires sauront se saisir des véhicules législatifs annoncés par le Gouvernement. Ils pourront aussi se saisir des niches parlementaires des différents groupes !

Je vous remercie encore pour vos éclairages.