Jeudi 13 avril 2023

- Présidence de Mme Françoise Gatel, présidente -

La réunion est ouverte à 9 h 00.

Audition de M. Olivier Klein, ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé de la ville et du logement

Mme Françoise Gatel, présidente. - Nous avons le plaisir d'accueillir Olivier Klein, ministre délégué chargé de la Ville et du Logement, dont l'audition, prévue en novembre dernier, avait dû être reportée. Nous avons déjà organisé une séquence sur la politique de la ville au sein de la délégation, en entendant nos collègues Dominique Estrosi-Sassone et Viviane Artigalas nous présenter leur rapport, cosigné avec Valérie Létard, intitulé très justement La politique de la ville, un tremplin pour les habitants, rapport dont je ne doute pas que vous avez pris connaissance. La politique de la ville est une politique éminemment partenariale et si l'État y joue un rôle essentiel, elle concerne de près les collectivités, qui ont déjà essayé d'expérimenter quelques éléments de décentralisation.

À cet égard, pourriez-vous faire le point sur les contrats de ville, qui sont en prorogation ? Le principe de contractualisation pourrait-il évoluer vers un principe de délégation complète de compétences pour les collectivités qui le souhaiteraient ? Lorsque le projet d'aéroport de Notre-Dame des Landes a été abandonné, un pacte breton avait été passé, incluant un volet sur le logement, notamment privé. La Bretagne avait expérimenté la possibilité de gérer, à l'échelle régionale, l'enveloppe d'investissements locatifs dont bénéficiaient les deux métropoles, de façon à prendre en compte les situations particulières.

Où en sommes-nous des contrats de ville ? Des innovations sont-elles prévues en la matière ? Vous avez installé une commission nationale « Participation citoyenne des quartiers », afin de réfléchir au futur de la politique de la ville. Cette commission travaillera-t-elle sur les contrats de villes et comment les collectivités territoriales y seront-elles associées institutionnellement ? Vous avez fixé quatre priorités pour les nouveaux contrats : l'emploi, à travers un soutien à l'entrepreneuriat et le développement du salariat, la transition écologique, par le biais du programme de renouvellement urbain et la mobilisation du fonds vert, l'émancipation pour tous, grâce à l'éducation, l'accès à la culture et au sport, et enfin, la sécurité et la tranquillité. Pourriez-vous nous en dire un peu plus ? Quelle est l'articulation des contrats de ville avec le projet « Quartiers 2030 », évoqué par le chef de l'État ? Sur ce sujet, une réunion interministérielle s'est tenue le 9 février. Comment les collectivités seront-elles associées ?

Ensuite, le 15 février dernier, vous avez présenté les grandes lignes de la nouvelle géographie prioritaire aux préfets et sous-préfets chargés de la politique de la ville. Pourriez-vous nous dire comment celle-ci va évoluer ? D'ailleurs, vous savez que de nombreux maires sont confrontés à des difficultés budgétaires à cause de la crise énergétique et de l'inflation, dont le coût est de 15 milliards d'euros. C'est le cas dans les villes comprenant d'importants quartiers dits de politique de la ville. Vos services ont-ils fait le point sur le sujet ?

Nos rapporteurs Rémy Pointereau et Sonia de La Provôté ont rendu, en 2022, un rapport important d'évaluation des politiques de revitalisation des centres villes et centres bourgs. À cette occasion, est revenue à plusieurs reprises l'idée que la coordination entre l'ANCT (Agence nationale de la cohésion des territoires) et l'ANRU (Agence Nationale pour la Rénovation Urbaine) était extrêmement perfectible. Pouvez-vous nous donner votre point de vue ?

Enfin, la participation citoyenne est probablement un point fort de la politique de la ville. Comme vous le savez sans doute, avec Jean-Michel Houllegatte, nous avons publié un rapport sur la démocratie implicative, rapport qui faisait le constat de l'aggravation de l'abstention lors des élections. La démocratie implicative vise à inviter le citoyen à faire et à dire. Lors de la préparation de notre rapport, il nous a été remonté que les conseils citoyens, qui sont une pièce maîtresse de la participation des habitants, peuvent s'essouffler. Dans notre rapport, nous avions proposé de mobiliser les élus locaux et les conseillers citoyens autour de formations communes à la démocratie participative, dans le but de les dynamiser. D'ailleurs, il a été indiqué que la mission de la commission nationale « Participation citoyenne des quartiers » porterait sur les modalités d'expression et de participation des habitants des QPV. Qu'est-il attendu de cette réflexion ?

M. Olivier Klein, ministre délégué auprès du ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires, chargé de la Ville et du Logement. - Je vous présente à nouveau mes excuses pour les deux reports précédents, dus à des convocations en Conseil des ministres. J'ai été nommé au gouvernement depuis neuf mois et ce rendez-vous est une occasion de présenter un premier point d'étape. Le portefeuille qui est le mien doit particulièrement s'articuler avec les collectivités. Les élus sont des partenaires essentiels pour les politiques du logement et de la ville, et les collectivités ont toute leur part à prendre dans ces domaines, en lien avec les territoires.

La politique du logement doit reposer sur un dialogue important entre l'État, le maire, la collectivité locale et les intercommunalités. Cette politique doit répondre à une situation qui n'est pas satisfaisante. Ma mission, et celle du gouvernement, est de faire en sorte que le logement ne soit pas la bombe sociale de demain. Pour cela, nous devons travailler étroitement avec les élus locaux, qui sont les meilleurs connaisseurs de leurs territoires.

Dans le domaine du logement social, il est important de maintenir un dialogue permanent avec nos élus, notamment nos maires et les présidents des intercommunalités. L'évolution vers une gestion en flux doit permettre de simplifier les attributions, ce qui est heureux pour les demandeurs, mais elle ne doit pas donner l'impression de s'éloigner des élus locaux. Je souhaite donc que cette gestion en flux soit une opportunité et non un obstacle. Je souhaite travailler avec vous pour qu'un maire puisse attribuer les logements sociaux selon sa vision de la ville pour laquelle il a été élu, dans le respect des principes républicains.

Je suis aussi très attaché au respect de la loi SRU, pour le moins dans les communes où c'est possible. Lorsque l'on est maire, comme je l'ai été, il convient de loger les personnes qui vivent et qui travaillent dans nos villes. Pour le faire, il existe des contrats de mixité sociale, que je souhaite voir signés avec un maximum de communes volontaires. Tel est le sens du bilan triennal lancé depuis peu, afin de réaliser un point complet de la situation.

Le deuxième sujet est celui de la réconciliation de notre pays, et de ses habitants, avec l'acte de construire. Nos maires ont une responsabilité centrale en la matière. Or, il est de plus en plus difficile d'obtenir des permis de construire, notamment en zones tendues. De plus, les logements libres, notamment sociaux, ne sont pas assez nombreux dans ces zones, alors que les besoins sont de plus en plus importants. Nous avons donc besoin de l'engagement des élus. Il existe un Conseil national de la refondation du logement, qui formulera de nombreuses propositions en ce sens. J'accompagnerai le chantier d'une décentralisation efficace, comme l'a souhaité le président de la République, et les discussions ont déjà commencé avec les associations d'élus.

Bien évidemment, dans la situation écologique de notre pays, s'il faut construire plus, il faut aussi construire mieux. La dynamique est en cours et les promoteurs, les architectes et les entreprises du bâtiment et de travaux publics transforment leurs activités en profondeur, afin de répondre à l'ambition environnementale et aux exigences de la RE2020. J'assistais hier à un Salon du bois à Lille, avec le ministre de l'Agriculture, et j'ai pu constater comment cette filière tenait compte de cet impératif de construire plus et mieux. La RE2020 fixe un cadre réglementaire ambitieux, en portant plusieurs objectifs : sobriété énergétique, sortie des énergies fossiles, diminution de l'impact carbone.

Cette accélération dans la construction de la ville durable, que le gouvernement porte, se concrétise aussi par le fonds vert. Ce fonds de 2 milliards d'euros pour les collectivités locales constitue un engagement fort pour accélérer la transition écologique de nos villes et de nos territoires. D'ores et déjà, 150 projets ont été déclarés lauréats de ce fonds pour accompagner les projets des collectivités. Pour bénéficier du fonds, il convient d'effectuer des propositions pour adapter la ville au changement climatique, pour régénérer les friches urbaines. Le fonds vert pérennise ainsi le fonds friches qui avait très bien fonctionné dans le plan de relance. Il permet aussi aux collectivités locales de rénover des équipements publics, notamment les écoles, même si un plan écoles sera présenté dans quelques semaines. Le fonds vert est destiné aux élus locaux, qui sont les mieux placés pour porter des projets de transition économique adaptés à leurs territoires.

Il convient aussi de rénover massivement, toujours en lien avec les collectivités. Le président de la République a rappelé qu'il s'agissait d'une priorité du gouvernement, en intégrant la transition écologique aux axes principaux sur lesquels nous devons accélérer concrètement pour nos citoyens. Les discours qui consistent à dire que rien ne va ne font qu'entacher la crédibilité de cette politique publique essentielle. Les résultats de Ma Prime Renov et de France Renov sont concrets, avec 1,5 million de projets soutenus depuis 2020 et 160 000 rénovations globales. Ce bilan est satisfaisant, ce qui ne nous empêche pas de chercher à faire mieux, notamment au sein de l'habitat collectif. Ainsi, il est indispensable d'inventer de nouvelles aides pour les copropriétés notamment. Il convient aussi de continuer à améliorer et fluidifier le parcours des usagers en facilitant leurs projets. Nous y travaillons avec l'Agence nationale de l'Habitat (ANAH).

Nous devons amplifier nos efforts par la mise en oeuvre d'une trajectoire crédible de sortie des énergies fossiles, par un meilleur accompagnement des ménages par le service public France Renov, par un parcours plus lisible et incitatif (subventions plus importantes), par la poursuite du soutien aux copropriétés, dont il convient de lever les freins rencontrés en matière d'information, d'accompagnement, de gouvernance, tout en diminuant le reste à charge pour que les travaux soient votés. Tel est le travail que nous menons avec l'ANAH, mais aussi avec les institutions bancaires, afin que l'accès aux prêts, notamment l'éco-prêt à taux zéro, soit possible pour financer le reste à charge et déclencher le vote en assemblée générale.

Ensuite, il convient de continuer à structurer la filière. Nous menons ce chantier avec la FFB, la CAPEB, et le ministre Bruno Le Maire, notamment lors des Assises du bâtiment. Nous continuerons à nous concerter avec tous ces partenaires et les collectivités locales ont un rôle clé à jouer. À ce titre, une concertation pour co-construire le cadre pérenne et simplifié de portage de financement de France Renov est en cours, y compris dans le cadre du chantier lié à la décentralisation.

Je vous propose d'évoquer la politique de la ville. Lier cette dernière et la politique du logement, comme l'ont décidé le président de la République et la première ministre, à travers le ministère qui est le mien, permet d'enregistrer des résultats forts dans nos quartiers, afin que leurs habitants se sentent pleinement citoyens de la République.

« Quartiers 2030 » renvoie à une ambition, des outils et à une méthode. L'ambition nous porte dans un calendrier de moyen terme et atteignable. Les nouveaux contrats de ville seront d'ailleurs sous-titrés « Engagements Quartiers 2030 », afin de bien montrer le lien qui existe entre ces domaines. Le président de la République a fixé une ambition pour les quartiers populaires, autour de différents enjeux : la jeunesse, l'accès à l'emploi, notamment à travers l'entrepreneuriat, la rénovation urbaine, la tranquillité et la sécurité, l'éducation, notamment.

« Quartiers 2030 », ce sont aussi des outils rénovés pour la politique de la ville. Au début du mois de mars, pour assurer la reconnaissance des habitants, de leurs besoins et de leur parole, j'ai lancé la commission présidée par Mohamed Mechmache. Il s'agit de repenser la participation citoyenne et de s'assurer que la parole des habitants irrigue notre action. Je souhaite que les futurs contrats de ville « Engagements Quartiers 2030 » soient co-construits avec les habitants, à la mesure de leurs quartiers respectifs. À titre d'exemple, la politique de la ville dans le quartier Pissevin, à Nîmes, ne doit pas forcément embrasser les mêmes enjeux que dans un quartier de Nice ou de Clichy-sous-Bois. Certains quartiers souhaitent travailler sur la petite enfance, d'autres sur l'accès à l'emploi, d'autres sur plusieurs thèmes en même temps. Même si nous fixerons des axes naturels, je souhaite que chaque territoire puisse construire son propre contrat de ville avec les élus, les habitants et avec l'aide des préfets. Ces derniers ne refuseront donc pas, ou ne demanderont pas de modification, des contrats si l'un des quatre axes n'est pas assez présent dans ces derniers. Les élus sont les meilleurs connaisseurs de leurs territoires et des priorités qu'ils souhaitent fixer dans leur contrat de ville.

La commission de Mohamed Mechmache doit favoriser la prise de parole et aider à réfléchir à ce que sera la participation des habitants. Les conseils citoyens ont joué un rôle et doivent être préservés lorsqu'ils continuent à le faire. Sinon, ils doivent être revus. De fait, le mot « conseil » rend déjà l'instance suspecte pour les habitants, même lorsque ces derniers sont tirés au sort pour y participer. Soyons inventifs. Je crois aux tables de quartier et aux dispositifs plus informels de participation des habitants. Une fois que le projet est sur les rails, la table de quartier peut s'intéresser à un autre projet, etc. La politique de la ville et la participation des habitants ont besoin d'outils assez souples, qui s'adaptent en fonction des besoins. Tel est le sens du travail que conduira Mohamed et la vingtaine de personnes qui l'accompagnent dans cette commission (experts, élus, habitants, militants associatifs).

Depuis hier, les préfectures ont reçu les nouvelles propositions de cartographie de la géographie prioritaire, c'est-à-dire les nouveaux quartiers en politique de la ville. Là encore, je souhaite favoriser la souplesse et qu'un travail itératif soit conduit entre les préfectures et les élus qui sont les plus à même de connaître leurs territoires. Aux préfets, j'ai rappelé mon souhait de cette grande prise en compte de la parole des habitants dans les futurs contrats de villes Quartiers 2030 et ma volonté de travailler avec les élus des villes et des intercommunalités pour définir le nouveau zonage.

L'objectif est de disposer de contrats de ville « Engagements Quartiers 2030 » sur trois ans, qui embrassent le programme « Quartiers 2030 ». En effet, nous signerons les nouveaux contrats de ville au 1er janvier 2024 jusqu'en 2027, puis en 2027, avec une clause de revoyure, et en prévoyant des conventions pluriannuelles d'objectifs, afin que les collectivités locales et les associations ne passent pas leur temps à faire des demandes de subventions, et que les services et les préfectures ne passent pas leur temps à dresser des bilans. Il convient de donner du temps au délégué du préfet, qui joue un rôle très important dans les quartiers en politique de la ville, ainsi qu'aux associations, pour qu'elles agissent en évitant la paperasserie. Tel est mon objectif.

Telles sont les grandes lignes de la politique du logement et de la ville. L'engagement du président de la République, dans le cadre de « Quartiers 2030 », porte sur la politique à conduire dans les quartiers populaires. Il est très attentif à la question de l'entrepreneuriat et de l'emploi dans les quartiers. Il souhaite le développement de la place des femmes dans ce cadre, dans la ville et dans les quartiers. Il nous a demandé aussi de travailler sur la question de la fracture numérique dans les quartiers populaires. Nous travaillons sur des politiques d'investissement, même dans les quartiers qui ne sont pas ANRU, en lien avec la dotation politique de la ville et le fonds vert. Certains ont connu le PNR4, porté par l'ANRU, qui permettait d'investir, au sein des quartiers de centre-ville, dans l'habitat ancien dégradé. Dans le cadre du lancement des « Quartiers 2030 », au 1er janvier 2024, mon souhait est que les programmes soient coécrits avec les habitants, les associations et les élus, à l'échelle des quartiers.

Par ailleurs, nous devons étudier la question de la coordination ANCT/ANRU et de la coordination ANRU/ANAH. Les programmes ANRU concernent souvent des copropriétés dégradées et fragiles. Parfois, il existe un programme ANRU et une opération de requalification des copropriétés dégradées (ORCoD), ce qui rend l'articulation encore plus complexe, sachant que l'ORCoD est l'outil le plus puissant pour intervenir dans les copropriétés dégradées. La méthodologie de l'ANRU est reconnue, ce qui est positif. De plus, la moitié des programmes Actions Coeur de Ville est conduite dans des villes qui disposent d'un programme ANRU. Il est ainsi possible d'aider au relogement, sachant que, par ailleurs, certains programmes de renouvellement urbain dépassent l'année de retard sur le relogement, ce qui est fâcheux. La coordination entre l'ANCT et l'ANRU est bonne mais, si elle est perfectible, nous y travaillerons.

Mme Françoise Gatel, présidente. - Vous avez utilisé l'expression « bombe sociale ». Vous avez parfaitement raison : la conjonction de contraintes et de situations nous semble placer en très grande fragilité l'exigence d'accès au logement, qui nous obsède tous et qui est un vecteur d'intégration, comme le travail. Ces contraintes viennent toujours d'idées vertueuses.

La première est l'interdiction des logements dits « passoires thermiques ». Des aides considérables sont accessibles pour la rénovation, mais nous savons que dans certaines parties du territoire, notamment rurales, des logements qui font office de logements sociaux appartiennent à de petits propriétaires qui n'ont ni la volonté ni les moyens d'entreprendre des rénovations. Nous constatons donc une pénurie assez forte de logements.

La deuxième contrainte, qui est extrêmement vertueuse, est celle du ZAN. Comment pourrons-nous conjuguer cette contrainte de diminution très rapide des passoires thermiques, alors que la contrainte du ZAN se précise ? Dans notre pays, nous ne réfléchissons pas toujours à l'échelle de l'écosystème. Nous souhaiterions vous entendre sur le sujet.

Le troisième point est que les conditions bancaires se durcissent pour ceux qui souhaitent avoir accès à la propriété, y compris les personnes ayant des revenus qui les protègent du surendettement.

Par ailleurs, Dominique Estrosi-Sassone évoquera sans doute le contrat de mixité sociale, dont elle a été l'une des actrices. L'obligation de logement social n'est contestée par personne. Toutefois, encore faut-il que ce logement social soit situé dans des zones pertinentes, c'est-à-dire celles qui accueillent également les emplois.

Enfin, nous ne connaissons que des maires frustrés, qui ont beaucoup de mal à expliquer à leurs concitoyens qu'ils ne réussissent pas à attribuer des logements, alors que les préfets ont la possibilité de le faire, d'une manière qui n'est pas toujours très heureuse et qui accroît la pression sur les maires.

Mme Dominique Estrosi-Sassone. - Nous entendons parfois qu'il ne serait plus nécessaire de construire en France, et qu'il conviendrait plutôt de faire porter tous les efforts sur la rénovation énergétique des logements existants et sur la remise sur le marché des logements vacants. Ce bruit est particulièrement inquiétant au regard de la crise du logement que nous traversons. Les deux piliers sont importants : la rénovation énergétique des logements, qui est un véritable défi, et la construction neuve.

Je voudrais vous interroger sur la création des Autorités organisatrices de l'habitat (AOH), dans le cadre de la loi 3DS. Ces AOH ne doivent pas rester lettre morte. Pour cela, il convient de réfléchir à un mode de financement ad hoc, afin qu'elles puissent développer une compétence réelle sur les territoires. Que pensez-vous de la proposition de la Fédération des offices publics de l'habitat, dont je suis la secrétaire générale, qui est de faire en sorte qu'une partie du Parcours emploi compétences (PEC) abonde les AOH, ce qui améliorerait l'efficience du lien qui existe entre l'emploi et le logement, au plus près des besoins des entreprises et des territoires ?

Depuis de nombreuses années, j'ai plaidé pour que soit créé un statut du bailleur privé qui soit unique, pérenne et qui s'applique à tous les types d'investissements. Ainsi, il ne serait plus tenu compte des zonages, de la destination du logement (résidence principale, location de longue durée...) ou des types de logements (neuf ou ancien).

Dans des territoires tendus comme le mien, même si les efforts doivent continuer à porter sur la production de logements sociaux, les logements intermédiaires sont extrêmement importants car ils permettent aux classes moyennes de pouvoir se loger dans nos villes. Êtes-vous favorable à poursuivre leur développement dans les zones tendues ?

L'accession à la propriété est indispensable. Dans les zones tendues, pour permettre l'accession à prix maîtrisés, certains territoires, comme la métropole Nice Côte d'Azur, ont mis en place des chartes promoteurs/bailleurs sociaux/intercommunalités/communes, qui visent à encadrer les prix des opérations. Cette initiative permet de réguler un marché du logement qui, dans les zones tendues, ne se régule pas naturellement. Toutefois, ces chartes n'ont pas d'assise légale et sont parfois contestées. Pourriez-vous faire en sorte que ce soit le cas à l'avenir ?

Enfin, la sous-préfète à la ville m'a indiqué que la concertation qui doit être lancée devrait se dérouler durant l'été, ce qui ne semble pas le meilleur moment dans nos quartiers.

M. Olivier Klein. - La concertation s'appelle « Les Printemps des quartiers ». Je pense qu'il s'agit d'une incompréhension.

M. Bernard Buis. - Parmi les propositions envisagées par le Conseil national de la refondation (CNR) Logement, celle qui porte sur les maires a particulièrement retenu mon attention. Assurer le maintien ou le développement d'une dynamique urbaine fait partie de la mission des élus, qui peuvent ainsi améliorer le cadre de vie de leurs administrés. Même si la production de logements peut être perçue comme une charge financière, elle rapporte cependant aux finances publiques via les droits de mutation et surtout la TVA, dont les taux varient de 5,5 % à 20 %. Afin d'organiser une émulation entre élus, le CNR Logement proposera la création d'une aide forfaitaire d'un montant calculé sur une moyenne de logements construits et/ou transformés, à condition qu'ils aient été vides auparavant et que ces travaux les aient remis sur le marché au cours des trois ou six dernières années. Le montant de l'aide pourrait s'accroître en fonction du caractère social du logement produit, sauf dans les communes carencées. Que pensez-vous de cette proposition ?

Le 15 décembre dernier, un incendie a tué dix personnes dans une copropriété située dans la commune de Vaulx-en-Velin. En tant qu'ancien maire, vous êtes particulièrement impliqué sur le sujet des copropriétés dégradées. Pouvez-vous nous indiquer ce que vous comptez faire sur ce sujet ?

M. Olivier Klein. - L'objectif est que la concertation s'engage dès maintenant, tant sur le zonage que sur les thématiques retenues dans le quartier. Ainsi, dans le Nord, plusieurs hackathons thématiques seront lancés sur la politique de la ville. Attendre l'été n'aurait donc aucun sens.

Le petit bruit de fond - qui rappelle que le pays cumule 2 millions de logements vacants et 2 millions de demandeurs - je l'entends aussi, mais il n'a aucun sens. De fait, les demandeurs souhaitent habiter dans les zones qui proposent des emplois. Il convient de construire tous types de logements, notamment en zones tendues.

Comme vous, je crois aux AOH, qui permettent de cadrer la réflexion sur le logement et qui seront au coeur de nos réflexions sur la décentralisation des politiques de logement. Les échanges qui sont les nôtres avec les associations d'élus conduiront à une contractualisation, à une expérimentation, et pas forcément à une décentralisation de principe. L'objectif de la décentralisation est de lutter contre cette urgence et cette future bombe sociale. Nous accompagnerons donc les volontés politiques de construire plus et pour le plus grand nombre.

Sur la proposition des offices HLM, de Marcel Rogemont et de vous-même, Madame la sénatrice, une réflexion est en cours sur la nouvelle convention quinquennale avec Action Logement. Le sujet de la PEC est important, comme celui du Fonds national d'aide à la pierre (FNAP). Dans tous les cas, les objectifs de construction doivent être en lien avec les besoins. À ce titre, l'accompagnement du FNAP, qui est déjà largement décentralisé, doit nous permettre d'attribuer des aides aux bailleurs sociaux qui souhaitent construire ou réhabiliter. Je ne suis pas certain qu'il soit possible d'aller au bout de cette proposition avec Action Logement mais son mérite est de faire réfléchir.

Les logements intermédiaires font partie du parcours résidentiel et répondent à un besoin. Nous devons favoriser la hausse de la production. J'en parlais avec Anne-Sophie Grave, directrice de la Caisse des dépôts et consignations (CDC) Habitat, qui est l'un des acteurs de la production de logement intermédiaire, avec la filiale du Groupe Action Logement dédiée au logement intermédiaire (In'li). Nous continuerons à accompagner la démarche en la matière.

Sur la création d'un statut de bailleur privé, proposition du CNR, ma réponse de principe est positive. Il existe déjà le statut du loueur en meublé. Cette réflexion doit nous permettre de donner de la visibilité et le statut doit être vertueux pour la qualité du logement et le loyer proposé. L'aide fiscale doit-elle être liée à l'amortissement ? Il convient de veiller à éviter les effets inverses, par exemple l'application d'une hausse des charges. A ce stade, nous n'avons aucune raison de limiter ce statut au neuf. En effet, même si nous souhaitons construire des logements neufs, la réalité est que 80 % des logements de 2050 existent déjà. Nous devons donc aussi nous concentrer sur la rénovation des logements existants, sans accepter que les passoires thermiques deviennent des meublés touristiques. Nous faisons en sorte d'identifier les voies législatives pour l'empêcher.

L'accession à la propriété est très importante. Hier, Olivier Salleron et la Fédération française du bâtiment organisaient une conférence de presse pour tirer la sonnette d'alarme sur les effets de la baisse des ventes : en janvier/février 2023, les ventes ont baissé de 42 % par rapport à janvier 2022, qui n'était déjà pas un très bon mois. Lorsque je suis devenu ministre, les promoteurs m'ont parlé de catastrophe au plan de l'offre et nous connaissons aujourd'hui une crise de la demande. Nous devons travailler sur les taux d'intérêt, avec les banques, comme nous le faisons avec Bruno Le Maire, par exemple en assurant une certaine souplesse entre le taux d'endettement et le reste à vivre. Dans ce cadre, je crois à la vertu du prêt à taux zéro, notamment pour les primo-accédants et pour les jeunes couples. Dans le cadre de la hausse des taux d'intérêt, le prêt à taux zéro coûte plus cher à l'État, bien sûr. Je crois aussi aux politiques foncières, au bail réel solidaire, au renforcement des organismes de foncier solidaire. En effet, si nous réussissons à déconnecter le foncier de l'appartement, nous réduisons le prix de vente de ce dernier.

Les élus signent des chartes promoteurs, en effet, qui sont parfois à la limite de la légalité. C'est un outil intéressant, à la construction duquel il convient de travailler, sans chercher à le substituer au PLU ou au PLUI. Faut-il légiférer sur les chartes promoteurs ? Je n'ai pas d'avis à ce stade. Les chartes promoteurs permettent de privilégier l'accession des habitants d'une ville, de rester attentifs à la qualité des matériaux, aux modes de chauffages choisis...

L'aide aux maires bâtisseurs fait partie des sujets extrêmement importants. Pour avoir été maire, je sais qu'il convient d'identifier le bon équilibre. En effet, le point mort en termes de démographie ne s'atteint pas en ne construisant pas. À Clichy, avec 130 nouveaux logements par an, la population n'augmente pas. L'aide aux maires bâtisseurs doit concerner ceux qui dépensent le plus d'argent dans le domaine de la construction. Nous travaillons sur ce sujet, autour de la TVA et des richesses produites par la production de logements. En effet, la production de logements conduit à accueillir plus d'enfants dans les écoles, à avoir besoin de plus d'équipements publics. Nous travaillons sur le sujet, notamment dans le cadre du CNR. La TVA est un bon levier, même si le transfert ne peut pas être assuré entre cette TVA et les subventions communales. La bonne méthode est sans doute celle de l'aide à la relance et aux permis attribués.

Les copropriétés restent une inquiétude et une priorité. De nombreux outils existent et peu de copropriétés se portent bien. Nous devons donc rester attentifs. C'est pourquoi nous souhaitons revoir les règles de la copropriété, tout en respectant sa démocratie. Nous y travaillons avec le garde des Sceaux et ses services. Nous devons aussi améliorer l'accès aux aides, qu'une copropriété soit en Programme Opérationnel de Prévention et d'Accompagnement des Copropriétés (POPAC), en Opération programmée pour l'amélioration de l'habitat (OPAH), en plan de sauvegarde, voire en ORCOD, et rendre les outils plus rapides. La loi Alur a mis en place l'ORCOD, qui n'est pas suffisante puisqu'il faut encore 8 à 12 ans pour sortir une copropriété de sa situation. Il convient de simplifier les outils d'acquisition à travers des déclarations d'utilité publique (DUP). Aujourd'hui, les procédures d'urgence sont trop complexes à obtenir et, durant toutes ces procédures, une copropriété en reste une tant que deux copropriétaires sont encore présents. Nous devons travailler avec les parlementaires à des améliorations du cadre législatif actuel, afin d'accélérer les délais d'intervention.

Mme Françoise Gatel, présidente. - Il y a trois semaines, nous avons accueilli les États généraux de la simplification. À cette occasion, nous avons pensé à un code de bonne conduite qui consisterait, dans la fabrique de la loi à laquelle nous participons tous, à être plus sobres en matière de contraintes et d'obligations. Le volume du code de l'urbanisme a augmenté de 44 %. La construction devient plus longue et plus complexe. De plus, le code n'est pas très stable : en effet, lors d'une mission conduite par Rémy Pointereau sur la simplification du droit de l'urbanisme, des promoteurs nous avaient expliqué que ce code et les normes peuvent évoluer entre l'initiation et l'achèvement d'un projet. Pour faciliter l'effort de construction, et éviter la fragmentation de la bombe sociale, il serait intéressant de profiter de cette période pour essayer d'alléger ou de réduire des obligations qui n'ont pas toujours de pertinence.

M. Laurent Burgoa. - Je vous remercie d'avoir cité le quartier Pissevin, à Nîmes, pour lequel nous avons particulièrement bien travaillé, il y a quelques années, vous en tant que président de l'ANRU et moi en tant qu'adjoint au maire. Vous êtes le bienvenu pour constater l'évolution de ce quartier.

Le contrat de mixité sociale, souhaité par le Sénat, est un excellent moyen de travailler en confiance entre l'État et les élus. Votre ministère a-t-il transmis une circulaire aux préfets ? Dans le Gard, les maires reçoivent plus de notifications de pénalités que d'invitation à discuter du contrat de mixité sociale. Il convient que l'État local joue le jeu de la confiance avec les élus locaux.

Par ailleurs, avec Pascal Martin et Guy Benarroche, nous menons une mission sur la transition environnementale et les collectivités locales. Dans les contrats de ville futurs, il est beaucoup question d'éducation, de jeunesse, de sport, de culture, de santé, de sécurité, mais très peu d'environnement et de transition environnementale. Sur ces sujets, nos élus et notre jeunesse manquent de formation. Des actions seraient les bienvenues dans les quartiers populaires.

Mme Sonia de La Provôté. - La présidente a évoqué le rapport portant sur le bilan d'action Coeur de ville et Petites villes de demain. Le sujet est notamment celui de l'évolution possible du Denormandie, qui est du Malraux patrimonial sans référence à l'histoire. Quel est l'état de vos réflexions en matière de financement fiscal, pour donner un coup d'accélérateur à la rénovation et à la réhabilitation des coeurs de ville et coeurs de bourg ? Dans ces zones, le logement subit une vacance importante pour des raisons de normes thermiques, phoniques et d'accessibilité, mais aussi en raison des liens entre la case commerciale du rez-de-chaussée et les logements des étages supérieurs. Le fonds friches ne s'applique pas dans ces situations.

Vous avez souligné le nécessaire lien étroit à assurer avec les élus locaux pour appliquer le Zéro Artificialisation Nette (ZAN) tout en développant une politique de logement. Cet outil est vécu comme un empêchement du développement du logement dans les communes, y compris -voire surtout-, rurales. De fait, la densité urbaine est portée aux nues, comme étant la solution absolue à toutes les problématiques dans les grands centres villes. Or, il se pose un problème de coexistence avec les trames vertes et bleues, qui vont à rebours de la densité urbaine, ou avec les îlots de fraîcheur. En quoi votre ministère s'est-il emparé de la question du ZAN ?

Ma troisième question porte sur le Diagnostic de performance énergétique (DPE), qui a été appliqué de façon systématique et uniforme au sein de tous les logements. Or, pour les logements d'avant 1949, qui ont des qualités particulières, notamment en matière d'inertie thermique, les problèmes portent plutôt sur le toit et les huisseries. Malgré tout, si le DPE est mauvais, l'isolation doit être assurée par l'extérieur, ce qui va à l'encontre de la réhabilitation qualitative des centres villes et des centres bourgs. Travaillez-vous sur une évolution du DPE ?

Enfin, il n'existe pas nécessairement de continuité urbaine dans les communes nouvelles. Des communes nouvelles rurales sont éligibles aux dispositifs de la Loi Solidarité et renouvellement urbain (SRU), mais cette dernière est inapplicable, sauf à considérer que l'une des communes historiques regroupe tout le logement social.

Mme Françoise Gatel, présidente. - Nous disposons de programmes extrêmement intéressants de revitalisation de centres villes et de centres bourgs, souvent dans des communes qui ont un bâti un peu ancien, constitué de matériaux locaux. L'objectif est de densifier ces zones avec des commerces et de l'habitat. Or, la transformation coûte un peu d'argent et il existe un risque de dérapage si les isolations sont réalisées comme pour les autres bâtiments. En Alsace, la collectivité européenne d'Alsace conduit une réflexion sur le sujet et la commission de la culture du Sénat travaille sur ce thème également, avec M. Béchu. L'objectif est d'éviter les catastrophes techniques en termes de choix des matériaux.

Au Sénat, sur le ZAN, nous avons rédigé une proposition de loi qui a beaucoup de mérite. En effet, pendant des années, dans beaucoup de communes périurbaines, nous nous sommes étalés dans les champs par le biais de pavillons, ce qui pose des questions sur le regard des habitants vis-à-vis des immeubles qui les font fuir parfois. Même si elle paraît très sage, la solution de la densification ne sera pas toujours acceptable : elle peut même être une erreur aussi grave socialement que celle de l'étalement urbain. Je vous donne donc rendez-vous dans 10 ou 15 ans, si nous appliquons le ZAN de façon trop autoritaire. Observez la manière dont les maires parlent de l'urbanisme après la Covid et le confinement. Parfois, un urbanisme trop dense, dans un cadre de vie manquant de confort, crée de la tension.

M. Olivier Klein. - Le contrat de mixité sociale est un excellent outil de réflexion à disposition des collectivités. Nous sommes en phase d'évaluation du bilan triennal de la loi SRU. J'ai écrit aux préfets sur ce sujet récemment, afin qu'ils poursuivent un objectif de respect de la loi et d'échanges bienveillants avec les collectivités locales. Près de 400 discussions sont en cours sur les contrats de mixité sociale.

Près de la moitié du logement social était produit dans des villes carencées, ce qui montre l'effet vertueux de la loi SRU et de son maintien. Le logement social est tout sauf un épouvantail, il s'agit du logement du plus grand nombre. Nous devons donc articuler les contrats de mixité à l'échelle des intercommunalités, afin d'être efficaces et bâtir un contrat de confiance. De temps en temps, quelques élus ne jouent pas le jeu, expliquant qu'ils n'ont pas de foncier à disposition pour le logement social et qui lancent pourtant d'autres constructions.

Les quartiers populaires doivent être, aussi et surtout, des lieux exemplaires de la transition écologique. Tel est le sens du programme « Quartiers fertiles » que j'avais lancé lorsque j'étais encore président de l'ANRU. Près de 200 fermes urbaines existent aujourd'hui. Tel est aussi le sens du programme « Quartiers résilients » que j'ai lancé lorsque je suis devenu ministre, afin de réexaminer certains programmes de rénovation urbaine suite au Covid. Certains ont pu penser que l'ANRU avait un dogme de la démolition. Cela n'a jamais été le cas. En revanche, les immeubles en construction dans nos quartiers populaires doivent être exemplaires : les populations concernées ont souvent moins de moyens et il convient donc de limiter les charges, en proposant des immeubles passifs et vertueux. Au plan des normes, la RE2020 dispose de son calendrier, que nous ne sommes pas obligés d'accélérer. Parallèlement, nous devons travailler sur la renaturation, les cours oasis, l'espace public, les petits parkings des centres commerciaux, les opérations à tiroirs mixant les parkings, les logements et les commerces. Les habitants des quartiers populaires ont droit au bon, au beau et au juste. Les collectivités locales et l'État doivent les leur apporter.

Action Coeur de ville et Petites villes de demain sont des programmes prioritaires. Christophe Béchu et Caroline Cayeux ont lancé le programme Action Coeur de ville II, avec un budget de 5 milliards d'euros. La question du commerce est extrêmement importante. Avec les intercommunalités et la Caisse des dépôts, nous devons inventer des outils des portages, afin d'assurer la mutation commerciale. Parfois, il vaut mieux disposer d'un commerce vide quelques mois de plus et identifier le bon commerçant qui tire le territoire vers le haut.

Pour le Denormandie, une mission d'inspection est en cours et un rapport sera transmis au Parlement dans le cadre du Projet de Loi de Finances. Cet outil est très peu utilisé, alors qu'il est extrêmement vertueux, notamment en raison de ses qualités environnementales. Ce sujet pourrait être intégré au statut du bailleur privé. Compte tenu de l'état des finances publiques, les outils de défiscalisation pourraient ne pas tous être maintenus et nous devrons déterminer quels sont les plus vertueux pour produire des logements dans les zones où nous en avons besoin.

Sur le ZAN, vous êtes plus experts que moi. Christophe Béchu travaille beaucoup sur le sujet avec tous les parlementaires. Nous devons faire du ZAN une opportunité et pas un frein au développement. Il convient de respecter le calendrier et l'objectif de 2050. Le président de la République et la première ministre ont évoqué le sujet lors du Congrès des maires. Les contreparties seront assurées à l'échelle nationale et non du territoire. Le ZAN doit être envisagé sur des périmètres élargis. La sobriété foncière est une obligation que nous devons porter tous ensemble intelligemment. Nous ne pouvons relever qu'il manque 2 millions de logements dans le pays et ne pas étudier nos objectifs de construction. Nous devons tenir compte des logements existants tout en continuant à produire.

Mme Françoise Gatel, présidente. - C'est extrêmement bien dit, Monsieur le ministre.

M. Olivier Klein. - Je vous remercie, Madame la présidente.

Le dispositif des DPE a été réformé en 2021. La nouvelle méthode tient compte de la forte inertie dans le bâtiment ancien, en fonction des processus constructifs (brique, terre...), et doit être adaptée aux différentes températures enregistrées au cours de l'année. Lors d'une visioconférence organisée sous l'égide de la direction de l'Habitat, de l'Urbanisme et des Paysages (DHUP), il y a une semaine, j'ai rappelé les diagnostiqueurs à leurs obligations. De fait, ils sont au coeur de la machine et doivent réaliser un travail exemplaire : un même logement ne doit pas donner lieu à des diagnostics différents et les diagnostiqueurs ne doivent pas casser les prix. En effet, un diagnostic de qualité a un temps et un prix. Nous soutenons l'expérimentation du label Performance énergétique sur les bâtiments dits patrimoniaux. En effet, il n'est pas question de réaliser une isolation thermique par l'extérieur (ITE) sur des colombages ou dans les quartiers haussmanniens. Nous travaillons sur ces sujets avec la DHUP, le CSPB...

C'est aussi un enjeu, pour notre industrie, de réfléchir à ces sujets. Il y a quelques semaines, j'ai rencontré le patron de Saint-Gobain, qui réfléchit à réduire l'épaisseur des isolants. Notre pays et notre industrie gagneraient à être à la pointe sur ces techniques. Nous pouvons faire confiance à Saint-Gobain pour être à la hauteur des enjeux et du calendrier.

Jean-Michel Houllegatte. - Je salue l'installation de la commission de participation citoyenne des quartiers, présidée par Mohamed Mechmache. Ce sujet est extrêmement difficile. Nous avions essayé de nous pencher sur cette question, sachant que les conseils citoyens ont été créés par la loi Lamy de 2014. Je vous adresse donc tous mes voeux de succès.

En janvier dernier, l'INSEE a publié une étude qui montre qu'entre 2004 et 2019, la mixité sociale a reculé dans les villes étudiées. La part des quartiers où les 40 % d'habitants les plus aisés sont surreprésentés a progressé de 2,1 points et la part des quartiers considérés comme mixtes socialement a diminué de 2,8 points. Ce phénomène a été mis en relief par l'excellent livre de Jérôme Fourquet, « L'Archipel français », dans lequel il est question de la gentrification et de la paupérisation. Comment faire en sorte que les quartiers prioritaires soient des lieux exemplaires de la mixité sociale ? Quelles mesures comptez-vous prendre pour renforcer cette mixité sociale ?

Par ailleurs, certains logements n'entrent pas dans le cadre des biens sans maîtres ou dans celui des périls graves et imminents. Il s'agit de biens délaissés par leurs propriétaires et pour lesquels les maires sont démunis. Il existe les OPAH- renouvellement urbain (RU) et les OPAH-Renouvellement Rural (RR) mais nous n'avons aucune prise. Il ne s'agit pas de spolier les propriétaires ou de remettre en cause le droit de la propriété. Pour autant, ces biens dégradent l'image d'une ville, alors que nous réalisons en parallèle des efforts conséquents.

M. Olivier Klein. - La mixité sociale est un enjeu, comme la lutte contre l'entre soi, ce dernier n'étant pas réservé aux quartiers populaires mais touchant aussi, et surtout, ceux qui ont les moyens de l'assurer. Je sous-titre souvent mon action, en indiquant que la politique de la ville doit permettre aux habitants des quartiers populaires, à travers l'émancipation, de les quitter s'ils le souhaitent mais surtout leur donner envie d'y rester. Souvent, les habitants quittent ces villes populaires à l'entrée au collège des enfants. L'enjeu de « Quartiers 2030 » est de transformer le regard des populations résidantes sur leurs quartiers. En effet, je crois davantage au souhait de mixité sociale de ces personnes qu'à celui des habitants du VIIe arrondissement, qui sont peu nombreux à avoir envie d'habiter à Clichy-sous-Bois. Nous devons donc améliorer les mobilités, la qualité des logements, l'accès à l'emploi, aux écoles, aux crèches, au sport...

Tel est l'enjeu de ce que nous essayons de construire dans le cadre de « Quartiers 2030 ». La question de l'école est centrale, comme celle de l'attractivité du métier d'enseignant, du remplacement des professeurs, question que le ministre de l'Éducation nationale prend à bras-le-corps. L'absence de mixité sociale et scolaire se voit au sein des écoles. C'est l'une des raisons pour laquelle les habitants quittent ces quartiers, comme la tranquillité ou la qualité du logement. Le propre de la politique de la ville est d'être en capacité de traiter à la fois les questions urbaines et humaines. Historiquement, nous n'avons pas su le faire. Dans le cadre du développement social des quartiers, dans les années 1990, nous avons affecté beaucoup d'argent pour soutenir les associations, ce qui était très positif. Sont apparus ensuite les grands projets de ville puis le séisme positif des programmes ANRU de 2004. Nous avons alors beaucoup mis l'accent sur l'urbain et un peu moins sur l'humain. Mon objectif est de construire des villes dans lesquelles il fait bon vivre, où les femmes se sentent tranquilles au quotidien et dans leur accès à l'emploi, où elles peuvent assurer leur émancipation.

Mme Françoise Gatel, présidente. - Je vous remercie, Monsieur le ministre, du temps que vous nous avez consacré, ainsi que pour l'intensité et la qualité de nos échanges sur ces sujets qui sont au coeur de ce qui anime tout élu : le bien-être de chacun de nos concitoyens, l'égalité des chances, la capacité d'insertion et d'émancipation, mais aussi la cohésion sociale.

La réunion est close à 10 h 30.