Jeudi 11 mai 2023

- Présidence de Mme Annick Billon, présidente -

Santé des femmes au travail : table ronde avec les organisations patronales et syndicales

Mme Annick Billon, présidente. - Chers collègues, Mesdames, Messieurs, nous sommes réunis ce matin pour notre dernière audition plénière sur la thématique de la santé des femmes au travail. Nous aurons encore quelques auditions des rapporteures mais nous avons souhaité clore notre cycle d'auditions plénières en entendant des représentants des partenaires sociaux.

En effet, les organisations syndicales et patronales ont un rôle central à jouer sur ces sujets. Elles sont représentées au sein de la Commission des accidents du travail et maladies professionnelles (la CAT/MP) et du Conseil d'orientation des conditions de travail (le Coct) - et en son sein du Comité national de prévention et de santé au travail (CNPST). Nous souhaitons connaître leurs recommandations et propositions d'action face aux différentes problématiques qui ont émergé au cours de nos auditions et travaux.

À cette fin, nous accueillons :

- pour la CGT, Mme Céline Verzeletti, secrétaire confédérale, et M. Olivier Perrot, conseiller confédéral, représentant suppléant de la CGT au Comité national de prévention et de santé au travail du Coct ;

- pour le Medef, Mme Diane Deperrois, présidente de la commission Protection sociale, accompagnée de M. Jean-Baptiste Moustié, chargé de mission Protection sociale, et de M. Adrien Chouguiat, directeur de mission affaires publiques ;

- pour la Confédération des petites et moyennes entreprises, M. Pierre Thillaud, représentant titulaire de la CPME au Comité national de prévention et de santé au travail du Coct.

Bienvenue à vous.

La CFDT et la CFTC ne pouvaient malheureusement pas être représentées ce matin, mais ces organisations nous feront parvenir des contributions écrites.

De mon côté, je devais être entourée de mes quatre collègues rapporteures, Laurence Cohen, Annick Jacquemet, Marie-Pierre Richer et Laurence Rossignol. Certaines nous rejoindront, je pense, dans quelques instants. Marie-Pierre Monier, sénatrice très engagée au sein de notre délégation, est également à nos côtés.

Je le disais, depuis six mois, nos auditions nous ont amenées à dresser quatre principaux constats :

- tout d'abord, un déficit d'approche genrée en matière de santé au travail, cette approche étant pourtant prévue, depuis la loi du 4 août 2014, au sein du Document unique d'évaluation des risques professionnels (DUERP) ;

- deuxièmement, une sous-estimation des risques professionnels auxquels les femmes sont exposées ainsi qu'une sous-déclaration des maladies professionnelles, plus particulièrement dans les secteurs à prédominance féminine (TMS, risques psychosociaux, cancers professionnels, etc.) ;

- troisièmement, une exposition différenciée des femmes et des hommes aux risques professionnels, y compris au sein des mêmes professions ;

- enfin, conséquence de tout ce qui précède, un sous-développement des politiques de prévention dédiées aux secteurs à prédominance féminine et à la santé des femmes au travail.

Nous souhaitons vous entendre sur ces différents sujets, et surtout connaître vos recommandations, afin d'améliorer la prise en compte des risques professionnels affectant principalement les femmes et de développer des politiques de prévention dans le milieu professionnel en faveur de la santé des femmes.

Voilà Laurence Rossignol, rapporteure, qui nous rejoint. Bienvenue.

Nous souhaitons également recueillir vos avis sur quelques sujets spécifiques :

- celui de l'impact du travail de nuit sur le cancer du sein : les études épidémiologiques indiquent que le travail de nuit augmente de près de 30 % le risque de cancer du sein. Envisagez-vous la création d'un tableau de maladie professionnelle pour le cancer du sein ? Où en est-on dans la création d'un tel tableau pour le cancer de l'ovaire, qui a été annoncée du fait des liens avérés entre exposition à l'amiante et cancer de l'ovaire ?

- celui du congé menstruel, adopté par le Parlement espagnol en février dernier et instauré dans quelques structures comme le groupe Carrefour ou la commune de Saint-Ouen : alors que 10 % des femmes souffrent d'endométriose, cette solution vous semble-t-elle efficace ? Quelles alternatives proposez-vous ?

- enfin, celui du caractère systémique des violences sexistes et sexuelles au travail et de leur impact sur la santé des femmes, ainsi que le défaut de « prévention primaire » dans ce domaine.

Je laisse dès à présent la parole aux représentants de la CGT, Céline Verzeletti et Olivier Perrot.

Mme Céline Verzeletti, secrétaire confédérale de la CGT. - Merci pour cette invitation. Bonjour à toutes et à tous. Je procéderai à une introduction avant que mon camarade complète certaines réponses, le cas échéant.

Vous l'avez dit, de nombreuses études et données de la branche Accidents du travail - Maladies professionnelles (AT-MP) de la Sécurité sociale mettent en évidence une augmentation sensible des accidents de travail et maladies professionnelles touchant les femmes. Ceux-ci sont liés aux postes qu'elles occupent et à l'absence de prise en compte de certaines spécificités féminines. Par ailleurs, les pathologies dont elles sont le plus souvent victimes sont les troubles musculo-squelettiques, les risques psychosociaux et organisationnels, et les cancers professionnels, entre autres.

La CGT a émis des propositions, et des rappels à la loi, très souvent. Le Document unique d'évaluation des risques professionnels (DUERP) devrait être genré. C'est une obligation depuis la loi de 2014. Il ne l'est pourtant pas pour la très grande majorité des lieux de travail, qu'ils soient publics ou privés. Les contrôles et les sanctions prévus pour remédier à ces situations ne sont que trop rares. Comme sur de nombreux sujets en lien avec la santé et la sécurité au travail, les contrôles et sanctions sont en effet insuffisants, alors même que ces conditions sont nécessaires à une véritable application de la loi. Ce manque de contrôle est souvent dû à un manque d'effectifs dans les Directions régionales de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités (Dreets) et les structures de type Carsat (Caisses d'assurance retraite et santé au travail). Nous insistons à ce sujet sur l'importance du rôle des Comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) et des élus du personnel qui pourraient, par des prérogatives renouvelées, remédier à un certain nombre de carences. La remise en place de ces CHSCT devient ainsi une nécessité incontournable.

Concernant le travail de nuit et le cancer du sein, des éléments doivent également être revus. La récente reconnaissance, par le Comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles, du cancer du sein comme maladie professionnelle pour une infirmière ayant travaillé de nuit pendant 28 ans dans un hôpital public de la région Grand Est, , constitue une première avancée. Pour autant, ce système complémentaire de réparation des maladies dites « à caractère professionnel » nécessite que la victime apporte des éléments concrets au Comité, qui peut, ou non, conclure à un lien direct entre le travail et la maladie. La création d'un tableau de maladie professionnelle est donc indispensable pour que les victimes bénéficient de la présomption d'origine. Le Conseil d'orientation des conditions de travail (Coct) et sa commission spécialisée numéro 4, où sont représentées les organisations syndicales, rencontre une opposition patronale forte à l'encontre de la création de ce tableau facilitateur de la reconnaissance en maladie professionnelle.

Nous observons la même problématique concernant de nombreux risques psychosociaux auxquels sont exposées les femmes : traumatisme des violences sexistes et sexuelles, pressions hiérarchiques, non-reconnaissance des emplois à prédominance féminine, risques organisationnels. L'absence de tableau de maladie professionnelle conduit à des difficultés pour les faire reconnaître.

Vous l'avez dit, les risques professionnels sont sous-estimés. Nous l'expliquons, entre autres et plus généralement, par la volonté patronale de les rendre invisibles pour éviter les coûts financiers de leur prévention, quel que soit le genre. Il est en revanche un « risque » que les employeurs ne peuvent pas sous-estimer : celui de la maternité. Elle apparaît à certains d'entre eux comme une charge insupportable. Or le repérage des nuisances potentielles pour la grossesse représente la première étape d'une évaluation spécifique anticipée, intégrée à l'évaluation globale des risques professionnels.

La sous-déclaration des maladies professionnelles n'est pas spécifique aux travailleuses, elle est fréquente, quel que soit le genre. Elle s'associe souvent à une peur de perdre son emploi sur les postes de travail les moins qualifiés. La méconnaissance des tableaux de maladies professionnelles, quand ils existent, par les médecins du soin, notamment généralistes, explique en partie cette sous-déclaration.

Ensuite, le congé menstruel ne nous semble pas être une bonne solution - bien qu'un débat ait lieu sur cette question. Il pourrait stigmatiser les femmes, et ne prend pas en compte la diversité des formes d'endométriose. En effet, il n'existe pas une endométriose, mais plusieurs. Aujourd'hui, la difficulté pour les femmes qui en souffrent consiste à pouvoir se mettre en arrêt maladie sans avoir à pâtir, entre autres, des trois jours de carence. Une réflexion doit s'engager pour supprimer les difficultés que rencontrent ces femmes, pour qu'elles puissent se mettre en arrêt maladie sans impact sur leur salaire ou leur carrière professionnelle : suppression des jours de carence, tant dans le privé que dans le public, et création d'indemnités journalières spécifiques, une prise en charge de l'employeur au-delà des 50 % de la sécurité sociale. Par ailleurs, il faudrait pouvoir faire reconnaître l'endométriose comme un handicap, pour que les femmes qui en souffrent puissent accéder à la reconnaissance de qualité de travailleur handicapé (RQTH) de façon plus automatique, comme c'est le cas de la polyarthrite rhumatoïde dont sont très majoritairement sujettes les femmes.

Par ailleurs, il apparaît nécessaire d'aligner les décisions et les moyens de toutes les Maisons départementales des personnes handicapées (MDPH), car elles n'affichent pas toutes le même temps de traitement des dossiers, de procédures, voire de décisions. À ce jour, l'endométriose n'est même pas éligible à la reconnaissance d'une affection longue durée (ALD), qui serait une première étape et n'empêche en rien la demande d'une RQTH.

S'agissant des violences sexistes et sexuelles, la France vient de ratifier la convention 190 de l'Organisation internationale du travail (OIT), accompagnée d'une recommandation 206. Le gouvernement a annoncé que la ratification serait faite à droit constant. Cette convention prévoit par exemple la promotion de la négociation collective à tous les niveaux. Or si la négociation est aujourd'hui obligatoire sur ces sujets dans les conventions de branche, ce n'est pas le cas en entreprise. L'égalité professionnelle doit y être négociée, mais pas la question des violences sexistes et sexuelles.

Dans la fonction publique, il existe une obligation de mise en place d'un dispositif de signalement, mais la négociation n'est, là non plus, pas obligatoire. Aujourd'hui encore, peu de collectivités territoriales et d'hôpitaux y ont recours. Les rares dispositifs de signalement mis en place sont par ailleurs généralement inopérants.

Les référents du Comité social et économique (CSE) en matière de lutte contre le harcèlement sexuel et agissements sexistes sont plus régulièrement désignés dans les CSE du privé, mais ne le sont que très rarement dans la fonction publique.

La convention de l'OIT prévoit également une indemnisation des victimes de violences dans le monde du travail. Cette disposition peut être mise en place dans la fonction publique avec le recours à l'ordonnance de protection, mais elle n'est pas appliquée dans le privé.

Cette convention prévoit également d'éviter la récidive des auteurs et leur réinsertion dans le monde du travail, mais là encore, sur ce sujet, rien n'est prévu. Des dispositions particulières existent également pour protéger les femmes victimes de violences domestiques, mais rien n'est fait. On sait pourtant que le seul moyen de s'émanciper d'un conjoint violent, pour une femme, est son travail. Ainsi, la CGT a proposé une étude d'impact, que nous pourrons vous faire parvenir, si elle vous intéresse.

Enfin, l'accès au soin est difficile pour 9,5 millions de femmes en France. Elles constituent la majorité des personnes précaires. 53 % des personnes pauvres sont des femmes. Elles représentent 57 % des bénéficiaires du revenu de solidarité active (RSA). Souvent, elles se privent de soins. 64 % d'entre elles y ont renoncé dans les douze derniers mois.

Mme Annick Billon, présidente. - Merci beaucoup. Votre collègue souhaite-t-il compléter cette réponse ?

M. Olivier Perrot, conseiller confédéral, représentant suppléant de la CGT au Comité national de prévention et de santé au travail du Coct. - Tout a été dit, et bien dit par ma camarade. Je n'ajouterai pas grand-chose. Simplement, nous comptons sur le législateur pour faire en sorte que les moyens de contrôle soient un peu plus efficaces et développés, tant pour les Dreets, Carsat ou Cramif (Caisse régionale d'assurance maladie d'Ile-de-France). Si la loi existe, nous manquons réellement de moyens. Le DUERP est un moyen de prévention des risques, genrés ou non. Encore faut-il qu'il soit appliqué. À la CGT, nous tenons également à la remise en place du CHSCT, qui pourrait aider à la résolution de certaines problématiques.

Mme Annick Billon, présidente. - Je vous remercie. Je laisse la parole à la représentante du Medef, Diane Deperrois.

Mme Diane Deperrois, présidente de la commission Protection sociale du Medef. - Bonjour à tous. Voilà un beau sujet. Je souhaite évoquer l'Accord national interprofessionnel (ANI) de décembre 2020 et la loi Santé au travail du 2 août 2021.

Le premier a été bâti dans le cadre paritaire de cette démocratie sociale, à laquelle nous tenons beaucoup. Il a ensuite été transposé dans le cadre parlementaire. Il me semble qu'au travers du DUERP et de l'approche de qualité de vie et de conditions de travail (QVCT), que nous souhaitons évidemment promouvoir, au travers du Plan santé au travail 4 (PST 4), nous pouvons aujourd'hui nous appuyer sur de nombreux éléments pour les faire connaître, les diffuser. On ne peut en effet jamais s'arrêter de diffuser une parole préventive et informative. Je pense que nous disposons de nombreux socles pour répondre aux points soulevés.

Je veux notamment souligner l'insistance qu'a été la nôtre, celle des partenaires sociaux, mais aussi dans le cadre de la loi 2 août 2021 faisant suite à une loi de 2014, sur une offre de service et d'accompagnement des entreprises. Nous pensons, avant tout, qu'un travail est nécessaire pour mieux faire connaître l'accompagnement dont peuvent bénéficier les employeurs comme les salariés. Nous pensons que tout le travail réalisé au sein de la médecine du travail est primordial, que celle-ci soit opérée dans le cadre des Services de prévention et de santé au travail interentreprises (SPSTI) que nous avons renforcés avec les partenaires sociaux dans le cadre de l'ANI, puis de la loi, ou dans le cadre des Services de santé au travail autonomes (SPSTA) lorsqu'ils sont implantés au sein des grandes entreprises. Nous pensons que la médecine du travail, notamment au travers de toutes ses équipes médicales, paramédicales et d'accompagnement, est très importante dans l'accompagnement des salariés, et notamment des femmes, dans la sensibilisation et la mise en avant des mesures leur permettant de prendre conscience du caractère capital de la santé.

Vous avez cité en introduction la sous-estimation des risques professionnels auxquels sont exposées les femmes. Vous me permettrez de vous faire remarquer que ce terme de « sous-estimation » ne nous semble pas opportun, au Medef.

Cela ne signifie pas que nous ne devons pas poursuivre nos efforts de prévention, tout particulièrement dans les secteurs à forte prédominance d'emplois féminins. J'aimerais souligner le travail réalisé dans les entreprises, mais aussi dans les branches, dans certains secteurs au sein desquels les femmes sont très présentes. Je pense au secteur de la propreté, notamment. La Fédération nationale des entreprises de la propreté a renouvelé une convention nationale d'objectifs avec la Caisse nationale d'assurance maladie (Cnam) en 2021, comprenant des incitations et un investissement dans les équipements de travail les plus adaptés, dans la formation à leur utilisation, dans l'évaluation et la prévention des risques chimiques auxquels elles sont exposées, notamment dans le nettoyage des locaux, où le personnel féminin est majoritaire. Il y faut de la formation, de la sensibilisation, et des matériels permettant un accompagnement dans ce type de secteur.

De la même façon, dans le commerce, où la présence féminine est aussi souvent très importante, des socles ont été mis en place dans le cadre de travaux en comité technique national D, regroupant les services, le commerce et l'industrie de l'alimentation. Ils concernent l'accompagnement, la sensibilisation autour de la mise en rayon, la manutention manuelle des charges et les mesures de prévention. Ces dernières s'accompagnent d'une nécessité d'information pour que, jusqu'au plus proche du terrain, elles soient connues, appliquées et relayées.

Le secteur du grand âge - qui comprend les Ehpad, les services à la personne, les résidences seniors, les agences d'aide et de soins à domicile - est également très féminisé. Un travail sur les troubles musculo-squelettiques professionnels y est réalisé. Les missions s'y accompagnent de postures contraignantes. Des équipements d'accompagnement des salariés peuvent y être mis en place : lève-personnes, lits médicalisés... Nous pourrions aller plus loin, mais je ne veux pas prendre trop de temps là-dessus.

Je voulais vous citer ces exemples, car il me semble important de montrer que des démarches volontaristes sont menées en matière de prévention. Ce n'est jamais suffisant, et les efforts doivent être poursuivis. D'ailleurs, dans la négociation AT-MP en cours, que je ne veux pas préempter - une séance est prévue avec les partenaires sociaux le 15 mai, à l'issue de travaux importants -, c'est autour de ces dynamiques que nous devons poursuivre et mieux diffuser l'information sur ces sujets.

De la même façon, on dit que les accidents de travail augmentent chez les femmes. En réalité, il est nécessaire de lier cette hausse au fait que les femmes sont de plus en plus nombreuses en activité. Certains secteurs à prédominance féminine peuvent en outre afficher des niveaux de sinistralité plus élevés. Ils s'engagent donc particulièrement à travailler à la prévention et à l'équipement d'outils permettant d'aider à faire en sorte d'éviter ce type de dangers et d'accidents, mais aussi de maladies.

Vous avez également mentionné des sujets de santé sexuelle et reproductive. Je soulignerai avant tout que le chef d'entreprise craint toujours d'appliquer un traitement différencié entre les hommes et les femmes. Celui-ci, s'il était avéré, pourrait être considéré comme discriminant. Ainsi, il faut toujours garder en tête le fait de ne pas entrer dans ces logiques. Le chef d'entreprise s'appuie bien entendu sur le DUERP. L'engagement des partenaires sociaux et la loi d'août 2021 ont permis une sensibilisation, pour que ce document soit présent partout, et que les entreprises soient accompagnées pour le mettre en place. Nous nous sommes en effet aperçu, lors de nos analyses, que ce n'était pas toujours le cas, et que les chefs d'entreprise, notamment dans les petites structures, pouvaient être perdus.

Je soulignerai également que le PST 4 a mis en exergue l'ergonomie des Équipements de protection individuelle (EPI) au travail. Ils ont souvent été définis à partir de modèles d'un « homme moyen » - n'y voyez pas un jugement de ma part - en termes de taille notamment, et de prise en compte des caractéristiques féminines. Il s'agit d'être vigilant, de manière à aller plus loin dans l'adaptation de ces équipements à leurs porteurs.

À la suite de votre introduction, j'aimerais revenir sur la santé au travail et toutes les mesures datant du XIXsiècle en termes de santé et de sécurité. Les premières lois sociales se sont construites pour protéger la mère et la future mère, la femme enceinte. Il est important d'y porter attention. Nous disposons d'un cadre complet et intéressant de protection de la femme salariée enceinte. Je ne détaillerai pas ces nombreuses mesures. Docteur Pierre Thillaud, vous y reviendrez peut-être. Je peux tout de même citer l'obligation, pour l'employeur, de reclasser la personne enceinte lorsqu'elle est exposée à certains risques déterminés par décret, tels que des agents toxiques ou du plomb.

S'agissant des actions menées par les partenaires sociaux en faveur de la santé des femmes, le chemin doit être poursuivi. Nous sommes toujours très vigilants dans l'analyse des travaux menés par l'Institut national de recherche et de sécurité (INRS), qui constituent un important éclairage. C'est un outil paritaire de la branche AT-MP. Ces travaux doivent être poursuivis. Il est important de faire en sorte que ces organismes puissent les mener. Je ne peux que vous renvoyer au dossier de l'INRS touchant à la prévention du harcèlement sexuel et des agissements sexistes au travail.

La branche AT-MP doit avoir les moyens d'accompagner les entreprises et les secteurs en demande. De la même façon, nous souhaitons que les décrets issus de la loi santé au travail du 2 août 2021, notamment sur les infirmiers et infirmières en pratique avancée (IPA), et les médecins praticiens correspondants, puissent voir le jour. Je sais qu'ils sont en cours d'élaboration. Ils sont très importants. C'est aussi par ce personnel présent sur le terrain que les salariés sont accompagnés. Aujourd'hui, la démographie médicale occasionne souvent des manques de professionnels. Nous sommes vigilants, et particulièrement en attente de la publication de ces décrets. Ce sont aussi ces acteurs que les femmes peuvent consulter pour évoquer les pathologies dont elles pourraient souffrir, avec un respect du secret médical. Je pense particulièrement aux pathologies que vous avez évoquées, autour de l'endométriose notamment.

Dans le même temps, il nous semble important que le sujet de la menstruation ne soit pas une pathologie en soi. Qui sommes-nous pour le décider ? Il s'agit bien d'une relation avec le corps médical. En même temps, il s'agit d'être vigilants et d'accompagner les salariées pour qu'elles connaissent leurs droits et les endroits où elles peuvent parler, dialoguer avec le corps médical. Là encore, il me semble nécessaire de rester attentifs aux risques de stigmatisation, à une hausse des stéréotypes au détriment des femmes. Si nous nous orientions vers un congé menstruel, on pourrait en effet renforcer des stéréotypes erronés selon lesquels les femmes seraient plus vulnérables et ne pourraient pas occuper des postes identiques aux salariés masculins, à travail égal. Je pense qu'il ne s'agit pas de verser dans ces dimensions, bien que le Medef soit particulièrement attentif à la diffusion de paroles préventives, à l'accès à la médecine du travail et au fait de pouvoir organiser des communications de sensibilisation. Ce point rejoint celui des violences sexistes et sexuelles au travail. Le socle légal permet aux chefs d'entreprise de prendre toutes les mesures pour sanctionner ces agissements : enquêtes, sanctions disciplinaires... Il s'agit maintenant de les faire connaître, de les mettre en avant et de les relayer. C'est aussi le sens de cet accompagnement dont peuvent bénéficier les chefs d'entreprise.

En conclusion, j'aimerais dire qu'il existe des entreprises, des branches, des secteurs avec des organisations différentes. La caisse AT-MP joue également un rôle très important en matière de santé au travail. Il faut pouvoir accompagner, développer toujours plus la prévention. Pour cela, nous avons besoin de davantage de moyens.

Mme Annick Billon, présidente. - Je vous remercie. Je laisse la parole à notre dernier intervenant pour la CPME, Pierre Thillaud.

M. Pierre Thillaud, représentant titulaire de la CPME au Comité national de prévention et de santé au travail du Coct. - Merci Madame la Présidente.

Au regard de l'action résolument novatrice que porte la majorité des partenaires sociaux depuis plus de deux ans, j'éprouve, je dois le confesser, une certaine gêne quant à la thématique de cette table ronde. Un patron de PME ne procède qu'à l'embauchage d'un salarié. Qu'il soit homme ou femme, sa responsabilité en matière de santé au travail et de prévention des risques professionnels reste égale. C'est tout le sens de l'ANI signé en décembre 2020, imparfaitement repris dans la loi du 2 août 2021, de s'affranchir de tout « communautarisme sanitaire » pour établir durablement et pour tous le concept de prévention primaire, de s'assurer d'un soutien de proximité intentionné et performant des entreprises adhérentes du SPSTI (Service de prévention et de santé au travail interentreprises), les PME tout particulièrement. Il s'agit enfin de veiller au développement adapté de la prévention de la désinsertion professionnelle. C'est également le sens de l'ANI AT-MP, en cours d'achèvement prochain nous le souhaitons, d'obtenir la réappropriation, par les partenaires sociaux, d'une branche AT-MP rendue plus autonome, de se doter d'un véritable programme d'action de prévention primaire, de s'engager résolument dans la surveillance et la prévention de l'usure professionnelle dans le cadre du FIPU (fonds d'investissement dans la prévention de l'usure professionnelle) introduit avec la nouvelle réforme des retraites.

Ceci étant, de nombreux postes de travail se sont nouvellement ouverts aux femmes. À l'évidence, cette évolution relève de la prévention des risques professionnels, de la prévention primaire, qui privilégie l'innocuité du poste à l'adaptation de son opérateur, qu'il soit hommeou femme. Cette attitude n'est pas nouvelle. La réglementation du port des charges lourdes est, à sa manière, genrée depuis le début du XXe siècle. À ce titre, il est remarquable de constater que parmi les 250 pages comportant plusieurs dizaines de tableaux du rapport de gestion 2021 de la Direction des risques professionnels de la Cnam, un seul, consacré à la sinistralité des bicyclettes et des trottinettes, est genré.

Vous avez récemment reçu la direction des risques professionnels (DRP) de la Cnam, dans le cadre de vos travaux. Vous avez pu constater combien cette approche genrée de la connaissance de la sinistralité au travail est difficile et incertaine. Bien que la loi de 2014 aurait pu laisser à penser qu'elle soit effective plus rapidement, il n'en est rien. Je crois que ces éléments sont importants.

L'approche genrée de la sinistralité est utile pour la connaissance. Elle ne nous paraît cependant pas souhaitable pour les actions de prévention. L'INRS répugne depuis toujours à produire, au nom de l'universalité de la prévention, des études genrées. Ce sont des réalités.

Enfin, à propos des affections propres aux femmes que vous avez bien voulu évoquer, nous estimons que l'endométriose est une maladie. Les règles douloureuses forment un syndrome physiopathologique. L'une comme l'autre n'est pas sans conséquence sur le travail, mais aucune des deux n'est la conséquence du travail. Dans ces conditions, ces deux situations morbides relèvent plus de la médecine de soins, du médecin traitant et de l'arrêt de travail que de la convention collective et d'un éventuel congé spécifique. Cette proposition allégerait peut-être les comptes de la Sécurité sociale, mais elle serait à coup sûr une charge financière considérable imposée aux seules entreprises, et aux PME tout particulièrement.

Ces dernières sont plus inquiétées par les troubles musculo-squelettiques, au regard du travail des femmes, que par les événements morbides que vous avez signalés. Les affections péri-articulaires provoquées par certains gestes et postures de travail sont concernées par le tableau 57A. Sur 37 580 maladies déclarées en 2021, 60 % l'ont été par des femmes. Cela me paraît un problème majeur qu'il convient a priori de prendre à bras le corps. C'est le sens de la prévention primaire.

Pour autant, faut-il accepter que tous les actifs, hommes et femmes, continuent à voir leur santé saucissonnée entre celle qui relève de la santé du citoyen - santé publique - celle du patient - médecin traitant - et celle du travailleur - santé au travail ? La CPME ne le pense pas, l'ANI signé par des partenaires sociaux en décembre 2020 non plus.

La proposition largement portée par la CPME de mettre en place la fonction nouvelle de médecins praticiens correspondants (MPC) visait à répondre à la nécessité d'une approche globale de la santé tout en préservant la spécificité de chacun de ces professionnels de santé. Le MPC, dans notre volonté, aurait dû être le médecin traitant qui, en établissant un pont sanitaire entre la santé du travailleur et celle du patient et avec le médecin-conseil de la Sécurité sociale, aurait pu initier cette approche globale de la santé de la femme ou de l'homme au travail. Cette approche est indispensable à toute politique de prévention primaire. Les parlementaires n'ont pas voulu partager cette ambition. La CPME le regrette, d'autant plus que la promotion de la prévention de la désinsertion professionnelle pousse à cette collaboration et que le FIPU ne saura s'en affranchir. Merci.

Mme Annick Billon, présidente. - Je vous remercie pour ces présentations variées, très différentes, qui amèneront nécessairement des questions et réactions de la part de nos rapporteures. Je leur laisse la parole.

Mme Laurence Rossignol, co-rapporteure. - Merci de vos communications.

Monsieur Thillaud, vous avez dit être gêné par la thématique de cette table ronde. Je suis moi-même un peu gênée pour vous interroger. Cette audition ne vise pas à engager une discussion et à essayer de vous convaincre de quoi que ce soit. Je ne vais pas me substituer aux partenaires sociaux, et en particulier aux syndicats dont c'est la tâche. Pour autant, nous traitons de la santé des femmes au travail. Vous dites qu'un salarié est un salarié, et qu'on ne distingue pas les hommes des femmes. Vous avez parlé de communautarisme sanitaire. Les femmes ne sont pas une communauté. Le terme « communautarisme » n'est pas toujours utilisé de manière pertinente. Dans le cas présent, il ne fonctionne pas. L'humanité est faite d'hommes et de femmes, dont les considérants biologiques diffèrent. Nous étudions ici l'impact de la spécificité biologique des femmes sur leur santé, et particulièrement sur leur santé au travail, et les troubles de santé spécifiques à des professions totalement féminisées. Ce n'est pas une question de communautarisme. Vous avez vous-même reconnu que la dimension genrée était utile pour la compréhension et la connaissance, mais pas pour les actions de prévention. À quoi serviraient les statistiques genrées si elles ne nous disaient pas comment agir par la suite ? Cela est valable pour la santé, mais aussi pour l'ensemble des activités humaines, y compris les nôtres. C'est lorsqu'on s'est mis à compter les femmes dans le monde politique que l'on a décidé qu'il fallait voter une loi sur la parité. Avant de les compter, on estimait normal qu'il n'y ait que des hommes. Cette remarque me semblait importante pour éviter toute ambiguïté entre nous.

Je n'ai pas énormément de questions à vous poser. J'ai compris quelle était votre approche. J'ai tout de même une frustration. J'aurais aimé qu'on nous parle de la santé des femmes cheffes d'entreprise ou commerçantes, côté Medef comme CPME. Ce sont aussi des femmes.

Nous savons que la grossesse et le fait d'avoir des enfants sont des facteurs d'inégalité professionnelle clairement identifiés, également pour des raisons de santé. Dans ce contexte, comment faire en sorte que les données de santé spécifiques aux femmes ne se traduisent pas en stagnation de carrière, régression et inégalités professionnelles ? Nous nous intéressons aux salariées, mais aussi aux cheffes d'entreprise, aux commerçantes, aux cheffes de petites et moyennes entreprises. J'ai du mal à croire qu'elles ne soient touchées par aucune spécificité en termes sanitaires, dans le lien entre leur condition de femmes et leur activité. Je n'attends pas des syndicats de salariés qu'ils nous instruisent à ce propos, mais vous pourriez peut-être le faire. Ces femmes nous intéressent aussi.

Enfin, ma dernière question concerne le congé menstruel, qui fait l'objet de plusieurs propositions de loi récemment déposées. J'imagine que vous avez tous compris que celles-ci visent à limiter le délai de carence. Pour les entreprises, elles impliqueraient aussi que, dès lors qu'une femme est titulaire d'un arrêt maladie couvrant une longue période, lui ouvrant le droit aux congés sans jour de carence du point de vue de la Sécurité sociale - je parle ici des entreprises sans accord de mensualisation - elle devrait être protégée dans son activité professionnelle, et que ce ne soit pas un facteur discriminant ou de sanctions au travail. Je n'ai compris la position d'aucun de vous s'agissant de ces propositions de loi.

Mme Diane Deperrois. - Il est vrai que je n'ai pas fait un cas particulier des chefs d'entreprise, femmes ou hommes d'ailleurs. Dans l'ANI que nous avons partagé dans ce cadre paritaire, et dans le cadre de la loi de 2021, nous les avons embarqués, de même que les professions indépendantes, sur la base du volontariat. Cela n'existait pas jusqu'alors. Nous avons, dans le cadre de nos échanges, été sensibilisés au fait qu'il s'agissait de ne pas les laisser de côté. Au contraire, nous devons les inclure et leur donner un droit d'accès aux SPSTI. Votre point est tout à fait pertinent.

Sur le deuxième point, il nous semble très important de mettre l'accent sur la prévention, la communication et l'accès à la médecine du travail notamment. Il nous apparaît essentiel de ne pas transformer certains sujets, tels que les menstruations, en sujets relevant d'une pathologie systématique et d'un facteur qui handicaperait l'ensemble des salariées assujetties à ces règles tous les mois. Ce chemin ne nous semble pas devoir être poursuivi.

En expliquant cela, je dis deux choses. D'abord, j'insiste sur l'accès à la médecine du travail, sur le secret médical et sur un dialogue. Il est possible de bénéficier de congés maladie si, dans le cadre de ce dialogue et de ce secret médical, il devait être justifié. Je ne veux pas, ici, me substituer aux médecins. Dans le même temps, il est important de veiller au risque de stigmatisation ou d'une hausse des stéréotypes au détriment des femmes. Ce point me semble primordial. En revanche, le fait qu'il puisse y avoir une communication et une connaissance plus approfondie de cette maladie, qu'elle puisse donner lieu, le cas échéant, à des arrêts, n'est pas remis en cause. Je parle ici spécifiquement de maladies, notamment d'endométriose constatée par le corps médical. La menstruation, si elle est jugée douloureuse, doit l'être dans le cadre de ce dialogue, avec cet acte médical. Il ne s'agit pas d'entrer dans un risque de stigmatisation en instaurant ce type de congé. En revanche, prévenir, communiquer et sensibiliser sur ces différents sujets est très important. Nous n'avons jamais cessé de mener ce chemin de prévention.

Je rejoindrai le propos du docteur : dans les exemples que je vous ai cités, dans les secteurs à prédominance féminine - le commerce, la propreté, le grand âge -, toutes les dimensions autour des troubles musculo-squelettiques ou des risques chimiques doivent être particulièrement étudiées, parce qu'elles concernent un personnel féminin particulièrement concentré dans ces métiers.

M. Pierre Thillaud. - Je partage votre réaction au terme : communautarisme sanitaire. Justement, tout mon propos visait à dire que l'application non genrée de la prévention primaire évitait ce risque. C'est en effet un risque et non une stigmatisation. Ensuite, mon intervention aurait été incohérente si j'avais mis en exergue les femmes patronnes de PME. Elles bénéficient, comme les autres, d'une prévention primaire. Depuis l'ANI de décembre 2020, les chefs d'entreprise ont accès, sur la base du volontariat, au bénéfice et au soutien des SPSTI, comme les travailleurs indépendants. À la CPME, nous sommes fiers d'avoir pu obtenir cette mesure. Il a fallu tant de temps pour ouvrir l'accès à la médecine du travail et à la santé au travail à cette catégorie de professionnels.

Soyons clairs, la CPME n'est pas favorable à l'instauration d'un congé menstruel, pour des raisons que j'ai déjà relevées. Cette mesure nous paraît relever de la médecine de soins, du médecin traitant, de l'arrêt maladie, pas de la convention collective. J'ai signalé que la Sécurité sociale pouvait peut-être y gagner quelque argent. Vous nous avez indiqué que c'était les salariés qui voulaient ne pas en perdre avec le délai de carence. Il ne nous semble pas justifié de faire porter cette charge aux entreprises sur un syndrome symptomatologique qui n'est pas systématique pour une maladie qui touche, au mieux des statistiques, 10 % des femmes.

Mme Diane Deperrois. - Il me semble que nous devrions également nous interroger sur l'articulation d'un congé tel qu'il est évoqué, en prenant en compte le principe de liberté des personnes et le respect de leur vie privée, auquel sont attachés les salariés eux-mêmes. Ce point, très important, est souvent évoqué au sein de l'entreprise, bien qu'il ne le soit pas spécifiquement sur ce sujet précis. Cet accès, cette confidentialité sont importants pour échanger dans les entreprises. Ainsi, il faut échanger, faire connaître les possibilités existantes au niveau de la médecine du travail notamment. Je rappelle que cette dernière englobe les chefs d'entreprise. Nous devons mieux faire connaître ce droit et cet accès.

Vous avez fait allusion à la prévention de la désinsertion professionnelle. Nous avons, dans le cadre paritaire, instauré la possibilité d'une visite de prévention de désinsertion professionnelle. J'élargis quelque peu notre propos, mais je crois que la même logique est ici à l'oeuvre.

Mme Laurence Cohen, co-rapporteure. - Merci Madame la Présidente, Mesdames et Messieurs pour la franchise de vos propos. Je serai franche, moi aussi. En vous entendant, notamment au niveau du Medef et de la CPME, je pense que nous avons bien fait de prendre en compte cette thématique de la santé des femmes au travail. Il y a encore beaucoup à faire dans les entreprises pour la faire progresser.

En vous entendant, j'ai le sentiment que nous ne vivons pas dans le même monde, que nous ne rencontrons pas les mêmes salariés. La prise en compte de la santé des femmes n'est nullement sous-estimée, Madame Deperrois. Toutes les statistiques le prouvent. Vous avez raison, il faut sans doute prendre en compte une hausse du nombre de femmes au travail. Néanmoins, il y a aussi à prendre en compte les métiers à prédominance féminine, au sein desquels les femmes vivent des conditions particulièrement difficiles.

Lorsque je dis que nous ne vivons pas dans le même monde, je veux dire que vous parlez d'une médecine du travail qui n'existe pas. Ce n'est évidemment pas de votre responsabilité. Vous n'avez pas fait en sorte qu'elle soit dans cet état. Pour autant, vous avez à considérer cette réalité de terrain. S'il existe bien une nécessité de prévention, elle est extrêmement faible compte tenu de la sinistralité de la médecine du travail.

Je suis en profond désaccord avec vous sur un point. Parler des problèmes spécifiques vécus par les femmes au travail, ce n'est pas les stigmatiser. S'abriter derrière cette excuse permet de ne pas agir. Nous l'avons vu à mesure des combats que nous menons au sein de cette délégation, un regard sur les femmes dans la société est nécessaire, en politique, au travail, dans la vie domestique.

Quand je souligne que ce regard spécifique est nécessaire, je peux vous donner des exemples. Vous avez parlé des troubles musculo-squelettiques, et notamment des appareils permettant la levée des poids pour les malades. Ils sont extrêmement importants, vous avez raison, mais il n'existe pas de tels facilitateurs dans tous les lieux de travail. Nous constatons que les femmes travaillant auprès des personnes âgées vivent des conditions de travail telles que ce secteur compte un taux d'accident du travail plus élevé que celui du BTP. Que faites-vous face à ce constat ?

Monsieur Thillaud, je ne reviendrai pas sur le terme de communautarisme sanitaire, qui m'a extrêmement choquée. Je partage l'intervention de Laurence Rossignol à ce sujet. Votre réponse ne m'a pas convaincue.

Vous indiquiez, l'un et l'autre, Monsieur Thillaud et Madame Deperrois, ne pas adopter de regard genré en termes d'action. Je ne comprends pas ce raisonnement. Je m'appuierai, pour m'expliquer, sur l'exemple de la Poste et des facteurs. Au début, ceux-ci étaient essentiellement des hommes. Ils portaient les musettes et distribuaient le courrier. Bien que les stéréotypes veuillent que les hommes soient très virils, costauds, et en mesure de porter des charges très lourdes, celles-ci ne sont pas sans conséquence sur leur corps. Pour autant, ils ne se plaignaient pas et portaient les musettes. Quand des femmes sont devenues factrices, elles s'en sont plaintes, se sont battues, et ont obtenu un allègement des musettes qui a également profité aux hommes. À cette occasion, on a pu constater que le port de charges lourdes était nuisible à l'organisme. Ainsi, par cet exemple, je veux prouver que lorsqu'on s'intéresse à ce qui se passe réellement dans l'entreprise, notamment du côté des femmes, les améliorations des conditions de travail profitent à tout le monde. Elles occasionnent des améliorations de productivité pour les chefs d'entreprise.

Vous n'avez que très peu parlé des violences sexistes et sexuelles. Pourtant, nous avons constaté depuis le début de nos travaux que la majorité des femmes en étant victimes finissent par quitter leur travail. C'est elles qui sont discriminées, et pas leurs bourreaux. En général, ceux-ci reçoivent une petite tape sur les doigts, puis peuvent conserver leur poste. Ils ne sont pas déplacés. Les conséquences sont extrêmement graves. Que faites-vous dans ce cadre ?

Enfin, nous n'avons pas parlé du télétravail, alors même que nous venons de vivre une crise sanitaire extrêmement grave. Je pense pourtant que nous devons porter un regard particulier sur ses conséquences sur la santé des femmes. Des statistiques existent en la matière. D'une façon générale, tant pour les femmes que pour les hommes, le droit à la déconnexion, comme de nombreuses autres thématiques, doit progresser, pour la santé de tous, mais particulièrement pour celle des femmes.

Mme Diane Deperrois. - Merci pour vos remarques. Je crois que nous ne différons pas tant que ça. Vous dites que parler n'est pas stigmatiser. Je n'ai pas dit le contraire. Je suis d'accord avec vous. J'ai insisté sur les termes « informer », « accompagner », « prévenir » et « sensibiliser ». La notion de prévention, si elle ne figure que sur une feuille de papier, n'existe pas. Les entreprises doivent être accompagnées. Des communications et programmes de sensibilisation sont nécessaires. Nous sommes bien en lien là-dessus.

J'ai évoqué un risque de stigmatisation. Pour autant, tous les programmes de sensibilisation qui sont faits, au travers de la médecine du travail, dans les entreprises, ou au travers de l'engagement des branches elles-mêmes, en lien avec la caisse AT-MP ou séparément, ou au travers de l'engagement propre de l'ensemble des entreprises, font oeuvre utile, et même indispensable au sein des entreprises. Je crois avoir exprimé des exemples de secteurs que vous avez également cités. Je vous en remercie. En effet, ils demandent de porter des charges lourdes ou de déplacer des personnes dont le poids peut être élevé, par exemple. Nous parlons plutôt de troubles musculo-squelettiques dans ce contexte.

Au sein des branches et du secteur privé, la sensibilisation est forte. Il n'aura échappé à personne que ces secteurs économiques sont en recherche de salariés, qu'ils cherchent à travailler sur la qualité de vie au travail et l'équilibre entre la vie professionnelle et personnelle. Ces sujets doivent impérativement être développés si nous souhaitons que soit étendu l'emploi au service de la population, et notamment d'une de ses parties spécifiques.

Les sujets autour de l'emploi dans les Ehpad, dans le service à la personne, le nettoyage, rejoignent tout à fait les points que vous avez partagés. Je pourrais même insister sur un sujet dans les Ehpad. Un programme spécifique, TMS pro, est mené en lien avec les actions de prévention de la branche sur les troubles musculo-squelettiques. S'y ajoutent des subventions prévention aux TPE, pour les établissements de moins de cinquante salariés, permettant le financement d'équipements et de formations. Je veux simplement dire que c'est la réalisation de l'action qui importe, en termes de prévention, sensibilisation, et de formation et dotation d'équipements sur le terrain.

De la même façon, sur les violences sexistes et sexuelles, des informations majeures, qui ne suffisent jamais, doivent se poursuivre pour faire connaître le cadre de prévention existant. Il permet de les évoquer, de pouvoir en parler, avec le dispositif nécessaire au traitement de ces sujets ô combien douloureux. Je voudrais à cette occasion citer un exemple de la Fédération de l'hospitalisation privée (FHP). Un réseau d'écoutants y a été formé au recueil de la parole. Des procédures de signalement dédiées ont été mises en place. Sans ces cadres, l'expression ne sera pas possible. Ils doivent ainsi être installés, mais aussi être connus.

En novembre 2022, une campagne de communication était dédiée à la lutte contre les violences sexistes et sexuelles au travail, pour promouvoir les actions de protection collectives contre celles-ci : sensibilisation, accompagnement, ligne d'écoute, signalement dédié. À titre d'exemple, le groupe Elsan a accompagné les étudiants en santé. Nous savons combien ils peuvent eux aussi subir des situations de violences sexistes et sexuelles. Je pourrais en citer d'autres. Ce qui importe, c'est que des actions soient menées sur le terrain, et que l'on fasse preuve d'un grand pragmatisme.

S'agissant du télétravail, j'ai été directrice des ressources humaines dans un passé proche. Lorsque nous avons réfléchi aux médecins praticiens correspondants (MPC), nous nous sommes dit qu'il existait le travail sur le lieu de travail clairement identifié, et celui qui peut être réalisé à domicile. Finalement, en fonction des équilibres sur le temps de travail, en fonction des localisations, ne devrait-on pas avoir un regard proche du domicile ? Cette notion de médecins praticiens correspondants a été largement partagée dans ce cadre. Il ne faudrait pas qu'il n'y ait que la médecine au travail ou par le travail. Le travail est en tout lieu, notamment en proximité et chez soi. Des barrières tombent, justifiant un élargissement du cadre.

M. Olivier Perrot. - Sans remettre en cause ce qui a été dit, je réaffirme ce que la CGT a mis en avant ces dernières années. J'ai entendu parler aujourd'hui de la loi du 2 août 2021, qui découlait de l'ANI du 9 décembre 2020. Cet accord n'était pas unanime, la CGT ne l'ayant pas signé, pour des raisons diverses, notamment le MPC : médecin praticien correspondant. Nous regrettons ce fait. Nous préférerions que les pouvoirs publics développent la médecine du travail, qu'ils fassent en sorte que cette filière soit étendue. Le concept de MPC suppose que des médecins généralistes se chargent de la médecine du travail. Pourtant, je crois que la médecine de ville est aussi sinistrée que celle du travail. Le Docteur Thillaud dira peut-être le contraire. Dans tous les cas, je ne pense pas que ce soit dans ce secteur qu'il faille aller chercher des médecins du travail. Par ailleurs, les généralistes sont trop éloignés des conditions de travail vécues par les femmes en particulier.

J'ai entendu parler des SPSTI. Nous demandons leur intégration à la Sécurité sociale afin de résoudre les dysfonctionnements que nous observons. Une meilleure coordination est nécessaire.

Ensuite, des négociations sont en cours au sein de la branche AT-MP. Nous portons des revendications fortes, dont des moyens pour les Carsat, la Cramif et autres structures de ce genre, pour que les contrôles soient effectués et que les actions de prévention soient menées.

Aujourd'hui, nous considérons par ailleurs que la sinistralité est très mal mesurée, notamment du fait de la sous-déclaration des maladies professionnelles comme des accidents du travail. Ce débat peut parfois être houleux. Tant qu'on ne mesurera pas mieux la sinistralité dans les entreprises, nous ne pourrons pas proposer une bonne prévention. Nous considérons que les statistiques sur lesquelles nous travaillons sont faussées. Une réelle dynamique doit être créée pour que cesse cette sous-déclaration, qui est institutionnalisée. Je l'ai suffisamment vécu ou observé en entreprise pour l'affirmer. Les employeurs font en sorte de sous-déclarer ou de ne pas déclarer les accidents du travail. Ce n'est pas sans impact sur la prévention que nous pouvons effectuer.

La Cour des comptes mesure cette sous-déclaration en opérant un transfert de fonds entre la branche AT-MP et la Sécurité sociale. Elle l'évalue entre un et deux milliards d'euros. C'est gigantesque.

J'aimerais également parler de l'impact de l'organisation du travail, trop peu évoquée à mes yeux. Vous avez parlé de lève-personnes, parfois financés par la branche. Les femmes s'occupant des malades n'utilisent pas ces équipements, parce qu'elles n'en ont tout simplement pas le temps, au vu des pressions qu'elles subissent en la matière. Un corps humain est plus lourd qu'un sac de ciment. Ces professionnels ont dix minutes pour s'occuper de leurs patients ou usagers. Dans les Ehpad, notamment, elles ne disposent pas du temps nécessaire pour bien faire leur travail. Ainsi, l'organisation du travail est à remettre en cause. On pourrait également parler des personnels de ménage qui viennent nettoyer les bureaux très tôt le matin, pour que l'on y soit tranquille dans la journée. C'est une horreur absolue. La CGT travaille différemment. Les femmes de ménage passent dans nos locaux lorsque nous y sommes, sans que cela pose de problème. Elles travaillent ainsi sur des horaires acceptables, et non nocifs pour leur santé.

M. Pierre Thillaud. - Je suis trop respectueux du dialogue social auquel je participe depuis plus de quarante ans pour ne pas avoir pris le soin de préciser que la majorité des partenaires sociaux portait, depuis plus deux ans, la prévention. En cela, je soulignais l'attitude singulière de la CGT.

Vous avez parlé des facteurs et postiers, des factrices et des postières. Je crois qu'ils sont une parfaite illustration d'une prévention primaire, qui recherche l'innocuité du poste plutôt que l'adaptation de son opérateur. À savoir si c'est la lutte des femmes ou la prévention primaire qui a obtenu ces résultats, je n'entrerai pas dans le débat, le temps nous étant compté. Nous pourrons y revenir dans d'autres circonstances, quand vous le souhaitez. La CGT pourra témoigner de ma grande disponibilité dans le cadre du dialogue social. Cette attitude, illustrée par l'exemple des facteurs, ne date pas d'hier. Dès le début du XIXe siècle, bien que la prévention soit universelle et indifférenciée, on avait compris que la physiologie des femmes ne pouvait pas supporter un port de charges équivalent à celui des hommes. Je crois me souvenir qu'au niveau européen, cette différenciation a été combattue au nom de l'égalité hommes-femmes.

Vous parliez des violences sexistes et sexuelles. C'est exact, nous n'avons pas répondu à cette question. Je tiens à souligner que la CPME participe et a participé à la conception et à la diffusion la plus large de tous les messages de prévention concernant ce que nous qualifions de dysfonctionnements relationnels au travail. Ils sont des problèmes essentiels et majeurs. Pour les PME, cette situation est d'autant plus compliquée que les collectivités de travail sont très réduites. Elles produisent de véritables séismes dans l'organisation du travail, mais aussi du point de vue humain. À ce titre, nous sommes toujours preneurs et partants pour trouver des méthodes définitives et durables dans ce domaine.

S'agissant du télétravail, nous voyons les limites de la prévention des risques professionnels exclusivement à la charge des employeurs. Ils partagent ici un domaine où ils ont autorité - le lieu de travail - et celui où ils n'en ont point - le domicile. Cela pose des difficultés. Conceptuellement, nous ne disposons pas des outils adéquats pour gérer ces deux domaines dont le code du travail fait une barrière exclusive. C'est le sens de notre proposition du MPC, mais plus encore de la relation entre le médecin traitant et le médecin du travail, de façon à pouvoir disposer de connaissances partagées, afin de développer des outils de prévention adaptés. Ce n'est pas le cas. Des blocages conceptuels d'ordre juridique sont observés, tant en prévention de risques professionnels qu'en termes de gestion des contrats de travail, par exemple. Nous sommes alors bloqués dans la recherche d'une approche cohérente et complète de ces problèmes nouveaux.

Mme Annick Jacquemet, co-rapporteure. - Mesdames et Messieurs, je m'excuse de n'avoir pas pu entendre vos interventions, j'étais retenue dans une autre réunion. J'aimerais tout de même revenir sur quelques points soulevés durant cette table ronde.

Lorsque vous parlez de risque de stigmatisation, comment pensez-vous que celle-ci pourrait se révéler au sein des entreprises ? Toucherait-elle uniquement celles qui sont en poste par rapport à leurs collègues ou à l'ambiance générale de travail, ou identifiez-vous un risque à l'embauche entre un homme et une femme ?

Ensuite, vous avez évoqué la prévention des troubles musculo-squelettiques. Je ne suis pas tout à fait d'accord avec vous, Monsieur Perrot. Bien que je n'aie pas votre expérience, j'ai longtemps été présidente du conseil d'administration et de surveillance d'un Ehpad qui disposait de lève-personnes. Je sais qu'ils y étaient utilisés. Les représentants syndicaux siégeant dans ce conseil soulignaient un mieux-être. Je ne veux pas faire de ce cas une généralité, mais je souhaitais le souligner, tout en précisant que les charges à soulever sont lourdes, en effet.

Par ailleurs, au-delà des formations aux gestes et postures, ne pensez-vous pas qu'il serait judicieux de consacrer un certain nombre d'heures de cours d'éducation physique dans les écoles primaires, collèges et lycées, à l'apprentissage des postures adéquates pour soulever correctement des charges lourdes ? Apprendre les bons gestes tôt peut être utile toute la vie, ce qui n'empêche en rien d'adapter les postes. Les simples postures du quotidien peuvent servir au travail.

M. Olivier Perrot. - Je précise que le code du travail demande d'adapter le travail à l'homme, parmi les neuf principes généraux de prévention. J'estime d'ailleurs qu'il faudrait y ajouter la mention « et à la femme ». J'adresse cette remarque au législateur.

Former, c'est bien, mais il faut également aménager les postes et permettre aux gens de travailler dans de bonnes conditions.

Malheureusement, beaucoup de nos représentants nous indiquent qu'il est très difficile d'utiliser ces lève-personnes, en raison d'un manque de temps.

Mme Laurence Rossignol, co-rapporteure. - Je reviens sur le congé menstruel, sur lequel l'avis des partenaires sociaux sera certainement sollicité dans les semaines à venir. Vous souleviez des craintes en matière de confidentialité, de respect de la vie privée, de stigmatisations ou de discriminations professionnelles liées au fait que l'employeur saurait que certaines salariées ont fait l'objet d'un arrêt maladie un peu particulier, puisque de longue durée et à jours aléatoires. La lutte des femmes et des féministes a fait beaucoup pour la prise en compte de la spécificité des femmes au travail, avec les partenaires sociaux - nous n'aurions pu y parvenir seules. Pour autant, nous avons cette préoccupation depuis quarante ans : faut-il dire que les femmes sont des femmes, ou des hommes comme les autres lorsqu'elles sont au travail ? Nous mesurons bien les risques qu'implique le fait de dire que les femmes sont des femmes. Un certain nombre d'évènements sont difficiles à dissimuler, à commencer par la grossesse. Nous connaissons le risque, avéré, en ce qui concerne les femmes. Pour autant, nous pouvons dire que ces dernières ont globalement serré les dents. Lorsqu'elles sont entrées massivement dans le monde du travail, elles ont décidé d'y être des hommes comme les autres et de neutraliser au maximum leurs spécificités. Le bilan de cette stratégie ne nous semble pas particulièrement positif.

À l'inverse, je pense que la société doit assumer le fait que les femmes sont des femmes. Lorsque vous employez des femmes âgées de 20 à 55 ans, il y a une présomption quasiment irréfragable de règles régulières chez ces dernières. Par ailleurs, un certain nombre d'entre elles en sont affectées. Ce n'est pas en agissant comme si cela n'existait pas pour les femmes qu'elles pourront lever les obstacles et entrer dans la voie de l'égalité professionnelle. C'est, au contraire, en le banalisant, et en faisant de cet évènement mensuel de vie un élément que tout le monde doit partager que nous réussirons.

J'entends aujourd'hui beaucoup de gens dire que nous pourrions résoudre la question des retraites si les femmes faisaient plus de bébés. La première condition à cela serait que ces femmes ne soient pas affectées dans leur volonté d'égalité professionnelle par le fait d'avoir des enfants et d'avoir une biologie et une physiologie différentes de celles des hommes.

Voilà. Je comptais simplement soumettre ces éléments à votre réflexion s'agissant de l'arbitrage entre le silence et l'affirmation.

Mme Annick Billon, présidente. - Merci. Poursuivons les réponses à l'intervention de Mme Jacquemet.

Mme Diane Deperrois. - Merci de consacrer du temps à ces sujets.

Un équilibre est souvent nécessaire en toutes choses pour balancer les risques éventuels, tout en faisant exister le sujet. Mon propos a toujours été de communiquer. Il est important d'investir sur la prévention primaire. Ce point me semble primordial. Beaucoup de chemin a été parcouru sur ces sujets, mais ce n'est jamais suffisant. Nous savons pertinemment que certaines dimensions ne sont pas simples à corriger, mais il faut engager les entreprises dans ce processus. Plus il y aura de la communication et de l'accompagnement, plus vite nous y parviendrons. Dans l'accompagnement, je prends en considération les efforts de prise de connaissance, mais aussi les fonds de prévention.

La prévention primaire est souvent beaucoup citée, mais trop peu appliquée, notamment s'agissant du télétravail. Je pense que nous n'en avons pas vu toutes les conséquences, tous les sujets, tous les enjeux. Nous pourrions, à mon sens, aller plus loin. Ainsi, j'insiste sur la prévention primaire, toutefois ne regardons pas que le premier cercle, mais plus largement.

Enfin, certaines expressions disent qu'il ne faudrait pas discriminer. En même temps, pourquoi afficher le fait que les femmes seraient plus vulnérables que les hommes alors qu'elles peuvent occuper les mêmes postes que des hommes, à travail égal ? Nous savons que la nature nous a faits différents. C'est probablement une grande richesse. Il s'agit de sensibiliser les uns et les autres pour que leur regard puisse être éduqué, pour qu'il permette le respect et le travail dans des collectifs harmonieux et respectueux. En effet, l'entreprise est avant tout un collectif fait de femmes et d'hommes.

M. Pierre Thillaud. - La CPME constate, avec le recul des vingt à trente dernières années, une évolution majeure des mentalités au regard des femmes et du travail. J'en veux pour preuve l'ouverture de nouveaux postes à leur activité, qui aurait été impensable il y a encore dix ou vingt ans.

J'aimerais rappeler mes propos d'introduction, à savoir qu'un patron procède à l'embauchage d'un salarié. Je ne sais pas si les femmes sont des hommes, ou des femmes. Je sais en tout cas que les salariés sont soit des femmes, soit des hommes.

M. Olivier Perrot. - Avez-vous fixé un délai pour recevoir des contributions écrites ?

Mme Annick Billon, présidente. - D'ici la fin du mois de mai me paraît un délai raisonnable. La possibilité de nous soumettre des éléments par mail est ouverte à l'ensemble de nos intervenants.

Il me reste à remercier les rapporteures, ainsi que vous, Mesdames et Messieurs, pour vos interventions, parfois divergentes. C'est aussi cela, la richesse d'une table ronde. Nous allons poursuivre nos travaux avec les rapporteures, qui rendront leurs propositions dans quelques semaines.