Mercredi 24 mai 2023

- Présidence de Mme Maryse Carrère, présidente -

La réunion est ouverte à 14 heures.

Audition de Mme Cécile Raquin, directrice générale des collectivités locales (DGCL) du ministère de l'intérieur et des outre-mer

Mme Maryse Carrère, présidente. --  Notre première réunion de ce jour nous offre l'occasion d'entendre Mme Cécile Raquin, directrice générale des collectivités locales au sein du Ministère de l'intérieur et des Outre-mers.

Madame la directrice, il est important que vous puissiez nous présenter la vision de l'avenir de la commune et du maire défendue par l'État.

Au cours des derniers mois, nous avons pu faire le constat d'une crise des vocations ou d'un découragement des maires. Souvent lors de nos auditions ou de nos déplacements, les élus ont insisté sur le divorce entre les responsabilités qui pèsent sur eux et la faiblesse des moyens dont ils disposent ou de l'aide qui leur est apportée. Quelle est, à cet égard, votre analyse de la situation des communes et des maires ?

Statut renforcé de l'élu, différenciation territoriale, autonomie réglementaire, réattribution conventionnelle de compétences transférées, réinvestissement par l'État de l'ingénierie territoriale etc. Beaucoup de pistes sont évoquées et il nous sera précieux que vous nous indiquiez quelles voies vous paraissent devoir être explorées pour assurer aux communes et aux maires l'avenir qu'ils méritent.

M. Mathieu Darnaud, rapporteur. -- Nous sommes allés à la rencontre des territoires et avons enchaîné les auditions. Un constat s'impose : les maires ont les plus grandes difficultés à accéder aux services de l'État territorial, dont l'organisation manque de lisibilité à leurs yeux.

Je prends l'exemple de l'accès aux dotations d'État, qu'il s'agisse de la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR), de la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL) ou du Fonds vert. Il faut simplifier cet accès.

De la même manière, il est encore difficile pour les élus d'accéder à l'ingénierie d'État, particulièrement pour les petites communes qui ne relèvent pas des labels « Actions coeur de ville » ou « Petites villes de demain » et qui appartiennent à un département où le conseil départemental n'est pas en mesure de prendre le relais sur ce point. Comment améliorer la situation ?

Mme Cécile Raquin, directrice générale des collectivités locales (DGCL) du ministère de l'intérieur et des outre-mer. -- Votre mission d'information intervient dans un contexte de triple crise, qui appelle une réflexion globale.

La première crise est celle des vocations, puisqu'en octobre dernier, un sondage indiquait que 55 % des maires n'envisageaient pas de se porter à nouveau candidat. Même s'il faut être prudent dans l'interprétation de ce sondage, le chiffre interroge. La seconde crise est celle des démissions d'élus. Là encore, les statistiques sont difficile à interpréter, mais il semble que si le nombre de démissions de maire est en baisse par rapport à 2014, celui des démissions de conseillers municipaux est en légère hausse. En tout état de cause, ces chiffres demeurent élevés en valeur absolue. Enfin, la dernière crise est celle des violences contre les élus.

Ces crises interviennent dans un contexte où la succession de nombreuses réformes territoriales a pu dérouter les élus, notamment, l'accroissement de la taille des intercommunalités concomitant avec l'intégration renforcée de leurs compétences. Nous observons que les élus s'interrogent sur le fonctionnement des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre (EPCI). Ces difficultés ont sans doute été aggravées par la crise sanitaire du Covid-19, qui n'a pas permis à toutes les nouvelles équipes municipales d'élaborer de bonnes solutions de gouvernance en commun. La question institutionnelle reste pendante.

Comment les services de l'État peuvent-ils accompagner correctement les élus dans ces changements et, particulièrement, sur la question de l'ingénierie ?

Tout d'abord, l'État a inversé la tendance des vingt dernières années, à la baisse des effectifs départementaux déconcentrés, pour, au contraire, les renforcer. Le rééquilibrage est en cours et la loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur prévoit qu'il se concentrera au plus près du terrain, dans les préfectures et sous-préfectures.

Une agence dédiée à l'ingénierie à destination des collectivités territoriales a été créée : l'agence nationale de cohésion des territoires (ANCT). Elle accompagne 1 500 projets et assure le co-financement de 2 200 chefs de projets, pour les programmes « Action coeur de ville », « Petites villes de demain » ou « Territoires d'industrie ». Ce sont autant d'effectifs réinjectés par l'État sur le terrain.

Comment aller plus loin ?

Il est souhaitable, comme le recommande le Sénat, que l'ANCT devienne le guichet unique de la demande d'ingénierie. Il est vrai que parfois, le préfet, qui a la double casquette de représentant de l'État et de délégué territorial de l'ANCT, a manqué de visibilité dans ce dernier rôle.

Il faut ensuite coordonner l'offre d'ingénierie qui peut émaner de l'État, de l'ANCT et des collectivités territoriales - les départements et les intercommunalités sont investis sur le sujet. Les comités locaux de cohésion de territoriale peuvent être un bon outil pour assurer cette coordination, puisque que tous y sont représentés. Mais il faut que les préfets les réunissent, les animent et en fassent le lieu de la discussion, du partage des ingénieries existantes et de la codécision, afin d'éviter le reproche parfois fait à l'ANCT de substituer son ingénierie à celle, déjà existante, des collectivités territoriales.

On peut se féliciter des trois dotations financières d'État, DSIL, DETR et Fonds vert, qui représentent quatre milliards d'euros d'investissements pour les projets locaux. Des simplifications sont envisageables car leurs règles d'instruction et leurs calendriers sont différents. En revanche, que leurs priorités soient différentes, n'est pas en soi un problème. Si tel n'était pas le cas, elles risqueraient d'être fusionnées et rabotées.

Mais il faut harmoniser les calendriers et les procédures. Nous y sommes favorables et nous tenons à la disposition des administrations qui gèrent le Fonds vert afin d'y travailler. Ceci permettrait d'arriver à un formulaire unique pour l'élu, qui lui rende transparentes les contraintes administratives d'articulation entre ces procédures. Ces contraintes tiennent à la nouveauté de ces mécanismes, fortement dotés, ainsi qu'au fait qu'ils ont dû être mis en place à effectif constant. On peut d'ailleurs se réjouir que les services de l'État soient parvenus à distribuer quatre milliards d'euros, dans des délais très courts, avec le même nombre d'ETP. Ces dotations rencontrent un grand succès et les autorisations d'engagement seront toutes consommées en 2023.

La dernière piste de réforme, portée par Mme la ministre Dominique Faure, qui s'ajoute au renforcement que j'ai évoqué de l'ingénierie d'État au niveau de l'ANCT, tient au renforcement direct, au sein des sous-préfectures, de l'ingénierie au service des collectivités.

M. Mathieu Darnaud, rapporteur. -- Je vais vous donner quelques exemples de dysfonctionnements.

Sur la question du maintien de trois dotations d'investissement distinctes, je vous mets au défi de trouver un département en France où le préfet n'a pas substitué, pour un projet, une enveloppe à une autre. Pourquoi ne pas tout regrouper une seule dotation ? Aucune petite commune n'a bénéficié du Fonds vert. Vous dites -et vous n'êtes pas la seule- que le risque à fusionner est que l'enveloppe soit rabotée. Mais cet argument ne peut être entendu.

Lors du débat sur la loi relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale (3DS), nous avons dû nous battre longuement pour obtenir que le préfet de département, qui instruit la demande de DSIL, soit autorisé à la notifier à la place du préfet de région ! Nous en sommes à ce degré de complexité et quand nous, sénateurs, tentons de l'expliquer aux élus des territoires, nous sommes mal accueillis, car ils ne comprennent pas que le législateur ne mette pas bon ordre dans ces procédures.

Sur l'ingénierie d'État, pourquoi multiplier les canaux ? Lorsque l'ANCT a été créée, tous les ministres défendaient l'idée d'un outil agile, créateur de liens. Mais quand nous prêchons pour un rapprochement -sans même évoquer une fusion- la discussion devient très difficile.

Enfin, pour assurer une meilleure coordination de l'action de l'ANCT dans les territoires, le législateur a fait du préfet le délégué départemental de cette agence. Mais, lors de notre déplacement dans les Vosges, nous nous sommes aperçus que le poste du sous-préfet de Neufchâteau, chargé de cette responsabilité, était vacant depuis six mois ! Un préfet de région nous a avoué que l'ANCT était une bonne chose, mais qu'elle n'était pas identifiée ni visible pour les élus.

Nous avons le sentiment d'une perte en ligne d'efficience de l'ingénierie d'État, qui cause du découragement à des maires, aux prises, par ailleurs, avec de nombreuses difficultés. Ces derniers ont l'impression que la tendance est à toujours plus de concentration dans des intercommunalités toujours plus grandes. Bien sûr, il y a plusieurs causes au découragement des maires, mais il ne faut pas ignorer celle-ci. Lorsqu'on leur en parle, les ministres répondent qu'ils mettent plus d'argent sur les territoires, mais la question n'est pas là. Ce que nous réclamons, c'est plus d'efficience dans l'organisation des services de l'État sur le territoire. Ne pas être entendu sur ce sujet est source de frustration.

Mme Catherine Belrhiti. - Mon département compte 525 communes. Le lancement du Fonds a suscité l'enthousiasme, mais l'usine à gaz de son organisation a provoqué une panique générale, du côté des élus comme du côté de l'administration. Il a fallu convertir des dossiers montés sur la DETR en dossier Fonds vert. Les préfectures ont tenté d'aider, sans y parvenir et, parfois, le projet a été refusé parce que l'enveloppe de crédits avait déjà été consommée...

Il ne faut qu'une porte d'entrée, qu'un dossier unique. Facilitons la vie des maires. La complexité des demandes de subvention est l'une des premières causes de démissions des élus. Dans le Grand-Est, 90 % des communes ont moins de 2 000 habitants : le maire a un métier en plus de son mandat et ne dispose d'une secrétaire de mairie qu'à temps partiel.

M. Jean-Marc Boyer. - Madame la directrice, je vous ai trouvé très optimiste dans votre présentation.

En matière d'ingénierie, dans les territoires, les maires se tournent plus facilement vers l'offre des conseils départementaux que vers l'ANCT. Pour pallier le défaut de l'État, nombre de départements - c'est le cas du Puy-de-Dôme- ont mis en place une structure d'ingénierie à destination des communes, à laquelle elles cotisent et qui fonctionne bien parce qu'elle leur rend un vrai service.

Sans revenir sur la question de la DETR, j'observe que les parlementaires, pourtant président ou vice-président du comité qui la répartit n'y ont qu'un rôle limité. Je regrette à cet égard la suppression de la réserve parlementaire et son remplacement par le fonds pour le développement de la vie associative (FDVA).

Par ailleurs, nous manquons de crédits DETR pour satisfaire toutes les communes, mais je constate que parfois, les crédits ne sont pas consommés, faute pour les communes d'avoir signalé à temps un retard ou d'avoir déposé leur dossier.

Il y a deux sortes de maires depuis les dernières élections municipales. Les maires expérimentés et les nouveaux maires, qui sont ceux qui souffrent le plus des contraintes administratives et ont besoin d'accompagnement, de formation et de soutien de l'État. Où sont les 2 200 renforcements d'effectifs de l'État que vous avez évoqués ?

Mme Anne Chain-Larché. - Je partage les propos de mes collègues. La réserve parlementaire est un vrai sujet.

L'État est impécunieux. Il en résulte des déconvenues, pour les communes, sur les aides qu'elles peuvent attendre de lui. Ainsi, il est parfois très difficile d'obtenir de la part des directions régionales des affaires culturelles le paiement des crédits qu'elles ont pourtant notifiés ! Et c'est au maire que les entreprises qui ont effectué les travaux présentent la facture, pour être payées.

Les maires ont le sentiment qu'avec les programmes « Action coeur de ville » ou « Petites villes de demain », on leur a vendu du rêve. Mais qui paye ? Ce n'est pas l'État qui a seulement financé l'expertise et le chef de projet. Ce sont les collectivités territoriales. En dépit des renforcements d'effectifs que vous avez annoncés, il est très difficile, faute de financements, de réaliser les projets envisagés.

Il faut être plus pragmatique : se réunir en début de mandatet indiquer quels projets seront financés par la DETR. Aujourd'hui on évoque seulement des fourchettes de dotation. Dans ce contexte incertain, il devient difficile aux maires de se lancer dans des projets. Certes, il y a deux catégories d'élus, mais même les élus expérimentés nous rapportent que la situation se dégrade.

Enfin, quelles conséquences pensez-vous qu'aura la suppression du corps préfectoral pour les territoires, lorsque des cadres d'autres ministères rejoindront l'administration préfectorale ?

M. Didier Marie. - Mon propos rejoint ceux de mes collègues. Il y a un problème de concordance des temps : de nouveaux élus issus du dernier renouvellement, de nouvelles intercommunalités au sein desquelles certains élus n'ont pas trouvé leur place, alors que le renforcement de la compétence intercommunale dilue la compétence communale et la rend moins lisible pour les intéressés, de nouveaux dispositifs mis en place par le législateur, la crise du Covid qui a isolé et perturbé les élus. Face à ces difficultés, la solution, c'est la simplification.

Pour les dotations, il faut soit les fusionner, soit les distinguer plus fortement. Sinon, on assistera au même bricolage que maintenant, avec des préfets qui utilisent les unes pour les autres et des élus qui n'y comprennent plus rien.

Le même besoin de clarification vaut pour l'ingénierie. Il faut que les moyens humains soient renforcés. J'ai vu une des plus grandes sous-préfectures de France, Dieppe, se vider de ses effectifs, la rendant incapable de répondre aux demandes des élus. Les maires doivent trouver quelqu'un au bout du fil quand ils contactent les services de l'État.

Le rôle de l'ANCT doit être clarifié non seulement par rapport à celui des autres agences nationales, mais aussi par rapport aux agences territoriales. Quand j'étais président de conseil départemental nous avions mis en place une telle agence, sous la forme d'un syndicat mixte. Cela fonctionnait bien mais l'irruption de l'ANCT fait que les élus ne savent plus à qui s'adresser et que le département s'interroge sur l'opportunité de maintenir ou non son dispositif.

La multiplication des projets pour obtenir des dotations rend les élus un peu fous. Les communes moyennes disposent des services requis pour y répondre. Elles peuvent donc déceler les opportunités et présenter des projets. Mais ceci aboutit à une mise en concurrence des territoires entre eux, et ceux qui n'ont pas les moyens suffisants passent à côté. J'attire également votre attention sur les maires des petites communes, qui n'ont besoin ni de moyens importants ni de grands projets, mais seulement de petites dotations de quelques milliers d'euros pour des dépenses identifiées : remplacer un tracteur en panne, rénover les fenêtres de l'école... Or, ce type de dotation a totalement disparu, ce qui renforce l'impression de certains maires qu'ils ne peuvent plus rien faire et que cela ne sert à rien de continuer.

Mme Cécile Cukierman. - Je suis ici la plus ancienne dans le mandat de sénatrice. Or, je constate que la question de l'engagement des élus se pose aujourd'hui avec une acuité inédite. Les démissions d'élus municipaux, quelles qu'en soient les raisons, doivent nous alerter. La République ne fonctionne pas sans les maires et les élus locaux.

Il faut se garder de deux écueils : l'hyperoptimisme et l'hyperpessimisme démobilisateur. La vocation de l'engagement est présente chez les maires comme chez nos concitoyens. Mais il faut sécuriser ceux qui ont franchi le pas de l'engagement et mobiliser ceux qui le feront demain.

Par quels moyens ? D'abord en revenant sur la spécialisation des dotations, qui est peut-être abstraitement défendable dans son principe, mais qui pose de réelles difficultés pratiques. L'illisibilité de l'organisation de l'ingénierie publique décourage les élus expérimentés -qui peuvent comparer avec ce qu'ils ont connu précédemment- comme les nouveaux. Il faut également repenser la déconcentration, quantitativement, par une plus forte présence dans les préfectures et sous-préfectures, et qualitativement. Mon propos ne vise pas à dénoncer un manque de compétence des agents en place, mais il faut recentrer leur action, non sur la réponse à un droit de tirage en matière de projets, mais sur l'accompagnement au quotidien des élus, pour soulager leur charge de travail : beaucoup d'élus n'accepteront plus à l'avenir de passer leur week-end à travailler sur les dossiers. L'apport de l'ingénierie d'État est d'autant plus nécessaire qu'il n'y a pas de raison, dans toutes les communes, d'avoir un employé municipal qui possède ces compétences d'ingénierie.

Enfin, il faut parfois savoir revenir sur les lois passées - cela a déjà été fait, un peu, à l'initiative du Sénat pour certains irritants de la loi portant sur la nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe). Les lois territoriales récentes ont fragilisé les communes et conduit les élus à s'interroger sur l'utilité de leur engagement. Or, on aggrave la crise de l'engagement lorsqu'on donne aux maires le sentiment que leur action est inutile ou impossible parce que l'intercommunalité décidera à leur place ou que l'État est absent. Il faut donc redonner aux communes des moyens financiers et humains et rendre aux maires un pouvoir de faire, pour leur permettre de répondre aux besoins de la population, de fédérer une équipe autour de leur projet et d'expliquer leurs décisions à la population.

Je suis frappée du nombre d'élus qui me disent ne plus avoir d'accès aux grandes entreprises, pour la téléphonie, ou à certaines administrations, comme dans le domaine ferroviaire : on ne leur répond même plus ! Il y a là un dysfonctionnement manifeste qui renforce le sentiment d'impuissance des élus.

Mme Maryse Carrère, présidente. --  On mesure aujourd'hui les effets délétères de la fonte des effectifs déconcentrés de l'État. Le directeur du management de l'administration territoriale et de l'encadrement supérieur l'a chiffré, devant nous, à 4 700 équivalents temps plein (ETP) en dix ans. Ceci a conduit l'État à se concentrer sur le contrôle réglementaire et à abandonner l'accompagnement des élus.

Il faut retrouver de la souplesse et de l'agilité dans le fonctionnement des préfectures et sous-préfectures, en redonnant du pouvoir aux préfets de département. Est-il normal que, pour l'attribution d'une subvention à une association de 200 euros, prise sur le FDVA, la décision remonte au préfet de région ?

Soyons également vigilants à la cohérence entre les différents financeurs publics, État, région, département. Chacun veille sur son pré carré, mais il faut éviter des problèmes de sur-financement qui se révèleraient trop tard. Des guichets des co-financeurs seraient une bonne chose.

L'ANCT cofinance 2 200 chefs de projet. Leur travail est utile, mais au bout du compte, les communes disposeront-elles des financements pour mener ces projets à bien ? Il faut éviter de susciter des espoirs par les projets et de les décevoir par manque de fonds.

Mme Cécile Raquin. -- Il y a eu, par le passé, une décrue des effectifs territoriaux de l'État, mais aujourd'hui, nous sommes au milieu du gué puisque, avec l'ANCT et les programmes mis en place, l'État a financé des chefs de projets. Cette dernière action a très bien marché et je m'inscris en faux contre la critique d'« Action coeur de ville », qui a déjà permis de mobiliser trois milliards de crédits, en plus des financements des collectivités territoriales.

Beaucoup de moyens publics ont été remis sur le territoire. La difficulté est que seuls certains territoires en ont bénéficié : les bourgs-centres, les petites villes. Nous réfléchissons à la façon d'accompagner la ruralité.

Une autre question se pose : faut-il injecter les moyens dans les collectivités territoriales ou au sein des préfectures pour mieux accompagner les élus ?

Enfin, je vous rejoins sur l'importance d'une coordination des dispositifs d'ingénierie. La renégociation des conventions de l'ANCT avec les autres agences, qui interviendra cette année, sera particulièrement importante de ce point de vue. Le sous-préfet doit être réinstallé au centre du dispositif, comme un guichet unique.

Sur l'articulation des dotations, je précise que la DGCL ne s'occupe que de la DSIL et de la DETR. Comment bien articuler ces dotations ? Nous défendons d'abord le maintien de leur montant, à quatre milliards d'euros, voire une augmentation. En revanche, et je me sépare du rapporteur sur ce point, le Fonds vert me paraît plus spécifique : il y a quatorze portes d'entrée, très ambitieuses, de transition écologique. Or, à la DGCL, nous plaidons que la transition écologique n'est pas le seul projet à exiger un financement de l'État. Nous ne voudrions pas qu'une enveloppe unique interdise le financement de projets qui ne sont pas rattachables à la transition écologique - même si tous les projets doivent inclure des exigences environnementales. Je sais que ce n'est pas ce que vous prônez...

M. Mathieu Darnaud, rapporteur. -- ...Ne nous méprenons pas. Pour distinctes qu'elles soient, ces trois dotations restent bien à la main du préfet de région ou de département. Chaque préfet a une feuille de route : il suffirait qu'au sein d'une enveloppe globale, une affectation soit prévue. Il n'y a pas de malice dans nos propos : ce serait une simplification. Gouvernement ou Parlement, nous sommes dans le même bateau pour les maires qui ne comprennent pas cette complexité budgétaire et nous en tiennent responsables.

Mme Cécile Cukierman. - On ne peut entendre qu'en raison de problématiques interministérielles, il faut garder trois enveloppes plutôt qu'une.

Mme Cécile Raquin. -- Je distingue la question des objectifs de chacun des fonds, qui sont distincts et méritent de répondre à des critères différents, et la question des procédures d'instruction sur lesquelles on doit travailler pour les rendre transparentes aux élus. Cette année, vous avez raison, les préfets ont fait un jeu de bonneteau pour basculer sur le Fonds vert des crédits DETR et DSIL, afin de permettre de financer de nouveaux projets, non verts, sur les crédits ainsi libérés.

M. Mathieu Darnaud, rapporteur. -- Sur le sujet de la subdélégation : en matière d'eau et d'assainissement, le législateur a cherché à rendre le dispositif plus efficient. Mais les élus ont parfois le sentiment qu'après le vote, le « service après-vote » fait défaut : les décrets ne sont pas publiés, les circulaires disent autre chose que la loi, les interprétations restrictives sont privilégiées. Je ne vise personne en disant cela.

Comment la DGCL -à laquelle je rends hommage car elle nous a souvent aidé à améliorer la situation de ce point de vue- envisage-t-elle de garantir une meilleure application des textes, avec plus de bon sens et de pragmatisme ?

Mme Cécile Raquin. -- Les questions d'application des textes nous remontent à travers des cas concrets. Nous cherchons alors l'interprétation qui facilite la situation. Mais, toutes les interrogations ne nous remontent pas.

Nous donnons également des instructions, particulièrement en matière financière, qui vont dans le sens de la souplesse.

Sur la question particulière des subdélégations en matière d'eau, rien ne nous est remonté à ce stade, ce qui est logique puisque le transfert de la compétence ne sera effectif qu'en 2026.

Mais je vous confirme notre volonté de travailler avec vous pour aplanir le plus possible les difficultés.

Cette audition a fait l'objet d'une captation vidéo disponible en ligne sur le site du Sénat.

La réunion, suspendue à 15 h 05, est reprise à 17 h 30.

Audition de M. Patrice Verchère, président de la communauté d'agglomération de l'Ouest rhodanien, membre du conseil d'administration d'Intercommunalités de France

Mme Maryse Carrère, présidente. - Nous nous retrouvons afin d'entendre, pour Intercommunalité de France, M. Patrice Verchère, membre du conseil d'administration de cette association et président de la communauté d'agglomération de l'Ouest Rhodanien.

On ne peut évoquer l'avenir des communes et des maires sans prendre en compte le point de vue des intercommunalités, qui leur permettent d'inscrire leur action dans une échelle plus large et leur fournissent des moyens mutualisés.

Aujourd'hui le phénomène intercommunal semble arrivé à maturité et il n'est nullement question de remettre en cause son principe. Pour autant, les auditions et les déplacements que nous avons tenus nous confirment dans l'idée qu'il est toujours nécessaire de s'interroger sur le bon équilibre au sein du bloc communal, qui permet à la mutualisation intercommunale de jouer pleinement son rôle en faveur des communes, sans priver ces dernières des marges de manoeuvres qui donnent tout son sens à l'action locale.

M. Mathieu Darnaud, rapporteur. - Nous souhaitons avant tout recueillir l'avis des intercommunalités sur le thème de notre mission d'information. Je précise qu'il ne s'agit pas de remettre en cause notre modèle d'organisation du bloc communal qui prend en compte la nécessité des intercommunalités en tant qu'espaces de mutualisation des projets sur nos territoires. Cependant, certains maires nous interrogent sur le lien entre les communes et les intercommunalités, en particulier celles qu'on peut qualifier d'« XXL », et nous en avons visité quelques-unes. Les maires, quand bien même ils considèrent l'intercommunalité comme une nécessité, ont parfois le sentiment d'y être cantonnés à un rôle trop passif. Nous essayons d'identifier les causes d'une désaffection et d'une démotivation qui, par ailleurs, tiennent aussi aux difficultés des relations entre la commune et l'État. Il nous apparaît que les maires ont le sentiment de devoir affronter un labyrinthe et une architecture de plus en plus complexe pour accéder aux dotations de l'État, monter des dossiers et répondre à la politique d'appels à projets.

En outre, la loi NOTRe a engagé une nouvelle étape du renforcement de l'intercommunalité avec la création de nouveaux périmètres et une intégration intercommunale renforcée. Ainsi à l'exception de certaines compétences qui ne seront intégrées qu'à l'horizon 2026, on se trouve historiquement dans le premier mandat intercommunal assorti d'une intégration aussi forte. Dans certains territoires s'exprime le souhait de retrouver une gouvernance permettant à toutes les communes d'être entendues au sein de leur intercommunalité, tout en prenant en compte la nécessaire représentation démographique.

Convaincus de la nécessité de conforter notre modèle de bloc communal, nous souhaiterions donc recueillir votre analyse sur ces sujets.

Ayant parcouru des territoires aussi différents que les Vosges, l'Ille-et-Vilaine la Haute-Garonne et la Somme pour entendre les édiles de France, nous y avons perçu un besoin croissant de différenciation territoriale à tous les niveaux : dans les territoires de montagne ou de plaine, les territoires plus ou moins vastes ou ceux au sein desquels les régions exercent une influence plus ou moins importante. Nous avons également parfois constaté la force des liens entre les communes et certaines intercommunalités, qui jouent pleinement leur rôle d'organisation et de péréquation.

Lorsqu'il a été entendu par le groupe de travail sur la décentralisation présidé par Gérard Larcher, président du Sénat, votre président Sébastien Martin a souhaité que l'intercommunalité devienne une nouvelle strate de collectivité territoriale : qu'en pensez-vous ? Certains plaident également en faveur de l'élection directe des conseillers communautaires au suffrage universel - la question est posée, même si vous connaissez notre position à ce sujet. Étant élu dans le seul département de France, le Rhône, qui abrite une métropole à statut particulier dont les représentants sont élus au suffrage universel direct, vous êtes bien placé pour donner votre point de vue à ce sujet.

M. Patrice Verchère, membre du conseil d'administration d'Intercommunalité de France. - Je suis ravi de participer à cette mission d'information et je tiens à présenter mes excuses au nom du président Sébastien Martin qui est retenu et m'a demandé de représenter Intercommunalités de France.

Mon cas est un peu particulier car j'étais parlementaire et j'ai démissionné = pour redevenir maire et président d'intercommunalité. J'aborde ainsi les choses peut-être différemment d'autres élus locaux qui, en raison du poids de l'administration et des difficultés d'exercice de leur mandat, ont parfois envie de passer à autre chose.

Comme vous le savez, Intercommunalités de France compte près de 1 000 intercommunalités membres, de taille très variée, sur l'ensemble du territoire. Cette diversité explique qu'il est parfois difficile de leur trouver des points communs, d'autant que l'intercommunalité est également construite sur la différenciation et la possibilité pour chaque structure de prendre certaines compétences facultatives et de pousser plus ou moins loin la mutualisation. Je fais observer que l'appellation intercommunalité est construite sur celle de « commune » et se rattache donc nécessairement au maire dont il n'est pas possible d'ignorer le rôle au sein des intercommunalités.

En réponse à votre question, je précise que si notre président ainsi que d'autres élus d'Intercommunalités de France ont envisagé la possibilité que les intercommunalités deviennent un jour des collectivités à part entière. Intercommunalités de France se fait fort de débattre de tous les sujets, des plus simples aux plus difficiles. En l'occurrence, le débat, abordé lors de notre congrès à Bordeaux en octobre 2022, est encore loin d'être tranché en notre sein.

L'intercommunalité a un véritable rôle à jouer auprès des maires : c'est particulièrement vrai pour les intercommunalités de taille assez modeste, entre 20 000 et 50 000 habitants. Elles soutiennent les maires non seulement en assurant des compétences obligatoires ou facultatives mais aussi en proposant de plus en plus de mutualisation dans différents domaines. En la matière, il n'y a pas de modèle uniforme, tout dépend du pacte de gouvernance élaboré avec les communes : c'est une des grandes forces de l'intercommunalité.

Vous avez souligné que certains maires se sentent mal à l'aise au sein de l'intercommunalité : c'est particulièrement le cas des maires des plus petites communes intégrés dans des intercommunalités de grande envergure ou au sein des groupements où une commune plus peuplée a tendance à imposer sa volonté aux autres. La solution, alors, n'est pas d'envisager une nouvelle loi, mais plutôt de faire preuve de pragmatisme. Nous savons que Sénat est particulièrement attentif à une telle démarche.

Il y a autant de façons de gérer une intercommunalité qu'il y a de présidents et, en général, ceux-ci cherchent à obtenir sinon l'unanimité, du moins une très large majorité. C'est ainsi que nous construisons nos projets de territoire et nos pactes de gouvernance ou financiers. De plus, sans la mutualisation qu'apporte l'intercommunalité, beaucoup de petites communes seraient dépourvues de moyens d'action dans de nombreux domaines : je rappelle ici les importantes difficultés de recrutement de secrétaires de mairie sur lesquelles se penche également le Sénat. Dans l'intercommunalité de 50 000 habitants que je préside, il y a par exemple des relations très régulières entre notre directeur général des services (DGS) et les secrétaires de mairie ou les DGS des communes. En effet, nous avons besoin de travailler ensemble, d'échanger nos points de vue sur la gestion des ressources humaines - que nous avons en partie mutualisées pour les communes les plus importantes. Il en va de même dans d'autres secteurs comme celui des contentieux qui se multiplient à propos des marchés publics : nous proposons aux communes, moyennant des frais peu élevés, de monter les appels d'offres à leur place. Nous assurons également la gestion informatique et les problématiques « cyber » - secteurs dans lesquels l'intercommunalité rencontre elle-même des difficultés pour agir seule. Enfin, l'intercommunalité peut proposer de l'ingénierie, tout comme les départements, et son intervention peut être conjointe à la leur.

L'intercommunalité est donc omniprésente auprès des communes et des maires : en écoutant ceux qui sont parfois usés, nous pensons que sans l'intercommunalité, la situation serait encore pire. L'intercommunalité doit vraiment réaliser en commun ce qui ne peut pas être fait individuellement. Tel est le but de l'intercommunalité et celui-ci doit perdurer tout en introduisant de la souplesse, conformément aux dispositions de la loi relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale (3DS) dans le prolongement des évolutions législatives intervenues ces dernières années.

En ce qui concerne la gouvernance, qui est souvent critiquée, je pense que les difficultés doivent être résolues au niveau de l'exécutif et du président de l'intercommunalité. Dans le cas de mon intercommunalité - qui certes, rassemble un nombre de communes limité, trente et une - j'ai souhaité que tous les maires participent au Bureau parce que cette instance est un lieu de décision important. Si on souhaite stimuler la participation des conseillers communautaire, il faut leur soumettre les sujets qui les intéressent et reporter en Bureau les questions pratiques, ce qui renforce la nécessité d'y faire siéger les maires. Il est vrai que les intercommunalités « XXL » qui peuvent rassembler cent maires et plus soulèvent des difficultés spécifiques : les très grosses structures ne sont pas nécessairement les plus efficaces ni celles qui favorisent le plus la participation des petites communes.

Les regroupements d'intercommunalités se sont plus ou moins bien passés selon les départements, mais, par exemple, dans le Rhône, les regroupements ont été calibrés de façon plutôt raisonnable, souvent grâce aux préfets. Certes, les enjeux politiques entrent également en ligne de compte.

À cet égard, la demande d'Intercommunalités de France est d'éviter un nouveau chamboulement de la carte ou des compétences intercommunales. Les maires ne souhaitent pas non plus une instabilité normative qui peut donner le tournis car on passe un temps fou, avec une administration de plus en plus tatillonne, à gérer la complexité normative et les interprétations réglementaires divergentes d'un département à l'autre.

J'observe que beaucoup de présidents d'intercommunalités sont maires. Dans l'hypothèse où les maires, pour des raisons politiques, ne siègent pas à l'intercommunalité, il en résulte nécessairement des difficultés de relation entre leur commune et l'établissement public de coopération intercommunal à fiscalité propre (EPCI). Le facteur humain joue un rôle important.

M. Mathieu Darnaud, rapporteur. - Nous partageons vos propos qui correspondent à une position assez équilibrée - que le Sénat a défendue à travers la loi dite « 3DS » ainsi que dans divers rapports - soulignant la nécessité de prendre en compte les réalités territoriales.

On observe deux cas de figure. Le premier est celui de certaines intercommunalités dont la gouvernance - j'ai failli employer le terme « raisonnable » - est propice à maintenir une certaine proximité et à favoriser les échanges en permettant à chaque maire d'être représenté, ou de représenter lui-même sa commune au sein du bureau de l'intercommunalité.

Tel n'est cependant pas toujours le cas. Par exemple, dans la Somme, deux intercommunalités regroupent plus de 100 communes, 158 dans le Pays Basque et 144 en Haute-Garonne. Quand bien même l'intercommunalité fonctionne assez bien et qu'elle a été choisie - comme dans la Somme où les communes se sont regroupées sans « passer outre » du préfet - il reste toujours compliqué d'organiser des conseils communautaires rassemblant plus de 150 conseillers.

En effet, les dysfonctionnements résultent souvent de mariages entre des territoires et de bassins de vie qui n'ont pas nécessairement cultivé une forme d'affectio societatis. Ainsi, d'autres intercommunalités de la Somme ont du mal à conjuguer les problématiques littorales, d'une partie des communes membres, avec celles, hyper-rurales, du reste des communes, ce qui ne facilite pas l'unanimité sur un projet de territoire. Nous voyons même , dans le Morbihan, le cas d'une intercommunalité qui exprime la volonté d'être scindée en deux.

Comme nous l'avons dit et écrit, il ne s'agit pas, par principe, de remettre en cause le périmètre des intercommunalités mais, très à la marge, n'est-il pas tout de même possible de le faire quand on constate un dysfonctionnement majeur et que les élus le souhaitent ? Je précise que nous partageons pleinement vos observations sur la complexité croissante de l'accès aux services, à l'ingénierie et aux dotations de l'État pour les maires ou les présidents d'intercommunalités. Comme nous venons de l'évoquer en entendant la directrice générale des collectivités locales (DGCL), il est nécessaire d'assurer une certaine stabilité des normes mais, le cas échéant et à la marge, vous semble-t-il possible de modifier la configuration des intercommunalités ?

Ma seconde interrogation dérive du principe de différenciation territoriale. Je prends ici volontairement l'exemple de la communauté d'agglomération parce que cette structure offre le plus large éventail de possibilités. On peut trouver des modèles très urbains, voire très intégrés en termes de compétences et dans lesquels, par exemple, la compétence mobilité s'impose d'elle-même. En revanche, d'autres communautés d'agglomération sont beaucoup plus diversifiées : il en va ainsi dans mon département de la communauté de Privas qui comporte une centralité de 1 300 habitants et 44 communes sur un territoire immense, combinant du relief et des vallées.

Pour faire du cousu main - à chaque territoire, sa propre vérité - et sans remettre en cause le modèle de base, peut-on, selon vous, revisiter les structures et l'exercice de certaines compétences que l'on pourrait faire redescendre sur certains territoires immenses ou remonter sur d'autres, comme la gestion des milieux aquatiques et la prévention des inondations (GEMAPI). S'agissant de cette dernière, plusieurs intercommunalités nous ont indiqué qu'elles étaient en proie aux pires difficultés - surtout pour gérer les inondations - ce qui amène à réfléchir au transfert éventuel de la compétence GEMAPI vers un département ou vers un établissement public de bassin.

Je soulève un dernier point plus prospectif qui fait écho aux problématiques de recrutement des secrétaires de mairie et, plus généralement, de conditions d'exercice des mandats locaux. Nous avons observé des territoires, à Saint-Malo et à Haguenau, où les communautés d'agglomération recrutent un pool de secrétaires spécialisés pour renforcer l'expertise sur les finances, les ressources humaines ou l'urbanisme. Ne faudrait-il pas que les intercommunalités s'inspirent de ces bonnes pratiques de mutualisation pour affermir leurs liens avec les communes et apporter une aide facilitant l'exercice des mandats locaux ?

M. Patrice Verchère. - Tout d'abord, nous sommes très favorables à la différenciation et beaucoup de choses existent déjà. On peut effectivement apporter des correctifs à la marge mais avec précaution et « une main tremblante » car nous voulons éviter une concurrence excessive entre les uns et les autres.

Comme vous l'avez souligné, les situations sont très variées, et ce qui est vrai sur un territoire ne l'est pas nécessairement sur celui d'à côté. Il faut permettre aux maires, si tel est leur choix, de « faire ou de défaire » à la marge leurs relations avec les intercommunalités. Pour cela, il est nécessaire que les élus acceptent une règle de décision claire, peut-être à la majorité des deux tiers, car il est important que puisse s'exprimer une véritable volonté, au-delà des postures politiques dirigées contre les exécutifs intercommunaux. Les éventuels ajustements que vous souhaitez doivent ainsi être soutenus par une large majorité du conseil communautaire et au moins par la conférence des maires, qui doit se prononcer sur le sujet.

Par ailleurs, la loi autorise - en théorie, même si la pratique est plus compliquée - les grandes intercommunalités à se séparer lorsqu'elles souhaitent évoluer vers plus de proximité. Il en va de même pour les communes nouvelles : contrairement à une idée reçue, le démariage est possible, du moins quand l'État accepte de jouer son rôle dans ce sens car l'influence du préfet est importante dans ce domaine.

Si un véritable accord local est trouvé, il ne faut pas s'interdire de procéder à des ajustements en termes de compétences et de différenciation, en fonction des particularités territoriales. Cependant je souligne qu'il faut éviter de remettre en cause des compétences anciennes bien ancrées dans nos pratiques, ce qui chambouleraient une nouvelle fois la structuration des intercommunalités, souvent au profit des communes les plus importantes et au détriment des plus petites communes

Notre besoin le plus fondamental est de disposer de plus de liberté et de souplesse pour exercer nos compétences. Par exemple, on se rend compte, en pratique, que l'on a poussé trop loin le détail pour définir la compétence informatique. La solution est de réintroduire de la souplesse mais il est vain d'essayer de réécrire le texte pour délimiter ce qui relève ou pas de la compétence ou de la mutualisation. La vraie difficulté est que l'on a bien du mal à cerner le degré de différenciation juridiquement autorisé par un texte - cela peut faire le bonheur des avocats spécialisés en droit des collectivités locales. Tel est le cas dans le domaine de l'informatique, sur lequel je travaille en ce moment, et où surgissent des doutes sur les possibilités concrètes offertes par les textes en matière de gestion différenciée d'un parc informatique ou de liberté de choix accordé aux communes pour utiliser tel ou tel logiciel. Sans doute faut-il parvenir à simplifier et clarifier les possibilités de différenciation.

J'indique, dans le même sens, que les agglomérations ont la compétence sur le cycle de l'eau complet. Or la Gemapi peut soulever des difficultés pour les intercommunalités gestionnaires de nombreux cours d'eau situés en amont : elles vont devoir engager des sommes considérables pour contribuer à la protection des autres intercommunalités et communes situées en aval. On peut donc se demander si la Gemapi ne devrait pas relever du niveau départemental ou d'une agence plutôt que des intercommunalités : le sujet est débattu depuis de nombreuses années mais la vraie question est de savoir si on veut rouvrir ce dossier particulièrement compliqué ... Votre réaction à ce sujet illustre la raison pour laquelle il faut bien faire attention à ne pas bouleverser des équilibres qui ont été difficilement négociés et atteints. Le Sénat s'efforce d'apporter des réponses aux élus qui ont besoin de souplesse et d'efficacité plutôt que de dispositifs hyper cadrés, qui renforcent le pouvoir d'interprétation des administrations départementales. Les intercommunalités ont également un rôle positif à jouer pour faciliter la mise en oeuvre des projets qui, s'ils sont paralysés par la complexité, donnent l'impression aux élus que leur mandat est très court du point de vue opérationnel.

Mme Anne Chain-Larché. - Dans votre département, les grandes collectivités soutiennent-elles vos intercommunalités par des politiques contractuelles ?

M. Patrice Verchère.- Le département du Rhône a mis en place des financements pour soutenir les projets choisis par les intercommunalités dans le cadre du pacte Rhône, avec des ratios établis pour tenir compte des différences de richesse entre celles-ci. Le département aide également les investissements des communes sous forme d'une allocation annuelle à la main des conseillers départementaux. De plus, les intercommunalités, comme celle que je préside, ont mis en place des fonds de concours à destination des communes dans le cadre de notre pacte de gouvernance, pour financer des actions ciblées sur des thématiques comme la transition énergétique ; je précise que les sommes allouées par les intercommunalités ne sont pas aussi importantes que celles du département. Celui-ci réunit en outre une fois par trimestre les treize présidents d'intercommunalités. Nous avons également la chance d'être en région Auvergne-Rhône-Alpes, qui dispense des soutiens liés à des contrats conclus avec les communes et les intercommunalité.

Je signale que mon intercommunalité a beaucoup travaillé dans le cadre du contrat de relance et de transition écologique (CRTE) négocié avec l'État. J'ai refusé en tant que président de l'intercommunalité de sélectionner les projets prioritaires des communes en estimant que notre désignation au suffrage indirect ne nous permet pas d'agir en lieu et place des communes que nous représentons. Bien l'État que l'État nous ait demandé de fixer nous-même les priorités parmi les projets de l'intercommunalité et des communes membres, j'ai choisi de demander à chaque maire de choisir lui-même ses priorités et, au final, nous avons pu élaborer un CRTE consensuel pour l'ensemble des communes. Ici encore le processus que nous avons mis en place peut difficilement relever de la loi : il s'agit de bonnes pratiques.

M. Mathieu Darnaud, rapporteur.-  S'agissant de notre échange de vues sur la souplesse, je mentionne, à l'occasion des débats sur la loi dite « 3DS », l'amendement dit « nid de poule » de notre collègue rapporteur Françoise Gatel car c'est l'exemple type d'une compétence donnée à l'intercommunalité qui est un sujet de proximité - en l'occurrence celui de l'entretien de la voirie. Cela illustre la complexité à gérer avec agilité ce type de compétence transférée et j'ai le souvenir de la discussion avec le Gouvernement pour trouver un biais permettant une intervention réactive et efficace à l'échelon communal.

Ma deuxième interrogation porte sur la dotation globale de fonctionnement (DGF) dont traite le dernier rapport de la Cour des comptes et qui préoccupe les maires ainsi que présidents d'intercommunalité : quel est votre regard sur ce sujet ? Faut-il que cette DGF échoie aux intercommunalités ou aux communes ? Je m'empresse de dire que je n'aborde pas la question de manière polémique  et je souligne l'importance du sujet car cette dotation, bien qu'elle continue de diminuer dans de nombreux cas, permet aux communes de fonctionner.

Enfin, je reviens sur les relations entre l'État et les maires ou les présidents d'intercommunalité. C'est un sujet qui renvoie à la territorialisation de l'action publique. Beaucoup d'élus souhaitent une présence de l'État territorial en regrettant qu'on soit passé au fil du temps d'un État accompagnateur doté de moyens suffisants à un État censeur qui rigidifie de plus en plus ses méthodes ainsi que ses dotations. Ces dernières se multiplient et l'on s'interroge sur l'opportunité de les fusionner pour gagner en agilité ainsi qu'en réactivité. En effet, la segmentation de ces enveloppes s'accompagne de conditions d'éligibilité variables et aboutissent à ce que beaucoup d'élus communaux ou intercommunaux dénoncent comme une forme d'inertie. Cette dernière est particulièrement préjudiciable à un moment de sortie de crise où la réactivité est essentielle en matière de commande publique et d'économie. J'ajoute que bon nombre d'intercommunalités ne disposent pas de moyens suffisants en ingénierie leur permettant de répondre à la politique d'appel à projet. Quelle est votre vision prospective sur cette thématique ?

M. Patrice Verchère. - Tout d'abord, sur mon territoire, nous avons de la voirie d'intérêt communautaire et de la voirie qui reste purement communale. Pour gérer la première au quotidien, l'intercommunalité n'a pas créé de service spécifique mais a préféré conclure des accords avec les communes qu'elle rémunère pour en assurer l'entretien au prorata du nombre de kilomètres. Je présume qu'une telle délégation est également possible lorsque la compétence voirie est intégralement du ressort de l'intercommunalité. Je précise que nous avons défini au cas par cas les voies d'intérêt communautaire en désignant comme telles, par exemple, les routes non départementales qui desservent les écoles ou les mairies.

Mme Anne Chain-Larché. - Un certain nombre de communautés de communes qui ont pris la compétence voirie le regrettent énormément car c'est un gouffre financier pour les communes et les intercommunalités. Votre idée de conventionnement entre l'intercommunalité et les communes est également intéressante pour les communautés de communes. Cependant, c'est sans doute en élargissant le périmètre de la compétence voirie que l'on pourrait bénéficier d'économies d'échelle. Cette compétence est si lourde que j'ai vu une communauté de communes y renoncer et la rendre aux municipalités.

M. Patrice Verchère. - Il est clair que l'entretien de la voirie génère des coûts élevés, surtout en milieu rural où les distances sont importantes, mais aussi en centre-ville où s'ajoutent les trottoirs et les ouvrages adjacents. Le choix que nous avons fait dans mon intercommunalité repose en tous cas sur la liberté locale et j'ajoute que nous mutualisons les moyens en passant un marché global pour obtenir des prix avantageux auprès de nos prestataires.

M. Mathieu Darnaud, rapporteur. - Je précise le sens de ma question. Pour avoir présidé une intercommunalité, j'ai pu observer que cette problématique est moins ardue au sein des communautés d'agglomération et des communautés urbaines car elles bénéficient d'une plus grande agilité. En prenant l'exemple de l'amendement sur les nids-de-poule, je souhaitais évoquer de manière générale la difficulté d'introduire de la souplesse entre l'échelon communal et l'échelon intercommunal, dès lors que la compétence a été transférée.

M. Patrice Verchère. - Vous faites sans doute allusion au cas du Grand Reims, si j'ai bien compris. Chaque cas est différent et c'est la pratique quotidienne qui détermine la meilleure approche. Votre mission sénatoriale est ainsi particulièrement utile car elle vous permet d'observer les bonnes pratiques sur l'ensemble du territoire national.

M. Mathieu Darnaud, rapporteur. - J'en viens à ma question suivante : nous avons de plus en plus le sentiment que certains services de l'État ont tendance soit à retarder la publication des décrets d'application de certaines lois que nous adoptons sur les collectivités territoriales, soit à interpréter celles-ci à l'aune des problématiques de chaque territoire. Cela rend l'exercice un peu compliqué et explique qu'on rencontre des cas spécifiques et des situations très différenciées selon les départements. Notre volonté, que nous allons continuer à exprimer, est d'appliquer le principe de différenciation à la marge tout en veillant à ne pas remettre en cause l'architecture existante.

Je note que l'acceptabilité de ces assouplissements est parfois difficile au nom d'une certaine philosophie de l'État, portée par des acteurs, les préfets ou les sous-préfets qui sont pourtant plébiscités par les élus car à leur écoute. Cependant, nous ressentons toujours cette rigidité qui conduit trop souvent, à contester la légalité d'un arrêté ou d'une délibération alors que l'esprit du législateur est précisément de permettre cette souplesse. C'est pourquoi je sollicite votre avis sur le point essentiel pour nous de la relation entre le bloc communal et les services de l'État.

M. Patrice Verchère. - S'agissant de votre deuxième question, Intercommunalités de France n'a pas défini de position claire sur la DGF car le problème principal réside dans son calcul : celui-ci est difficilement compréhensible étant données les différences et les disparités qu'il génère au niveau des communes. Je fais le rapprochement avec la fiscalité locale dont l'inadaptation réside aujourd'hui dans les bases fiscales qui ne correspondent plus à la réalité. Avant de se demander si la DGF doit emprunter le canal des intercommunalités ou des communes, il faudrait revoir sa méthode de calcul pour assurer plus de cohérence. Même si on nous affirme qu'un certain nombre de paramètres sont pris en compte, je m'interroge sur les différences d'allocation notables observées dans le département du Rhône et je me demande bien ce qui peut expliquer une telle disparité entre deux communes presque équivalentes.

M. Mathieu Darnaud, rapporteur. - La baisse de la DGF aggrave la baisse significative des moyens des communes et constitue une des principales menaces sur leur avenir.

M. Patrice Verchère. - La DGF est conçue pour permettre aux communes et aux maires d'exercer au nom de l'État un certain nombre de prérogatives : les municipalités dont la DGF a fondu pourraient donc se demander si elles accomplissent encore ces tâches pour le compte de l'État.

Mme Anne Chain-Larché. - En tous cas, l'autonomie financière des communes a quasiment disparu.

M. Patrice Verchère. - L'autonomie financière est un souci majeur, ce qui m'amène à évoquer les relations entre le bloc communal et les services de l'État. Heureusement, on rencontre encore des sous-préfets et des préfets qui s'efforcent de mettre de l'huile dans les rouages et surtout de concilier les administrations départementale ou régionale parfois en contradiction entre elles. C'est un sujet de préoccupation qui se manifeste sur un nombre croissant de dossiers. J'ai en tête un dossier urbanistique où la direction départementale des territoires (DDT) était en désaccord avec la police de l'eau : l'une nous demandait de relever le niveau du sol tandis que l'autre nous l'interdisait en invoquant un risque d'inondation et il a fallu faire appel au préfet. Nous regrettons surtout que certains services déconcentrés de l'État se livrent à une lecture parfois très stricte de la réglementation ou anticipent même l'application de certains décrets qui ne sont pas encore publiés. On se demande parfois si c'est vraiment la réglementation ou alors la prise de position du fonctionnaire chef du service. Les élus situés dans des départements différents qui communiquent entre eux ont parfois la surprise de constater que des cas concrets identiques suscitent des décisions de l'État différentes, ce qui est compliqué à gérer. Les associations d'élus doivent ici trouver avec l'État des solutions pour harmoniser les décisions de son administration et nous faisons également confiance au Sénat pour sensibiliser celui-ci sur la question.

Je rejoins également vos propos sur l'État censeur car aujourd'hui on nous dit plus souvent « non » que « oui ». Je garde en mémoire la lecture par un sous-préfet d'un courrier adressé dans les années 1930 par le ministre de l'Intérieur aux sous-préfets et aux préfets, qui leur recommandait de rechercher des solutions positives en concertation avec les élus et, à tout le moins, d'expliquer leurs éventuelles décisions de refus. En forçant un peu le trait, j'ai aujourd'hui l'impression qu'on nous dit non, sans grande explication. Nous estimons souhaitable que l'État puisse redonner aux préfets plus de pouvoir sur l'administration qu'ils dirigent car certains chefs de service semblent prendre le dessus dans un certain nombre de cas.

Parallèlement, comme vous l'avez souligné, les collectivités dépendent beaucoup des dotations de l'État pour leur fonctionnement et, de ce fait, il est plus difficile de contester ou d'exprimer un désaccord avec l'administration déconcentrée : on craint d'être sanctionné à travers la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR), la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL) ou le Fonds Vert. Quand le bloc communal avait un peu plus d'autonomie financière, cela favorisait une certaine liberté d'expression. Aujourd'hui, nous sommes tellement dépendants des dotations de l'État ...

Mme Anne Chain-Larché. - ... et ces dotations sont discrétionnaires ...

M. Patrice Verchère. - ... tout à fait, et d'ailleurs, je rappelle les critiques qui portaient sur l'aspect discrétionnaire de la réserve parlementaire mais j'aimerais qu'on nous précise les critères utilisés pour accorder les subventions au niveau de l'État.

J'ajoute que l'on s'y perd un peu dans les divers canaux de financement. De nombreux projets sont aujourd'hui axés sur l'efficacité énergétique et les économies d'énergie mais il suffit parfois de déposer une demande de DETR pour qu'on nous dise qu'elle relève plutôt la DSIL ou à présent du Fonds Vert. De plus, si vous demandez une subvention pour la rénovation énergétique d'un bâtiment scolaire, on vous invite à démontrer qu'il en résultera une économie d'énergie de 30 %. Cela peut sembler parfaitement logique mais certains petites communes ou petites intercommunalités qui ont peu de moyens sont contraintes d'engager des travaux étape par étape, en se bornant par exemple à un remplacement des fenêtres. Deux ans plus tard, au moment de déposer un dossier, on leur dit que le critère des 30% n'est pas satisfait... Tout ceci crée des difficultés, et l'intercommunalité peut également ici intervenir positivement en apportant de l'ingénierie, ce qui permet d'éviter aux communes de faire appel à des prestataires privés souvent coûteux. Dans le cas du département du Rhône, nous avons une association départementale financée par l'intercommunalité qui intervient gratuitement au nom des communes.

Les relations entre l'État et le bloc communal sont, comme vous l'indiquez, moins fluides que par le passé mais je précise qu'au niveau des sous-préfets les choses se passent généralement bien. Tel n'est pas toujours le cas avec, par exemple, la DDT de mon département qui hier encore m'a semblé éloignée de la connaissance de notre territoire sur un dossier ponctuel concernant la prise en compte de l'agriculture et de la viticulture dans notre schéma de cohérence territoriale (SCoT). Autrefois, dans les subdivisions implantées dans chaque chef-lieu de canton, les subdivisionnaires vivaient sur le territoire qu'ils administraient et le connaissaient bien. On pourrait peut-être réintroduire une structuration similaire au niveau intercommunal car aujourd'hui la théorie a tendance à prévaloir sur la pratique et les élus du bloc communal se démènent au quotidien pour que l'administration vienne constater les réalités de terrain avant d'émettre un refus. L'incompréhension à l'égard de certaines prises de position administratives peut engendrer de la frustration chez les maires de petites communes qui ne cumulent pas de mandat et n'ont qu'un poids politique assez faible. Nous n'affirmons pas que l'administration doit systématiquement accepter toutes les demandes, mais qu'elle doit se réformer au niveau local si l'on veut redonner un peu d'enthousiasme aux maires et aux présidents d'intercommunalités qui ont aussi envie de réaliser des projets, même si leurs moyens sont insuffisants. L'administration doit également mieux se conformer à l'intention du législateur alors que ses décisions donnent parfois l'impression d'être dictées par le point de vue d'un de ses fonctionnaires.

Mme Anne Chain-Larché. - Merci de vos propos que nous savourons et qui vont dans le même que d'autres auditions que nous avons effectuées. Cela plaide en faveur d'une proximité qui malheureusement disparaît depuis plusieurs années au profit de la recentralisation.

M. Patrice Verchère. - Je tiens à souligner à nouveau la solidarité du bloc communal : la commune va de pair avec l'intercommunalité.

M. Mathieu Darnaud, rapporteur. - Ma dernière question porte sur la contractualisation. L'insuffisance du recours à cet outil reste pour nous une énigme alors qu'il permettrait au niveau intercommunal ou communal de dégager des solutions adaptées à l'échelon infra-communautaire, par exemple pour gérer des espaces vert, acheter du matériel en commun ou construire un pont comme le rappelle notre collègue Anne Chain-Larché. Je regrette sincèrement, et j'en informe à chaque occasion les associations d'élus, que l'on n'utilise pas suffisamment cet outil bien adapté à la souplesse, en particulier dans les grandes intercommunalités ou pour gérer les compétences dites orphelines.

Mme Anne Chain-Larché. - Le recours à la contractualisation va tout à fait dans le sens de la différenciation. C'est un outil simple à utiliser et qui permet à l'intercommunalité de se porter au chevet de certaines communes sans pour autant qu'on ait besoin de procéder à des transferts de compétences.

M. Patrice Verchère. - Nous avons des remontées de nos adhérents sur leur volonté de conventionnement.

M. Simon Mauroux, responsable du pôle institutions, droit et administration chez Intercommunalités de France. - Nos adhérents utilisent souvent les conventions dans le domaine des prestations de service et maîtrisent bien cet outil. En revanche, les conventions de délégation de compétences ou de maîtrise d'ouvrage déléguée sont moins bien cernées, même si les possibilités juridiques d'y recourir ont été récemment élargies. En effet, on peut supposer que ces instruments sortent de la logique habituelle des transferts de compétences accompagnés de transferts de charges faisant l'objet de réévaluations régulières.

Cette audition a fait l'objet d'une captation vidéo disponible en ligne sur le site du Sénat.

La réunion est close à 18 h 30.