Jeudi 1er juin 2023

- Présidence de Mme Françoise Gatel, Présidente -

La réunion est ouverte à 9 h 00.

Examen du rapport relatif au métier de secrétaire de mairie

Mme Françoise Gatel, présidente. - Nous avons ce matin le plaisir d'auditionner Catherine Di Folco, Cédric Vial et Jérôme Durain sur un rapport essentiel. Parmi les difficultés qui contribuent au désenchantement des maires se trouve le sujet de leur entourage professionnel, et notamment l'enjeu de l'attractivité de la fonction publique. Aujourd'hui, les rapporteurs s'attarderont en particulier sur le métier de secrétaire de mairie, qui revêt une importance particulière pour la délégation. En effet, le Sénat a examiné le 6 avril dernier une proposition de loi portée par Céline Brulin et son groupe sur la fonction de secrétaire de mairie, adoptée à l'unanimité et dont le rapporteur est Catherine Di Folco. La délégation a par ailleurs engagé depuis dix semaines des travaux relatifs à l'attractivité de la fonction territoriale, et en particulier du métier de secrétaire de mairie. Enfin, une nouvelle proposition de loi, portée par François Patriat, vient d'être déposée sur le sujet et sera examinée le 14 juin prochain. Le rapporteur de ce texte est également Catherine Di Folco qui, au-delà de son expertise relative à la fonction publique territoriale, est membre de la délégation, ce qui assure un lien et une coordination étroite au profit de la délégation.

Les conclusions des rapporteurs enrichiront donc nos réflexions. Je les remercie d'avoir accéléré leur travail pour s'adapter au calendrier de la nouvelle proposition de loi. Cet exercice est par ailleurs un exemple significatif de lien entre la commission des lois, la délégation et l'ensemble des groupes.

Je rappelle enfin que deux tables rondes ont été organisées sur le sujet, une le 6 avril sur le thème de la marque employeur, et le 25 mai, avec l'audition du Ministre de la Transformation et de la Fonction publique, Stanislas Guerini.

M. Jérôme Durain, rapporteur. - Madame la Présidente, mes chers collègues, le diagnostic et les propositions que nous vous présentons ce matin s'appuient sur un travail de fond initié avant même la constitution de cette mission d'information, puisque Catherine Di Folco avait largement balisé le terrain en rendant un avis (au nom de la commission des Lois) sur la proposition de loi de Céline Brulin. Nous avons ainsi pu gagner un temps précieux. Du point de vue des difficultés d'attractivité de la fonction publique territoriale, le cas des secrétaires de mairie est plutôt emblématique. Non seulement leur situation fait parler, mais elle fait aussi agir et écrire : deux propositions de loi arrivent, coup sur coup, à l'ordre du jour du Sénat, la première, adoptée à l'unanimité, de Céline Brulin donc, la seconde de notre collègue François Patriat. Autant dire que notre rapport compte apporter une contribution positive et très tangible au débat parlementaire ainsi engagé.

On compte environ 23 000 secrétaires de mairie, très majoritairement des femmes (94 %). Coeur battant des communes en zone rurale, elles restent paradoxalement méconnues. Leur titre est trompeur, puisque leur fonction ne consiste pas en des travaux de secrétariat. Leur discrétion professionnelle, dans l'ombre du maire, prête parfois à confusion, laissant imaginer un rôle secondaire et sans influence dans la vie municipale.

Un terme revient communément pour rendre compte de leurs missions, celui de «couteaux suisses», du fait de la variété de leurs tâches. Ainsi, les secrétaires de mairie sont en première ligne pour l'accueil du public en mairie et se voient confier l'état civil, l'instruction des autorisations d'urbanisme, la gestion des écoles, la gestion des opérations funéraires et du cimetière, et, périodiquement, le recensement.

Ces agents sont également chargés de missions administratives, tout aussi indispensables à l'organisation et au fonctionnement des services municipaux : la gestion du personnel, l'établissement du budget de la commune ainsi que la passation et le suivi de marchés publics.

Dans ce contexte, nous savons tous à quel point la relation de confiance avec le maire et son équipe municipale est primordiale. De même que la polyvalence, le sens de l'adaptation et beaucoup de disponibilité sont autant de qualités indispensables à l'exercice de ce métier.

La fonction est exercée soit par des fonctionnaires territoriaux, soit par des contractuels (20 % des postes occupés). Les cadres d'emplois concernés sont ceux d'attaché territorial (catégorie A), de rédacteur territorial (catégorie B) et d'adjoint administratif territorial (catégorie C). D'un point de vue statistique, on dénombre 16,5 % de catégorie A, 23,1 % de catégorie B et 60,4 % de catégorie C.

La profession de secrétaire de mairie se caractérise aujourd'hui par une pyramide des âges très défavorable. En 2022, 25 % de ces agents avaient plus de 58 ans et 60 % plus de 50 ans. Sur la décennie à venir, ce sont donc des départs massifs en retraite qui doivent être anticipés. Or, en l'état, les perspectives de recrutement ne sont pas bonnes. La plupart des communes de moins de 2 000 habitants rencontrent des difficultés pour attirer et fidéliser dans l'emploi de secrétaire de mairie. Au 10 mars 2023, 1 919 postes étaient à pourvoir et de nombreux emplois de secrétaires de mairie sont actuellement vacants, les communes les plus touchées étant souvent les plus petites. L'ampleur des difficultés de recrutement est telle qu'en septembre 2022, le panorama de l'emploi territorial a rangé ce métier au premier rang des professions les plus en tension au niveau de la fonction publique territoriale.

À l'origine de ces problèmes d'attractivité, plusieurs facteurs viennent se cumuler pour décourager ou freiner les candidatures : la charge mentale, le fait de devoir constamment se frotter aux lourdeurs et à la complexité administrative, la précarité dans la fonction, le temps partiel très fréquent et donc le cumul d'employeurs, ou encore des contraintes de temps et de coût de déplacement.

En outre, le niveau de traitement ne constitue guère un encouragement à embrasser sans réserve cette fonction. Par exemple, un adjoint administratif (donc un agent de catégorie C) principal de 1ère classe, avec 32 ans d'ancienneté, occupant un emploi de secrétaire de mairie, ne percevra qu'une rémunération de 13,75 euros de l'heure, soit à peine supérieure au SMIC horaire brut.

Enfin, l'isolement des secrétaires de mairie est avéré dans de nombreuses petites communes et rajoute de la difficulté à la tâche.

Mme Catherine Di Folco, rapporteur. - Face au constat commun de la perte d'attractivité du métier de secrétaire de mairie, Céline Brulin a présenté une proposition de loi visant à revaloriser ce métier. Ce texte, que nous avons travaillé ensemble, a été adopté à l'unanimité par le Sénat le 6 avril 2023. Le texte final élaboré par la commission des lois comprend trois articles, portant respectivement sur la prise de poste, la promotion interne et l'élargissement du vivier de candidats.

Le premier apport de cette proposition de loi concerne en effet la formation. Plus précisément, il s'agit d'élever le niveau de formation des agents prenant leur fonction de secrétaire de mairie.

Car le constat est clair : l'offre de formation aujourd'hui dispensée aux agents occupant un emploi de secrétaire de mairie souffre d'un double handicap, en étant non seulement trop courte, mais aussi trop fragmentée. L'acquisition de l'ensemble des compétences requises peut donc durer un certain temps. Par conséquent, un socle de connaissances supplémentaires, adaptées à la particularité et à la polyvalence des fonctions exercées, revêt un caractère de nécessité dans le premier temps de la prise de poste. Aux termes de la proposition de loi, « les agents qui occupent un emploi de secrétaire de mairie reçoivent, dans un délai d'un an, à compter de leur prise de poste, une formation adaptée aux besoins des collectivités ». L'inscription de cette formation supplémentaire dans la loi vise à remédier aux difficultés pratiques limitant l'exercice du droit à la formation continue, dans le cas des secrétaires de mairie : manque de temps, nombre de places limité, éloignement géographique du lieu de formation et, surtout, difficultés à trouver un remplaçant pendant leur absence.

Le deuxième apport de la proposition de loi s'inscrit dans le champ de la promotion interne. Il est ainsi prévu que l'établissement des listes d'aptitude (par l'autorité territoriale ou, le cas échéant, le président du CDG) puisse tenir compte de l'exercice des fonctions de secrétaire de mairie dans les critères de choix de la promotion interne. L'objectif est ici de pallier le manque de perspectives d'évolution de carrière de ces agents. En effet, certains agents exerçant cette profession depuis des années au sein d'une même collectivité, et possédant une formation assez basique, rencontrent parfois des difficultés à préparer des concours et tendent à stagner dans leur poste. Il est donc important de pouvoir les faire passer de catégorie C à catégorie B par le biais de la promotion interne.

Pour bien saisir la portée de cette disposition, il convient de rappeler que les conditions d'accès, pour un agent, aux cadres d'emplois relevant de catégories supérieures sont déterminées par les statuts particuliers. Ceux-là fixent notamment la proportion de postes pouvant être proposés au titre de la promotion interne. Au travers de la mesure introduite par la proposition de loi, les fonctions de secrétaire de mairie se voient donc accorder une reconnaissance particulière, de nature à faciliter le passage à un nouveau cadre d'emploi.

Le troisième et dernier apport issu de la proposition de loi traite de la question du recrutement des secrétaires de mairie. Il permet en effet aux communes comptant entre 1 000 et 2 000 habitants d'embaucher des agents contractuels à temps plein sur un emploi de secrétaire de mairie. Il convient à cet égard de rappeler qu'un tel dispositif est, d'ores et déjà, en vigueur pour les communes de moins de 1 000 habitants en application du code général de la fonction publique. En revanche, les collectivités comptant plus de 1 000 habitants n'ont le droit de recruter que des agents contractuels à temps non complet plafonné à 50 % d'un temps plein. L'extension introduite par la proposition de loi vise donc à atténuer les difficultés croissantes de recrutement rencontrées par les mairies.

Au total, le texte adopté représente un pas en avant appréciable vers la reconnaissance et la modernisation du métier. Je remercie Céline Brulin et ses collègues d'avoir mis un coup de projecteur sur ce métier et les difficultés auxquelles il fait face. Le travail que nous avons commencé à mener sur le sujet sera poursuivi dans le cadre de la mission d'information et de l'examen de la proposition de loi du groupe RDPI.

M. Cédric Vial, rapporteur. - Pour améliorer l'attractivité du métier de secrétaire de mairie, cinq pistes ont été étudiées dans notre projet, qui cherche à faire de cette fonction un véritable métier, pour lequel il existera une formation, une reconnaissance, une perspective de carrière, de l'accompagnement et de la communication.

Depuis une quarantaine d'année, des réflexions sont menées quant au nom «secrétaire de mairie», qui est probablement l'un des éléments expliquant le manque d'attractivité du métier. Parmi plusieurs propositions comme « directeur de services » ou «responsable administratif», nous avons donc tranché pour le titre de «secrétaire général de mairie».

L'environnement administratif étant de plus en plus complexe, le niveau de connaissances et d'exigence des secrétaires de mairie est également de plus en plus fort. Nous souhaitons ainsi que la fonction relève a minima de la catégorie B ou A. Cette idée a fait consensus lors des différentes auditions.

Pour rappel, le décret de 1987 dispose que « les secrétaires de mairie exercent dans les communes de moins de 3 500 habitants ». À partir de 2 000 habitants, les communes peuvent mettre en place des emplois fonctionnels relevant d'agents de catégories A, mais ces emplois doivent être validés par la collectivité et par l'agent. Nous nous intéressons donc bien aux secrétaires de mairie des communes de moins de 3 500 habitants.

Nous nous sommes par ailleurs posé la question de la création d'un cadre d'emploi spécifique, ou statut d'emploi particulier. Une telle mesure avait été mise en oeuvre dans les années 80 avant d'être progressivement abandonnée dans les années 90 puis supprimée en 2001, car elle provoquait davantage de problèmes qu'elle n'en résolvait. Ce cadre d'emploi, à trois catégories, risquait d'enfermer les secrétaires de mairie dans leurs fonctions et ne permettait pas de mobilité avec les autres cadres d'emploi de la filière administrative ou technique. Enfin, il prévoyait des emplois de type fonctionnel, qui présentent certains avantages (rémunérations), qui sont la contrepartie d'une précarité de l'emploi, l'autorité territoriale pouvant mettre fin aux fonctions de l'agent. Cette procédure ne semblait pas convenir aux catégories d'emploi des secrétaires de mairie, dans les plus petites communes notamment. Cependant, ce point reste une revendication forte des secrétaires de mairie. Notre proposition est donc quelque peu différente.

Il n'existe aujourd'hui aucune formation spécifique au métier de secrétaire de mairie. Depuis quelques années, des initiatives territoriales sont mises en place, soit par les centres de gestion, en lien avec le CNFPT, pour des fonctionnaires en poste ou en direction des demandeurs d'emploi, soit par certaines universités qui proposent des Diplômes universitaires (DU), voire des licences professionnelles. Si ces DU ont tous le même nom, leur contenu et leur niveau d'admission sont souvent très différents. Cela engendre un manque de lisibilité sur le métier et la formation adéquate.

Nous souhaitons ainsi mettre en place deux filières permettant de former des agents de catégorie B ou A au métier de secrétaire général de mairie : une formation initiale qui pourrait passer par une formation diplômante, afin d'harmoniser les diplômes existants, et une formation professionnelle permettant de la reconversion afin de répondre aux enjeux des 8 à 10 000 postes à recruter d'ici 2030. Ces formations seront initiées principalement par les centres de gestion, et financées par la région, Pôle emploi ou le CET, à condition que la formation soit certifiante, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui.

Notre proposition cherche également à offrir des perspectives de carrière aux agents, en permettant et facilitant le passage de catégorie C en catégorie B, de catégorie B en A, et de catégorie A en catégorie d'attaché principal. Trois voies existent pour accompagner les agents de catégorie C vers la catégorie B. Nous considérons que les secrétaires de mairie de catégorie C, en poste actuellement, exercent des responsabilités relevant de la catégorie B. Au-delà du concours et de la formation, nous souhaitons que des promotions internes puissent être envisagées, sur la base de la reconnaissance de l'expérience et hors quota. Selon le droit commun, une promotion interne est possible à condition que la secrétaire de mairie dispose de 8 ans d'expérience dans la fonction publique, et de 4 ans d'expérience sur le poste. J'estime ainsi qu'environ un tiers des agents en poste pourraient passer en catégorie B par ce biais. Pour celles ne répondant pas aux conditions du droit commun, des cycles de formation pourraient être mis en place, à l'issue desquels un examen professionnel permettrait d'acter le passage hors quota en catégorie B. Ce dispositif temporaire sera par la suite remplacé par un quota de promotion interne pour les secrétaires de mairie. Un dispositif similaire est envisagé pour le passage de la catégorie B à la catégorie A, grâce à une reconnaissance des acquis de l'expérience par un examen professionnel lorsque nécessaire. Est enfin introduite la possibilité pour les agents de catégorie A de devenir attaché principal, y compris dans des communes de moins de 2 000 habitants, contrairement à la réglementation actuelle. Les agents de catégorie C continueront à exercer le métier de secrétaire de mairie, mais garderont la possibilité de passer secrétaire général de mairie par la voie du concours ou de l'examen professionnel. Ces évolutions ont ainsi pour objectif de proposer une véritable filière de carrière, en accompagnant la formation des agents.

Notre deuxième objectif est d'assurer une reconnaissance du métier, notamment à travers la rémunération. Le seul avantage actuel de la fonction de secrétaire de mairie est la NBI, qui a été portée de 15 à 30 points récemment, représentant environ 140 euros bruts, et qui est liée à la fonction. Toutes les secrétaires y ont donc droit, pour les communes jusqu'à 2 000 habitants. Aucune NBI n'étant prévue pour les communes entre 2 000 et 3 500 habitants, car celles-ci pouvaient avoir des agents de catégorie A, éventuellement Directeur Général des Services (DGS). Mais tous ne le sont pas : un agent de catégorie B qui serait DGS dans une commune de 2 000 habitants perdrait le droit à sa NBI, ce qui ne semble pas logique. Nous proposons ainsi d'étendre la NBI pour tous dans les communes jusqu'à 3 500 habitants.

La rémunération de ces agents est constituée du traitement indiciaire basé sur son grade, le RIFSEEP (IFSE et CIA), un système indemnitaire de prime basé sur l'agent, ses suggestions, son niveau d'emploi, sa mobilisation dans le poste... et la NBI, liée à la fonction. Nous proposons d'y ajouter une prime de responsabilité, à l'instar de ce qui existe pour les DGS, et qui serait non pas liée à la fonction ou à l'agent, mais au poste. Des critères seront définis par voie réglementaire, comme la polyvalence du poste, la position de management ou hiérarchique, la population, le budget, la gestion d'équipement... Cette prime permettra de reconnaître les responsabilités propres à chaque poste. Même si nous n'avons pas voulu établir d'emploi fonctionnel, qui aurait imposé une précarité aux secrétaires de mairie, cette rémunération complète conserve tous les avantages de l'emploi fonctionnel sans en être un. Cette proposition nous permet de nous rapprocher des revendications de l'AMF ou d'autres associations des DGS ou des centres de gestion, sans franchir le pas de l'emploi fonctionnel.

Il reste un point délicat, qui est que le système indemnitaire n'est pas pris en compte dans le calcul de la retraite, sauf la NBI. Cependant, un système de retraite complémentaire, le RAFP, permet de cotiser 5 % de ces primes, dans la limite de 20 % du traitement indiciaire. Nous proposons que ce plafond passe à 30 % pour les secrétaires de mairie.

Nous prévoyons un accompagnement dans la prise de poste, qui passerait par le développement de la formation continue et d'un réseau. L'isolement professionnel représente un véritable problème. Une étude réalisée en Lozère a constaté que 82 % des secrétaires de mairie ne font partie d'aucun réseau, mais que 84 % le souhaiteraient. Nous proposons donc que soit inscrite dans la loi, comme compétence obligatoire des centres de gestion, l'animation d'un réseau départemental de secrétaires de mairie. Nous souhaitons également apporter une aide à la prise de poste. La proposition de loi Brulin a déjà formulé plusieurs pistes en ce sens. L'objectif est d'accompagner les agents dans la durée par un tutorat, la désignation de référents accompagnateurs... Nous proposons également que soit mis en place, dans chaque préfecture, un interlocuteur privilégié pour les postes de direction de mairies, rattaché au bureau du préfet.

Enfin, la mutualisation de services au niveau départemental ou régional, comme la gestion de la paye, peut permettre d'externaliser certaines tâches, au centre de gestion par exemple, et de diminuer la charge mentale de certaines secrétaires de mairie.

L'ensemble de ces mesures peut représenter un coût pour les communes. Le travail des secrétaires de mairie le mérite cependant amplement, et ces mesures sont nécessaires pour réussir à recruter les 8 à 10 000 secrétaires de mairie dont les communes auront besoin à l'avenir. En outre, la complexité de la tâche induit de la technicité, qui doit être rémunérée. Le coût restera par ailleurs relatif pour la communauté, car ces mesures ne concernent qu'un poste par mairie. Pour les plus petites communes en proie à des difficultés financières, nous proposons de mettre en place une dotation provisoire et transitoire pour les secrétaires de mairie : sur une période allant jusqu'en 2028, et pour une durée de 3 ans maximum. Cette dotation s'adresse aux mairies qui s'engageront à faire passer leur secrétaire de mairie de la catégorie C à B, ou qui recruteront un agent de catégorie B.

Nous proposons en outre que les centres de gestion généralisent leur service de remplacement, qui existe aujourd'hui dans 40 % des centres, pour les secrétaires de mairie fixes comme itinérantes. Nous souhaitons aussi mener une communication auprès des maires pour leur rappeler l'importance des secrétaires de mairie et l'intérêt de les faire monter en technicité sur les postes de secrétaire général ou de DGS. Nous cherchons ainsi à faire reconnaître ce beau métier polyvalent et à le rendre attractif en le faisant mieux connaître.

Mme Françoise Gatel, présidente. - Je vous remercie pour la qualité de votre rapport et la profondeur de votre investigation. Les chiffres que vous présentez sur les postes manquants et à compléter bientôt sont alarmants. Nous reconnaissons la difficulté de la fonction de secrétaire de mairie.

Vous avez travaillé à la fois sur l'attractivité, sur la pertinence de l'adéquation entre le nom et la fonction de la personne, sur la progression de carrière, et sur la solitude de la secrétaire de mairie. Comme vous, les conditions de travail des secrétaires de mairie me frappent beaucoup. Vous avez également travaillé sur des propositions de mutualisation, d'échanges et de réseau des expertises. Au-delà de la réponse pertinente que peuvent apporter les centres de gestion et le CNFPT, des initiatives peuvent parfois être mises en place au niveau de l'intercommunalité, qui porte le contrat de travail du secrétaire de mairie, qui reste pourtant sous l'autorité hiérarchique du maire.

Mme Patricia Schillinger, vice-président. - Ce sujet transpartisan appelle une réaction d'urgence et je me réjouis des propositions qui ont été formulées. Je souhaiterais souligner que l'accompagnement des emplois par le centre de gestion fonctionne dans certains départements, mais pas dans tous. Avez-vous aussi auditionné ou travaillé sur ce sujet ? Il n'est pas si facile de partager une secrétaire de mairie, qui est souvent très attachée à leur maire.

Mme Céline Brulin. - Merci pour ce beau travail, qui balaye de manière assez exhaustive l'ensemble des enjeux auxquels sont confrontés les communes et les secrétaires de mairie qui jouent un rôle pilier. Il est intelligent d'avoir cherché à répondre aux demandes des secrétaires de mairie, qui revendiquaient un statut particulier, tout en écartant les aspects négatifs liés à l'emploi fonctionnel. Cependant, le lien de confiance particulier qui doit exister entre les fonctions de maire et de secrétaire de mairie implique que soit engagée une réflexion quant aux modalités de séparation précoce. Quant au nom de la fonction, je pense qu'il est indispensable d'annoncer que le Sénat souhaite consulter les secrétaires de mairie sur le sujet, étant donné qu'aucun nom n'avait emporté de consensus.

En outre, serait-il possible d'intégrer dans la loi l'obligation pour les centres de gestion de disposer d'un pool de remplacement ? L'absence d'une secrétaire de mairie a une incidence considérable sur le fonctionnement de la mairie.

Par ailleurs, je pense que la piste d'une nouvelle augmentation de la NBI devrait être évaluée, même si le travail de valorisation de la rémunération effectué doit être souligné. Les 30 points annoncés représentent 70 euros brut de plus depuis un an, ce qui ne correspond souvent pas à un plein complet de carburant. Les secrétaires de mairie devant souvent voyager entre plusieurs communes, un geste pourrait être réalisé à ce sujet. Concernant la charge que les mesures annoncées représentent pour les petites communes, nous pourrions travailler à une aide de la part de l'État.

Enfin, des annonces ont été faîtes par la ministre Dominique Faure concernant France Ruralité pour le mois de juin, ainsi qu'un socle législatif pour le mois d'octobre. Un certain nombre de services publics du ressort de la cohésion nationale ont disparu dans la ruralité, et reposent désormais de plus en plus sur les communes. La secrétaire de mairie est ainsi consultée sur des sujets variés, y compris ne relevant pas de la compétence communale. Dans le cadre de France Ruralité, nous pourrions ainsi travailler en faveur d'une valorisation des missions exercées par les communes rurales via les secrétaires de mairie.

M. François Bonhomme, secrétaire. - Je me réjouis que nous nous emparions de ces problématiques que nous pouvons tous constater, et que nous reconnaissions l'importance de la fonction de secrétaire de mairie. Je souscris à l'ensemble des propositions formulées, qui ont toutes pour objet d'offrir des perspectives fortes de carrière nouvelle, de valoriser et de reconnaître la fonction. Je m'interroge cependant quant à la temporalité de ces mesures. À supposer qu'elles soient rapidement mises en oeuvre et intégrées par les différents acteurs concernés, sont-elles susceptibles de répondre dans un temps court aux enjeux actuels, notamment à celui que représente la pyramide des âges ? Face au nombre important de secrétaires de mairie s'apprêtant à faire valoir leur droit à la retraite, la réponse apportée doit être extrêmement rapide.

M. Lucien Stanzione. - Je félicite les rapporteurs pour leur travail d'investigation et leurs propositions. Si des concours ou examens sont envisagés dans le cadre des mesures relatives à la formation, qu'en est-il de la Valorisation des Acquis de l'Expérience (VAE) ? Ce dispositif peut être intéressant pour valoriser l'expérience acquise par les secrétaires de mairie au fil du temps et pourrait permettre de traiter la question de la formation et de sa certification.

Par ailleurs, pourquoi créer une prime de responsabilité supplémentaire ? Le dispositif de la NBI, différente selon la catégorie professionnelle, tient compte des responsabilités et des tâches à accomplir. Je pense qu'une NBI bonifiée pourrait plutôt être envisagée. En effet, en s'appuyer sur le système de cotisation de la RAFP pour la retraite, il est plus simple de percevoir une NBI, car l'agent y cotise directement.

Sur la question du financement et des aides aux collectivités, il serait intéressant d'instituer une dotation peut-être plus longue, mais dégressive, ce qui permettrait d'inciter les maires à s'engager.

Enfin, les pools de remplaçants évoqués pourraient certes relever des centres de gestion, mais qu'en est-il des intercommunalités ou des agglomérations ? La création d'un pool au niveau du centre de gestion entrerait-elle dans le cadre de la cotisation ou représenterait-elle une prestation supplémentaire ? La question du remplacement reste cependant une véritable préoccupation, certaines communes devant faire face à l'absence de secrétaire de mairie pendant des temps relativement longs, au détriment de la qualité du service public rendu aux usagers.

Mme Agnès Canayer, vice-président. - Je félicite les rapporteurs pour leur excellent travail sur un sujet prégnant aujourd'hui. Nous constatons également la place affirmée de la secrétaire de mairie au sein des communes. Outre la revalorisation des statuts, la question centrale porte sur le remplacement, notamment des emplois qui sont fractionnés entre plusieurs communes.

Je souhaitais pour ma part aborder un autre sujet. Certains maires sont très dépendants de leur secrétaire de mairie et ont du mal à se placer dans la position d'employeur, ce qui peut parfois entraver quelque peu leur relation. Avez-vous réfléchi à un moyen d'aider les maires à se positionner en situation d'employeur afin de faciliter et clarifier la relation avec les secrétaires de mairie ?

M. Bernard Buis. - Bravo et merci pour ce rapport et ces propositions, auxquelles nous pouvons tous souscrire. Je voudrais apporter un témoignage pour la communauté de communes du Diois. Nous y avons mutualisé le service de secrétaire de mairie pour faire face aux problèmes de remplacement et de congés maladie. Cette solution permet de n'émettre plus qu'un seul bulletin de paye par secrétaire de mairie au lieu de plusieurs, et de trouver rapidement des remplaçants en cas d'absence. Elle permet également aux secrétaires de mairie de travailler avec du matériel et des logiciels identiques, car les postes de travail ont été uniformisés dans les 52 communes qui ont adhéré à ce service, que nous développons désormais avec les maisons France Service, pour lesquelles les secrétaires de mairie servent de première porte d'entrée. Nous offrons ainsi aux communautés de communes des agents spécialistes des marchés publics. Enfin, la ville de Die dispose de services propres lui permettant d'apporter une expertise propre, et nous organisons une formation régulière permettant aux secrétaires de mairie de se rencontrer.

M. Jean-Yves Roux. - Je remercie mes collègues pour ce rapport et souscris tout à fait aux propositions formulées.

Dans certains départements, et notamment celui des Alpes de Haute-Provence, le centre de gestion joue un rôle central dans le remplacement de secrétaires de mairie. Cependant, il faudrait les accompagner davantage dans la formation des secrétaires de mairie, peut-être à travers une aide de l'État, notamment dans les petites communes. Dans cette optique, je souscris à l'idée d'une prime de responsabilité, qui reflète bien le rôle essentiel de la secrétaire de mairie pour le fonctionnement de la commune.

M. Jérôme Durain. - Je vais répondre aux interrogations de François Bonhomme sur la temporalité des mesures que nous proposons, et à celles de Lucien Stanzione sur la pertinence de la prime de responsabilité face à la NBI. La préoccupation principale réside dans la carence de personnes disponibles pour occuper ces fonctions. Notre travail comporte une dimension structurelle, mais également une dimension symbolique. La prime de responsabilité permet ainsi d'acter la reconnaissance de la fonction de secrétaire de mairie. En effet, l'ensemble du travail que nous avons conduit vise également à affirmer l'importance du métier et à apporter une réponse aux revendications qui ont été formulées.

Par ailleurs, les élus sont rarement élus pour être employeurs. Ainsi, dans les petites communes, la fonction d'employeur est souvent mal exercée, non pas par manque d'intérêt, mais par trop grande proximité entre les personnes. Je pense qu'il revient aux centres de gestion de combler ce manque de distanciation professionnelle en aiguillant les maires pour un recrutement, un profil de poste ou un entretien d'évaluation...

M. Cédric Vial, secrétaire. - Concernant les interrogations de Céline Brulin sur le nom de la fonction, nous avons dû faire des choix sur des questions qui se posaient parfois depuis plus de 40 ans. Concernant le cadre d'emploi, nous avons formulé une proposition distincte du statut particulier, qui évite les inconvénients de l'emploi fonctionnel tout en lui ressemblant fortement par les avantages qu'elle procure. Toutes les secrétaires de mairie (plus d'une centaine en Savoie) auxquelles j'ai présenté ces idées, les ont approuvées. Ce cadre semble davantage leur convenir qu'un emploi fonctionnel, car elles ne souhaitent en aucun cas devenir un enjeu des élections, surtout si elles relèvent de la catégorie B ou C. Elles considèrent que leur rôle consiste à accompagner le maire quelle que soit sa couleur politique, et ainsi assurer la continuité de l'action municipale et du service public. Il est vrai que nous n'apportons pas de solution nouvelle à la question du changement de mandature par rapport à ce qui existe aujourd'hui. Il est vrai également que cela peut représenter un problème, mais celui-ci n'est pas central et n'aurait pu être réglé de manière adéquate par l'instauration d'un statut particulier.

Par ailleurs, les centres de gestion disposent de compétences obligatoires, qui sont financées par la cotisation de 0,8 % sur les salaires. L'inscription du Réseau au sein des compétences obligatoires n'entraînera donc aucune cotisation supplémentaire. En revanche, le pool de remplacement ne pourrait pas être intégré aux compétences obligatoires, car il faudrait que le service soit gratuit ou bien pris en charge par la cotisation de 0,8 %, ou bien que la taxe sur les salaires soit augmentée, afin de mettre en place un service qui ne bénéficierait pas à toutes les communes... Ce pool de remplacement fait donc partie des compétences facultatives des centres de gestion, qui ont la possibilité de l'exercer. A défaut de pouvoir le rendre obligatoire, nous souhaitons que ce pool soit généralisé et développé par les centres de gestion.

Nous avons en outre auditionné plusieurs communautés de communes qui mutualisent des services de secrétaire de mairie, parfois entre 30 communes. Ces initiatives ne doivent pas être découragées. Toutes les communautés de communes n'ayant pas les capacités de mettre en oeuvre une telle mutualisation et le service devant être présent dans tous les territoires, il est nécessaire de favoriser en ce sens l'action du centre de gestion, seul capable de fournir un tel service à toutes les communes tout en garantissant une neutralité publique et politique. En effet, lorsque les secrétaires de mairie sont mutualisées, le président de la communauté de commune en devient l'employeur, ce qui peut constituer un frein pour certaines communes. Nous souhaitons donc que le centre de gestion puisse apporter des solutions complémentaires, voire devenir l'organisme de référence à terme.

L'augmentation de la NBI de 15 à 30 points a représenté une hausse d'environ 95 centimes par heure. Même si elle était doublée, la NBI ne pourrait donc pas constituer l'unique réponse à l'enjeu de valorisation de la fonction, pour deux raisons. Tout d'abord, la NBI est fixée par une grille, dont la modification entraînerait la modification de la grille des DGS. Le plafond est donc fixé à 30 points. Ensuite, la NBI s'applique à tous, quel que soit le niveau de responsabilité ou la nature des fonctions exercées. Au contraire, la prime de responsabilité s'attache à reconnaître les spécificités liées à chaque poste. Nous n'avons pas souhaité raisonner par strate en distinguant les communes selon leur nombre d'habitants, car il peut exister des différences de responsabilités importantes des secrétaires de mairie, même entre communes de même taille. Les plafonds de cette prime pourraient ainsi dépasser ceux de la NBI.

Enfin, nous sommes ouverts à l'idée d'une dotation plus longue et dégressive. Nous voulions trouver un système permettant d'inciter les dernières communes réfractaires à passer le cap. Cette dotation doit dans tous les cas être limitée dans le temps, et pourrait aussi être dégressive si besoin.

Mme Catherine Di Folco, rapporteur. -La question de la séparation se pose de façon générale entre un agent et son directeur. Établir des dispositions spécifiques au duo maire-secrétaire de mairie impliquerait que des mesures soient prises pour l'ensemble des métiers, ce qui ne serait pas possible et pourrait créer des distorsions.

Face à la difficulté pour les maires de se positionner en tant qu'employeur, le rôle des centres de gestion est primordial. Je souhaite rappeler que ces centres ont édité des guides maire-employeur et que l'AMF propose de nombreuses formations destinées aux maires en début et tout au long de leur mandat.

Par ailleurs, la VAE est une piste intéressante, mais très complexe. Les centres de gestion pourraient apporter une aide aux agents souhaitant en réaliser. Nous avons l'habitude de désigner les centres de gestion comme le tiers de confiance des collectivités, car il apporte une neutralité dont ne dispose pas forcément la communauté de communes. Il représente également l'élément mutualisateur par excellence. Mais la plupart du temps, les maires et les secrétaires de mairie, voire les DGS, ne connaissent pas l'ampleur des missions des centres de gestion ni les services qu'ils peuvent apporter à la commune en échange de la cotisation de 0,8 %. Peut-être que les centres de gestion ne communiquent pas suffisamment à ce sujet.

Mme Françoise Gatel, présidente. - Je renouvelle mes chaleureux remerciements à Jérôme Durain, Cédric Vial et Catherine Di Folco. Nous mesurons l'importance, la qualité et l'opportunité de ce rapport, qui constitue un véritable travail de fond autour des deux propositions de loi sur le sujet, qui marque une étape et qui est un signe donné aux secrétaires de mairie et aux maires. Je vous remercie enfin d'avoir modifié le calendrier de votre travail pour nous permettre de disposer de l'ensemble des éléments à temps.

Mme Catherine Di Folco, rapporteur. - Je souhaiterais ajouter que les sujets évoqués aujourd'hui relèvent avant tout du domaine réglementaire, mais également des bonnes pratiques. S'il n'est pas nécessaire de légiférer pour que les communes trouvent des solutions, il faut néanmoins les leur suggérer. Un guide de bonnes pratiques devrait être édicté.

Mme Françoise Gatel, présidente. - Merci de rappeler cette vision. La délégation permet en effet de valoriser et diffuser ces bonnes pratiques. Les recommandations du rapport sont approuvées avec une mention particulière. Je vous remercie.

La séance est levée à 10 heures 30.