Mardi 16 septembre 2025

- Présidence de M. Gilbert-Luc Devinaz, président -

La réunion est ouverte à 13 h 35.

Examen du rapport d'information

M. Gilbert-Luc Devinaz, président. - Nous voici donc arrivés au terme de cette mission d'information intitulée : « L'accès aux services publics : renforcer et rénover le lien de confiance entre les administrations et les usagers », mise en place le 8 avril dernier à l'initiative du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants (RDPI).

Le rapport provisoire vous a été communiqué jeudi dernier afin que vous puissiez en prendre connaissance avant cette réunion.

Dès la première réunion de cette mission d'information, nos réflexions ont fait une part essentielle aux aspects territoriaux de l'accès aux services publics, qui ont constitué le fil conducteur de nos travaux. L'accès aux services publics, à l'heure où de nombreuses démarches se font en ligne, est en effet un enjeu d'égalité : égalité entre les territoires et entre les citoyens.

Cet enjeu n'est pas propre à la France : en 2022, un rapport de l'ONU estimait à juste titre que « le nouveau visage des inégalités est numérique ». Le risque d'exclusion que comporte l'administration digitale est analysé dans le rapport, qui se réfère notamment aux travaux de la mission d'information sur l'illectronisme, à laquelle certains d'entre nous ont participé en 2020, et dont de nombreux constats demeurent d'actualité.

Ce rapport s'appuie tout d'abord sur douze auditions en réunions plénières, et sur onze auditions de la rapporteure. Ont ainsi participé à nos travaux une cinquantaine de personnes : élus, universitaires, hauts fonctionnaires, représentants d'associations de protection des consommateurs, de syndicats de la fonction publique et d'organismes de protection sociale, ainsi que trois membres du Gouvernement désormais démissionnaire. Deux de ces auditions nous ont permis d'associer à nos réflexions nos collègues de la délégation aux outre-mer et du groupe d'études « Statut, rôle et place des Français établis hors de France ».

Ce cycle d'auditions a été complété par une visite de la direction de l'information légale et administrative (Dila), qui gère le site service-public.fr : un atelier pratique, organisé la veille, nous avait permis d'apprécier l'intérêt de ce site, sur lequel la rapporteure reviendra tout à l'heure à propos des recommandations qui concluent le rapport.

Parallèlement à ces auditions, des contributions écrites de qualité ont enrichi le rapport : que leurs auteurs en soient vivement remerciés. Je tiens tout particulièrement à souligner la qualité des informations qui nous ont été ainsi adressées par quatre de nos ambassades : Espagne, Royaume-Uni, Danemark et Grèce. Ces analyses, largement citées, montrent que la dématérialisation des démarches administratives ne nous est pas spécifique, même si notre pays se distingue par une volonté de préserver un accès à l'administration qui ne passe pas par le « tout numérique ». Le Royaume-Uni a ainsi fait un choix assumé en faveur de la dématérialisation des démarches. Au Danemark, le déploiement du numérique va de pair avec une politique de formation et d'accompagnement des usagers : la transmission de documents administratifs est digitale, sauf pour les 5 % des usagers éligibles à l'envoi « papier ». L'Espagne est, pour sa part, plus avancée que la France en matière de services publics numériques : selon un rapport de l'ONU de 2024, ce pays est nettement mieux classé que la France en matière d'administration numérique.

Enfin, l'exemple grec montre que la préoccupation de la fracture territoriale, qui a encouragé le développement des espaces France services, ne nous est pas spécifique, si l'on en juge par les guichets uniques mis en place en Grèce dès 2000 pour fournir un accès aux démarches administratives ; cette formule a été inspirée initialement par la nécessité de renforcer l'accès aux services publics dans les îles les moins dotées en administrations.

Je dirai un mot sur une autre source d'inspiration de ce rapport : la consultation des élus locaux à laquelle la mission d'information a procédé, dès le mois d'avril, sur le site du Sénat. Une synthèse des quelque 1 200 réponses reçues est annexée au rapport, qui se réfère par ailleurs très largement à ces témoignages particulièrement riches. Voici quelques exemples de citations qui figurent dans le rapport : « Quand on ne peut plus mettre un nom et un visage sur un agent du service public, on ne peut guère s'étonner que les termes mêmes de "service public" n'aient plus de sens pour nos administrés » ; les espaces France services « remettent de l'humain (...) face aux plateformes téléphoniques ou internet » ; inversement ces structures sont considérées par d'autres élus comme « l'affirmation, la concrétisation de l'abandon des territoires par l'État » ; « La mairie reste le premier service public de France ! »

Les élus qui ont pris le temps de s'adresser à nous par ce biais nous ont apporté un soutien précieux et je les en remercie.

Je gardais pour la fin les quatre déplacements dans les territoires qui nous ont conduits, entre le 16 juin et le 8 juillet, dans le Rhône, le Loir-et-Cher, le Finistère, l'Yonne et en Seine-Saint-Denis, aussi bien en milieu rural qu'en quartier de la politique de la ville (QPV). Je salue chaleureusement les collègues qui, en prenant l'initiative de ces déplacements, ont permis des rencontres très éclairantes avec les acteurs de terrain - conseillers France services, conseillers numériques, élus locaux - dont l'expérience a nourri et enrichi nos réflexions.

Je partage avec vous deux citations qui m'ont particulièrement marqué lors de ces déplacements. Une conseillère numérique nous a donné une illustration très significative de la précarité numérique qui fragilise de trop nombreux usagers : « On m'a dit d'aller sur internet. Il est où, internet ? ». J'ai également entendu qualifier les conseillers France services de « couteaux suisses de l'État » : une comparaison qui en dit long sur la polyvalence de ces agents, dont le rôle est décisif pour l'accès aux services publics dans les territoires.

Je tiens également à saluer, chers collègues, votre engagement et votre participation active à nos réunions, qui ont contribué au dynamisme de nos échanges. Le rapport cite autant que possible certaines de vos interventions, dans leur diversité. Dans cette logique, les développements relatifs aux Français de l'étranger font écho aux suggestions de notre collègue Olivia Richard, qui reconnaîtra dans l'une de nos recommandations une proposition qu'elle a exposée lors de l'audition de la directrice des Français à l'étranger.

Je rappellerai pour finir que les groupes politiques peuvent adresser au secrétariat d'éventuelles contributions écrites destinées à faire état, le cas échéant, de positions spécifiques. Ces contributions seront, conformément aux usages, annexées au rapport. Le délai limite de l'envoi au secrétariat, par les groupes, de ces documents est fixé à jeudi prochain,18 septembre, à 11 heures.

Mme Nadège Havet, rapporteure. - Je me joins aux remerciements du président et salue la participation de tous nos collègues ainsi que leurs propositions.

Je commencerai mon propos par quelques chiffres clés : on compte annuellement 572 millions de démarches en ligne - un chiffre presque effrayant ! - et 82 % des démarches sont aujourd'hui dématérialisées ; 73 % des Français ont, en 2024, effectué une démarche en ligne.

L'accès aux services publics passe donc désormais largement par le numérique. Il s'agit d'une tendance universelle, à tel point que l'ONU consacre régulièrement un bilan à l'e-administration dans le monde, dont le président a cité quelques constats. Si le digital est un gage de modernisation des services publics et, en principe, d'efficacité, il ne convient pas à tout le monde : 44 % des Français éprouvent des difficultés dans la réalisation de démarches dématérialisées - des difficultés qui, en 2021, avaient conduit un tiers des Français à y renoncer. Ces difficultés n'épargnent pas les jeunes, pourtant nés avec le numérique. Elles peuvent avoir des causes diverses : équipement insuffisant, méconnaissance des usages du numérique ou complexité d'un dossier face à des formulaires en ligne standardisés. Elles ne sont d'ailleurs pas réservées aux usagers des services publics : les clients des banques, des assurances et des fournisseurs d'énergie se plaignent également, à juste titre, des plateformes téléphoniques - qui imposent le « tapez 1, 2 ou 3 » à des clients parfois perdus.

Quelle que soit l'origine des difficultés des usagers, elles sont un facteur d'exclusion qui peut menacer notre cohésion sociale : nous avons le devoir d'y être très attentifs, a fortiori parce que tous les actes de la vie, de la naissance à la mort, s'incarnent dans une démarche.

Je rejoins ici l'intitulé de cette mission d'information : « L'accès aux services publics : renforcer et rénover le lien de confiance entre les administrations et les usagers ». Je n'ai pas besoin de souligner combien la notion de confiance est cruciale.

J'en viens au rapport, qui s'articule autour de trois parties.

La première partie rappelle des éléments de contexte. Tout d'abord, l'expansion des démarches en lignes est le résultat d'une évolution régulière depuis la fin des années 1990, dans le cadre d'un processus de modernisation de l'administration mené par tous les gouvernements. Un certain nombre de témoignages d'élus locaux font d'ailleurs état d'initiatives d'élus pour dématérialiser une partie des services publics dont ils ont la charge - par exemple la gestion du périscolaire ou la prise de rendez-vous en mairie.

Parallèlement à la dématérialisation de l'accès à l'administration, l'évolution du maillage territorial des services publics a conduit à un sentiment d'abandon largement relayé par les élus locaux qui se sont adressés à nous au début de cette mission d'information. Nous savons d'ailleurs que les services publics occupaient une place importante dans les cahiers de doléances de 2018-2019.

La deuxième partie présente les mesures mises en place ces dernières années en matière d'accès aux services publics.

Elle expose le cadre juridique dans lequel s'inscrit la politique publique d'accès aux services publics ainsi que son articulation administrative, répartie entre quatre principaux acteurs : la direction interministérielle de la transformation publique (DITP), la direction interministérielle du numérique (Dinum), la Dila et l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT).

Cette deuxième partie présente également des exemples de réussites en matière d'administration numérique, comme le site service-public.fr évoqué par le président. Font également partie de ces progrès les avancées franchies à l'égard des Français établis hors de France pour les démarches relevant des postes consulaires. Nous avons tous été assez convaincus par les innovations que nous a présentées la directrice des Français à l'étranger et de l'administration consulaire, entendue à l'initiative de notre collègue Olivia Richard.

Le déploiement du réseau France services occupe une place particulière au sein du bilan de cette politique publique. Ces structures doivent beaucoup, nous le savons, à l'engagement des élus locaux, soucieux de mettre à la disposition de nos concitoyens des espaces accueillants, au coeur des territoires - nous avons pu constater l'intérêt des solutions itinérantes pour les usagers les plus isolés. Ces formules doivent être mis au crédit des collectivités territoriales, a fortiori parce que les espaces France services, dont 67 % sont portées par des collectivités, ne sont pas anodines pour les finances locales.

Parmi les réussites qui doivent être attribuées à l'implication des collectivités, j'ai tenu à consacrer un passage de ce rapport à la maison départementale des personnes handicapées (MDPH) du Finistère, visitée le 26 juin et où les délais de traitement, grâce à la mobilisation du département, sont désormais inférieurs à trois mois, au lieu de sept. Un progrès comparable a été réalisé en Seine-Saint-Denis, où le président du département nous a expliqué, le 8 juillet, que ces délais étaient passés de dix-huit mois à quatre pour les adultes et trois pour les enfants. J'ouvre d'ailleurs une parenthèse pour vous dire combien j'ai été impressionnée, lors de ce déplacement, par tous les personnels rencontrés au service social départemental de Bondy et au centre de protection médicale et infantile (PMI) de Noisy-le-Sec. Je pense que notre collègue Adel Ziane, qui a pris l'initiative de ces visites, ne me contredira pas...

Parmi les autres initiatives dues à l'engagement des élus, le rapport commente aussi l'exemple des « territoires zéro non-recours », qui nous a été présentée par la communauté urbaine d'Arras.

La troisième partie du rapport expose les défis à surmonter pour que la dématérialisation produise des effets positifs pour tous les usagers.

L'analyse des « angles morts de la dématérialisation » porte sur les fractures territoriales et sur les cas complexes qui n'entrent pas dans les cases des menus déroulants - notre collègue Olivia Richard nous a indiqué des exemples très concrets de difficultés auxquelles se heurtent certains expatriés, par exemple pour s'identifier sur FranceConnect. Quant à la fracture numérique, le rapport de l'ONU cité par le président parlait des « laissés pour compte de l'administration numérique » : cela confirme que ce défi n'est pas spécifique à la France.

Les vingt recommandations que je vais vous présenter sont classées en fonction de quatre séries de priorités.

Le premier axe des recommandations concerne l'amélioration de l'accueil et de l'accompagnement des usagers.

D'abord, le constat que je viens de faire sur les fractures numériques rend impérieusement nécessaire la préservation, pour les Français, du choix de la voie par laquelle ils entrent en contact avec l'administration. Il faut reconnaître les efforts engagés par les pouvoirs publics dans cette direction, avec notamment le Plan téléphone, qui fixe un objectif de 85 % de taux de décroché. Mais ce n'est pas assez : une enquête réalisée par l'Institut national de la consommation et le Défenseur des droits en 2022 auprès de quatre administrations a montré les insuffisances de l'accueil téléphonique.

Même constat pour l'accueil physique : les maisons France services ont un rôle essentiel dans ce domaine. Elles recueillent certes des demandes d'information, mais aussi des expressions, des plaintes, des revendications. Comme l'ont confirmé les visites d'espaces France services par la mission d'information dans le Loir-et-Cher, le Rhône, et le Finistère et l'Yonne, c'est une dimension très importante du travail des agents : incarner les pouvoirs publics, et faire en sorte que les usagers se sentent écoutés.

De là la première de nos recommandations : garantir à l'usager un accès aux services publics selon le canal de son choix en réaffirmant l'obligation, pour tous les services publics, d'appliquer le principe de l'omnicanalité. Cela doit être une priorité du prochain comité interministériel de la transformation publique (CITP).

C'est également le sens de notre deuxième recommandation : l'accueil est un métier, comme l'ont souligné les représentants syndicaux de la fonction publique ; il faut donc valoriser cet aspect du travail des agents, dans la formation comme dans le déroulement de leur carrière.

L'administration doit être accessible, mais aussi bienveillante. Trop souvent, nos concitoyens victimes d'une erreur commise par eux-mêmes, mais aussi par l'administration, se voient opposer un refus de la corriger au motif que le cadre juridique du droit à l'erreur ne le permet pas. Il n'est pas normal qu'une mauvaise case cochée dans un menu déroulant empêche un élève de s'inscrire au bac dans la spécialité de son choix, comme cela s'est produit. Nous proposons donc une forme d'extension du droit à l'erreur, lorsque la perte de chance qui résulterait de cette erreur est manifeste : c'est là notre troisième recommandation.

L'accessibilité, c'est aussi, dans l'espace numérique, la possibilité pour le citoyen d'obtenir l'information qu'il recherche facilement et rapidement. La visite que certains d'entre nous ont faite au siège de la Dila, responsable du site service-public.fr, et les échanges très riches que nous avons eus sur place avec les équipes, nous ont convaincus de l'importance de ce site, véritable navire amiral de la présence numérique de l'État. Il délivre de nombreux services, pour les usagers mais aussi les collectivités, en proposant par exemple des sites internet clé en main. S'il est très bien référencé sur les moteurs de recherche, il souffre pourtant, paradoxalement, d'un déficit relatif de notoriété. C'est l'objet de notre quatrième recommandation : mieux faire connaître le site service-public.fr au moyen d'une campagne d'information grand public. C'est également le sens d'une recommandation que je présenterai ultérieurement à propos de l'intelligence artificielle (IA).

En plus d'accueillir et d'informer, notre administration doit aussi aller vers le citoyen en lui offrant une information mieux conçue et centrée autour de ses besoins. C'est la vocation des 21 fiches « moments de vie » du site service-public.fr, qui présentent de manière synthétique les démarches à réaliser aux étapes clés de notre existence. Par exemple, la fiche « Un proche est décédé » recense de manière très utile pratiquement tous les renseignements nécessaires dans ces moments très difficiles.

Ces « moments de vie » sont donc une initiative très louable, et l'on retrouve une démarche similaire par exemple chez nos voisins allemands. Or j'ai pu me rendre compte qu'aucune de ces fiches n'aborde le moment charnière qu'est l'entrée des jeunes dans la vie active : je propose donc que cette étape de leur vie fasse l'objet d'une fiche pratique spécifique, et que cette fiche soit mise à disposition dans les centres régionaux des oeuvres universitaires et scolaires (Crous), les associations étudiantes et le réseau France services. C'est notre cinquième recommandation.

Dans la même logique d'« aller vers », il conviendrait de mettre la fiche « Un proche est décédé » systématiquement à la disposition des proches du défunt dans les hôpitaux, Ehpad et services de pompes funèbres : s'il est un moment où nous avons besoin d'être accompagnés, c'est bien celui-là. Dans un registre plus pratique, il est indispensable de faciliter la résiliation des abonnements souscrits par la personne décédée, qui constitue souvent un parcours du combattant pour ceux qui doivent s'en occuper. Tel est le sens de notre sixième recommandation.

Enfin, nos travaux ont mis en évidence les difficultés liées à la diffusion de la propagande électorale auprès de deux publics spécifiques : les Français d'outre-mer et les Français de l'étranger. Dans le premier cas, les fréquents problèmes d'adressage peuvent empêcher la propagande d'arriver en temps voulu à ses destinataires. Dans le second, elle arrive bien souvent après l'élection - pour un coût global de 2 millions d'euros à chaque tour ! Dans de telles conditions, il serait raisonnable d'expérimenter, pour ces deux publics, la faculté d'opter pour la transmission numérique de cette propagande : c'est la recommandation n° 7.

Le deuxième axe des recommandations concerne les maisons France services.

Les témoignages adressés par élus locaux montrent des points de vue différents sur ces structures. Pour certains, les maisons France services « remettent de l'humain [...] face aux plateformes téléphoniques ou internet ». D'autres élus sont pour leur part convaincus que « Les mairies sont depuis longtemps un France services bien avant l'heure ! » et critiquent des structures qu'ils considèrent comme « la concrétisation de l'abandon des territoires par l'État » et qui, en outre, pèsent sur les finances des collectivités territoriales.

Il reste toutefois indéniable que le réseau France services est un bel outil, qu'il convient de consolider et de parfaire pour simplifier les démarches des usagers et développer un accès de proximité aux services publics.

Ainsi, concernant le maillage territorial des France services, je vous propose une recommandation déclinée en cinq sous-propositions.

Il s'agit tout d'abord de poursuivre le développement des espaces France services dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV), où les besoins sont réels : sept des dix maisons France services les plus fréquentées se trouvent dans ces quartiers.

Ensuite, il faut amplifier les formules itinérantes qui permettent de rayonner au-delà des maisons France services et de se rapprocher des usagers.

Nous pourrions également instaurer, à titre expérimental, une structure France services dédiée aux Français revenant sur le territoire national après un séjour de longue durée à l'étranger, compte tenu des besoins spécifiques à ces usagers.

Nous proposons, en outre, d'encourager les permanences France services dans les mairies, car « les mairies sont depuis longtemps un France services avant l'heure ! », ainsi que l'ont fait observer les élus locaux consultés sur la plateforme du Sénat.

Il nous faut enfin privilégier l'implantation des nouveaux espaces dans les sous-préfectures, dans une logique de rééquilibrage des coûts incombant aux collectivités territoriales. Je l'ai indiqué précédemment : 67 % des espaces France services sont financés par les collectivités. Or la part de l'État se limite à 1 % (34 sous-préfectures et 4 préfectures).

Concernant l'offre de services assurée par le réseau, je suis d'avis de stabiliser le panier constitué des douze opérateurs partenaires du programme - cette recommandation émane des conseillers France services eux-mêmes. Ce dispositif s'est tout récemment, en avril 2025, étendu à l'Urssaf : il me semble indispensable de le consolider avant toute éventuelle extension, pour garantir dans la durée le maintien des bons résultats du programme.

Parallèlement, la recommandation n° 10 vise à consolider l'articulation entre France services et les partenaires nationaux du réseau : il s'agit de garantir aux conseillers France services un accès téléphonique dédié aux opérateurs nationaux dans chaque département. Dans certains départements, les conseillers France services bénéficient d'une ligne directe avec la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM), la caisse d'allocations familiales (CAF) et France Travail ; dans d'autres, ils ne peuvent contacter ces services que par voie numérique. Nous proposons également de développer des permanences physiques des opérateurs au sein des espaces France services, selon un calendrier cohérent avec les besoins des usagers.

Enfin, je tiens à saluer le rôle essentiel des conseillers France services, dont les qualités et l'engagement nous ont été démontrés à chacun de nos déplacements. La recommandation n° 11 appelle à mieux prendre en compte les évolutions de leur métier en structurant leur formation et leur parcours professionnel et en leur assurant un déroulement de carrière à hauteur de leurs compétences.

Le troisième axe des recommandations vise à protéger plus efficacement les usagers contre les sites frauduleux qui proposent d'effectuer des démarches contre rémunération. La complexité et le nombre croissant de démarches administratives dématérialisées incitent en effet certains usagers à recourir à des offres payantes, alors même que ces démarches sont gratuites ou quasi-gratuites.

Si cette activité de « conciergerie administrative » n'est pas en soi illégale, certains de ces sites peuvent induire l'usager en erreur, par exemple parce qu'ils reproduisent l'apparence de sites officiels ou par manque de transparence sur les modalités de paiement des prestations par les clients. Ces pratiques commerciales peuvent donc être a minima déloyales, voire illégales et trompeuses.

Deux domaines ont attiré mon attention.

D'une part, le coaching sur Parcoursup, sans être illégal, peut atteindre des montants particulièrement élevés, mettant en cause l'égalité entre les futurs étudiants.

D'autre part, l'existence d'intermédiaires en ligne proposant d'effectuer contre rémunération des demandes d'aides sociales pose un problème particulier, puisque ces aides sont un droit pour les intéressés.

Nous avons constaté que la protection de l'usager via la protection du consommateur en ligne est aujourd'hui un impensé de la dématérialisation des services publics. Il faut donc trouver un juste équilibre entre le contrôle et la répression de ces comportements qui induisent en erreur nos concitoyens. Tel est l'objet des recommandations nos 12 à 15.

Il m'apparaît indispensable de moderniser et renforcer l'arsenal pénal destiné à lutter contre les sites frauduleux proposant d'effectuer pour l'usager des démarches administratives contre rémunération. Nous suggérons pour cela d'introduire des circonstances aggravantes, pour renforcer les sanctions en cas de pratiques commerciales trompeuses en ligne ou d'utilisation frauduleuse des signes d'autorité en ligne.

Il paraît également nécessaire d'étendre explicitement le champ de l'article L. 554-2 du code de la sécurité sociale, qui sanctionne les intermédiaires offrant des services payants à un allocataire pour lui permettre d'obtenir des prestations contre paiement, aux offres de tels services en ligne.

Enfin, il faudrait tenir compte, dans le régime juridique des pratiques commerciales trompeuses concernant la marchandisation de démarches administratives, des pratiques visant à mettre en avant des mentions telles que la rapidité ou le taux de réussite de démarches administratives effectuées contre rémunération, laissant croire que le vendeur obtient de meilleurs résultats que les usagers réalisant eux-mêmes leurs démarches.

Parallèlement à ces mesures de sanction, je souhaite que nous adoptions des mesures destinées à renforcer l'identification, par les usagers, des outils et des sites officiels permettant d'accéder aux services publics et de réaliser des démarches en ligne. Pour cela, je propose d'établir des signes distinctifs communs et infalsifiables aux sites officiels afin de limiter les risques de confusion avec les sites payants. Il serait également utile d'améliorer le référencement des sites officiels de démarches administratives et de poursuivre avec détermination le déréférencement des sites frauduleux. En outre, il faut clarifier la communication nationale autour des démarches en ligne en insistant sur leur gratuité et assurer une communication régulière sur ce sujet.

Améliorons, enfin, la qualité de certains sites officiels, comme mesdroitsociaux.gouv.fr, par le biais de partenariats renforcés avec les collectivités territoriales, de manière à limiter l'intérêt pour l'usager de recourir à des sites payants : en effet, ceux-ci semblent souvent plus attractifs que le site officiel puisqu'ils agrègent aux aides sociales nationales un grand nombre d'aides locales.

Le dernier axe de recommandations vise à mettre à profit les récents progrès technologiques pour promouvoir une administration au service des usagers et renforcer la lutte contre l'exclusion numérique.

Si la France, contrairement à d'autres pays comme le Royaume-Uni ou le Danemark, n'a pas fait le choix du tout-numérique, les efforts menés pour aider les usagers à se servir de ces outils méritent d'être approfondis.

Notre politique publique de l'inclusion numérique repose principalement, aujourd'hui, sur les conseillers numériques, au nombre de 2 600 si l'on considère les postes effectivement pourvus. Ces acteurs réalisent un travail important auprès des publics les plus précaires, dans les centres sociaux, les missions locales, voire les maisons France services.

Si leurs services sont appréciés des collectivités, leur avenir reste incertain, en raison de la baisse de la ligne budgétaire concernée dans la loi de finances pour 2025. Au-delà de leur pérennité, il est indispensable de clarifier le paysage de l'inclusion numérique, qui est aujourd'hui trop morcelé.

La recommandation n° 16 préconise donc une programmation budgétaire claire et la désignation d'un véritable chef de file, afin de donner une impulsion décisive à la lutte contre l'exclusion numérique. Contrairement aux idées reçues, l'exclusion numérique n'est pas en voie de résorption, compte tenu des progrès continus - et souvent fulgurant - des outils, mais aussi du vieillissement de la population.

Dans le même registre de l'inclusion numérique, nous formulons également une recommandation sur le programme Aidants Connect, opéré par l'ANCT, destiné à permettre aux professionnels qui accompagnent régulièrement des personnes éloignées du numérique dans leurs démarches de se connecter sur France Connect pour les personnes que ces professionnels accompagnent. Ce programme, d'après les informations que nous avons recueillies, ne semble pas avoir encore trouvé son public - 53 000 personnes accompagnées, cela semble peu - probablement en raison de conditions trop restrictives. Il paraît pertinent d'en élargir le périmètre, notamment pour toucher les personnes, de plus en plus nombreuses, que la dépendance progressive liée à un handicap ou à une maladie chronique prive de la capacité de faire leurs démarches en ligne.

Notre mission d'information ne pouvait passer sous silence les enjeux liés à l'intelligence artificielle. Dans ce domaine, les différentes administrations se sont mises en ordre de marche : plusieurs expérimentations sont en cours au sein de l'Assurance maladie et de la Caisse nationale d'assurance vieillesse. Mentionnons également l'outil Albert, en phase de test dans les maisons France services. Les apports des outils développés sont multiples : utilisation des données fournies des usagers pour répondre plus efficacement à leurs besoins, aide à la formulation de réponses, voire rédaction et mise à jour automatique de l'information délivrée.

Nous estimons que ces démarches doivent converger dans la formulation d'une doctrine cohérente d'utilisation de l'IA, avec les garde-fous qui s'imposent quant à l'utilisation des données fournies, à leur conservation, à leur sécurisation. Toutefois, il faut aussi un vrai travail de réflexion sur les missions des agents et la façon dont l'IA peut les affecter. C'est la condition sine qua non d'une IA mise au service de l'usager.

Au-delà des applications métier, nos échanges avec la Dila lors de notre visite ont attiré notre attention sur une problématique très spécifique : les réponses des outils d'IA générative tels que ChatGPT tendent à occulter la source des informations recueillies. Lorsque l'information est officielle, c'est une difficulté importante : il faut donc engager au plus haut niveau une discussion avec les opérateurs de l'IA pour exiger que l'information de source officielle soit bien identifiée comme telle.

Le corollaire de cet impératif de contrôle sur l'outil surpuissant qu'est l'IA est la formation et le recrutement, au sein de la fonction publique, de profils associant capacités techniques, notamment sur le fonctionnement des algorithmes, et compétences juridiques et politiques, voire éthiques. Ces profils sont rares au sein de la haute administration ; or le problème bien connu de l'asymétrie d'information se pose avec une particulière acuité dans le cas de l'intelligence artificielle. L'autorité publique ne saurait déléguer l'ensemble du savoir technique aux opérateurs, sous peine de perdre ses capacités de supervision.

Enfin, notre mission d'information s'est intéressée au service « Démarches simplifiées », développé dans le cadre de la start-up d'État beta.gouv.fr. Il permet à tout service public de créer rapidement un formulaire en ligne sans compétence technique, d'instruire les dossiers reçus, de dialoguer avec les usagers et de suivre les étapes de traitement. Au total 35 000 démarches ont été mises en ligne - vous avez peut-être eu l'occasion de l'utiliser, car les services du Sénat y ont parfois recours. C'est un bon exemple d'innovation administrative qui bénéficie aux agents comme au public, puisque les formulaires générés sont très faciles à utiliser. Il conviendrait donc, et c'est là notre dernière recommandation, de s'assurer que cet outil est connu, particulier par les collectivités territoriales.

Mme Olivia Richard. - Je vous remercie tout particulièrement pour la place qu'occupent les Français de l'étranger dans ce rapport.

Les sites visés par les recommandations nos 12 à 15 ne sont pas illégaux, même s'ils profitent de l'aubaine que représente l'illectronisme. Nous avions notamment abordé ce sujet concernant les permis de conduire. Vous êtes-vous penchée sur cette question ?

Vous avez mentionné le programme Aidants Connect. Les élus des Français de l'étranger passent beaucoup de temps à assister leurs concitoyens dans leurs démarches. Pourrai-je devenir « aidante Connect » pour les Français de l'étranger déconnectés ?

M. Hugues Saury. - Je salue l'important travail réalisé par la rapporteure.

Ce rapport s'inscrit dans le présent, ce qui est une bonne chose. En effet, l'un des objectifs de la mission d'information était de faciliter les relations entre les usagers et l'administration des services publics. Vous y répondez entièrement, en relevant, thème par thème, les améliorations possibles. Néanmoins, il aurait été intéressant que ce rapport s'inscrive également dans l'avenir, en dressant des perspectives sur ce que sera l'accès aux services publics dans les prochaines années, afin d'émettre des recommandations. Nous pourrions notamment nous inspirer sur la démarche entamée par certains pays baltes, en particulier, qui évoluent vers une forme de guichet unique, l'idée étant qu'un seul vecteur permettrait aux usagers de se connecter à l'ensemble des services publics.

J'ai été intéressé par les comparaisons que vous proposez avec des pays voisins. Sans doute auriez-vous pu insister sur l'intérêt, dans le futur, d'une convergence de moyens pour accéder aux services publics des différents pays de l'Union européenne proposés aux administrés. Mais l'essentiel de ma remarque concerne la qualité de ce travail.

M. Éric Gold. - Je salue également la qualité de ce rapport.

L'élément majeur qu'il faut souligner reste le nombre de démarches administratives auxquelles nos concitoyens sont confrontés. Or nous ne parvenons pas à répondre convenablement à la nécessité de limiter la complexité, mais surtout le nombre de démarches nécessaires pour l'usager.

Le numérique est souvent présenté comme un élément facilitateur en la matière. Cependant, l'utilisation d'un ordinateur laisse nombre de citoyens au bord du chemin. L'IA apparaît désormais comme un progrès majeur, bien qu'il faille l'encadrer. Gageons simplement que l'intelligence artificielle permettra surtout de limiter le nombre de démarches en facilitant l'accès aux services publics et aux droits élémentaires pour nos concitoyens.

Mme Marie-Pierre Richer. -Je remercie la rapporteure et le président de nous avoir véritablement donné la parole au cours des travaux de la mission d'information.

En ce qui concerne le handicap, je souhaite rappeler que le rapport de la commission des affaires sociales relatif au bilan de l'application de la loi du 11 février 2005, publié en février dernier et dont j'ai été l'un des auteurs, aux côtés de Chantal Deseyne et Corinne Féret, notait que si certaines MDPH vont de l'avant et améliorent les délais de leurs réponses, malheureusement, ce n'est pas le cas de la majorité d'entre elles, ce qui constitue un problème pour les personnes handicapées. C'est un point important, et le rapport de la commission des affaires sociales recommande notamment d'harmoniser les pratiques. Il faudrait le préciser expressément dans le rapport.

Je souscris complètement à l'idée que la première maison France services, c'est la mairie. Bien sûr, il faut consolider les maisons France services, mais en limitant le nombre d'opérateurs : il ne faudrait pas que ceux-ci se déchargent sur les France services !

Je crois également à la complémentarité entre le numérique et le papier, mais malheureusement le numérique ne peut pas tout remplacer. C'est vrai aussi bien dans les services publics que dans les services privés, à l'instar des banques ou des assurances, où l'accès demeure compliqué. D'ailleurs, j'ai lu récemment un document qui en faisait état, au sous-titre évocateur : « Administration : guide de survie en terre inconnue ».

Je souligne votre volonté de montrer qu'il existe des solutions ; mais n'oublions pas que la machine administrative s'enraye, au risque de compliquer encore davantage la vie des personnes.

M. Adel Ziane. - Je remercie la rapporteure, qui a repris dans son rapport les éléments évoqués lors du déplacement dans mon département de Seine-Saint-Denis. À l'origine, ce qui me tenait particulièrement à coeur était le problème de l'illectronisme, qui frappe tout le monde. Nous avons également eu l'occasion au cours de nos travaux d'aborder les difficultés liées aux démarches en ligne, en évoquant parfois notre propre expérience d'usagers. Un autre thème de nos réflexions a été l'accès aux services publics dans les territoires. Les problèmes liés à la langue ont été mis en évidence lors du déplacement en Seine-Saint-Denis. Autre sujet important : les difficultés liées à la coordination entre services publics de différents départements. Ainsi, le traitement d'un dossier peut varier entre différentes caisses d'allocations familiales (CAF) ; de même, les dossiers ne sont pas transférés avant de multiples relances... Au-delà de la question de l'accessibilité, il faut que les citoyens puissent bénéficier d'un traitement homogène de leurs dossiers quel que soit le département.

Comme l'a souligné le président du conseil départemental de Seine-Saint-Denis, M. Stéphane Troussel, il faudrait favoriser des instances de dialogue entre collectivités territoriales, afin de favoriser des échanges de bonnes pratiques et dessiner des pistes d'amélioration au service des usagers.

Je suis, moi aussi, absolument d'accord sur ce point : les mairies sont le premier France services. Mais elles deviennent de plus en plus le réceptacle d'un grand nombre d'interrogations. Elles assument ainsi de nouvelles missions d'information des usagers, qui sont insuffisamment reconnues, ce qui soulève la question des moyens qui leur sont dévolus.

M. Philippe Folliot. - Je salue le travail de la rapporteure et du président, ainsi que de tous les collègues qui ont participé aux travaux de la mission d'information.

Certes, la dématérialisation est un moyen de faciliter les démarches pour certains usagers, mais elle est une source d'angoisse ou de difficultés pour d'autres ; ne l'oublions pas.

Les mairies sont effectivement les premiers points d'accueil des citoyens, aussi bien en milieu urbain qu'en milieu rural.

L'État et les collectivités territoriales améliorent l'accès des citoyens aux services publics ; or les services au public - je pense aux agences bancaires - ferment. S'il faut faire des dizaines de kilomètres pour les démarches du quotidien - rencontrer son conseiller bancaire, par exemple -, alors que des progrès ont été réalisés pour les démarches administratives, le gain n'est-il pas limité ?

Qu'une banque restructure son réseau et ferme des agences parce qu'elle perd de l'argent peut se comprendre. Mais si elle décide de fermer des agences alors qu'elle fait du profit, cela nourrit un sentiment d'injustice chez nos concitoyens. Ce n'est pas l'objet central du rapport, mais il faut en mesurer les conséquences pour nos concitoyens, plus particulièrement en milieu rural.

Je note également que, pour un certain nombre de maisons France services, les horaires d'ouverture prennent en compte les horaires de travail des usagers. Ainsi, certaines ouvrent le samedi matin : c'est une avancée. Peut-être pourrait-on imaginer, dans les modalités de financement par l'État, une surdotation pour celles qui font cet effort, afin d'encourager cette pratique.

Mme Marianne Margaté. - Le rapport met au jour un sujet majeur : l'accès aux droits. Or le constat chiffré d'un renoncement aux droits mine la relation entre les citoyens et l'État. Les solutions concrètes proposées dans le rapport, qui reposent sur des constats et des remontées du terrain, me semblent intéressantes. Je pense ainsi à la recommandation concernant des permanences des opérateurs au sein des maisons France services. C'est leur place ! Sinon, on court le risque que l'existence des France services serve d'argument pour faire disparaître les services publics des territoires. Aussi, il faut privilégier la complémentarité entre ces opérateurs et France services, plutôt que la substitution.

De même, il faut reconnaître la spécificité professionnelle de ceux qui travaillent dans ces services : leur qualification doit être valorisée, y compris dans leur parcours.

L'État doit garantir l'accès aux droits, pour mettre en place les dispositifs que nous élaborons et votons au Sénat, au risque de mettre en péril notre modèle social. Arrêtons donc les coupes budgétaires qui menacent nos services publics. Compte tenu de la paupérisation de nos concitoyens, l'accès aux droits doit être un objectif à atteindre.

Il faut également être attentif au travail des agents des maisons France services. Ils se retrouvent à gérer non pas les dossiers simples, qui sont traités à l'aide du numérique, mais des dossiers de plus en plus complexes. La perte de professionnalisme liée à certains contrats précaires fragilise la qualité du service. Il faut reconnaître le professionnalisme de ces agents et leur donner les moyens d'agir.

Je propose que l'État finance à 100 % les maisons France services, afin de garantir un égal accès aux droits ; les élus doivent jouer un rôle de pompier dans de nombreuses situations - lorsqu'un distributeur automatique est mis hors service, quand un bureau de poste ferme... Or les communes, rurales ou urbaines, n'ont que peu de moyens.

M. Ronan Dantec. - Je salue à mon tour le travail de la rapporteure et du président.

Selon moi, le rapport ne prend pas suffisamment en compte les retours d'expérience des usagers - je pense à certains formulaires aberrants, par exemple, qu'il faudrait absolument améliorer. L'État, et les opérateurs en général, manquent de capacité d'autocritique. Si un formulaire nécessite le recours à une personne tierce, c'est qu'il y a un problème ! Et donc cela devrait alerter sur la nécessité de le changer. Permettez-moi un exemple personnel : je n'aurais jamais réussi à bénéficier des subventions pour l'installation de pompes à chaleur sans l'aide d'un professionnel. L'État met trop de temps à reconnaître ses propres difficultés, alors que nous avons besoin de retours d'expérience pour simplifier les procédures.

Je pense aussi aux entrepreneurs individuels : d'après mon expérience personnelle, ils doivent envoyer la liasse fiscale à l'administration fiscale, et la même au greffe du tribunal, accompagnée d'un chèque de 25 euros environ. Cela n'a aucun sens. Pourquoi n'y a-t-il pas un échange entre ces administrations ? Nous connaissons tous des exemples de ce type d'aberration. Il faut donc une instance qui permette de reconsidérer certaines procédures administratives, à l'aune des retours d'expérience des usagers.

De plus, le rapport n'évoque pas non plus spécifiquement les questions de handicap, notamment le handicap visuel.

M. Gilbert-Luc Devinaz, président. - Vos questions soulèvent un véritable débat : comment peut-on être girondin tout en demeurant jacobin ? Dans certains pays, la décentralisation a fonctionné, sans avoir engendré de grands drames pour les citoyens...

Par ailleurs, les agents chargés de l'accueil sont sous-estimés. Il peut s'agir de fonctionnaires de catégorie C, alors qu'ils sont de véritables « couteaux suisses », comme nous l'avons entendu lors de nos visites de terrain, que ce soit dans les maisons France services ou dans les mairies. Leur rôle mérite d'être reconnu et valorisé.

En début d'année, j'ai moi-même pu constater, grâce aux démarches en ligne, combien les outils numériques peuvent être utiles quand ils fonctionnent bien. Or, alors que tout était réglé chez le notaire, c'est au moment où j'ai voulu entamer les démarches auprès des banques que les problèmes ont commencé. Leurs services étaient en effet injoignables. En réalité, alors que toutes les démarches relevant de la sphère publique étaient réglées, celles qui relevaient du secteur privé ne l'étaient pas. Ce point mérite notre attention.

Il est d'ailleurs intéressant de noter que, pour les élus locaux qui nous ont répondu au début de cette mission d'information, la notion de service public ne se limite pas aux services de l'État, des départements ou des communes, mais inclut également la boulangerie ou encore la pharmacie...

Mme Nadège Havet, rapporteure. -Concernant les recommandations portant sur les sites frauduleux, je précise à l'attention d'Olivia Richard qu'il faut revoir certaines dispositions du code pénal, pour y inclure expressément les mentions « numérique » et « en ligne ». Cette adaptation du code pénal concernera également les sites relatifs aux permis de conduire.

L'outil Aidants Connect est conçu pour les professionnels. Cet outil est assez peu connu. Ainsi, seulement 53 000 personnes ont fait une demande d'habilitation. Pour notre part, nous avons découvert ce service au cours de la mission d'information. Je n'en avais jamais entendu parler auparavant.

Monsieur Saury, j'ai quelques doutes concernant la pertinence de l'ouverture d'un guichet unique, notamment au vu des difficultés rencontrées par le guichet unique consacré aux entreprises. Une fois que tous les systèmes numériques auront convergé, peut-être y arriverons-nous, mais pour l'instant cela me paraît compliqué. Des convergences de moyens sont en revanche possibles au niveau européen. Le dispositif « Dites-le nous une fois » nous vient, par exemple, d'autres pays européens. Quant à votre remarque sur l'exemple des pays baltes, je propose de la mentionner dans le rapport.

Il en est ainsi décidé.

Mme Nadège Havet, rapporteure. - Madame Richer, nous ferons un ajout dans le rapport concernant vos constats sur les délais de traitement des dossiers par les MDPH.

Il en est ainsi décidé.

Mme Nadège Havet, rapporteure. - Par ailleurs, tous les conseillers France services que nous avons rencontrés nous ont dit qu'ils étaient en lien avec douze opérateurs différents. Il leur faut donc être formés en conséquence, et connaître le site internet de chacun. Nous sommes effectivement parvenus au maximum de ce qu'il est possible de demander à ces agents. Les demandes concernant les retraites complémentaires sont généralement traitées, et des discussions sont en cours avec l'Agirc-Arrco pour une intégration dans France services.

Je retiens la formule « Administration : guide de survie en terre inconnue », que vous avez mentionnée.

Je suis d'accord avec Adel Ziane : nous relevons bien des problèmes de coordination entre les acteurs, en fonction des départements.

Quant à la présence des opérateurs au sein des maisons France services, évoquée par Marianne Margaté, elle varie selon les acteurs et les départements. La direction générale des finances publiques (DGFiP) organise des permanences, notamment au moment des impôts, mais à ma connaissance seule cette administration développe ce genre d'initiative sur tout le territoire national. Ainsi, si la caisse primaire d'assurance maladie se rend dans les maisons France services de certains départements, ce n'est pas le cas dans d'autres. Une harmonisation est nécessaire à cet égard, pour sécuriser les conseillers France services.

Je propose de mentionner, dans le corps du rapport, la piste formulée par Philippe Folliot concernant une évolution de la subvention lorsque des maisons France services font l'effort de décaler leurs horaires. Je ne suis toutefois pas certaine que cette pratique soit très répandue.

M. Gilbert-Luc Devinaz, président. - La maison France services de Belleville-en-Beaujolais peut ouvrir le samedi matin pour les usagers qui travaillent. Mais je ne suis pas sûr que cette formule donne partout des résultats probants, faute de fréquentation. La réussite d'une telle initiative dépend de la réalité de la vie locale.

M. Philippe Folliot. - Dans mon village de Saint-Pierre-de-Trivisy, la mairie comme la maison France services sont ouvertes le samedi matin et de nombreux usagers s'y rendent, y compris des résidents secondaires et des personnes qui habitent dans d'autres communes des alentours.

M. Gilbert-Luc Devinaz, président. - Cela dépend donc bien des situations locales.

Mme Nadège Havet, rapporteure. - Nous mentionnerons votre remarque dans le corps du rapport.

Il en est ainsi décidé.

Mme Nadège Havet, rapporteure. - De même, nous mentionnerons dans le corps du rapport la remarque de Marianne Margaté sur la nécessité d'un financement des France services à 100 % par l'État, pour éviter que cette charge ne repose sur les collectivités.

Il en est ainsi décidé.

Mme Nadège Havet, rapporteure. - En outre, il est important de valoriser les agents des maisons France services, qui portent douze « casquettes » correspondant aux douze opérateurs qui y sont regroupés. Rappelons que la mission de l'accueil est souvent confiée aux personnels qui viennent d'arriver dans le service. Or cela les place dans une position très inconfortable, car ces agents doivent demander sans arrêt des réponses à leurs collègues. D'après mon expérience, l'accueil doit servir en réalité de gare de triage : il faut savoir donner les bonnes informations et orienter les usagers vers les bons services.

Pour ce qui est du handicap, nous pourrions lui consacrer un rapport entier ! Nous n'avons pas spécifiquement creusé cette question par manque de temps.

Sur la plateforme France Titres, les usagers sont parfois interrogés sur la qualité des formulaires à remplir. C'est ce qui alimente les remontées d'informations. Cependant, ce processus n'est peut-être pas assez rapide et n'aboutit peut-être pas assez rapidement à la transformation des formulaires concernés.

S'agissant de la pertinence du nombre de démarches demandées aux usagers, évoquée par Éric Gold, je confirme qu'il n'y a effectivement pas assez de lien entre les administrations. Certaines liaisons se font néanmoins, entre la DGFiP et France Travail, par exemple, ou entre France Travail et la caisse d'allocations familiales. Toutefois, les systèmes de données sont différents. Il faudrait tous les coordonner et les harmoniser, ce qui soulève encore à ce jour des difficultés.

Mme Marie-Pierre Richer. - J'indique que si la commission des affaires sociales a publié un rapport sur le sujet du handicap, le groupe d'études sénatorial sur le handicap a également été chargé par Gérard Larcher de dresser le bilan de la loi de 2005. Ce travail n'a pas donné lieu à un rapport, mais à une publication sous la forme d'« Essentiel », qui traite notamment de l'accès au transport et au numérique.

M. Gilbert-Luc Devinaz, président. - Mes chers collègues, je vais mettre aux voix les recommandations.

Les recommandations sont adoptées.

Mme Nadège Havet, rapporteure. - Je propose par ailleurs le titre suivant pour le rapport : « Services publics, services au public : moderniser sans exclure ».

M. Hugues Saury. - Ce rapport traite des services publics et n'inclut pas forcément les services au public, comme les banques. Ce titre me semble poser un problème.

M. Ronan Dantec. - Le titre me paraît trop large. Nous parlons de l'accès aux services publics, non des services publics en général. Il n'est pas question de réformer l'intégralité des services publics en France.

M. Gilbert-Luc Devinaz, président. - Nous proposons donc le titre suivant : « L'accès aux services publics : moderniser sans exclure ».

Le titre du rapport d'information, ainsi modifié, est adopté.

M. Gilbert-Luc Devinaz, président. - La mission d'information donne donc son accord à la publication du rapport et autorise le secrétariat à procéder aux modifications destinées à tirer les conséquences de nos échanges ainsi qu'à d'éventuelles modifications strictement formelles.

La mission d'information adopte le rapport d'information et en autorise la publication.

La réunion est close à 15 h 00.