Cyber-débat avec Claude Saunier, Sénateur des Côtes d'Armor
Bonjour à tous et à toutes !
David : Pouvez-vous expliquer le mot "mondialisation" ?
Oui, en quelques mots, bien sûr. Ce n'est pas un phénomène nouveau. Depuis la préhistoire la mondialisation a été engagée ne serait-ce que par la diffusion de l'espèce humaine sur la planète. Au sens moderne, on parle de mondialisation avec le caractère massif des échanges économiques qui conduit à une réduction extrême de l'économie locale. Est-ce clair ?
Claire : Je répète : Avec la mondialisation, quel pouvoir reste-t-il au politique ?
Claire : très bonne question surtout pour un parlementaire. En fait, nous devons avoir la lucidité de reconnaître que la plus grande partie du pouvoir appartient aujourd'hui à une poignée de grands décideurs qui dirigent les grandes firmes multinationales. Le problème, c'est qu'ils décident en fonction des intérêts de leurs firmes et non pas en fonction de ceux de la population. Mais précisément il appartient aux politiques de poser des règles à la mondialisation.
Simon : Selon vous, la mondialisation favorise-t-elle la montée des extrémismes ?
Non. Du moins en théorie. La mondialisation économique s'accompagne de l'ouverture culturelle et du métissage. C'est donc plutôt une bonne chose. mais à l'inverse les effets de la mondialisation sur certaines populations conduisent à des chocs culturels et à des oppositions économiques qui, faute d'une forte conscience politique des droits de l'homme, peut alimenter les extrémismes.
Samy : Le pouvoir est concentré dans les mains de quelques entreprises, en quoi est-ce dangereux ?
Il me semble que l'intérêt général ne se confond pas avec la somme des intérêts particuliers. Donc le fait que le pouvoir se concentre entre des entreprises dont la logique est financière peut conduire à une opposition avec les intérêt de la population. D'où le rôle des politiques et la nécessité de poser des règles à la mondialisation.
Valérie de Plougarno : L'OMC est très critiqué alors que, justement, elle permet le contrôle de l'économie par le politique. Sans l'OMC ne serait-ce pas le libéralisme total ; alors pourquoi tant de haines ? de l'ignorance sur son rôle réel?
Valérie, tout à fait d'accord. Je suis membre de l'association ATTAC. Je lutte donc, à titre personnel, contre la mondialisation libérale. Mais pour être clair il me semble qu'il y a eu un énorme contresens sur l'OMC et Seattle. Il faut des règles à la mondialisation. Les Américains étaient contre l'OMC. Il faut des règles et un instrument pour les appliquer. Mais il est vrai que l'OMC est encore idéologiquement largement sous influence libérale.
Sandra : Quel est le rôle du comité ATTAC ?
Il est d'origine française mais commence à essaimer dans le monde, en particulier en Amérique latine. Son rôle au départ est la promotion de la taxe Tobbin du nom d'un économiste qui pense qu'il serait bon de limiter les flux financiers spéculatifs dans le monde en les taxant et en affectant le produit de cette taxe au financement de projets de développement. Le combat est engagé. Le parlement européen a failli, à quelques voix près, voter le principe de la taxe Tobbin il y a quelques semaines.
Victor : Une économie trop régulée, trop taxée ne risque-t-elle pas de tuer l'esprit d'entreprise ?
On connaît depuis le début du XIXè siècle les règles du libéralisme. C'est, en gros, la loi de la jungle, donc la règle des plus forts. C'est, me semble-t-il , le contraire d'un projet de société humaniste. Un conseil : pensez qu'il y a toujours dans le monde un requin plus fort que vous.
Fil : Quels sénateurs partagent votre combat ?
Quelques uns, peu nombreux. En particulier Maryse Berger-Lavigne et Jean-Luc Mélenchon. Je n'en ai pas encore trouvé de la majorité sénatoriale, mais je ne désespère pas.
André : La dérégulation, c'est la croissance ?
C'est aussi la casse des société. Voyez la Grande Bretagne après 15 ans de libéralisme : une société en miettes.
La mondialisation a déclenché une très forte croissance aux États-Unis d'abord, puis en France. Le niez-vous ?
Il est vrai que la mondialisation des échanges, portée par la révolution des transports, est facteur de croissance. C'est donc fondamentalement une bonne chose. Je ne suis pas pour le malthusianisme en économie. Par contre cette mondialisation doit être maîtrisée dans l'intérêt des populations, y compris dans l'intérêt des peuples en voie de développement.
VictorB : Le procès de Microsoft pour monopole n'est-il pas un symptôme de la mondialisation et a contrario de ses limites ?
Bon exemple. La logique extrême du libéralisme sans limite c'est la création de monopole de fait, comme celui de Bill Gates. D'où la contre attaque du Gouvernement américain pour encadrer Microsoft.
Moneyman : Que pensez-vous du rachat de Time Warner par AOL ?
C'est le parfait exemple de la bulle spéculative et de la mainmise d'une entreprise virtuelle sur une entreprise réelle. C'est surtout l'illustration de voir l'accès à l'information et à la distraction contrôlé par un grand groupe planétaire. Bonjour la diversité culturelle.
Lise : Que pensez-vous de José Bové ?
Il va venir au congrès d'Attac qui se tiendra à Saint-Brieuc, dans le ville dont je suis maire, en octobre. je répondrai donc à ce moment. Plus sérieusement, il a su être le catalyseur de véritables préoccupations. De plus il a tant de talent médiatique...
Laziz : Que pensez-vous du développement de nouvelle économie, de l'explosion des start-up ?
Ce n'est pas nouveau. C'est la traduction financière ou boursière de l'irruption d'une nouvelle technologie. Au XIXe les sociétés de chemin de fer avaient connu le même essor. Puis la bulle spéculative avait explosé et la nouvelle économie s'était stabilisée. Cela dit c'est une belle aventure humaine.
Sandra : En quoi consiste le projet de loi sur les nouvelles régulations économiques présenté récemment par Lionel Jospin ?
C'est la volonté d'encadrer des pratiques qui, inspirées par le libéralisme, conduisent les grandes entreprises à des abus de pouvoir sur des petites. Ainsi la grande distribution exploite littéralement les entreprises de production. Elle se fait des marges fabuleuses sur le dos d'entreprises moyennes qu'elle fragilisent. D'autre part, on le sait, les grands groupes savent s'entendre sur le dos des consommateurs. Par exemple dans le domaine de la distribution d'eau. La morale doit donc être réintroduite dans le champ économique.
Abrahamian : que pensez-vous de votre président Poncelet qui dit aux Arméniens qu'il leur faut regarder devant ?
Je réponds qu'on ne marche en avant que si on sait d'où on vient. Pour ma part, depuis plusieurs mois, j'ai signé une proposition de loi qui vise à faire reconnaître par la communauté internationale le génocide arménien. Je comprends donc parfaitement le sens de votre question.
Levy : êtes -vous favorable à la nationalisation des grandes compagnies de distribution de l'eau ?
Il me semble que l'accès à l'eau est un droit fondamental. Je ne serai donc pas choqué qu'il y ait, sous une forme à définir, un contrôle plus collectif de la distribution d'eau. Après tout, les nationalisations de 45 avaient cette mission là.
Hector : Si on vous invitait, iriez-vous à Davos ?
Pourquoi pas. Quelle est le nombre d'étoiles de l'hôtel que vous proposez ? Trêve d'humour, il faudrait en effet un anti-davos réunissant les partisans d'une mondialisation au service de l'humanité.
Peter : Etes-vous favorable au développement des stock options en France ?
Je n'en suis pas fanatique. En tout cas cela mériterait d'être encadré, moralisé. Il y a eu, il y a quelques mois, de beaux scandales. Allez en parlez aux RMISTES !
Puce : Que pensez-vous de l'action de Pascal Lamy, commissaire européen au commerce ?
Il exécute les orientations politiques des instances européennes. Il me semble que dans l'ambiance libérale de l'Europe il tente d'introduire à dose homéopathique quelques bribes de solidarité. A voir.
Abrahamian : Je la répète: que pensez-vous des 14 membres sur 20 de la commission des présidents du sénat qui font obstruction à l'inscription à l'ordre du jour du sénat du projet de loi reconnaissant le génocide arménien ?
J'ai été clair : je condamne. Le génocide doit être reconnu.
Alice : En tant qu'homme politique, ne vous sentez-vous pas parfois impuissant ?
En tant qu'homme, tout court, cela peut arriver lors des grandes fatigues. En tant qu'homme politique il faut avoir la lucidité de le reconnaître, le pouvoir réel est ailleurs. Mais c'est quand même une très lourde question, celle de la citoyenneté, de la démocratie et du pouvoir de l'argent au détriment de celui des personnes politique ne doit pas se faire à la corbeille disait un grand homme.
Benoit et Adelaïde : Dans dix ans parlerons-nous encore de mondialisation ?
Oui, bien sûr. C'est un phénomène irréversible. Les évolutions de la science, de la technique et les logiques économiques sont inéluctables. C'est d'ailleurs souhaitable. Je ne peux imaginer une humanité fractionnée en tribus. C'est le retour à la préhistoire. Je ne le souhaite donc pas. Mais pour quelle finalité. Je vous renvoie à la question de la place de l'homme (et de la femme...) dans l'univers.
Claude Saunier, le mot de la fin ?
C'est une expérience très intéressante. je vais la reconduire sur le site municipal de Saint-Brieuc (que vous pouvez consulter). C'est très convivial. Les questions sont pertinentes. Je suis candidat pour de nouvelles sessions, même si cela demande un peu d'énergie et beaucoup de dextérité au clavier pour allez vite. Bravo en tout cas pour cette initiative. Le Sénat n'est donc pas totalement ringard ?