Exposé des motifs
Parce qu’elles sont au coeur de la vie politique et constituent le socle de l’action de l’Etat, les institutions ne sauraient rester à l’écart de l’effort de modernisation souhaité par les Français et engagé par le Gouvernement.
En bientôt cinquante ans, la Constitution de la Ve République, inspirée par la pensée du Général de Gaulle, a fait la preuve de sa solidité et de son efficacité. Avec elle, la France a surmonté des crises majeures, connu plusieurs alternances, traversé sans blocage des périodes de cohabitation. Avec elle, l’autorité de l’Etat et la stabilité gouvernementale ont été confortées.
En aucun cas, cet acquis ne doit être remis en cause ni même fragilisé. Pour autant, le monde et la société française ont changé depuis un demi-siècle, et ces changements affectent l’idée que nos concitoyens se font de la démocratie. Il convient d’en tirer les conséquences sur notre mode de gouvernement.
Au surplus, notre vie démocratique a déjà connu, depuis 1958, plusieurs inflexions résultant soit d’une modification des textes, avec notamment l’instauration du quinquennat, soit d’une évolution des pratiques. Jamais toutefois l’équilibre général de nos institutions n’a été repensé dans une réflexion d’ensemble.
Nos concitoyens aspirent profondément à une République exemplaire, à une démocratie irréprochable.
Fort de ce constat, et soucieux d’engager une démarche ambitieuse et cohérente, le Président de la République a, par le décret n° 2007-1108 du 18 juillet 2007, confié à un comité de réflexion, composé de personnalités incontestables et représentatives de différents courants d’opinion, le soin de lui soumettre des propositions sur la modernisation et le rééquilibrage des institutions de la Ve République.
A l’issue de trois mois et demi de consultations et de travaux internes, ce comité, présidé par M. Edouard Balladur, a remis ses conclusions le 29 octobre dernier. Affirmant le besoin d’une démocratisation de nos institutions, il a formulé un grand nombre de recommandations. A la demande du Président de la République, le Premier ministre a soumis la plupart de ces propositions à consultation auprès des différentes forces politiques du pays en vue de l’élaboration d’un texte susceptible de recueillir un accord large.
Le présent projet de loi est le fruit de l’ensemble de ces réflexions et consultations. Il rassemble, parmi toutes les mesures souhaitables de modernisation des institutions, celles qui, dans la hiérarchie des normes, relèvent du niveau constitutionnel ; les autres seront reprises le jour venu dans les instruments juridiques adéquats, sur la base de la Constitution révisée.
Le texte s’articule autour de trois orientations qui se confortent mutuellement : un pouvoir exécutif mieux contrôlé, un Parlement profondément renforcé et des droits nouveaux pour les citoyens.
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Une première série de dispositions vise à rénover les modalités d’exercice du pouvoir exécutif. Elle est directement inspirée de la volonté de République exemplaire portée par le Président de la République dans le cadre de la campagne électorale.
Afin de garantir une respiration démocratique dans l’exercice des fonctions suprêmes et d’inviter leur titulaire à agir plutôt qu’à chercher à se maintenir au pouvoir, l’article 2 du projet de loi complète l’article 6 de la Constitution pour prévoir que nul ne peut exercer plus de deux mandats présidentiels consécutifs.
L’article 3 du texte modifie l’article 8 de la Constitution en prévoyant l’intervention d’une loi organique plafonnant le nombre de membres du Gouvernement à un niveau qu’elle déterminera. Seront distingués ministres de plein exercice, d’une part, ministres délégués et secrétaires d’Etat, d’autre part. Cette disposition introduit une discipline nécessaire dans une République moderne et stabilisera les structures administratives.
Suivant les recommandations du comité présidé par M. Balladur et inspiré par un souci de transparence et d’exemplarité républicaine, l’article 4 du projet modifie l’article 13 de la Constitution pour y prévoir que, pour certaines des nominations relevant du Président de la République, les emplois ne seront pourvus qu’après avis d’une commission constituée de membres des deux assemblées du Parlement. Parce qu’elles ne relèvent pas de l’autorité hiérarchique directe du Gouvernement, parce qu’elles ne sont soumises par ailleurs à aucune règle ou procédure particulière et parce qu’elles revêtent une importance particulière pour la garantie des droits et libertés ou pour la vie économique et sociale de la Nation, ces nominations feront désormais l’objet d’un droit de regard du Parlement. Il reviendra à une loi organique de fixer la composition de la commission, de poser le principe de l’audition publique des personnalités pressenties et de préciser la liste des emplois concernés. La procédure trouvera également à s’appliquer, en vertu des articles 25, 28 et 31 du projet de loi, aux membres du Conseil constitutionnel, aux personnalités qualifiées visées à l’article 65 de la Constitution relatif au Conseil supérieur de la magistrature, ainsi qu’au défenseur des droits des citoyens créé par le présent projet de loi.
L’article 16 de la Constitution donne au Président de la République des pouvoirs exceptionnels en cas de crise d’une extrême gravité. Sans remettre en cause le principe même de cette disposition, l’article 5 renforce les garanties qui entourent son application. Il prévoit non plus seulement la consultation préalable du Conseil constitutionnel, mais aussi la saisine possible de ce dernier par les parlementaires à l’issue d’un délai de trente jours, puis son auto-saisine un mois plus tard et à tout moment au-delà, aux fins de vérifier que les conditions de mise en oeuvre de ces pouvoirs sont toujours réunies.
L’article 6 du projet de loi modernise le régime du droit de grâce reconnu au Président de la République par l’article 17 de la Constitution, dans un sens plus respectueux des décisions de justice. Le droit de grâce aura désormais vocation à ne s’exercer qu’à titre individuel et après avis d’une commission dont la composition sera fixée par la loi.
Issu de circonstances historiques très spécifiques, le droit de message du Président de la République au Parlement, tel que le définit l’actuel article 18 de la Constitution, apparaît aujourd’hui mal adapté. Aussi l’article 7 du projet propose-t-il que le Président de la République puisse non plus seulement adresser un message écrit, mais aussi prendre la parole devant le Parlement réuni en Congrès ou devant l’une ou l’autre de ses assemblées ; sa déclaration pourra être suivie d’un débat hors sa présence – mais non d’un vote qui remettrait en cause la nature même du régime. Cette procédure nouvelle aurait vocation à n’être mise en oeuvre que dans des moments particulièrement solennels de la vie de la Nation.
Sans modifier les articles 5 et 20 de la Constitution, qui définissent les rôles respectifs du Président de la République et du Gouvernement, l’article 8 atténue la singularité que représente l’affirmation de l’article 21, selon laquelle le Premier ministre est « responsable de la défense nationale » alors, d’une part, que le Président de la République est le chef des armées, d’autre part, que le Gouvernement est collégialement responsable de l’ensemble de la politique de la Nation devant le Parlement. La rédaction proposée vise à permettre une clarification des responsabilités dans cette matière.
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Le projet comporte, en deuxième lieu, un ensemble cohérent, structuré et audacieux de mesures destinées à renforcer le Parlement. Le constat d’un déséquilibre de nos institutions au détriment du pouvoir législatif est largement partagé et l’addition des instruments du parlementarisme rationalisé ne correspond plus, dans le contexte actuel, aux exigences d’une démocratie irréprochable.
La revalorisation du Parlement passe d’abord par l’énonciation solennelle de ses missions ; tel est l’un des objets de l’article 9 du projet, qui comble une lacune significative de l’actuel article 24 de la Constitution.
Elle exige ensuite que, pour les missions ainsi identifiées (vote de la loi et contrôle de l’action du Gouvernement), les assemblées disposent de prérogatives renforcées.
Plusieurs mesures visent, à cet effet, à leur donner davantage de souplesse dans les modalités d’exercice de leurs missions et dans leur organisation interne.
L’article 34-1 nouveau dans sa rédaction issue de l’article 12 du projet leur offrira la faculté, à l’instar de la grande majorité des Parlements étrangers, d’adopter, en tout domaine, des résolutions n’ayant pas de valeur contraignante, mais marquant l’expression d’un souhait ou d’une préoccupation ; déchargée de cette fonction tribunitienne, la loi pourra retrouver son caractère normatif. Il appartiendra aux règlements des assemblées d’encadrer l’exercice de ce pouvoir nouveau, par exemple en fixant un délai minimum entre le dépôt d’un projet de résolution et son inscription à l’ordre du jour ou encore en fixant des règles relatives aux modalités de signature et de présentation des propositions de résolution.
Liberté sera laissée aux assemblées parlementaires d’instituer en leur sein jusqu’à huit commissions permanentes, au lieu de six aujourd’hui. Cette modification apportée à l’article 43 de la Constitution par l’article 17 du projet entend tout à la fois favoriser un travail plus efficace grâce à des effectifs resserrés et des compétences plus cohérentes, et permettre la traduction, dans l’organisation interne des assemblées, d’enjeux politiques nouveaux.
L’innovation la plus importante au titre de cette première série de mesures concerne les modalités de fixation de l’ordre du jour, qui, selon l’article 22 du projet modifiant l’article 48 de la Constitution, sera désormais arrêté par la conférence des présidents de chaque assemblée et non plus par le Gouvernement. Le texte repose sur une logique de concertation et de consensus. A défaut sont cependant institués des mécanismes garantissant le bon fonctionnement des pouvoirs publics : indépendamment des projets de loi de finances ou de financement de la sécurité sociale, qui obéissent nécessairement à un régime spécial, le Gouvernement conservera la faculté d’imposer l’examen de textes préparés ou acceptés par lui, mais sur la moitié seulement du temps de séance, l’autre moitié étant à la libre disposition des assemblées et partagé à leur gré entre les fonctions législatives – pour l’examen de projets ou propositions de lois – et les fonctions de contrôle. Pour éviter tout risque de blocage en cas de discordance entre majorité gouvernementale et majorité sénatoriale, le texte prévoit en outre qu’une assemblée saisie d’un texte voté par l’autre aura l’obligation de l’examiner dans un délai d’un mois, si du moins le Gouvernement le lui demande.
L’article 49, troisième alinéa de la Constitution est l’instrument emblématique du parlementarisme rationalisé. Il ne saurait rester en dehors d’une réforme qui se donne pour ambition de donner au Parlement une plus grande maîtrise du travail législatif et un rôle plus important dans la direction de notre pays. L’article 23 du projet en restreint donc le possible usage aux projets de loi de finances et de financement de la sécurité sociale et, pour le surplus, à un texte par session.
Plusieurs modifications tendent par ailleurs à améliorer la qualité de la loi en même temps qu’à renforcer le Parlement.
Celui-ci disposera, comme l’avait recommandé le comité présidé par M. Balladur, de davantage de temps pour examiner les textes qui lui sont soumis. Selon l’article 16 du projet, qui complète à cette fin l’article 42 de la Constitution, un délai d’un mois sera ainsi ménagé entre le dépôt d’un texte et son examen en séance ; il ne pourra y être dérogé qu’en cas d’urgence. De plus, la constatation par le Gouvernement de l’urgence, qui par ailleurs permet de provoquer la réunion d’une commission mixte paritaire après une seule lecture, pourra être mise en échec par un veto conjoint des conférences des présidents des deux assemblées ; tel est l’apport de l’article 19 du projet, modifiant l’article 45 de la Constitution. L’article 20 est un article de coordination concernant le régime des lois organiques défini à l’article 46 de la Constitution.
L’article 14 permet, sur demande du président de l’assemblée dont elles sont issues, l’examen par le Conseil d’Etat des propositions de loi, et non plus seulement des projets du Gouvernement. Cet examen interviendra avant le passage en commission et dans des conditions qui seront précisées par une loi.
L’article 15 du projet se donne pour objectif de lutter contre l’inflation législative en favorisant un meilleur respect du partage entre le domaine de la loi et le domaine du règlement : à cet effet, l’article 41 de la Constitution modifiée donnera au président de chaque assemblée, et non plus au seul Gouvernement, la faculté d’opposer l’irrecevabilité à un amendement intervenant dans une matière non législative. Quant à l’article 11, il étend, à l’article 34 de la Constitution, le domaine des lois de programmation, aujourd’hui limité à l’action économique et sociale de l’Etat. Il rend par exemple possible le vote par le Parlement d’une loi de programmation militaire assortie d’un rapport fixant les grandes orientations de la politique de défense, ce qu’une récente jurisprudence du Conseil constitutionnel semble interdire dans l’état actuel du texte.
La modification apportée par l’article 18 du projet à l’article 44 de la Constitution a un double objet. En précisant que le droit d’amendement s’exerce en séance ou en commission dans les conditions et limites fixées par le règlement de chaque assemblée, dans le cadre déterminé par une loi organique, elle permet d’abord l’institution de procédures réellement simplifiées pour l’examen de textes à caractère technique : le travail en commission sera, dans cette hypothèse, soumis à une simple ratification par l’assemblée plénière. Elle ouvre ensuite la voie, conformément à une recommandation du rapport du comité présidé par M. Balladur, à la fixation par la conférence des présidents d’une durée programmée d’examen des textes, à l’issue de laquelle la discussion serait close. Mise en oeuvre avec discernement, cette procédure, qui existait d’ailleurs dans les premières années de la Ve République, apportera une réponse aux phénomènes d’obstruction parlementaire et apparaît ainsi comme une mesure d’accompagnement du resserrement de l’article 49, al. 3. Elle renforcera, plus généralement, l’intérêt des débats.
La nouvelle rédaction des deux premiers alinéas de l’article 42 de la Constitution (article 16 du projet) est un élément majeur dans l’entreprise de renforcement du Parlement. Réserve faite des projets de loi de finances et de financement de la sécurité sociale, ainsi que des projets de révision de la Constitution, le texte discuté en séance plénière ne sera plus le projet du Gouvernement, mais le texte issu des travaux de la commission qui en a été saisie. Cette revalorisation essentielle du rôle des commissions bouleversera les méthodes de travail et les équilibres actuels dans l’élaboration de la loi. Elle est le gage, pour le travail parlementaire, d’une efficacité et d’un intérêt accrus. Elle devra s’accompagner d’une plus grande publicité des travaux des commissions et de la participation à ces derniers des représentants du Gouvernement.
L’entreprise de revalorisation du Parlement vise également ses fonctions de contrôle.
Tout en rappelant l’équilibre, aujourd’hui prévu aux articles 47 et 47-1, qu’elle doit maintenir entre Gouvernement et Parlement en matière de lois de finances et de financement de la sécurité sociale, l’article 47-2 nouveau, tel qu’issu de l’article 21 du projet, précisera que la Cour des comptes, qui contribue à l’évaluation des politiques publiques, assiste chacune des assemblées dans l’exercice de leur mission générale de contrôle. Liberté leur est laissée de s’assurer par ailleurs tout autre concours utile. L’annonce par le président de l’Assemblée nationale, dans la lignée des recommandations du comité présidé par M. Balladur, de la constitution, au sein de l’Assemblée, d’un comité d’évaluation et de contrôle renforce le dispositif. Ce comité pourra notamment coordonner les demandes d’assistance qui émaneront non plus seulement des commissions des finances et des affaires sociales, mais de l’ensemble des commissions permanentes.
L’article 22 imposera, à l’article 48 de la Constitution, l’organisation de séances de questions d’actualité pendant les sessions extraordinaires, ce qui jusqu’alors n’était qu’une faculté exceptionnellement mise en oeuvre.
Le projet de loi constitutionnelle comporte par ailleurs, en son article 13, une restriction notable des prérogatives de l’exécutif et en particulier du Président de la République en matière internationale, et corrélativement un renforcement souhaitable des pouvoirs du Parlement : il soumet à autorisation parlementaire la prolongation d’une intervention des forces armées à l’étranger au-delà d’une durée de six mois – étant observé qu’un tel acte d’autorisation, qui trouverait son fondement au deuxième alinéa nouveau de l’article 35 de la Constitution, ne saurait s’accompagner d’aucune condition concernant les modalités opérationnelles d’engagement des troupes. Sitôt l’intervention engagée, le Gouvernement aura déjà été tenu d’en informer le Parlement dans les plus brefs délais, l’information pouvant donner lieu à débat sans vote.
Le rôle du Parlement est aussi appelé à se renforcer en matière de politique européenne. En plus de la place que vient de reconnaître à chacune des assemblées la révision constitutionnelle du 4 février 2008 dans le contrôle du principe de subsidiarité, l’article 88-4 dans sa rédaction issue de l’article 32 du projet prévoira l’obligation de transmission au Parlement de tous les projets et propositions d’actes des Communautés européennes et de l’Union européenne, et non plus seulement des actes législatifs. Le texte consacre également la création, dans chaque assemblée, d’un comité chargé des affaires européennes, dont les compétences ne devront pas empiéter sur celles des commissions de l’article 43. Comme dans tous les autres domaines, et notamment en politique internationale, le droit de résolution s’appliquera en matière européenne, avec la particularité de pouvoir s’exercer en dehors même des sessions, de sorte que le Parlement puisse réagir en temps utile aux projets de texte en discussion au Conseil.
L’article 88-5 de la Constitution, issu de la révision de 2005, introduisait une exception inédite au principe rappelé à l’article 3 selon lequel le peuple, seul détenteur de la souveraineté, l’exerce indifféremment par ses représentants ou par la voie du référendum. Aussi l’article 33 du projet le modifie-t-il pour aligner la procédure d’adoption des lois autorisant la ratification des traités d’élargissement non pas sur la procédure législative ordinaire mais, compte tenu de leur importance, sur celle qui s’applique dans le cadre de l’article 89 aux projets de révision constitutionnelle. Ainsi qu’il est dit au III de l’article 35 du projet, réserve est faite, comme en 2005, des adhésions décidées avant le 1er juillet 2004, qui suivront la voie législative normale ; est concernée, en pratique, la Croatie.
Un Parlement renforcé est enfin un Parlement plus représentatif.
C’est pourquoi l’article 9 du projet, complétant sur ce point l’article 24 de la Constitution, prévoit que le Sénat assure la représentation des collectivités territoriales « en tenant compte de leur population ». L’objet de cette disposition est de surmonter les contraintes résultant de la décision n° 2000-431 DC du 6 juillet 2000 du Conseil constitutionnel, laquelle a eu pour effet d’interdire toute évolution de la composition du collège électoral sénatorial dans le sens d’un équilibre plus juste, en termes démographiques, entre petites, moyennes et grandes communes.
Le projet de loi met également fin à une singularité qui voulait que les Français établis hors de France ne soient représentés qu’au Sénat ; ils le seront aussi, en vertu de l’article 24 de la Constitution résultant de l’article 9 du projet, à l’Assemblée nationale.
Afin de mieux garantir l’égalité du suffrage, l’article 10 modifie par ailleurs l’article 25 de la Constitution pour imposer, tant pour l’élection des députés que pour celle des sénateurs, que les projets ou propositions tendant au redécoupage des circonscriptions ou à la répartition des sièges entre ces dernières soient soumis à l’avis public d’une commission indépendante dont la loi fixera les règles d’organisation et de fonctionnement.
L’article 25 dans sa nouvelle rédaction permettra en outre aux membres du Gouvernement cessant d’exercer leurs fonctions ministérielles de retrouver, le cas échéant, le siège dont ils étaient auparavant titulaires au Parlement sans avoir, comme aujourd’hui, à provoquer une élection partielle au caractère quelque peu artificiel. Cette réforme avait déjà été envisagée en 1974.
Enfin, il y a lieu d’indiquer que les droits nouveaux reconnus au Parlement ne produiront tous leurs effets sur l’équilibre des institutions que si l’opposition dispose de garanties renforcées, l’effet de discipline qui s’attache au fait majoritaire pouvant limiter la portée de prérogatives théoriques. Aussi le projet prévoit-il en son article 24 de surmonter les obstacles constitutionnels qui s’opposent aujourd’hui à ce que soient garantis des droits spécifiques aux groupes parlementaires qui n’ont pas déclaré appartenir à la majorité qui soutient le Gouvernement (article 51-1 nouveau de la Constitution). Sur cette base, des droits particuliers et nouveaux seront reconnus à l’opposition en matière, par exemple, de création de commissions d’enquête ou de missions d’information, ou de représentation dans diverses structures telles que les commissions d’enquête, missions d’information et équipes de contrôle de l’exécution des lois. En dehors même de la sphère parlementaire, l’article 1er du projet se propose d’ouvrir la possibilité, par un ajout à l’article 4 de la Constitution, de garanties spécifiques au profit des partis d’opposition ; sont par exemple visées les règles de financement ou les règles protocolaires.
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La réforme des institutions ne saurait limiter son ambition à l’amélioration des rapports entre pouvoirs constitués. Elle vise aussi à ce que les citoyens soient davantage écoutés, à ce que leurs aspirations soient mieux prises en compte, à ce que leurs droits soient garantis plus efficacement. A cette fin, le projet comporte, en troisième et dernier lieu, quatre séries de mesures.
Il ouvre d’abord la voie à une profonde réforme du Conseil économique et social. L’article 29 prévoit la possibilité de le saisir par voie de pétition citoyenne et l’article 30 affirme sa vocation particulière à intervenir sur les questions relatives à l’environnement. Ces mesures préfigurent une vaste réforme de la composition du Conseil, qui devra faire davantage de place aux organisations non gouvernementales, aux jeunes, notamment aux étudiants, et le cas échéant aux grands courants spirituels. Un projet de loi organique sera déposé à cet effet dans les prochaines semaines.
La réforme de 1974 élargissant la saisine du Conseil constitutionnel à soixante députés ou soixante sénateurs a marqué, en son temps, un progrès majeur de l’Etat de droit. Le projet propose, en ses articles 26 et 27, de franchir une étape supplémentaire en ouvrant aux justiciables la faculté de contester, par voie d’exception, la constitutionnalité de dispositions législatives déjà promulguées, réserve faite des textes antérieurs à 1958.
Les dispositions en cause seraient contrôlées sous l’angle non pas de la procédure ou de la compétence, qui n’intéressent que les rapports entre les pouvoirs publics, mais de leur conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution. Ce contrôle a posteriori serait confié au Conseil constitutionnel, charge aux juridictions des ordres administratif et judiciaire d’écarter les questions ne soulevant pas de difficulté sérieuse et de renvoyer les autres, selon les cas, au Conseil d’Etat ou à la Cour de cassation, chacune de ces cours suprêmes assurant pour sa part un rôle de filtre avant transmission au Conseil constitutionnel. Seraient ainsi conciliés l’exigence de sécurité juridique, le respect du Parlement, la nécessité de ne pas engorger le Conseil constitutionnel et le progrès dans la protection des droits fondamentaux.
Si le Conseil constitutionnel et les juridictions administratives et judiciaires ont un rôle éminent dans la protection des libertés, la garantie des droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations appelle aussi des instruments plus souples, susceptibles notamment de faire une juste place aux considérations d’équité. L’institution du médiateur de la République par la loi du 3 janvier 1973 a constitué, à l’époque, un progrès notable ; l’absence de saisine directe et la création ultérieure d’autorités dont la multiplicité affaiblit l’efficacité en ont cependant limité la portée. C’est pourquoi l’article 31 du projet institue, en un article 71-1 nouveau de la Constitution, un Défenseur des droits des citoyens, qui pourra être saisi par toute personne s’estimant lésée par le fonctionnement d’un service public ; une loi organique précisera ses modalités d’intervention ainsi que les autres attributions susceptibles, le cas échéant, de lui être dévolues en complément de sa mission constitutionnellement définie. Le périmètre d’intervention sera déterminé selon une approche pragmatique et progressive. Outre celles de l’actuel médiateur, pourraient notamment être reprises, dans un premier temps, les attributions du contrôleur général des lieux de privation de liberté ainsi que celles de la commission nationale de déontologie de la sécurité.
Enfin, l’article 28 du projet organise la refonte du Conseil supérieur de la magistrature. L’évolution du rôle que joue l’autorité judiciaire dans une démocratie moderne impose que le Président de la République cesse d’en assurer la présidence. Le texte dispose que la formation compétente à l’égard du siège sera présidée par le Premier président de la Cour de cassation et celle qui est compétente à l’égard du parquet par le Procureur général près la Cour de cassation. Le Garde des sceaux, ou son représentant, pourront toutefois assister aux séances du Conseil, sauf en matière disciplinaire. Pour garantir, outre l’indépendance de l’institution, sa nécessaire ouverture, il est également prévu que les magistrats (au nombre de sept au total, président compris) seront désormais minoritaires au sein du Conseil. Outre un conseiller d’Etat désigné par le Conseil d’Etat et un avocat, dont la loi organique précisera qu’il sera désigné par le Conseil national des barreaux, six personnalités qualifiées désignées à raison de deux chacun par le Président de la République, le président de l’Assemblée nationale et le président du Sénat, complèteront la composition du Conseil supérieur de la magistrature. Dans la même logique, une loi organique modifiera l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 relative au statut de la magistrature pour permettre la saisine disciplinaire du Conseil supérieur de la magistrature par les justiciables eux-mêmes, avec des filtres appropriés, et non plus seulement par le Garde des sceaux et les premiers présidents de cours d’appel. Le projet prévoit en dernier lieu que le Conseil sera appelé, dans un souci de transparence, à émettre un avis sur les nominations des procureurs généraux alors que, s’agissant du parquet, il ne peut aujourd’hui le faire qu’à l’égard des procureurs et substituts.
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Les articles 34 et 35 du projet comportent les dispositions transitoires et fixent, de manière générale, les conditions d’entrée en vigueur de la présente loi constitutionnelle.
Ainsi qu’il est dit au II de l’article 34, la plupart des dispositions relatives à la procédure législative ou, de manière générale, au fonctionnement du Parlement entreront en vigueur le 1er janvier 2009, de manière à laisser aux assemblées parlementaires le temps d’adapter leurs règlements. Comme il est naturel, les projets ou propositions de lois dont l’examen aurait déjà commencé à cette date continueront à suivre les règles aujourd’hui applicables en ce qui concerne, notamment, les délais et le texte qui vient en discussion en séance.
Le I du même article rappelle que, pour les dispositions dont la mise en oeuvre nécessite l’adoption d’une loi organique ou ordinaire d’application, c’est à cette dernière qu’il reviendra de fixer les conditions d’entrée en vigueur. Il est toutefois nécessaire de préciser dans la loi constitutionnelle que les nouvelles règles relatives au caractère temporaire du remplacement des parlementaires acceptant des fonctions gouvernementales s’appliquera non seulement pour l’avenir, mais aussi aux ministres en fonctions lors de l’entrée en vigueur de la loi organique d’application ; tel est l’objet du IV de l’article 34.
Enfin, les dispositions qui n’appellent pas de texte d’application et pour lesquelles il n’en est pas disposé autrement entreront en vigueur immédiatement. Le III de l’article 34 prévoit toutefois, par exception à ce principe, une entrée en vigueur différée pour les dispositions relatives à l’élection des sénateurs, qui n’affecteront pas le renouvellement partiel prévu en septembre 2008, mais les suivants.
L’article 35 règle les questions posées, s’agissant du titre XV de la Constitution, par la probable entrée en vigueur du traité de Lisbonne. Le I adapte par anticipation les termes des articles 88-4 et 88-5 résultant de la présente révision constitutionnelle à la nouvelle typologie des actes européens. Le II procède à l’abrogation technique de dispositions transitoires issues des révisions du 1er mars 2005 et du 4 février 2008 et devenant sans objet du fait de la présente loi constitutionnelle. Ainsi qu’il a été dit plus haut, le III maintient enfin le sort particulier fait depuis l’origine à la Croatie afin de permettre le recours à la procédure législative ordinaire pour autoriser son éventuelle adhésion à l’Union européenne.
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