La IVème République entérine la «Constitution Grévy», c'est-à-dire une interprétation restrictive des prérogatives présidentielles. De nombreux pouvoirs, attribués au Président par la Constitution de 1875, mais peu utilisés dans la pratique, disparaissent dans la Constitution de 1946. Elu par le Parlement réuni en Congrès, le Président est politiquement irresponsable, l'intégralité de ses actes devant être contresignée par le président du Conseil et les ministres concernés. Il perd l'initiative des lois ainsi que le pouvoir réglementaire et le droit de dissolution, dévolus tous deux au président du Conseil. Il préside, entre autres, sans y exercer de réelles responsabilités, le Conseil des ministres, le Conseil supérieur de la magistrature, le Comité de la défense nationale, l'Union française et le Comité constitutionnel.
Son réel pouvoir réside dans le choix du président du Conseil. C'est un choix qu'il partage avec l'Assemblée nationale, puisque celle-ci doit investir de sa confiance la personne désignée avant qu'elle ne soit officiellement nommée par le Président de la République. Celui-ci n'en joue pas moins un rôle important dans le dénouement des nombreuses crises ministérielles. C'est lui, en effet, qui consulte les présidents des chambres et les chefs de partis afin de créer un consensus sur la personnalité pressentie. Ce rôle est d'autant plus délicat que d'une crise à l'autre, le même personnel politique est toujours sollicité, sans alternance véritable. L'autorité morale du Président est primordiale dans la négociation.
Vincent Auriol avait étendu au maximum ses prérogatives de Président, en se dotant de services de documentation et d'information efficaces et en faisant du Conseil des ministres le véritable centre décisionnel du Gouvernement. Il avait donc une excellente connaissance des dossiers. Son influence s'exprimait aussi dans ses discours, lors de déplacements ou d'inaugurations.