Descendant d’une lignée de médecins républicains, Georges Clemenceau naît le 28 septembre 1841 à Mouilleron-en-Pareds (Vendée). Durant ses études de médecine, il s’oppose activement au régime de Napoléon III avant de partir aux Etats-Unis, où il demeure jusqu’en 1869. Dès l’avènement de la IIIe République, il est élu maire du 18e arrondissement de Paris puis député à l’Assemblée nationale (février 1871). Pendant la Commune, sa position de médiateur lui vaut la défiance tant des « communards » que des « versaillais ». Député de la Seine de 1876 à 1885 puis du Var de 1885 à 1893, il s’impose peu à peu comme l’un des chefs du Parti radical et entame une carrière de « tombeur de ministères », s’opposant violemment à Jules Ferry. Après avoir favorisé l’ascension du général Boulanger, il en dénonce le populisme. En revanche, bien qu’il n’y soit pas mêlé, l’affaire de Panama est utilisée à ses dépens et il est défait aux législatives de 1893, se consacrant alors au journalisme, dans La Justice, l’Aurore puis le Bloc. Dreyfusard, c’est lui qui choisit le titre de l’article de Zola, J’accuse.
Elu sénateur du Var en avril 1902, il intègre le groupe de la Gauche démocratique et choisit pour siéger le fauteuil de Victor Hugo. Le 30 octobre 1902, il soutient Emiles Combes dans l’application inflexible de la loi du 1er juillet 1901, relative à la liberté d’association, en rejetant cependant toute persécution à l’égard des religions. Le 17 novembre 1903, lors de l’examen de projets et propositions de lois sur l’enseignement secondaire, il défend la liberté de l’enseignement – « Je repousse l’omnipotence de l’Etat laïque, parce que j’y vois une tyrannie » – excepté pour les congrégations, qui nient selon lui les « principes de la société française ». Son but est « la sécularisation de l’Etat. Faire descendre l’Eglise de son trône de domination pour la reléguer dans le domaine de la liberté ». Par voie de presse, il reproche à Combes ses tergiversations sur ce point et l’attaque plus vivement encore sur l’affaire des fiches, participant ainsi à la chute du cabinet. Lorsque la séparation des Eglises et de l’Etat est finalement votée, sous le cabinet Rouvier, Clemenceau n’est pas complètement satisfait par le texte proposé. Le 23 novembre 1905, il prend la parole contre l’article 4, qui place les associations cultuelles chargées d’administrer les biens de l’Eglise sous la tutelle des évêques. Cette soumission à Rome lui paraît contraire à l’indépendance des catholiques français : ici le gallicanisme l’emporte sur l’anticléricalisme. Il vote cependant la loi, car l’urgence l’emporte sur le détail.
Nommé ministre de l’Intérieur du cabinet Sarrien, en mars 1906, il est immédiatement confronté aux problèmes posés par l’application du texte, notamment les fameux inventaires. Le 20 mars 1906, il promet de faire preuve de modération : « Nous trouvons que la question de savoir si l’on comptera ou si l’on ne comptera pas des chandeliers dans une église ne vaut pas une vie d’homme ». Dix jours plus tard, un incident l’oblige cependant à défendre le droit des gendarmes à répliquer aux violences des manifestants.
Après les élections de mai 1906, qui marquent une victoire de la gauche républicaine, il vient faire à la tribune du Sénat une déclaration de politique générale, annonçant de multiples réformes qu’il tente de mettre en œuvre en arrivant à la Présidence du Conseil, en octobre 1906. Les événements rendent difficile l’application de son programme : après les inventaires, c’est la question sociale qui focalise l’attention du Gouvernement, par une vague de grèves accompagnées de violence.
Pendant sa présidence, Clemenceau s’exprime peu au Sénat, laissant la parole à ses ministres. Ses apparitions viennent appuyer la politique gouvernementale sur quelques points clés. Ainsi défend-il, le 11 décembre 1906, le transfert des cendres de Zola au Panthéon, face à des opposants qui, encore mal convaincus de l’innocence de Dreyfus, vilipendent une littérature « pornographique » et trop peu nationaliste. Le 25 juin 1908, Clemenceau argumente en faveur du rachat de la Compagnie des chemins de fer de l’Ouest, affirmant la capacité de l’Etat à administrer un tel bien. Le 9 juillet 1907, il s’explique sur la révolte des viticulteurs dans le Midi et justifie son attitude vis-à-vis des mutins du 17e régiment d’infanterie. Après avoir acquis une redoutable réputation de briseur de grèves, il défend, le 15 juin 1909, l’amnistie des fauteurs de troubles, afin de « calmer les esprits » et de les « préparer à l’observation des lois en leur montrant que le Gouvernement n’est pas impitoyable ». Par ailleurs, le 9 juillet, lors de l’examen d’une proposition de loi relative à la réglementation du travail et aux conditions de retraite du personnel des chemins de fer français, il s’oppose aux dispositions tendant à restreindre le droit de grève : on ne peut « prévenir en supprimant la liberté, pour ne pas avoir à punir les excès de la liberté ».
Le 20 juillet 1909, cinq mois après sa réélection comme sénateur du Var, le cabinet Clemenceau tombe. L’ancien Président du Conseil siège silencieusement jusqu’en 1912, avant de s’impliquer dans les débats touchant aux relations internationales et à la préparation de la guerre. Membre d’une commission chargée d’examiner la convention conclue en novembre 1911 entre la France et l’Allemagne, il dénonce un « monstre diplomatique », une étape vers de nouvelles concessions, impropre à garantir la paix. En 1913, il prend tour à tour position contre l’élection des députés à la représentation proportionnelle et pour l’allongement à trois ans du service militaire. En juillet 1914, il interpelle le ministre de la guerre sur la situation de l’armement français relativement à celui de l’Allemagne. Dès le commencement du conflit, il s’implique fortement dans le contrôle de l’action gouvernementale par le Parlement, en présidant, à partir de 1915, la commission des affaires étrangères et la commission de l’armée, qui convoquent incessamment les ministres pour leur demander des comptes précis et adoptent environ 300 rapports entre 1915 et 1918. Clemenceau se rend régulièrement dans les tranchées, s’inquiétant de la situation matérielle et morale des soldats, comme il continuera à le faire jusqu’en 1918. Dans les comités secrets qui sont institués entre 1916 et 1917 pour permettre au Parlement de poursuivre son action en garantissant la confidentialité de ses travaux, il interroge les ministres sur la situation économique (5 juillet et 23 décembre 1916) et sur l’action militaire elle-même.
Son intervention la plus marquante a cependant lieu en séance publique, le 22 juillet 1917, lorsqu’il dresse contre le ministre de l’intérieur, Louis Malvy, un impitoyable réquisitoire, lui reprochant son laxisme à l’égard des anarchistes antipatriotes, son refus d’utiliser le carnet B et l’insuffisance des poursuites contre la propagande pacifiste. Son discours est un prélude aux procédures engagées devant la Haute Cour contre Louis Malvy et Joseph Caillaux. Il contribue également à la chute du cabinet Painlevé. Poincaré appelle Clemenceau à la présidence du Conseil, le 16 novembre 1917.
(JPG - 197 Ko)La victoire approchant, Clemenceau réunit sur sa personne une approbation unanime. On ordonne l’affichage du discours qu’il prononce au Sénat le 17 septembre 1918, pour annoncer le triomphe prochain des Alliés. Le 7 novembre, les sénateurs adoptent une proposition de loi rendant hommage aux armées, à Clemenceau et au maréchal Foch comme ayant bien mérité de la patrie. Le jour de l’armistice, le Président du Conseil donne une brève allocution, en l’honneur d’une France « autrefois soldat de Dieu, aujourd’hui soldat de l’humanité, toujours soldat de l’idéal ». Dans la même séance, le Sénat vote une motion afin que le buste de Clemenceau soit placé à « côté des bustes des grands Français qui ont illustré la Haute Assemblée ». Cependant, les difficultés de l’après-guerre et la négociation du traité de Versailles font renaître les critiques. Clemenceau lasse et il est devancé par Deschanel lors de l’élection à la présidence de la République, en janvier 1920. Il quitte alors ses fonctions et se retire de la vie politique jusqu’à son décès le 26 novembre 1929.
Le 30 mai 1934, le Sénat décide de poser une médaille à la place qu’il occupait dans la salle des séances.