Victor Schoelcher naît à Paris le 22 juillet 1804 au sein d'une riche famille de fabricants de porcelaine. C'est en qualité d'associé de la manufacture qu'il effectue ses premiers voyages en Amérique et découvre les réalités de l'esclavage. Il se détache dès 1832 des activités commerciales pour se consacrer entièrement à la défense des grandes causes qui ne cesseront d'animer sa vie. Opposé à la Monarchie de Juillet, il participe à la création de journaux républicains qui lui servent de tribune dans son combat abolitionniste. Dès l'avènement de la Seconde République , il réussit, en dépit des oppositions, à imposer le fameux décret d'abolition de l'esclavage dans tous les territoires français en 1848. Élu représentant de la Martinique puis de la Guadeloupe à l'Assemblée Nationale, son opposition au coup d'État du 2 décembre 1851 le contraint à l'exil. Il ne regagne la France que dans la tourmente de 1870 et choisit de représenter la Martinique après les élections de 1871.
Le 16 décembre 1875, il est élu sénateur inamovible, se fait inscrire à l'Union républicaine, puis à l'extrême gauche où il siège à côté de Victor Hugo.
Il poursuit au Sénat les combats qu'il a toujours menés en faveur des justes causes.
« J'ai l'honneur de déposer sur le bureau du Sénat une proposition ayant pour objet l'abolition de la peine de mort ». C'est en ces termes qu'en juin 1876, vingt-sept ans après l'avoir déjà défendue devant l'Assemblée législative, il tente, en vain, d'apporter la preuve « de l'inefficacité de la peine de mort comme peine répressive » qui n'est pour lui qu'« un restant de la féroce loi du talion ».
Dans le cadre de la discussion budgétaire de 1876, il interroge le ministre des travaux publics sur l'avancement du dossier relatif au chauffage des voitures de chemin de fer de 3ème classe dont il avait obtenu la couverture en 1850.
En 1877, il dépose une proposition de loi interdisant la bastonnade, peine en usage dans les bagnes, « châtiment que l'humanité défend ». Considérant qu'il s'agit d'une mesure disciplinaire qui relève du domaine règlementaire, le texte est rejeté par la commission d'initiative parlementaire.
Dans son combat pour la reconnaissance des droits de l'Homme, Victor Schoelcher milite aussi en faveur des droits de la femme. Si son action législative en la matière reste mineure, il participe à plusieurs mouvements féministes et apporte son soutien à leurs publications. Il intervient particulièrement pour réclamer l'égalité civile : « affranchir la femme de l'état d'infériorité où la tient encore notre législation, c'est faire œuvre d'équité, travailler au bien de la société tout entière ». Il est signataire de la proposition de loi permettant aux femmes d'être témoins dans les actes publics ou civils et dépose, au nom de la Société pour l'amélioration du sort des femmes, une pétition relative à la prostitution.
Alerté par des faits d'esclavage relevés au Sénégal, il interpelle le ministre de la marine et des colonies durant la séance du 2 mars 1880 : « Je dis que les intérêts moraux doivent toujours être mis au-dessus des intérêts matériels et qu'il n'est pas d'avantages commerciaux ou politiques qu'on puisse légitimement faire prévaloir sur les droits imprescriptibles de l'humanité. Nous voulons civiliser l'Afrique, commençons par nous y rendre respectables en ne faisant pas taire nos lois devant l'esclavage ».
A l'occasion de l'examen du projet de loi tendant à rendre l'enseignement primaire obligatoire, il est nommé président de la commission chargée d'étudier le texte présenté par le Gouvernement. Soucieux du développement de l'instruction publique, il a obtenu dès 1848 l'ouverture d'écoles gratuites et obligatoires dans les colonies. Il intervient néanmoins peu dans les débats qui se tiennent au Sénat en 1881 et 1882. Lorsqu'il prend la parole, le 23 mars 1882, contre l'amendement visant à interdire à toute personne ayant fait une déclaration publique d'athéisme d'exercer les fonctions d'instituteur, il déclenche dans l'hémicycle de « vives rumeurs et bruyantes exclamations à droite ». Victor Schoelcher justifie son vote négatif par une « raison personnelle : je suis athée ».
De même, le 8 février 1883, lors de la discussion de la proposition de loi relative au serment judiciaire, Schoelcher monte à la tribune car il estime « dangereux pour la morale publique de vouloir imposer le serment religieux ». Une nouvelle fois il affirme son athéisme : « croire ou ne pas croire en un dieu est affaire d'examen, de raisonnement, de sentiment, on ne croit pas ce qu'on veut. Dans ma vie déjà longue, j'ai cherché Dieu, sincèrement, gravement : je ne l'ai pas trouvé ».
En revanche, s'il propose régulièrement de réduire le budget des cultes et plus particulièrement le traitement des cardinaux et des évêques qu'il estime trop payés, il n'hésite pas à demander, en qualité de grand amateur d'art, le rétablissement des crédits de fonctionnement des maîtrises des cathédrales et leur transfert du ministère des cultes au ministère des beaux-arts. « Qu'on croit ou qu'on ne croit pas à une religion, la musique religieuse existe avec son caractère particulier qui en fait une branche exquise de l'art ».
Un autre sujet qui lui tient à cœur est celui de la protection de l'enfance. Il présente au Sénat, en 1882, un rapport sur la protection des enfants abandonnés et propose la création dans chaque arrondissement de Paris d'un hospice destiné à prendre en charge les enfants trouvés.
En outre, il poursuit son idéal d'égalité et de justice entre tous les hommes : le 24 février 1884, il défend un article additionnel visant à rendre la loi relative à la création de syndicats professionnels applicable aux colonies : « les ouvriers des colonies sont absolument dans les mêmes conditions que les ouvriers français ; ils sont soumis aux mêmes règles, aux mêmes lois, et par conséquent il me parait juste de les faire bénéficier des avantages de la présente loi ».
La même année, lors de la discussion du projet de loi qui prévoit la transportation des récidivistes en Guyane, il s'interroge sur la place accordée à cette lointaine colonie : « n'est-elle donc pas en réalité un département d'outre-mer égal de tous points à un département continental ? » Dans le même temps, il s'intéresse au sort réservé aux condamnés : « les récidivistes sont des criminels particulièrement odieux ; il faut, je le sais, trouver un moyen d'en purger la société, mais les jeter dans des conditions qui aboutissent presque certainement à mettre leur vie en péril, c'est ce que personne ne peut vouloir ».
(JPG - 199 Ko)C'est à travers un article de presse paru dans Le Rappel qu'il prend position contre le projet de loi du 15 août 1884 relatif à l'organisation du Sénat. Alors même qu'il en fait partie, il préconise la suppression des sénateurs inamovibles, et prône un système démocratique d'élection au suffrage universel.
A partir de 1885, Victor Schoelcher n'intervient plus dans les débats mais se fait toujours un devoir d'assister à toutes les séances. Lorsqu'il s'éteint en décembre 1893, les funérailles nationales demandées par ses amis sont refusées par le Bureau du Sénat.
En 1948, Gaston Monnerville, président de la Haute Assemblée et membre du « groupe du souvenir de Victor Schoelcher » organise les cérémonies de commémoration du décret d'abolition de l'esclavage. Il fait apposer une médaille dans la salle des séances du Sénat et prononce à la radio une allocution à l'occasion de l'entrée solennelle de Schoelcher au Panthéon. Sa constante action pour l'égalité des hommes « l'a rendu digne de rejoindre les gloires les plus hautes que la France honore en son Panthéon national ».
Un hommage lui est rendu lors de la séance du 28 avril 1998, (voir la vidéo), à l'occasion de la commémoration par le Sénat du cent-cinquantenaire de l'abolition de l'esclavage.