Loi n° 2004-734 du 26 juillet 2004 modifiant la loi n°2003-322 du 9 avril 2003 relative aux entreprises de transport aérien et notamment à la société Air France (Journal officiel du 28 juillet 2004 ).

En prévision du transfert de la majorité du capital de la société Air France du secteur public au secteur privé, la loi du 9 avril 2003 relative aux entreprises de transport aérien et notamment à la société Air France a prévu des mécanismes permettant de préserver la nationalité des sociétés françaises cotées de transport aérien, et a défini les conditions dans lesquelles serait effectuée la privatisation.

Ce projet de loi, de nature essentiellement technique, tend à adapter le dispositif mis en place en 2003, qui n'avait pas anticipé les modalités particulières de la fusion des sociétés Air France et KLM. La loi de 2003 prévoyait en effet que l'entreprise cotée sur le marché serait directement titulaire de la licence de transporteur aérien. Or, à la suite de la fusion des deux sociétés, une structure constituée d'une société holding Air France-KLM et de deux filiales opérationnelles, Air France et KLM, sera mise en place, la holding Air France-KLM devant être cotée en bourse. Il est donc nécessaire de modifier la loi en vigueur afin de prévoir que celle-ci s'applique, non seulement aux sociétés de transport aérien cotées, mais aussi aux sociétés qui ont pour objet de contrôler le capital de sociétés de transport aérien.

Pour l'essentiel, le projet de loi tend à adapter le texte de 2003 à la nouvelle structure en holding du groupe Air France-KLM, car la filialisation du transporteur aérien a rendu inapplicables les dispositions relatives à la préservation des droits de trafic, à la composition du conseil d'administration d'Air France et au dispositif de prise de participation du personnel dans le capital de la compagnie aérienne.

Première lecture.

L' Assemblée nationale , en première lecture, a modifié l' article premier visant à préserver les droits de trafic et la licence d'exploitation de transporteur aérien d'Air France, afin de prévoir le cas où cette société, filialisée, serait par la suite « sous-filialisée ». Elle a également introduit dans le projet de loi un article 3 bis destiné à permettre aux personnels navigants commerciaux le maintien de conditions favorables de cessation d'activité.

Au cours de la discussion générale au Sénat , M. François Goulard, secrétaire d'Etat aux transports et à la mer, a présenté l'objet essentiellement technique du projet de loi, motivé par la fusion entre Air France et KLM, qui avait eu pour effet de diminuer la part de l'Etat dans le capital d'Air France. Il a fait valoir que cette « opération heureuse » avait conduit mécaniquement à la privatisation. Jugeant qu'il ne s'agissait pas de « privatiser par idéologie », mais d'« asseoir la solidité et le développement des grands groupes industriels français en leur donnant les conditions de leur développement et de leur essor », le secrétaire d'Etat a estimé que les complémentarités entre les deux entreprises justifiaient la fusion Air France-KLM.

L'adaptation de la loi de 2003 visait donc, a poursuivi M. François Goulard, à assurer l'adaptation de la loi en vigueur au montage juridique retenu pour la fusion Air France-KLM et à l'organisation de ce groupe.

M. Jean-François Le Grand, rapporteur de la commission des affaires économiques, a rappelé l'historique de la société Air France ainsi que les modalités de privatisation retenues dans le cadre de la loi de privatisation de en 1993, qui n'avaient fait l'objet d'aucune remise en cause pendant la précédente législature. Il a insisté sur la « pertinence » à la fois de la fusion entre Air France et KLM et du projet de loi, insistant sur le fait que les deux compagnies, alliées, étaient devenues le premier groupe mondial en termes de chiffres d'affaires et le troisième en termes de trafic. Le rapporteur a qualifié d'« obsolètes » les convictions exprimées par les auteurs d'amendements tendant à supprimer les dispositions du texte qui tiraient les conséquences de la constitution du nouveau groupe.

M. Yvon Collin, rapporteur pour avis de la commission des finances, a motivé le dépôt de ce projet de loi, un an à peine après l'adoption de la loi du 9 avril 2003 qu'il visait à modifier, et alors que le Parlement connaissait un ordre du jour assez chargé, par la nécessité d'adapter les textes en vigueur à la nouvelle donne issue de la fusion entre Air France et KLM. Il a constaté que les difficultés auxquelles la société Air France était confrontée au début des années soixante-dix - endettement important, conflits sociaux fréquents - avaient été considérablement atténuées, et qu'Air France justifiait aujourd'hui la « confiance constante des gouvernements de tous bords et du législateur ». Ce « retournement de situation » était dû, a relevé le rapporteur pour avis, à la qualité de la flotte, modernisée « grâce à une politique d'acquisition ambitieuse », à celle du hub de Roissy, à un « dialogue social rénové au sein de la compagnie », et aux effets de l'alliance nouée avec de grands partenaires étrangers au sein de SkyTeam, qui avait permis à Air France d'« afficher clairement sa vocation mondiale ».

M. Collin a estimé que le projet de loi permettrait au mécanisme de contrôle de la nationalité de l'actionnariat et à la procédure de vente forcée des titres créés par la loi du 9 avril 2003 de s'appliquer non seulement aux sociétés cotées détentrices d'une licence d'exploitation, mais aussi à celles qui, sans posséder une telle licence, détiendraient néanmoins la majorité du capital et des droits de vote d'une entreprise de transport aérien. Il a également insisté sur le fait que la loi en discussion constituerait « une avancée importante dans la construction de l'Europe industrielle que nous appelons de nos voeux ».

Dans la discussion générale sont ensuite intervenus Mme Odette Terrade, qui a assimilé le projet de loi, dont elle a déploré l'examen « en un temps record », à une « régression radicale » dans laquelle était selon elle engagée la société française du fait des privatisations, MM. Ernest Cartigny, pour se féliciter que les « réactions dogmatiques [soient] totalement dépassées aujourd'hui », et que la nécessité des privatisations ne soit plus à démontrer, Daniel Reiner, qui a rappelé l'opposition des groupes socialistes de l'Assemblée nationale et du Sénat à la loi du 9 avril 2003, et Mme Jacqueline Gourault.

Au cours du scrutin public n° 236 demandé par le groupe CRC , le Sénat, suivant l'avis du Gouvernement et de la commission, a alors rejeté la motion tendant à opposer la question préalable présentée par ce groupe et défendue par Mme Marie-France Beaufils, qui a assimilé la privatisation à un « retour en arrière », a déclaré n'avoir pas trouvé un seul argument convaincant en faveur de la privatisation d'Air France, a déploré que le Gouvernement permette à des intérêts privés de « se réapproprier des pans entiers de notre économie », et a qualifié de « périlleux » le chemin que le Gouvernement souhaitait faire parcourir à Air France du fait de sa privatisation.

Puis le Sénat a abordé la discussion des articles au cours de laquelle sont intervenus, outre les rapporteurs et le secrétaire d'Etat, Mme Hélène Luc, MM. Reiner, Jean Chérioux, Mme Evelyne Didier, MM. Roger Karoutchi, Jean-René Lecerf et Mme Terrade.

Ont ensuite été repoussés, à la demande de la commission et du Gouvernement :

- un amendement du groupe socialiste tendant à modifier le code de l'aviation civile pour permettre la transformation d'une action ordinaire de l'Etat en action spécifique ;

- au cours du scrutin public n° 237 demandé par le groupe CRC , deux amendements identiques des groupes CRC et socialiste tendant à supprimer l' article premier ;

- un amendement du groupe socialiste tendant à supprimer de l' article premier les termes destinés à permettre à Air France de se « sous-filialiser » ;

- cinq amendements du groupe CRC tendant à supprimer les articles 2 , 3 , 3 bis , 4 et 5 ;

- deux amendements du groupe socialiste tendant, à l' article 3 bis , à fixer à 55 ans l'âge de cessation d'activité des personnels navigants commerciaux, et à prévoir que, si cet âge était fixé par décret, cette détermination interviendrait après consultation des partenaires sociaux.

Le Sénat a alors entendu les explications de vote de Mme Gourault, MM. Lecerf, Reiner, Mme Beaufils et M. Le Grand. Il a ensuite adopté le projet de loi dans le texte transmis par l'Assemblée nationale, qu'il a ainsi rendu définitif .