L’évolution du concept de souveraineté ne devrait pas conduire à l’élaboration d’un instrument juridique nouveau mais à une reflexion sur le fonctionnement du Conseil de sécurité et un rééquilibrage au profit du principe d’égalité2-1 Un instrument juridique reconnaissant l’ingérence est inutile
Depuis 1988 un large débat, en large partie à l’initiative française, a été lancé sur la notion de droit d’ingérence, notamment dans le domaine humanitaire, qui ne se confond pas avec le droit de regard que prévoit implicitement la Charte.
On peut définir le principe du devoir d’ingérence humanitaire comme l’invocation, à l’encontre de la légalité des souverainetés nationales, de la légitimité des solidarités humaines.
Quant au droit d’ingérence humanitaire, en théorie c’est la reconnaissance par la communauté des États de la supériorité de cette légitimité sur la légalité internationale.
La question de l’introduction dans le droit international positif d’un nouvel instrument juridique a été posé de nombreuses fois.
En fait, l’évolution de la pratique des Opérations de maintien de la paix (OMP) et l’extension concomitante de l’utilisation du chapitre VII (« La paix et la sécurité internationales ne découlent pas seulement de l’absence de guerres et de conflits armés. D’autres menaces de nature non militaires à la paix et à la sécurité trouvent leur source dans l’instabilité qui existe dans les domaines économique, social, humanitaire ou écologique » Déclaration du Président du Conseil de sécurité – 31 janvier 1992), la naissance des Opérations d’imposition de la paix, la création des zones de sécurité ont consacré de facto le droit d’ingérence notamment dans sa dimension humanitaire.
Du reste cette évolution doit apparaître plutôt comme une retour à la lettre et à l’esprit de la Charte. L’utilisation minimaliste du chapitre VII était le résultat de la guerre froide et de la bipolarisation du monde ainsi que le l’abus du droit de veto qui en découlait.
L’article premier de la Charte lie de manière évidente le maintien de la paix, le respect des droits des peuples, la coopération internationale comme outil de solution des problèmes d’ordre économique, social, intellectuel ou humanitaire, et la défense des droits de l’homme.
2-2 une réflexion sur le fonctionnement du Conseil de sécurité est nécessaire
L’effondrement du monde bipolaire a conduit à une hypertrophie du rôle du Conseil de sécurité au détriment de l’Assemblée générale dont le rôle délibérant et les compétences d’études et de propositions conservent toute leur utilité.
Aux termes de la Charte (article 24) le Conseil de sécurité a « la responsabilité principale du maintien de la paix et de la sécurité internationales » ….. il agit « agit conformément aux buts et principes des Nations Unies ». Cette responsabilité s’exerce dans le cadre des chapitres VI, VII, VIII et XII de la Charte.
Cette émergence au premier plan du Conseil va naturellement de pair avec l’extension des opérations de maintien de la paix sous couvert du chapitre VII ; extension qui constitue la véritable innovation de la pratique des dix dernières années. Ces opérations incluent à présent, au delà du simple maintien de la paix au sens policier du terme, la construction de la paix par la promotion des droits de l’homme et du droit humanitaire.
On a pu a assister, notamment à partir des années 90, à une sorte de dérive pénaliste de l’action du Conseil, chargé par la Charte de pouvoirs de police internationale, et non de sanction quasi judiciaire du droit.
Il serait pourtant possible de fixer des critères à l’ingérence qui permettraient d’orienter la décision d’application de l’article VII de la Charte par le Conseil de sécurité. Ces critères pourraient du reste n’être qu’une déclinaison de ceux proposés par Saint Thomas d’Aquin pour définir la guerre juste :
Mettre fin à une situation injuste
Poursuivre des objectifs justes, ce que Thomas d’Aquin appelle « l’intention droite »,
Faire conduire l’intervention par une autorité légitime
A ces trois conditions il faudrait en rajouter une plus actuelle :
Veiller à l’égalité de tous devant l’ingérence
Les membres du Conseil de sécurité pourraient également s’autodiscipliner quant à l’utilisation de leur droit de veto et s’engager à ne pas y recourir pour empêcher des interventions indispensables dès lors que les critères précédemment cités auraient été remplies.
En outre, les décisions du Conseil ne sont pas tenues à être motivées et échappent de ce fait à tout contrôle de légalité. Outre une transparence plus grande de la prise de décision du Conseil et de ses motivations, l’Assemblée générale devrait pouvoir exprimer son point de vue.
Enfin, la question de l’élargissement du Conseil de sécurité à d’autres membres est un des points cruciaux de l’évolution des Nations unies. L’ensemble de ces remarques devrait déboucher sur un rééquilibrage de l’égalité.
2-3 Rééquilibrer le principe d’égalité
Le déclin relatif de la notion de souveraineté, l’hypertrophie du rôle du Conseil de sécurité et le tendance à l’unipolarisation du monde devraient être rééquilibrés par une revalorisation du principe d’égalité des Etats.
La déclaration du Groupe des 77 à La Havane en avril 2000 permet de souligner un point fondamental : en dépit de toutes les assertions de principe, l’égalité est un leurre en termes de droit international et comme le souligne M. Philippe Moreau Desfarges « l’ingérence est par nature inégalitaire, impliquant quelqu’un qui fait l’objet de l’ingérence. l’ingérence ne peut qu’être suspecte dans un monde organisé autour de l’égalité souveraine d’Etats, fondamentalement inégaux dans les faits »
« Pourtant il est possible d’édifier une ingérence égalitaire, démocratique. Celle-ci requiert la réciprocité : chacun doit pouvoir s’ingérer dans les affaires des autres et réciproquement.
Cette application de l’égalité mutuellement consentie des Etats les uns vis-à-vis des autres est particulièrement organisée en Europe.
L’ingérence égalitaire est rendue possible par les dispositions des traités et notamment celui d’Amsterdam dont l’article 6 prévoit que « l’Union est fondée sur les principes de la liberté, de la démocratie, du respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales ». L’article 7 de ce traité prévoit une procédure en cas de violation grave et persistante par un Etat membre des principes énoncés à l’article 6.
La constitution de la Cour pénale international va parfaitement dans le sens de cette ingérence égalitaire. L’UIP qui a apporté son soutien politique aux TPI crées par l’ONU lors de sa réunion d’Amman (octobre 1999) engage les Etats à ratifier sans réserve le statut de Rome de la CPI et d’ajuster leurs lois et règlements aux exigences de ce statut.
Il est par ailleurs particulièrement intéressant de constater que la diversité et la relativité des cultures et des civilisations est un principe fondateur des relations internationales. Ce principe d’égalité permet de souligner le fait que l’évolution de chaque société inscrit son expérience historique dans un rythme qui lui est propre et dont il faut tenir compte.
L’effort de la communauté internationale, respectueux de cette diversité des modèles culturels, doit tendre à définir des valeurs communes universelle et de les consacrer par le droit international.
Si ces valeurs universelles – droits de l’homme, libertés fondamentales, développement économique et social, élections libres et démocratiques etc…. – font désormais l’objet d’un consensus, leur application doit tenir compte de chaque contexte national ou régional, seul garantie de ne pas plaquer artificiellement un modèle uniforme.
3 – Approfondir l’action et la vision parlementaire dans les affaires internationales
Lors de la Conférence des Présidents des parlements nationaux au siège de l’ONU du 30 août au 1er septembre 2000 il a été appelé a développer la vision et l’action parlementaires dans les affaires internationales.
Les Présidents ont clairement posés le développement de la diplomatie parlementaire comme le lien indispensable et nécessaire entre les principes du droit international qui intéressent les Etats - notamment celui de la souveraineté et celui de l’égalité – et les citoyens, les individus qui sont à présent des sujets à part entière du droit international.
« La complexité croissante et la mondialisation des évolutions observées en matière politique, économique, sociale, environnementale et culturelle imposent plus que jamais aux parlements et à leurs membres qu'ils jouent leur rôle pour permettre aux citoyens et à la société tout entière de comprendre et maîtriser les liens entre la mondialisation et leur réalité quotidienne, et pour traduire leurs préoccupations dans les politiques nationales et internationales. Faute de quoi, le risque est grand que la coopération et la prise de décision au plan international soient considérées comme une menace pour les intérêts nationaux ou locaux, voire la démocratie.
La mondialisation et la prééminence des facteurs économiques dans le développement des nations imposent un renforcement du processus politique et du lien entre les citoyens et leurs représentants. Aussi nous faut-il consolider le rôle de médiateur que jouent le parlement et ses membres, placés entre le processus complexe de prise de décisions internationales et les citoyens. »
Ils ont appelés :
« tous les parlements et leur organisation mondiale - l'Union interparlementaire - à donner une dimension parlementaire à la coopération internationale. Les parlements sont constitués d'hommes et de femmes élus par le peuple pour le représenter et exprimer ses aspirations; le Parlement est l'institution de l'État qui permet à la société dans toute sa diversité de participer au processus politique. Incarnant la souveraineté du peuple, c'est en toute légitimité que le Parlement peut concourir à l'expression de la volonté de l'État au plan international.
Pour donner corps à cette dimension parlementaire, les parlements et leurs membres doivent assumer des responsabilités plus grandes dans les relations internationales, jouer un rôle plus actif au niveau national, régional et mondial et, plus généralement, renforcer la diplomatie parlementaire. »
Cette action parlementaire peut prendre de nombreuses formes. L’UIP, comme le montre à l’évidence le renforcement de la coopération avec l’Organisation des Nations unies, a un rôle fondamental à jouer dans ce domaine. Le rapport A/55/409 du 18 octobre 2000 du Secrétaire général qui décrit dan le détail l’apport des parlements aux principales activités de l’ONU en témoigne.
Toutefois, l’action de l’UIP et de chacun des parlements membres, ou de leurs groupements régionaux pourrait encore être développée. La dimension parlementaire devrait pouvoir être intégrée à toutes les étapes des opérations de maintien et de prévention de la paix au sens large.
Les Parlements qui sont les représentants légitimes de la société civiles, lieux du débat démocratique et de l’expression des minorités doivent pouvoir apporter leur expérience du processus démocratique dans la prévention des crises, dans leur résolution et dans les opérations de reconstruction d’une paix durable.
Respect des principes du droit international dans l’intêret de la paix et de la sécurité à l’échelle mondiale
Projet de résolution présentée par le groupe français
La 105ème Conférence interparlementaire,
réaffirmant son attachement au respect des principes du droit international et notamment à celui de l’égalité souveraine des Etats,
réaffirmant en outre qu’il incombe aux Etats signataires de la Charte des Nations Unies de respecter les principes de non intervention, d’autodétermination, d’interdiction du recours à la menace ou à l’emploi de la force, de règlement pacifique des différents, de protection des doits de l’homme,
se félicitant du développement du droit international notamment dans le domaine du désarmement et de la coopération économique et sociale internationales et de la reconnaissance des droits économiques et sociaux,
se félicitant en outre de l’extension considérable des opérations de maintien de la paix sous la responsabilité du Conseil de sécurité des Nations unies, qui permettent notamment d’englober la dimension de reconstruction des institutions démocratiques, en particulier parlementaires,
Consciente que dans le cadre de la mondialisation et de l’importance croissante des facteurs économiques dans le développement des nations, un renforcement du processus politique et du lien entre les citoyens et leurs représentants est nécessaire.
Consciente en outre que les parlements qui sont les lieux naturels de la médiation doivent jouer un rôle de plus en plus importants dans la recherche de la paix et de la sécurité au niveau international en développant leur action de coopération dans le cadre des institutions internationales, des institutions parlementaires régionales ou directement de manière bilatérale.
prie les gouvernements de veiller à recueillir l’avis des parlements dans les négociations internationales et à les impliquer davantage dans les opérations de maintien, de prévention et de reconstruction de la paix,
s’engage à veiller au respect national des engagements internationaux pris dans les domaines du maintien de la paix, du respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales ainsi que dans celui des droits économiques et sociaux,
décide de poursuivre l’approfondissement des relations entreprises avec l’Onu afin que l’Union, directement et à travers ses membres, puisse être associée plus étroitement aux opérations de maintien de la paix notamment dans le domaine des droits de l’homme et de l’égalité entre hommes et femmes.