Le 10 mars 2025, le Sénat a participé, en visioconférence, à un atelier du comité de coordination des acteurs de la coopération administrative, coorganisé par la Direction générale de la mondialisation du ministère de l’Europe et des affaires étrangères (MEAE) et la Direction générale de l’administration et de la fonction publique du ministère de l’action publique, de la fonction publique et de la simplification. Cet atelier a réuni des acteurs français clefs de la coopération administrative, tels que l’Agence française de développement (AFD), Expertise France, le Conseil d’État, l’Institut national du service public (INSP), la Direction générale des finances publiques (DGFiP), la Direction générale du Trésor (DGT), l’École nationale de la magistrature (ENM) et la Haute Autorité de la transparence et de la vie politique (HATVP).

Présentation de l’objectif de la réunion et de la stratégie française en matière de diplomatie féministe

Cet atelier organisé dans le contexte de la Journée internationale des droits des femmes visait à créer un cadre d’échange entre les acteurs de la coopération administrative afin de développer des synergies et intégrer au mieux la stratégie française de diplomatie féministe dans les différentes actions conduites.

Les représentants du MAE ont annoncé la publication de la stratégie française en matière de diplomatie féministe. L’objectif est d’en faire un pilier central de la politique extérieure française, partagé par l’ensemble des acteurs de la diplomatie. À ce jour, quinze pays revendiquent une approche stratégique en matière de diplomatie féministe. La France entend, à travers cette stratégie, promouvoir l’égalité de genre comme un principe universel dans le monde et œuvrer à la création d’un socle juridique international reconnu et adopté par les États. Depuis 2018, une perspective féministe est progressivement intégrée dans tous les domaines de la politique étrangère. La stratégie française vise à généraliser cette approche en intégrant la dimension de genre dans l’ensemble des politiques de développement et dans tous les domaines d’intervention où la France est engagée (enjeux politiques, culturels, environnementaux, etc.). L’approche de genre adoptée ne se limite pas aux femmes : elle inclut également les personnes LGBT+, avec des actions en faveur de la parité, de la participation politique, de l’accès à l’éducation, aux bourses et à la représentation médiatique.

Cette stratégie se décline en cinq piliers visant à : favoriser la présence des femmes et des filles, lutter contre toute forme d’inégalité et de violence de genre, renforcer l’égalité de genre dans les politiques de développement, financer des initiatives féministes locales, notamment via la société civile et adopter une méthodologie féministe transversale à tous les niveaux d’action.

Analyse par les autres acteurs : forces et difficultés

Concernant la mise en œuvre opérationnelle, les acteurs ont souligné l’importance d’intégrer la dimension de genre dans les projets. Cette intégration pourrait passer notamment par l’introduction de marqueurs de genre dès la conception des projets, ainsi que par la formation des agents, y compris diplomatiques et consulaires, à la sensibilisation aux enjeux de genre. L’utilisation d’outils analytiques tels que la cartographie des financements, des indicateurs spécifiques ou des fiches de poste intégrant une perspective de genre, a également été évoquée. Un second point mis en avant concerne le soutien à la société civile, en particulier à travers un financement renforcé d’organisations féministes via le Fonds social féministe. À ce jour, 150 projets sont financés par ce biais, en complément d’une coopération active avec l’AFD, Expertise France et des ONG locales.

Des initiatives innovantes ont aussi été présentées, comme la création d’un laboratoire en ligne pour lutter contre les violences de genre sur Internet, via le développement de projets technologiques ciblés tels que la modération automatique de propos haineux. Par ailleurs, les différents acteurs ont partagé leurs expériences sur des projets menés au Maghreb, dans les Balkans, en Jordanie ou en Afrique centrale. Enfin, les collaborations avec des institutions internationales telles que l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) ou encore Regional School of Public Administration (ReSPA) ont été valorisées comme des leviers efficaces de mise en œuvre des politiques en faveur de l’égalité de genre.

Les acteurs ont discuté des obstacles existants à la mise en place de ces politiques. Ils ont notamment souligné des résistances structurelles, dues au faible nombre de candidatures féminines dans certains domaines comme l’intelligence artificielle, la défense ou la sécurité. Un décalage a également été observé entre un discours souvent ambitieux et une mise en œuvre parfois freinée par des inerties internes. Le contexte politique des pays partenaires peut aussi contribuer à ralentir l’application de ces politiques. Enfin, la rareté d’expert(e)s en genre sur le terrain a été déplorée.

Au cours de cet échange, plusieurs bonnes pratiques et recommandations ont été identifiées par les acteurs. Parmi celles-ci, l’importance de la transversalité a été particulièrement mise en avant, de même que le travail en réseau. Une volonté partagée a émergé : celle de constituer une « Équipe France » coordonnée, réunissant ministères, opérateurs, experts de terrain et formateurs, afin de mieux articuler les projets, les ressources humaines et les institutions.

De plus, une bonne pratique identifiée consiste à objectiver les inégalités de genre en produisant et en valorisant des données genrées. Les acteurs ont également souligné la nécessité de développer des outils de ressources humaines inclusifs, tels que des fiches de poste, des entretiens et des grilles d’évaluation adaptés. L’idée de mettre en place des programmes de mentorat et de coaching pour accompagner les talents féminins a aussi été évoquée. En matière de communication, l’implication des médias pour relayer les droits des femmes a été mise en avant, ainsi que l’organisation de plaidoyers et d’événements publics visant à informer et sensibiliser l’opinion sur ces enjeux.

Les organisateurs ont conclu l’atelier en annonçant la diffusion de documents produits dans le cadre de l’élaboration de la stratégie, notamment un guide de bonnes pratiques et plusieurs boîtes à outils.