
La réunion a été introduite par la délégation pour les collectivités territoriales et la société civile (DCTCIV) du ministère de l’Europe et des affaires étrangères (MEAE).
Un état de la situation a été dressé par M. Emmanuel MAYER, Sous-Directeur Amérique du Nord à la Direction des Amériques du MEAE. Il a présenté la singularité et la complexité de l’exemple américain. Élu démocratiquement sur un programme fort et clairement affiché tout au long de sa campagne, Donald TRUMP a rapidement mis en œuvre ses promesses, dès ses 100 premiers jours au pouvoir. Ce rythme effréné, loin d’être improvisé, témoigne d’une préparation minutieuse menée en amont, soutenue par une administration solide et fidèle.
Sur le plan intérieur, la politique de Donald TRUMP s’articule autour de mesures très marquées. La fermeture des frontières et les expulsions ciblées s’inscrivent dans une volonté affichée de renforcer la sécurité. Parallèlement, une offensive culturelle est engagée avec la suppression des programmes d’inclusion, de diversité et d’égalité, traduisant un rejet des approches progressistes sur des sujets comme le genre, le climat ou la santé reproductive. Gouvernant largement par décret, Donald TRUMP devra toutefois composer avec le Congrès, car cette méthode ne saurait être durable sans un soutien législatif.
Sur la scène internationale, la politique étrangère de l’administration TRUMP se concentre sur la résolution des crises majeures, notamment en Ukraine, à Gaza, ainsi que sur les dossiers sensibles du nucléaire iranien et de la rivalité avec la Chine, qui constitue une priorité stratégique. Critique de l’Organisation mondiale du commerce et du FMI, le président américain impose des droits de douane élevés et cherche à renforcer la puissance du dollar et à réduire la dette américaine. La baisse drastique du budget diplomatique, avec la fermeture de plusieurs ambassades et consulats, notamment au Moyen-Orient et en Afrique, illustre cette nouvelle orientation. USAID, bien que non supprimée, est intégrée au département d’État sous la direction de Marco RUBIO, ce qui traduit une volonté de recentrer et de contrôler plus étroitement l’aide extérieure.
S’est ensuite suivi un échange avec Mme Céline PAPIN, Adjointe au maire de Bordeaux, qui a apporté un éclairage précieux sur la coopération active et structurée entre Bordeaux et Los Angeles. Cette relation, fondée sur des échanges réguliers et des visites de terrain, s’inscrit dans un contexte politique américain particulièrement tendu, la Californie demeurant un bastion démocrate souvent en opposition frontale avec l’administration Trump. Les territoires progressistes comme la Californie, et plus particulièrement la ville de Los Angeles, se retrouvent fréquemment ciblés par les politiques fédérales, ce qui n’est pas sans conséquence sur leur gestion quotidienne.
Mme PAPIN a souligné que la maire de Los Angeles, Karen BASS, a été personnellement visée par les critiques de Donald TRUMP, illustrant la pression exercée sur les grandes métropoles démocrates. Toutefois, il est frappant de constater que les conséquences directes des décisions fédérales sont rarement évoquées explicitement dans les échanges publics ; la situation est plutôt abordée de manière indirecte, à travers des exemples concrets comme la baisse des budgets municipaux ou les difficultés à financer les politiques sociales. Les conséquences de cette politique se manifestent de façon tangible, par exemple dans la gestion des sans-abris, un enjeu majeur à Los Angeles, qui nécessite des financements importants. L’inquiétude est également très forte au sein de la population latino-américaine qui représente près de la moitié des habitants de la ville. À cela s’ajoutent les défis liés à la reconstruction après les récents incendies, ainsi que la préparation des Jeux Olympiques de 2028, qui mobilisent d’importantes ressources et imposent une gestion rigoureuse. Par ailleurs, Los Angeles occupe une position stratégique en tant que principal port d’importation du marché chinois, un secteur dont dépend un emploi sur neuf dans la région. La conjoncture internationale, marquée par la guerre commerciale et les tensions avec la Chine, pèse donc lourdement sur l’économie locale.
M. MAYER a ensuite répondu à des questions, par exemple sur la future fermeture de plusieurs consulats américains en France. Des lettres internes du département d’État évoquent en effet la suppression ou la réduction de plusieurs représentations consulaires à Rennes, Bordeaux, Marseille, Lyon et Strasbourg. Cette perspective alimente l’incertitude, d’autant que la nomination du nouvel ambassadeur des États-Unis en France se fait attendre.
Interrogée sur l’influence de la défiance américaine envers l’aide internationale et la solidarité sur l’action française, Mme PAPIN a souligné l’ampleur du travail engagé au niveau français et européen pour compenser le retrait américain. Cette situation offre paradoxalement l’opportunité de repenser la vision du monde et de redéfinir les priorités, en identifiant de nouvelles enveloppes budgétaires et en adaptant le vocabulaire, comme en témoigne l’évolution des termes employés lors du dernier Conseil présidentiel du développement.
Concernant l’accompagnement des délégations américaines en France, il n’a pas été observé de sélectivité accrue de la part de l’ambassade ou des consulats généraux. L’activité diplomatique demeure relativement limitée, du fait d’un contexte politique intérieur extrêmement dense aux États-Unis, où les prises de décision souveraines priment et où les déplacements à l’étranger pourraient être perçus comme des signes de vulnérabilité par le gouvernement fédéral.
Enfin, la question de l’accueil des chercheurs américains dans les universités françaises a été abordée, avec l’annonce prochaine du lancement de la plateforme « France for Science », prévue le 5 mai. Cette initiative vise à renforcer les liens scientifiques et à maintenir des échanges académiques, malgré les restrictions budgétaires et les tensions politiques. Il a également été rappelé que, si la coopération décentralisée reste active, les moyens financiers disponibles via USAID ne sont plus comparables à ceux du passé, imposant une adaptation des stratégies locales et une recherche accrue de financements alternatifs.
Ainsi, malgré un contexte fédéral américain tendu et incertain, la coopération entre territoires et institutions locales demeure un levier essentiel pour maintenir le dialogue et la collaboration avec les États-Unis, en s’appuyant sur des initiatives concrètes, une adaptation constante et une volonté partagée de préserver les liens transatlantiques.