Mme Isabelle Florennes et M. Dominique de Legge

Mercredi 7 juin, le groupe interparlementaire d’amitié France Saint-Siège, présidé par M. Dominique de LEGGE (Les Républicains - Ille-et-Vilaine) a auditionné M. Ludovic Mendès, député de Moselle, et Mme Isabelle Florennes, ancienne députée des Hauts-de-Seine, coauteurs d’un rapport remis au Premier ministre sur les actes antireligieux en France.

Étaient également présents : Mme Christine BONFANTI-DOSSAT (Les Républicains – Lot‑et‑Garonne), M. François CALVET (Les Républicains - Pyrénées-Orientales), M. Loïc HERVÉ (UC ‑ Haute‑Savoie), M. Hervé MARSEILLE (UC - Hauts-de-Seine), Mme Marie MERCIER  (Les  Républicains ‑ Saône‑et‑Loire), Mme Brigitte MICOULEAU (Les Républicains – Haute‑Garonne) et M. André VALLINI (Groupe Socialiste-Écologiste et Républicain - Isère).

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Rappelant le contexte d’augmentation des violences et des actes antireligieux en France, M. Dominique de LEGGE s’est montré prudent quant au sens de ces actes, considérés comme  une marque de dé‑civilisation par le Président de la République. Il a souligné que la défense de la liberté de conscience est l’un des axiomes fondamentaux de la diplomatie du Saint-Siège. Il a relevé tout l’intérêt de cette enquête parlementaire de terrain, impartiale et multiconfessionnelle menée dans un cadre laïc pour aboutir à la proposition de solutions concrètes, sans céder à la facilité du dépôt d’une proposition de loi créatrice d’une qualification juridique spécifique. Il a plaidé à cet égard en faveur de la recherche d’une réponse juridique et judiciaire proportionnelle, conforme à l’État de droit qui, selon le 1er article de la loi de 1905, « assure la liberté de conscience » et « garantit le libre exercice des cultes »

Mme Isabelle FLORENNES a tout d’abord indiqué avoir réalisé une cinquantaine d’auditions  dans cinq départements français : l’Alsace-Moselle en raison de sa situation particulière au regard du Concordat, Lyon pour son pilotage préfectoral vertueux, Nantes, Toulon, et Sarcelles pour sa bonne gestion de la cohabitation intercommunautaire. Les chiffres du ministère de l’Intérieur sont édifiants : 1 659 actes antireligieux recensés en 2021, 857 antichrétiens, dont 752 atteintes aux lieux de culte et cimetières, 589 faits antisémites portant particulièrement sur des atteintes aux personnes avec violences physiques et 213 faits antimusulmans portant essentiellement atteinte aux biens : mosquées et centres culturels. Ils demeurent néanmoins sous-estimés par défaut de signalement. Les enquêtes révèlent également des manquements dans le suivi des victimes. Le sujet est sensible car la protection des cultes relève de l’État et plus largement de la République.

De gauche à droite : Mme Isabelle Florennes, M. Dominique de Legge et M. Ludovic Mendès

M. Ludovic MENDÈS a précisé que si l’arsenal législatif existe, il gagnerait à être mieux diffusé pour être davantage mobilisé. Un des points essentiels réside dans la difficulté à identifier les autorités chargées de la sécurité au sein des organisations religieuses. Les préfets doivent pouvoir prendre contact avec les cultes. C’est désormais plus facile puisque tous doivent avoir une structure associative déclarée. Exception faite de la communauté juive, qui travaille de concert avec les préfectures, le « programme K » du Fonds interministériel de prévention de la délinquance (FIPD) visant à sécuriser les lieux de cultes est méconnu et donc peu utilisé, hormis à Lyon qui bénéficie d’un bon pilotage préfectoral. Les maires, responsables des lieux de culte, doivent articuler leurs actions avec celles des préfets et des interlocuteurs cultuels. Un référent spécialisé dans la lutte contre les discriminations existe dans chaque Cour d’appel. Ce système, peu mobilisé, fonctionne pourtant dans le Rhône ; c’est donc un exemple qui pourrait être généralisé. Des rencontres entre les différents acteurs doivent être proposées pour améliorer la coopération ainsi que la diffusion de l’information. Le dépôt de plainte, élément initiateur du processus, devrait être systématisé. Or, les responsables religieux hésitent à le mobiliser craignant de verser dans la victimisation. L’Éducation nationale a également un rôle fort à jouer en matière de lutte contre la désinformation. La plupart des interventions à l’école porte sur la laïcité ; l’enseignement de l’histoire des religions gagnerait à être développé pour permettre aux élèves d’acquérir une solide culture générale et apaiser le sentiment antireligieux. Le dialogue interreligieux est également à favoriser sur l’ensemble du territoire sur le modèle de ce qui a été réalisé à Sarcelles.

M. Loïc HERVÉ s’est interrogé sur l’entité habilitée à déposer plainte : doit-il s’agir de la communauté, du propriétaire du bien dégradé ou encore du maire ?

M. André VALLINI a indiqué que le maire d’une commune de son département a récemment refusé de porter plainte, suite à la dégradation d’une l’église de sa commune pour éviter la médiatisation.

De gauche à droite : Mme Brigitte Micouleau, MM. François Calvet,
Hervé Marseille, Loïc Hervé et Mme Christine Bonfanti-Dossat

Mme Isabelle FLORENNES a confirmé avoir fait le même constat auprès des responsables chrétiens qui préfèrent taire ces événements, contrairement aux autorités juives qui, en réponse à de multiples attaques, ont dû réagir en mettant en place une protection renforcée des synagogues. Elle a souligné le témoignage du Grand rabbin Haïm Korsia, estimant que sa communauté était malheureusement « toujours en avance d’une haine ». Elle s’est dite favorable pour sa part à un dépôt de plainte systématique pour une meilleure reconnaissance des faits. Le Gouvernement s’était également engagé à accroître les moyens de 5 millions d’euros par an.

Mme Marie MERCIER a souligné la nécessité de renforcer l’éducation à la culture religieuse à l’école considérant qu’elle joue un rôle pacificateur essentiel.

M. Ludovic MENDÈS s’est montré favorable à une simplification de la saisine de l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (ARCOM) via les portails des sites et réseaux sociaux, afin de lutter contre la haine en ligne. Le principe de laïcité ne doit pas être dévoyé mais se concilier avec la protection des fidèles et des religieux. Il y a aujourd’hui trop peu de plaintes pour discrimination religieuse. De fait, très peu seraient retenues et aboutiraient à des condamnations. Le culte catholique doit abandonner l’idée qu’il lui faut « tendre l’autre joue » et le culte musulman doit trouver la bonne réponse pour ne pas nourrir un discours victimaire qui est actuellement instrumentalisé.

De gauche à droite : M. François Calvet et M. Hervé Marseille

M. Hervé MARSEILLE a considéré que l’enseignement de l’histoire des religions à l’école est effectivement nécessaire, mais doit être mis en perspective avec les problématiques contemporaines, car certaines vagues de violences sont comme l’écho des conflits qui peuvent se dérouler dans des pays étrangers. Concernant le phénomène numérique, il fait valoir la priorité d’identifier les mouvements à la genèse des attaques.

En réponse, M. Ludovic MENDÈS a précisé qu’un texte sur le volet numérique est en cours de préparation et que les avancées porteront sur la facilitation des signalements, le renforcement des moyens de PHAROS, le portail officiel de signalement des contenus illicites de l’internet, la mise à disposition de liens directs sur les réseaux sociaux pour faciliter la saisine de l’ARCOM mais aussi mieux faire connaître la possibilité de saisir le Pôle national de lutte contre la haine en ligne (PNLHL), qui dépend du Parquet. Pour conclure, il a appelé à une vigilance accrue concernant les actes antireligieux, face à un risque d’amplification.

 

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  • M. Matthieu MEISSONNIER
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