Réuni le mardi 9 avril 2024 sous la présidence de M. Rémi Féraud (Socialiste, Écologiste et Républicain – Paris), président, le groupe interparlementaire d’amitié France-Yémen s’est entretenu avec M. Laurent Bonnefoy, chargé de recherche au CNRS et spécialiste de la péninsule arabique.

Étaient également présents : MM. Jean-Luc Ruelle (Les Républicains – Français établis hors de France) et Michaël Weber (SER – Moselle).

M. Laurent Bonnefoy a rappelé que jusqu’à une période récente, le Yémen n’apparaissait dans l’actualité que pour des considérations essentiellement humanitaires ainsi que pour l’enjeu des ventes d’armes. L’accord de trêve locale conclu sous la pression internationale à Stockholm, mi-décembre 2018, entre le gouvernement yéménite et les rebelles houthistes sous les auspices de l’envoyé spécial de l’ONU, a notamment permis de préserver le port d’Hodeïda et d’éviter le pire, soit une famine généralisée. Depuis avril 2022, le retrait de fait de l’Arabie saoudite a également conduit à une forme de désescalade militaire.

Aujourd’hui, les houthistes, qui multiplient depuis plusieurs mois les attaques de navires en mer Rouge en représailles aux opérations israéliennes dans la bande de Gaza, semblent sortir renforcés du conflit et jouissent d’une grande légitimité populaire de par leur image de protecteurs des populations gazaouies. Ils contrôlent toujours le Nord-Ouest du Yémen ainsi qu’une grande partie de la zone frontalière avec l’Arabie saoudite et du littoral donnant sur la mer Rouge.

Leur proximité politique et idéologique avec l’Iran ne les empêche pas d’agir de façon autonome vis-à-vis de Téhéran, intensifiant par exemple leurs actions dans un contexte régional où l’Iran évite de s’investir directement dans le conflit. L’appui matériel ou humain du régime iranien n’a du reste qu’un rôle assez périphérique et demande encore à être substantialisé  ; l’armement et les munitions des rebelles houthistes proviendraient davantage de stocks datant de leur alliance avec l’ancien président Saleh ainsi que de leur propre production.

La démission, en 2022, du président Abdrabbo Mansour Hadi, qui ne jouissait plus d’aucune légitimité populaire ou politique, et le transfert des pouvoirs à un Conseil de direction présidentiel composé de 8 membres – 4 proches des Émirats arabes unis (EAU) et 4 de l’Arabie saoudite – et dirigé par Rachad al-Alimi, laissaient présager d‘une réelle évolution. Cependant, les travaux de ce comité sont à ce jour peu probants et l’absence de discussions décisives avec les houthistes font le jeu de ces derniers, qui ont tout à gagner à un « pourrissement » de la situation.

Les voies d’une sortie de crise pour le Yémen sont aujourd’hui très incertaines. L’Arabie saoudite, bien que conseillée par les Etats-Unis, a mené une politique d’intervention erratique dans le pays et cherche désormais à s’en retirer en sauvegardant la face. Les EAU visent sans doute à y établir un réseau de comptoirs portuaires. Le Sultanat d’Oman reste quant à lui l’interlocuteur de l’ensemble des parties prenantes. Les efforts entrepris pour parvenir à un plan de paix sous les auspices de l’ONU, qui ont failli aboutir en 2023, ont finalement échoué du fait du déclenchement du conflit à Gaza et des interventions armées des houthistes.

Le risque est grand désormais que la situation se fige avec un semblant d’institutions légitimes exilées en Arabie saoudite, à Ryad, et des houthistes consolidant leurs positions territoriales, tout comme les factions sécessionnistes sudistes. Ni en guerre, ni en paix, le pays peinerait à relever les immenses défis se posant à lui en termes économiques, humains et environnementaux, l’accès à la ressource en eau constituant à cet égard un enjeu crucial à court et moyen termes.

L’alternative consistant en une offensive victorieuse des forces anti-houthistes et la mise en place d’un État fédéral paraît fort improbable. Ces derniers, s’ils ne peuvent changer fondamentalement l’équilibre au niveau régional, ont démontré avec succès leur capacité de nuisance et mènent en interne une politique répressive vis-à-vis de certaines populations (journalistes, minorité Baha’i, société civile…). Toutefois, l’impact économique des interventions houthistes en mer Rouge reste en réalité très modéré, le conflit n’a pas donné lieu à un exode significatif de réfugiés yéménites dans le monde arabe et la menace terroriste (Al-Qaïda au Yémen) vis-à-vis de l’Occident s’est progressivement atténuée même si elle n’a pas entièrement disparue.

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M. Maxime REVERSAT
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