31 mai (1846)

La Cour des pairs est convoquée pour juger un nouvel attentat sur la personne du roi.

1er juin . Cour des pairs. Midi un quart

La tribune et le fauteuil du président ont été enlevés.

L’accusé est assis à la place où est habituellement la tribune, et il est adossé à une draperie de serge verte mise là pour le procès, entre quatre gendarmes à bonnets de grenadiers, buffleteries jaunes, plumets rouges ; devant lui sont assis cinq avocats, rabats blancs et robes noires. (…)

La Chambre des Pairs siège en Haute Cour

Pendant la suspension de l’audience, j’ai examiné les pièces à conviction qui sont dans le couloir de droite. Le fusil est à deux coups, à canons rubannés (…)

6 juin

Voici comment cela se passe. A l’appel de son nom fait à haute voix par le greffier, chaque pair se lève et prononce la sentence, également à haute voix.

Les trente deux pairs qui ont voté avant moi ont tous prononcé la peine des parricides ; quelques uns par adoucissement, la peine capitale.

Quand mon tour est venu, je me suis levé. J’ai dit :

" En présence de l’énormité du crime et de la futilité du motif, il m’est impossible de croire que le coupable ait agi dans la pleine possession de sa liberté morale, de sa volonté. Je ne pense pas que ce soit là une créature humaine ayant une perception nette de ses idées ni une conscience claire de ses actions. Je ne puis prononcer contre cet homme d’autre peine que la détention perpétuelle. "

J’ai dit ces paroles à très haute voix. Dès les premiers mots, tous les pairs se sont retournés et m’ont écouté dans un silence qui semblait m’inviter à poursuivre. Je me suis cependant arrêté là et je me suis rassis. L’appel nominal a continué.

L’appel nominal s’est prolongé avec cette lugubre monotonie : la peine capitale, la peine des parricides (…)

Il y avait 232 votants. Voici comment se sont réparties les voix :

196 pour la peine des parricides,

33 pour la peine capitale,

3 pour la détention perpétuelle.

22 juin 1847

Affaire Girardin à la Chambre des pairs. Acquittement. On a voté par boules, les blanches pour la condamnation, les noires pour l’acquittement. Il y a eu 199 votants, 65 blanches, 134 noires. Je disais, en mettant ma bouble noire dans l’urne : " En le noircissant, nous le blanchissons. "