Le 17 décembre 1953 députés et conseillers de la République sont réunis à Versailles pour désigner le successeur de Vincent Auriol. Combien se doutent qu'il faudra sept jours au Congrès pour parvenir à élire le nouveau Président de la République ?

A l'ouverture du Congrès huit candidats sont en lice : Laniel (Président du Conseil, se présentant sous l'étiquette indépendant), Bidault (MRP), Delbos (radical), Naegelen (socialiste), Cachin (communiste), Fourcade (indépendant), Médecin (indépendant) et Kalb (RPF).

Si Marcel Naegelen arrive en tête avec 160 voix, il est cependant bien loin d'atteindre la majorité absolue nécessaire pour être élu.

Au deuxième tour, seuls quatre candidats se maintiennent : Marcel Naegelen (299 voix), Joseph Laniel (276 voix), Yvon Delbos (185 voix) et Georges Bidault (143 voix).

 Marcel Naegelen

Joseph Laniel 

Yvon Delbos

Georges Bidault

Les résultats sont proclamés à vingt-trois heures. Les désistements n'ont pas suffi à faire élire un candidat. Un troisième tour s'avère nécessaire. C'est une première dans l'histoire de la République. Tout le monde pense que le troisième tour va se dérouler tout de suite. Mais, à la surprise des parlementaires, le président André le Troquer suspend la séance et reporte à l'après-midi du lendemain le scrutin suivant.

Le 18 décembre, le troisième tour de scrutin donne 358 voix à Laniel,  313 à Naegelen et 225 à Delbos, Bidault s'étant retiré.

La situation s'enlise. A partir du quatrième tour l'élection devient un affrontement entre Naegelen et Laniel tandis que, au fil des scrutins, des suffrages se dispersent sur de nouveaux candidats ou d'autres noms non déclarés.

L'arrière-plan politique, en particulier la question de la CED (Communauté européenne de défense), divise les camps au-delà des clivages traditionnels et empêche de trouver un candidat qui puisse rassembler tous les suffrages.

On cherche des solutions. Au cinquième tour, Naegelen offre de se désister en faveur d'Edouard Herriot qui se serait présenté comme candidat de l'union, mais ce dernier refuse. Le lendemain il propose que tous les candidats s'effacent devant Vincent Auriol, mais la proposition est repoussée. Après le dixième tour, Laniel se déclare prêt à se retirer s'il obtient l'accord des groupes de sa majorité sur le nom d'un candidat susceptible de réaliser l'union des républicains. La presse française et étrangère ironise sur le spectacle ridicule d'un Congrès incapable de se donner un Président de la République.

C'est dans ce contexte que René Coty, alors vice-président du Conseil de la République, est pressenti. Des problèmes de santé lui avaient interdit de prendre part aux débats sur la CED et lui avaient ainsi évité de se faire des ennemis. Il obtient 431 voix au 12e tour et se fait finalement élire avec 477 voix au 13e tour le 23 décembre vers 6 heures du soir.

Le nouveau président a 71 ans. André Siegfried le décrit ainsi dans l'Année politique : « Une absence totale de fanatisme, le respect de la position adverse, et tout au fond le sentiment que la vérité n'est peut-être pas tout entière du même coté. » Les Français vont très vite s'attacher

» Les Français vont très vite s'attacher à ce président qui leur échoit et surtout à sa femme dont la bonté va conquérir le peuple tout  entier.

Le Président du Conseil de la République, Gaston Monnerville, rend hommage au nouvel élu lors de la séance du 28 décembre 1953 et formule le vœu que cette élection puisse « favoriser la continuation d'une harmonieuse collaboration déjà commencée entre les deux Assemblées du Parlement pour le plus grand bien de la Nation et du régime ».

La transmission des pouvoirs de Vincent Auriol à René Coty a lieu le 16 janvier 1954 à l'Elysée lors de la cérémonie d'investiture, en présence des bureaux des assemblées, du gouvernement, du grand chancelier de la Légion d'honneur et de hauts dignitaires.

Le nouveau président se met  au travail avec son chef de gouvernement, Joseph Laniel, que la Chambre vient de confirmer dans ses fonctions par un vote de confiance à la majorité absolue. « J'espère, dit-il en ouvrant le premier Conseil des ministres, que mon septennat sera heureux et qu'il n'y aura pas beaucoup de gouvernements. » Vœu pieux qui ne sera pas suivi d'effet : la chute de Diên Biên Phu quelques mois plus tard, le 8 mai 1954, entraîne celle du gouvernement Laniel et René Coty fait alors appel à Pierre Mendès-France.