PRÉSIDENCE DE LA RÉPUBLIQUE

Lettre du Premier ministre au Président de la République.

Paris, le 2 avril 1969.

Monsieur le Président,

Conformément aux délibérations du conseil des ministres de ce jour, j'ai l'honneur de vous proposer, au nom du Gouvernement, de soumettre au référendum, en vertu .de l'article 11 de la Consti­tution, le projet de loi relatif à la création de régions et à la rénovation du Sénat

Je vous prie d'agréer, Monsieur le Président, l'assurance de mon profond respect.

MAURICE COUVE DE MURVILLE.

Décret n° 69.296 du 2 avril 1969 décidant de soumettre un projet de loi au référendum.

Le Président de la République,

Vu les articles 3, 11, 19 et 60 de la Constitution ;

Le Conseil constitutionnel consulté dans les conditions prévues par l'article 46 de l'ordonnance portant loi organique du 7 novembre 1958,

Décrète :

Art. 1er. - Le projet de loi annexé au présent décret, délibéré en conseil des ministres après avis du Conseil d'Etat, sera soumis au référendum le 27 avril 1969, conformément aux dispositions de l'article 11 de la Constitution.

Art. 2. - Les électeurs auront à répondre par « oui» ou par « non» à la question suivante:

« Approuvez-vous le projet de loi soumis au peuple français par le Président de la République et relatif à la création de régions et à la rénovation du Sénat? »

Art. 3. - Le présent décret sera publié au Journal officiel de la République française.

Fait à Paris, le 2 avril 1969.

C. DE GAULLE.

ANNEXE

Projet de loi relatif à la création de régions et à la rénovation du Sénat.

TITRE 1er

LA REGION

CHAPITRE 1er

Dispositions constitutionnelles.

Art. 1er. - L'article 72 de la Constitution est modifié comme suit :

« Les collectivités territoriales de la République sont les communes, les départements, les régions, les territoires d'outre-­mer. Toute autre collectivité territoriale est créée par la loi.

« Ces collectivités s'administrent librement par des conseils, dans les conditions prévues par la loi.

« Les conseils des communes et des départements sont élus.

« Les conseils des régions et, pour l'exercice de compétences de caractère régional, les conseils des départements d'outre-mer comprennent des élus et des représentants des activités économiques, sociales et culturelles.

« Les conseils des territoires d'outre-mer sont composés d'élus et peuvent en outre comprendre des représentants des activités économiques, sociales et culturelles.

« Dans les départements, les régions et les territoires, le délégué du Gouvernement a la charge des intérêts nationaux, du contrôle administratif et du respect des lois. »

[...]

TITRE II

DU SENAT

CHAPITRE 1er

Dispositions constitutionnelles.

Art. 49. - Les articles 7 (alinéa 4), 20 (alinéa 3), 24, 25, 34 (alinéa 1), 35, 36, 39, 40, 42, 45, 46, 47, 48 (alinéa 2), 59, 67 68 (alinéa 1) et 89 (alinéas 1, 2 et 3) de la Constitution sont remplacés par les dispositions suivantes :

« Art. 7 (alinéa 4). - En cas de vacance de la présidence de la République pour quelque cause que ce soit, ou d'empêchement constaté par le Conseil constitutionnel saisi par le Gouvernement et statuant à la majorité absolue de ses membres, les fonctions du Président de la République, à l'exception de celles prévues aux articles 11 et 12 ci-dessous, sont provisoirement exercées par le Premier ministre ou, si celui-ci en est empêché par un des membres du Gouvernement dans l'ordre du décret qui les a nommés.

« Art. 20 (alinéa 3). - Le Gouvernement est responsable devant l'Assemblée nationale dans les conditions et suivant les procédures prévues aux articles 49 et 50.

« Art. 24. - Le Parlement comprend l'Assemblée nationale et le Sénat.

« Les députés à l'Assemblée nationale sont élus au suffrage direct.

«  Le Sénat assure la représentation des collectivités territoriales et des activités économiques, sociales et culturelles. Les Français établis hors de France sont représentés au Sénat.

« Les sénateurs représentant les collectivités territoriales sont élus au suffrage indirect. Les sénateurs représentant les activités économiques, sociales et culturelles et les sénateurs représentant les Français établis hors de France sont désignés par des organismes représentatifs, dans les conditions et suivant les règles fixées par la loi.

« Art. 25. - Une loi organique fixe la durée des pouvoirs de chaque assemblée, le nombre de ses membres, leur indemnité, les conditions d'éligibilité ou de désignation, le régime des inéligibilités et des incompatibilités.

« Elle fixe les conditions dans lesquelles sont élues les personnes appelées à assurer, en cas de vacance du siège, le remplacement des députés ou des sénateurs représentant les collectivités territoriales jusqu'au renouvellement général ou partiel de l'assemblée à laquelle ils appartenaient. Elle fixe également les conditions dans lesquelles il est pourvu aux vacances de sièges des sénateurs représentant les activités économiques, sociales et culturelles et des sénateurs représentant les Français établis hors de France.

    «Art. 34 (alinéa 1). - La loi est votée par l'Assemblée nationale après avis du Sénat.

« Art. 35. - La déclaration de guerre est autorisée par l'Assemblée nationale.

« Art. 36. - L'état de siège est décrété en conseil des ministres.

«  Sa prorogation au-delà de douze jours ne peut être autorisée que par l'Assemblée nationale.

« Art. 39. - L'initiative des lois appartient concurremment au Premier ministre et aux membres de l'Assemblée nationale.

« Les projets de loi sont délibérés en conseil des ministres après avis du Conseil d'Etat. Ils sont déposés simultanément sur le bureau de l'Assemblée nationale et sur le bureau du Sénat.

« Les propositions de loi sont transmises au Sénat pour avis par le Président de l'Assemblée nationale, à la demande du Gou­vernement ou dans les conditions prévues par le règlement de l'Assemblée.

« Art. 40. - Les propositions de loi formulées par les députés, les amendements proposés par les membres du Parlement, ainsi que les propositions d'amendements adoptées par le Sénat ne sont pas recevables lorsque leur adoption aurait pour conséquence soit une diminution des ressources publiques, soit la création ou l'aggravation d'une charge publique.

« Art. 42. - La discussion des projets de loi porte devant chaque assemblée sur le texte présenté par le Gouvernement.

« Art. 45. - Les projets et les propositions de loi sont soumis à l'examen du Sénat avant d'être votés par l'Assemblée nationale.

« Toutefois, le Gouvernement peut, préalablement à l'examen du projet de loi par le Sénat, demander à l'Assemblée nationale d'en discuter les principes généraux et, par un vote unique, de se prononcer sur la prise en considération du projet.

« Si le Sénat n'a pas formulé son avis dans un délai de quinze jours à partir de l'inscription du projet ou de la proposition de loi à son ordre du jour, le texte peut être inscrit à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale qui statue en l'absence de l'avis du Sénat. En cas d'urgence déclarée par le Gouvernement, ce délai peut être réduit sans qu'il puisse être inférieur à trois jours.

« Le Sénat peut proposer l'adoption, le rejet ou l'amendement de tout ou partie des textes qui lui sont soumis.

« L'avis du Sénat est examiné par les commissions compétentes de l'Assemblée nationale et par celle-ci. Les propositions d'amen­dements adoptées par le Sénat sont soumises au vote de l'Assem­blée nationale sous réserve de l'application du dernier alinéa de l'article 44.

« Le Sénat désigne une délégation, de trois membres au plus, pour exposer devant les commissions de l'Assemblée nationale les motifs de l'avis du Sénat. Il désigne de même l'un de ses membres pour les exposer devant l'Assemblée nationale avant l'ouverture de la discussion.

« Les amendements proposés par les membres de l'Assemblée nationale, par une commission de celle-ci ou par le Gouvernement sont, si le Gouvernement le demande, soumis à l'avis du Sénat, qui ne peut se prononcer après la date fixée pour le début de la discussion à l'Assemblée nationale.

e Avant le vote sur l'ensemble d'un projet ou d'une proposition

de loi, tout ou partie' du texte est, si le Gouvernement ou l'Assem­blée nationale le décide, renvoyé au Sénat, qui dispose d'un délai de deux jours à partir de l'inscription du texte à son ordre du jour pour donner son avis. Les dispositions des ali­néas 4, 5 et 6 ci-dessus sont applicables.

« Art. 46. - Les lois auxquelles la Constitution confère le caractère de lois organiques sont votées et modifiées selon la procédure de l'article 45, sous les réserves suivantes :

« Le Sénat dispose d'un délai de vingt jours à compter de l'inscription du projet ou de la proposition de loi à son ordre du jour pour formuler son avis.

« Le projet ou la proposition n'est soumis à la délibération et au vote de l'Assemblée nationale qu'à l'expiration d'un délai de quinze jours suivant la transmission de l'avis du Sénat.

« L'Assemblée nationale ne peut adopter une loi organique qu'à la majorité absolue de ses membres.

« Les lois organiques ne peuvent être promulguées qu'après déclaration par le Conseil constitutionnel de leur conformité à la Constitution.

« Art. 47. - L'Assemblée nationale vote les projets de loi de finances, après avis du Sénat, dans les conditions prévues à l'ar­ticle 45 et au présent article.

« Préalablement à son examen par le Sénat, l'Assemblée natio­nale discute les principes généraux du projet de loi de finances de l'année et, dans un délai de dix jours après le dépôt du projet, se prononce par un vote unique sur sa prise en considération.

« Le délai imparti au Sénat pour formuler son avis sur l'en­semble de ce projet est de vingt jours après le vote de l'Assemblée nationale sur sa prise en considération ou, en l'absence de ce vote, après l'expiration du délai de dix jours prévu au deuxième alinéa ci-dessus.

« Dans un délai de quatre jours après la transmission, de l'avis du Sénat, les amendements proposés par les membres de l'Assem­blée nationale, par une commission de celle-ci ou par le Gou­vernement sont soumis à l'avis du Sénat si le Gouvernement le demande. Le Sénat dispose alors d'un délai de deux jours pour examiner ces amendements.

«  Le vote des articles du projet par l'Assemblée nationale doit être achevé au plus tard soixante-cinq jours après son dépôt. Avant le vote sur l'ensemble du projet, tout ou partie du texte peut être renvoyé pour avis au Sénat dans les conditions prévues au dernier alinéa de l'article 45.

« Si l'Assemblée nationale ne s'est pas prononcée dans un délai de soixante-dix jours à compter du dépôt du projet, les dispo­sitions de celui-ci peuvent être mises en vigueur par ordonnance.

« Si la loi de finances fixant les ressources et les charges d'un exercice n'a pas été déposée en temps utile pour être promulguée avant le début de cet exercice, le Gouvernement demande d'urgence à l'Assemblée nationale l'autorisation de percevoir les impôts, sans que l'avis du Sénat soit requis, et ouvre par décrets les crédits se rapportant aux services votés.

«  Les délais prévus au présent article sont suspendus lorsque le Parlement n'est pas en session.

«  La Cour des comptes assiste l'Assemblée nationale et le Gou­vernement dans le contrôle de l'exécution des lois de finances.

«  Une loi organique précise les règles applicables aux lois de finances.

« Art. 48 (alinéa 2). - Les membres de l'Assemblée nationale peuvent poser des questions orales ou écrites au Gouvernement. Chaque semaine, une séance de l'Assemblée nationale est réser­vée par priorité aux questions orales des députés et aux réponses du Gouvernement.

« Art. 59. - Le Conseil constitutionnel statue en cas de contestation sur la régularité de l'élection des députés ainsi que sur celle de l'élection ou de la désignation des sénateurs.

« Art. 67. - Il est institué une Haute Cour de justice.

« Elle est composée de membres élus, en leur sein et en nombre égal, par l'Assemblée nationale et par la réunion des sénateurs représentant les collectivités territoriales, après chaque renouvellement de l'Assemblée nationale ou du Sénat.

« La Haute Cour de justice est présidée par le premier pré­sident de la Cour de cassation ou, si celui-ci est empêché d'exer­cer ses fonctions, par le président de la Chambre criminelle, ou, à défaut, par l'un des conseillers de cette chambre dans l'ordre de leur nomination.

« Une loi organique fixe la composition de la Haute Cour, les règles de son fonctionnement, ainsi que la procédure applicable devant elle.

« Art. 68 (alinéa 1). - Le Président de la République n'est responsable des actes accomplis dans l'exercice de ses fonctions qu'en cas de haute trahison. Il ne peut être mis en accusation que par un vote identique, au scrutin public et à la majorité absolue des membres les composant, de l'Assemblée nationale et de la réunion des sénateurs représentant les collectivités territoriales ; il est jugé par la Haute Cour de justice.

«  Art. 89 (alinéas 1, 2 et 3). - L'initiative de la révision de la Constitution appartient concurremment au Président de la République sur proposition du Premier ministre et aux membres de l'Assemblée nationale.

« Le projet ou la proposition de révision est soumis à l'avis du Sénat et voté par l'Assemblée nationale, dans les conditions prévues à l'article 45. Il ne peut être adopté qu'à la majorité absolue des membres qui la composent. La révision est défi­nitive après avoir été approuvée par référendum.

« Toutefois, le projet de révision n'est pas présenté au réfé­rendum lorsque le Président de la République décide de le soumettre à une nouvelle délibération de l'Assemblée nationale. Cette nouvelle délibération ne peut avoir lieu que trois mois au moins après le vote du projet de révision. Le projet de révision n'est approuvé que s'il a réuni la majorité des deux tiers des membres qui composent l'Assemblée nationale.

Art. 50. - Le dernier alinéa de l'article 49 de la Constitution et le titre X de celle-ci, relatif au Conseil économique et social, sont abrogés à dater du jour de la première réunion du nouveau Sénat.

Art. 51. - Les nouvelles dispositions de la Constitution entre­ront en vigueur le jour de la première réunion du nouveau Sénat. Toutefois, les nouvelles dispositions des articles 24, 25 et 59 de la Constitution entreront en vigueur dès la promul­gation de la présente loi, en tant qu'elles concernent la mise en place du nouveau Sénat.

[...]

Décret n°69-296 du 2 avril 1969,
décidant de soumettre un projet de loi au référendum

(extraits)