SERVITUDES CONTEMPORAINES

L’organisation britannique Anti-Slavery International estime qu’il existe actuellement dans le monde vingt-sept millions de personnes adultes soumises à un esclavage dit traditionnel(exergue « Anti-Slavery International »).

Anti-Slavery International

Les sociétés abolitionnistes qui virent progressivement le jour dans plusieurs pays du monde au XIXe siècle prirent modèle – quant aux objectifs et aux moyens d’action – sur la British and Foreign Anti-Slavery Society fondée à Londres en 1839, six ans après le vote de l’abolition par le Parlement britannique. Formée pour dénoncer la ressemblance du système d’apprentissage des esclaves des colonies britanniques avec l’esclavage, cette organisation qui regroupait Thomas Clarkson, Granville Sharp, Thomas Fowell Buxton, se fixait des objectifs internationaux de stimulation des abolitionnistes étrangers et de répression de formes de servitude que la colonisation européenne avait encore multipliées. Elle fut notamment à l’origine de la fondation, à la fin du XIXe siècle, de l’Aborigines’ Protection Society, se montrant très active auprès de la S.D.N. pour la création de la commission qui prépara la Convention de 1926 sur l’esclavage. Elle intervint également en 1974 auprès de l’O.N.U. pour la création du Groupe de travail sur les formes contemporaines d’esclavage. Elle adopta le titre de Anti-Slavery International ou Anti-Slavery en 1990.

site web: http://www.antislavery.org

Cette forme de servitude peut apparaître à l’occasion du prêt d’une somme relativement modique, dont le remboursement entraîne un endettement qui peut courir sur plusieurs générations et impliquer toute une famille, étant donné la faiblesses – ou l’absence – de revenu versé au travailleur engagé dans ce processus. Ce système d’asservissement est particulièrement répandu en Asie du Sud, en Inde, au Pakistan – où des lois d’abolition de la servitude pour dette furent votées en 1975 et en 1992 -, en Afrique et en Indonésie. En Amérique du Sud l’enganche (engagement) pèse sur les mineurs de Puno et de Cuzco au Pérou, dans l’Amazonie brésilienne (défrichage des forêts). Plus de 500 000 Haïtiens travaillent comme braceros dans les plantations de République Dominicaine dans des conditions signalées depuis longtemps comme similaires à l’esclavage.
La réduction en servitude concerne une forte proportion de la population en Mauritanie, où l’esclavage fut aboli une nouvelle fois en 1981. Au Soudan, le contexte de guerre civile a permis, pendant les années 1980, la multiplication de milices opérant le déplacement et la mise en servitude de milliers d’hommes, de femmes et d’enfants dans le sud du pays .
Les courants migratoires de femmes et d’enfants pour la prostitution et/ou le travail domestique sont particulièrement abondants vers le Moyen-Orient et de l’est vers l’ouest de l’Europe . Ces trafics concernent également des hommes mexicains et péruviens vers les Etats-Unis pour la vente et le colportage des rues et la mendicité organisée.


LE TRAVAIL DES ENFANTS

Dans le cas de l’exploitation du travail des enfants, l’emploi du terme esclavage est particulièrement conforme à une réalité très voisine de celui des siècles passés. Les moyens de recrutement, les types d’emploi et de rémunération, à l’issue d’ une vente, d’une cession par la famille ou par kidnappings sont des pratiques fréquentes. L’Organisation Internationale du Travail estime aujourd’hui entre 250 à 300 millions le nombre d’enfants âgés de 5 à 14 ans victimes du phénomène. Une situation liée à l’appauvrissement croissant de certains groupes de population, qui concerne essentiellement les continents en voie de développement (Afrique, Inde, Asie du Sud, Asie du Sud-Est, Amérique centrale et du sud) mais aussi des pays dits développés où des enfants sont employés sans rémunération pour le travail dans l’entreprise familiale, sur de grandes plantations ou à l’usine.
Le travail des enfants est particulièrement fréquent dans l’agriculture, dans la domesticité, l’industrie, l’artisanat, pour l’utilisation de machines délicates ou les travaux manuels très faiblement rémunérés. L’emploi d’enfants pour la vente des rues, dans le bâtiment, les briqueteries, les carrières, les mines, la fabrication manuelle d’objets divers est moins connu que leur présence dans les usines de fabrication de balles de base-ball ou de tapis. Les quelque 100 000 “ restavek ” haïtiens, jeunes enfants de parents démunis placés chez des familles qui exploitent leur travail, ne connaissent pas un statut plus enviable. Des enfants sont enfin introduits en nombre croissant dans des réseaux de prostitution et sexuellement exploités dans des établissements touristiques. Un dernier cas de réduction en esclavage dénoncé par les O.N.G. est l’utilisation d’enfants comme soldats. Elle concernerait environ 300 000 enfants - âgés de 8 à 17 ans - selon la Coalition to Stop the Use of Child Soldiers .
La fragilité de leur statut s’accroît avec le déplacement géographique, la perte de contact avec leur famille, la violence physique, l’isolement, l’impossibilité de communiquer avec l’environnement, la peur et la loi du silence. Les exemples sont innombrables dans les rapports accumulés par les bureaux de l’ONU, de l’UNICEF, de l’OIT, d’Anti-Slavery International, de la Ligue des Droits de l’Homme et du Comité contre l’Esclavage Moderne (C.C.E.M.). Le marché de Khartoum, au Soudan, offrait encore récemment des enfants à vendre pour quelques dizaines d’euros . Le 16 avril 1995, Iqbal Masih, douze ans, qui avait travaillé plusieurs années dans une fabrique de tapis, était assassiné dans la banlieue de Lahore (Pakistan). Il venait de retrouver la liberté avec l’aide du Front de libération des travailleurs en servitude du Pakistan, devenant ainsi un symbole pour la lutte contre le travail des enfants que certains considérèrent comme dangereux pour leurs intérêts.


LES RECOMMANDATIONS DES ORGANISMES INTERNATIONAUX

Le 25 septembre 1926, dans le cadre des travaux de la Société des Nations à Genève était signée une Convention relative à l’esclavage qui en préconisait la répression. Elle fixait dans son article premier que “ l’esclavage est l’état ou condition d’un individu sur lequel s’exercent les attributs du droit de propriété ou certains d’entre eux ”. Quant à la traite, elle comprenait “ tout acte de capture, d’acquisition ou de cession d’un individu en vue de le réduire en esclavage; tout acte d’acquisition d’un esclave en vue de le vendre ou de l’échanger; tout acte de cession par vente ou échange d’un esclave acquis en vue d’être vendu ou échangé, ainsi que, en général, tout acte de commerce ou de transport d’esclaves ”.
L’article 2 engageait les signataires à “ prévenir et réprimer la traite des esclaves ”, à “ poursuivre la suppression complète de l’esclavage sous toutes ses formes, d’une manière progressive et aussitôt que possible ”. La suppression de la traite et de l’esclavage n’était cependant envisagée que de manière “ progressive ”, chaque signataire restant juge et arbitre de la rapidité de la progression...
Le Bureau International du Travail avait adopté en juin 1930 une Convention sur le travail forcé visant à le supprimer “ sous toutes ses formes dans le plus bref délai possible ” . La Convention pour la répression de la traite des êtres humains et de l’exploitation de la prostitution d’autrui qu’approuva l’Assemblée générale des Nations Unies en décembre 1949 entrait en vigueur en juillet 1951. Le 23 octobre 1953, l’Organisation des Nations Unies reprenait à son actif les fonctions antiesclavagistes que s’était assignée la Société des Nations. Un Protocole amendait la Convention de 1926 puis une Convention supplémentaire relative à l’abolition de l’esclavage, de la traite des esclaves et des institutions et pratiques analogues à l’esclavage était adoptée le 7 septembre 1956. Les Etats parties devaient “ se prêter un concours mutuel ” dans la communication de renseignements et signaler tout phénomène de traite et d’esclavage aux Nations Unies.
Comme la Convention de l’Organisation internationale du Travail sur l’abolition du travail forcé de 1957 ce texte se référait à la Déclaration universelle des droits de l’homme adoptée par l’Assemblée générale des Nations Unies en 1948, “ idéal commun à atteindre par tous les peuples et toutes les nations ”. Rappelons que l’article 4 de la Déclaration indiquait que: “ Nul ne sera tenu en esclavage ni en servitude; l’esclavage et la traite des esclaves sont interdits sous toutes leurs formes ” .

LUTTER CONTRE L’ESCLAVAGE AUJOURD’HUI

En 1974 l’ONU créait à Genève un Groupe de travail sur les formes contemporaines de l’esclavage dans le cadre de la Commission des droits de l’homme. Elle ajoutait aux pratiques sociales susceptibles d’être qualifiées d’esclavage, l’apartheid, le colonialisme, l’exploitation des toxicomanes. La Convention des droits de l’enfant adoptée par les Nations Unies le 20 novembre 1989 évoque les droits civiques, politiques, économiques et sociaux des enfants (article 32). Le Programme international pour l’abolition du travail des enfants (IPEC) initié en 1992 a abouti à la Convention 182 de l’OIT sur “ l’interdiction des pires formes de travail des enfants ” (âgés de moins de dix-huit ans), adoptée à Genève le 17 juin 1999. Entrée en vigueur en septembre 2002, elle concerne l’esclavage, la guerre, la prostitution et le trafic de stupéfiants.
La Cour Pénale Internationale a défini par le Statut de Rome, en juillet 1998, les actes qualifiés de “ crimes contre l’humanité ” parmi lesquels “ la réduction en esclavage, (...) fait d’exercer sur une personne l’un quelconque ou l’ensemble des pouvoirs liés au droit de propriété, y compris dans le cadre de la traite des êtres humains, en particulier des femmes et des enfants ” . Le Bilan 2000 du Système des droits humains à l’ONU observait au sujet des “ formes contemporaines d’esclavage ” que “ la servitude pour dettes et le travail servile violent de nombreux droits de la personne, notamment le droit à la santé, le droit à l’éducation, le droit à la liberté et la sécurité de la personne et le droit de choisir librement son emploi ”. La pauvreté étant considérée comme un “ élément favorisant la perpétuation de l’esclavage ”, la dette internationale apparut comme “ facteur aggravant ”, de même que “ la discrimination sous toutes ses formes ”.
La Charte des droits fondamentaux de l’Union Européenne signée le 7 décembre 2000 interdit l’esclavage, le travail forcé et la traite des êtres humains (article 5 du Chapitre I - Dignité). Un rapport de la Commission sur l’égalité des chances pour les femmes et les hommes du Conseil de l’Europe consacré à l’“ esclavage domestique ” émet une série de recommandations, en l’absence de qualification de l’esclavage domestique par les codes pénaux des Etats membres. La Belgique a mis en place, en 1997, une Action commune européenne de lutte contre la traite des êtres humains et l’exploitation sexuelle des enfants. D’autres pays ont suivi les recommandations européennes quant à la révision de leur code pénal concernant le délit d’esclavage, tels l’Italie ou l’Autriche. En France et en Grande-Bretagne, les O.N.G. interviennent pour porter une assistance sociale et juridique aux victimes introduites dans le pays avec un visa touristique - périmé au terme de trois mois et le plus souvent subtilisé par l’employeur - afin qu’elles obtiennent, dans un premier temps, un titre de séjour provisoire pour motif humanitaire.
Dans la perspective d’une unification de la législation européenne sur le sujet, une mission parlementaire sur l’esclavage moderne réunissant trente députés français a enquêté en France et à l’étranger, et a remis un rapport en décembre 2001 intitulé L’esclavage en France aujourd’hui. En janvier 2002, un projet de loi était adopté par l’Assemblée nationale, visant à “ traduire dans la loi certaines des propositions de la mission (...) sur les diverses formes de l’esclavage moderne qui visent à combattre la traite des êtres humains et à en reconnaître les victimes ”. Quant à Amnesty International, elle a récemment décidé de prendre en compte le respect de “ nouveaux ” droits de l’homme, incluant ainsi la lutte contre le trafic d’êtres humains et l’esclavage .

DU POUVOIR CONSULTATIF AUX SANCTIONS ÉCONOMIQUES

De quels moyens l’ONU, l’OIT, l’Union Européenne ou les ONG disposent-elles pour contrôler le respect des engagements pris par les signataires et pour justifier leurs interventions auprès de certains gouvernements ? Ces derniers sont théoriquement tenus d’adresser tous les deux ans un rapport sur les conditions de travail et d’emploi de leurs populations au Bureau International du Travail.
La South Asian Coalition Against Child Servitude (Coalition d’Asie du Sud contre la servitude des enfants) a lancé en 1997 une Marche mondiale contre le travail des enfants qui a parcouru 80 000 km et traversé 108 pays. De telles initiatives ébranlent peu, toutefois, la passivité internationale qui se contente le plus souvent de déplorer la survivance de l’esclavage et l’augmentation du travail des enfants en posant le doigt sur certains exemples criants .
Un autre moyen de lutte utilisé est l’éducation.

L’UNESCO et la “ Route de l’Esclave ”
Le programme de l’Unesco “ La Route de l’Esclave ” initié en 1994 a pour objectif d’“ offrir l’occasion d’une réflexion commune sur les causes historiques, les modalités et les conséquences de cette tragédie, ainsi que d’une analyse des interactions qu’elle a générées entre l’Afrique, l’Europe, les Amériques et les Caraïbes ”. Les ministres de la Culture des Etats membres sont conviés depuis plusieurs années à permettre l’organisation d’actions de sensibilisation à cette histoire. Les enjeux annoncés par l’UNESCO sont: “ vérité historique, paix, développement, droits de l’homme, mémoire, dialogue interculturel ”.
Un programme éducatif, “ Briser le silence ”, à travers l’Unité de coordination du système des écoles associées en liaison avec le Département du dialogue interculturel et du pluralisme pour une culture de la paix, a pour but de promouvoir l’enseignement relatif à la traite négrière et à l’esclavage (Unesco, Division de la Culture).
site web: http://www.unesco.int/culture/dialogue/slave/html
Commémorer
Plusieurs journées commémoratives du souvenir de la traite transatlantique et de l’esclavage ont été fixées. Ainsi, la date du 23 août a-t-elle été adoptée par l’UNESCO comme “ Journée internationale du souvenir de la traite négrière et de son abolition ”. La nuit du 22 au 23 août 1791 marqua en effet le début de l’insurrection des esclaves de Saint-Domingue qui mena à l’abolition de l’esclavage dans la colonie en 1793-1794, puis, après une guerre que perdirent les troupes de Napoléon Bonaparte en 1803, à l’indépendance de l’île - sous le nom de Haïti - le 1er janvier 1804.
En France, le 27 avril a été retenu comme date de référence pour la célébration de l’abolition de l’esclavage par le Gouvernement provisoire de 1848. Elle est fixée au 22 mai en Martinique, au 27 mai en Guadeloupe, au 10 août en Guyane et au 20 décembre à La Réunion, dates locales d’entrée en vigueur du décret d’abolition.
Enfin, le 2 décembre, décrété “ Journée internationale pour l’abolition de l’esclavage ”, évoque le 2 décembre 1949, lorsque l’Assemblée générale des Nations Unies adopta la Convention pour la répression et l’abolition de la traite des êtres humains.


Le programme interculturel initié en 1994 par l’UNESCO intitulé “ La Route de l’Esclave ”, est un projet de recherche et de diffusion d’informations vers les enseignants et leurs élèves sur l’histoire de la traite négrière, de l’esclavage et de leurs conséquences . Une exposition, “ L’Europe unie contre l’esclavage ”, a été réalisée à Paris par Sources d’Europe en collaboration avec le CCEM en 2001.

Le Comité Contre l’Esclavage Moderne
Le Comité Contre l’Esclavage Moderne créé en France en 1994 s’est fixé comme objectif la libération des “ êtres asservis ” et le combat “ contre la passivité des Etats dans ce domaine ”. Le C.C.E.M. prend en charge toute personne en situation d’esclavage domestique en France et mène des actions juridiques en leur faveur.
Il pilote le projet Daphné, soutenu par la Commission Européenne, “ pour une action européenne contre l’esclavage ” et a permis la création du Comité Européen Contre l’Esclavage Moderne (1999).
Pour la France, les estimations réalisées à partir de 261 “ dossiers répertoriés ”, donc de “ cas prouvés d’esclavage ”, permettent au C.C.E.M. de fournir les pourcentages suivants en avril 2001: les victimes, dont 76 % sont des femmes, sont originaires d’Afrique pour 65 % d’entre elles, d’Asie pour 26,5 %, du Moyen et du Proche Orient pour 3,1 %, d’Amérique du Sud pour 2,7 %, d’Europe pour 2,7 %.

sites web: http://www.ccem-antislavery.org
http://www.victims-of-trafficking.org

Initiatives qui peuvent être perçues comme un défi au silence qui dissimule encore certaines pratiques et certaines implications en Europe comme en Afrique, mais qui peuvent aussi apparaître comme un pâle reflet des appels à la conscience humaine que Condorcet, Clarkson ou Schoelcher lancèrent, en leur temps, à leurs contemporains...
La Commission Européenne a opté en 2000 pour des sanctions économiques par la suspension du “ système communautaire de préférences généralisées ” à l’égard des pays dans lesquels de graves violations des droits de l’homme auront été constatées, notamment le travail des enfants. Le parlement français a voté en mai 2001 une loi tendant à la qualification de la traite négrière et de l’esclavage comme crimes contre l’humanité. Quelques mois plus tard, la Conférence mondiale des Nations Unies contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l’intolérance réunie à Durban (Afrique du Sud) en août-septembre 2001 a reconnu “ l’esclavage et la traite négrière transatlantique comme crime contre l’humanité en tant que sources et effets majeurs du racisme, de la discrimination raciale, de la xénophobie et de l’intolérance ”. Cette déclaration n’évoque pas le problème des réparations matérielles auxquelles peuvent prétendre les victimes du crime. La question, qui nourrit depuis peu des débats animés, a provoqué l’opposition déterminée des pays occidentaux, anciennes puissances coloniales. Des demandes sont toutefois formulées par plusieurs gouvernements et soutenues par Anti-Slavery International.

ÉVITER LES AMALGAMES

L’analyse des arguments utilisés et des moyens d’action suggérés aujourd’hui contre la traite d’êtres humains et la réduction en servitude, surprend par sa similitude avec l’arsenal argumentaire des abolitionnistes des siècles antérieurs.
Les abolitionnistes des siècles passés encourageaient leurs contemporains à signer des pétitions, à lancer des campagnes de presse et de conférences dénonçant les atrocités du système esclavagiste colonial, à boycotter des produits en provenance des colonies à esclaves. Aujourd’hui, certaines entreprises ajoutent à leurs arguments de vente que leurs produits - des tapis, des jouets ou des vêtements par exemple - ne sont pas fabriqués par une main d’oeuvre servile. Les organismes internationaux et les ONG en charge du droit du travail et de la protection des droits de l’homme multiplient les pôles d’information.
La dénonciation, de nos jours, de cas de trafics humains ponctuels et de servitude est certes une démarche nécessaire, mais elle peut masquer, selon certains observateurs, un aspect plus global du problème, apparemment hors d’atteinte, tenant à l’ordre économique mondial, aux dettes et aux réseaux du commerce international.
Exploitation économique, violence physique et mentale, peur, loi du silence sont des caractéristiques communes au système de servitude des XVIIe-XIXe siècles et à l’esclavage contemporain. Mais l’esclavage contre lequel résistèrent ses victimes elles-mêmes aux Amériques du XVIIe au XIXe siècle et qui motiva les premiers abolitionnistes occidentaux était un système complet, massif - et légal - de déshumanisation, de mort sociale, inscrit dans la longue durée. Il a profondément marqué les sociétés américaines, caraïbes notamment, provoquant l’apparition de rapports sociaux spécifiques et d’une contre-culture qui s’est forgée au fil des siècles.
Les deux phénomènes, dont les réalités sont différentes, demeurent liés, toutefois, par un problème de reconnaissance qui leur est aujourd’hui commun. Il n’est pas surprenant, en effet, que le débat concernant la qualification de la traite et de l’esclavage des XV e -XIXe siècles comme crimes contre l’humanité et la question des réparations se situent au moment où se multiplient les réunions internationales sur l’esclavage moderne.