Le 28 mai 2021, le groupe d’amitié France-Vanuatu-Iles du Pacifique, présidé par Mme Catherine Procaccia (Les Républicains-Val-de-Marne), a entendu, en visioconférence, M. Guillaume Lemoine, ambassadeur de France en Papouasie-Nouvelle-Guinée. MM. Jean-Jacques Lozach (Socialiste, Écologiste et Républicain-Creuse), vice-président, Teva Rohfritsch (Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants-Polynésie française), secrétaire, Gilbert Favreau (Les Républicains-Deux-Sèvres), Jean-François Longeot (Union centriste-Doubs), Didier Marie (Socialiste, Écologiste et Républicain-Seine-Maritime), Bruno Sido (Les Républicains-Marne) et Lucien Stanzione (Socialiste, Écologiste et Républicain-Vaucluse) ont participé à cet entretien.

Présentation de la Papouasie-Nouvelle-Guinée

Mme Catherine Procaccia a rappelé que la Papouasie-Nouvelle-Guinée est le pays le plus peuplé et le plus étendu parmi ceux qui entrent dans le champ de compétences du groupe d’amitié (460 000 km2 et près de 9 millions d’habitants). Elle abrite une biodiversité exceptionnelle ainsi que d’importantes ressources naturelles. Le groupe Total y conduit d’ailleurs un grand projet d’investissement dans le domaine gazier.

Mais c’est aussi l’île du Pacifique la plus touchée par la pandémie de Covid-19, alors que ses structures sanitaires sont fragiles.

M. Guillaume Lemoine a confirmé la richesse de la biodiversité de la forêt tropicale, la troisième plus étendue dans le monde, et celle des fonds marins, où les ressources halieutiques sont importantes. La zone de pêche de la Papouasie-Nouvelle-Guinée et de son voisinage représente 60% des réserves mondiales de thon

Si le pays dispose d’un fort potentiel, il souffre cependant d’une image dégradée, en raison notamment de rapports sociaux qui demeurent parfois empreints de violences, certains différends se réglant par la force avant que les adversaires se réconcilient. Les violences contre les femmes sont également très répandues puisqu’on estime que 70% des femmes en seront victimes au cours de leur vie. Il existe en outre des foyers d’insécurité et quelques gangs urbains, ce qui impose de prendre des précautions, par exemple en évitant de conduire la nuit ou de s’éloigner des grands axes. Les attaques contre les expatriés sont peu fréquentes mais il est vrai que la communauté française est réduite, quatorze ressortissants français seulement étant recensés. L’insécurité ne saurait cependant résumer à elle seule la réalité de la vie en Papouasie-Nouvelle-Guinée.

La France conserve une bonne image grâce à des liens anciens qui doivent beaucoup à l’activité des missionnaires, arrivés dans le pays au début des années 1880. L’ambassade a été ouverte dès 1976, soit juste après l’indépendance du pays. La France est aujourd’hui le seul pays membre de l’Union européenne à entretenir une ambassade permanente.

Concernant la situation sanitaire, la Papouasie-Nouvelle-Guinée a bien maîtrisé l’épidémie de Covid-19 jusqu’au mois de janvier. Quoique les données statistiques soient lacunaires l’épidémie a semblé s’aggraver en février, au point que l’Australie a redouté que le pays devienne un foyer de contamination. Les vaccins qu’elle souhaitait envoyer en Papouasie-Nouvelle-Guinée au mois de mars ont cependant été bloqués par l’Union européenne, en raison de la pénurie persistante de vaccins en Europe. La France a contribué à l’aide internationale en envoyant du matériel (tentes, tests, oxygène…) et la Fondation Airbus a offert des heures de vols en hélicoptères pour permettre la vaccination dans les zones reculées. Le pic épidémique semble aujourd’hui passé mais le gouvernement papouasien estime que 20% seulement de la population devrait être vacciné à la fin de l’année 2021, en raison du manque de vaccins (seul le vaccin Astra Zeneca étant actuellement disponible) mais aussi d’une réticence d’une partie de la population.  Cependant les frontières du pays ne sont pas totalement fermées, à la différence d’autres îles du Pacifique.

Le projet d’investissement de Total

Mme Catherine Procaccia a fait observer que seules des entreprises pétrolières américaines et australiennes étaient présentes il y a une dizaine d’années et que le projet de Total constituait donc une grande première.

M. Guillaume Lemoine a confirmé que la Papouasie-Nouvelle-Guinée a voulu diversifier ses partenariats, ce qui a favorisé la conclusion du contrat d’exploitation gazière avec Total en avril 2019. Le gouvernement qui a pris ses fonctions au mois de mai suivant a cependant demandé une renégociation du contrat, achevée à l’automne de la même année. Début 2020, la crise sanitaire a stoppé les opérations. En février 2021, un accord fiscal a été conclu, les autorités souhaitant relancer une économie à l’arrêt. Le projet d’investissement de Total s’élève à 10 milliards d’euros, ce qui correspond à un tiers du PIB annuel. Des études d’ingénierie vont d’abord être menées, en vue de commencer les travaux en 2024 et de produire du gaz liquéfié à partir de 2026 ou 2027.

M. Jean-Jacques Lozach a demandé si d’autres entreprises françaises étaient présentes et quelle était l’organisation institutionnelle du pays.

M. Guillaume Lemoine a répondu que la Papouasie-Nouvelle-Guinée attirait peu les investisseurs étrangers. Une seule petite entreprise qui propose des services d’expertise technique est implantée. Le contexte local rend difficile l’implantation de PME.

Institutions nationale et internationales

La Papouasie-Nouvelle Guinée est une monarchie parlementaire multipartite membre du Commonwealth. La composition du gouvernement tient compte d’équilibres régionaux et communautaires, avec un poids important des chefs de tribus.  Le gouvernement est dirigé par James Marape depuis mai 2019.  Le «  père de la nation », qui fut longtemps Premier ministre, Sir Mickael Somare, est décédé cette année et le deuil national a été très suivi.

Des gouverneurs représentent l’État dans les provinces mais leurs moyens financiers sont limités.

Depuis plusieurs décennies, le gouvernement central est confronté à un mouvement séparatiste sur l’île de Bougainville : après une longue guerre civile qui a fait plus de 20 000 morts, un accord en 2001 a donné une plus grande autonomie à Bougainville et prévu un référendum avant 2020. En novembre 2019, les habitants du territoire ont voté à hauteur de 97 % en faveur de l’indépendance ; les autorités locales souhaiteraient que l’indépendance devienne effective en 2025 mais cette perspective demeure incertaine. L’île abrite la plus grande mine de cuivre à ciel ouvert du monde mais son exploitation est interrompue.

La Papouasie-Nouvelle-Guinée demeure assez peu impliquée dans les organisations régionales, comme le Forum de développement des îles du Pacifique ou le groupe mélanésien Fer de lance. Bien qu’un délégué du gouvernement néo-calédonien travaille à l’ambassade, les relations avec la Nouvelle-Calédonie, comme avec les autres collectivités du Pacifique, restent limitées. La Papouasie-Nouvelle-Guinée entretient des liens plus étroits avec les bailleurs de fonds internationaux.

La protection de l’environnement

M. Jean-François Longeot a souligné que la protection de l’environnement, notamment sous l’angle de la défense de la biodiversité, constituait un sujet de préoccupation majeur et que  la Papouasie-Nouvelle-Guinée avait un rôle important à jouer.

M. Guillaume Lemoine a indiqué qu’il s‘efforçait, depuis sa prise de fonction en décembre 2020, de relancer l’Alliance pour les forêts tropicales voulue par le président de la République. Les autorités papouasiennes méconnaissent parfois les dispositifs auxquels elles pourraient faire appel, comme le Fonds vert des Nations-Unies. Basée à Nouméa, l’Agence française de développement (AFD) peut financer des projets en matière de lutte contre le changement climatique. Elle travaille actuellement à un projet de construction d’une usine de biomasse.

Un poste diplomatique à préserver

M. Teva Rohfritsch  a indiqué que la Polynésie française était attentive à l’évolution de la situation en Papouasie-Nouvelle-Guinée, qui est un acteur important dans la région. Il a demandé de quels moyens disposait l’ambassade pour accomplir ses missions.

M. Guillaume Lemoine a indiqué que l’ambassade n’employait que deux personnes, ce qui est modeste par rapport à la vingtaine d’agents de l’ambassade américaine et aux quatre cents personnes qui travaillent à l’ambassade d’Australie. La France doit veiller à ce que les moyens qu’elle déploie soient à la hauteur de ses ambitions dans la région et permettent de développer les relations avec la société civile, qui est l’avenir de la Papouasie-Nouvelle-Guinée.

Mme Catherine Procaccia a rappelé que le groupe d’amitié s’était opposé à la fermeture de l’ambassade, lorsqu’elle avait été envisagée par le Quai d’Orsay dans les années 2010, considérant que le potentiel du pays justifiait de maintenir une présence diplomatique.

L’ambassadeur Guillaume Lemoine répondant aux questions des sénateurs.

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