Réuni le jeudi 1er avril 2021, sous la présidence de M. Daniel SALMON (Écologiste – Solidarité et territoires – Ille-et-Vilaine), président, le groupe d’amitié France – Népal s’est entretenu avec M. Damien SYED, sous-directeur d’Asie Méridionale à la direction d’Asie et d’Océanie du ministère de l’Europe et des affaires étrangères.

A également participé à la réunion : Mme Jacky DEROMEDI (Les Républicains – Français établis hors de France), vice-présidente.

M. Damien SYED a indiqué que la vie politique du Népal, marquée par une transition difficile après une décennie de guerre civile, l’abolition de la monarchie et l’adoption d’une nouvelle Constitution, avait connu des changements importants en 2020, avec la fin d’une période de stabilité ouverte par les élections parlementaires de 2017. Celles-ci avaient vu la victoire du Nepal Communist Party (NCP), ayant fusionné les tendances marxiste-léniniste et maoïste de l’ancienne guérilla, et la nomination de Khadga Prasad Sharma Oli comme  Premier ministre.

En 2020, ce dernier a été l’objet d’attaques de son partenaire au sein du NCP, l’ancien chef de la guérilla maoïste, Pushpa Kamal Dahal, plus connu sous son nom de guerre de Prachanda (« le féroce »), qui a cherché à le renverser. Il est vrai que l’accord pré-électoral conclu entre les deux factions communistes prévoyait une alternance au pouvoir à mi-mandat. Le refus du Premier ministre Oli de renoncer à sa fonction a conduit Prachanda à lui retirer le soutien des députés maoïstes du NCP. En l’absence de majorité claire, la Chambre des représentants a été dissoute en décembre 2020, mais la Cour suprême a jugé cette décision contraire à la Constitution et rétabli la Chambre. Quelques semaines plus tard, les deux tendances communistes se sont séparées, et le NCP a été dissous en mars 2021. Le Premier ministre Oli continue d’expédier les affaires courantes dans un climat politique confus, marqué par de nombreuses combinaisons d’appareils, très évolutives. Il cherche à prendre ses distances avec les maoïstes et à élargir sa majorité au Congrès népalais, de centre-gauche, et aux conservateurs. La principale question politique au Népal porte sur la capacité du Premier ministre, qui a connu des problèmes de santé, à se maintenir au pouvoir jusqu’aux prochaines élections, prévues en 2022.

En réponse à une question de M. Daniel SALMON, président, M. Damien SYED a indiqué que la situation politique restait aujourd’hui conforme aux standards démocratiques. Pour autant, la démocratie népalaise demeure fragile, à la fois du fait de sa jeunesse et de la persistance d’une guérilla communiste, même si le Premier ministre Oli a récemment réussi à faire renoncer à la lutte armée une de ces factions (Biplav), ce qui a été unanimement salué comme un succès. Des rumeurs de coup d’État militaire dans ce contexte instable ont même circulé. La population népalaise observe ces manœuvres politiques avec un certain fatalisme, alors qu’elle attend beaucoup de ses dirigeants pour répondre aux difficultés du pays.

Ces difficultés sont d’abord économiques, en lien avec la pandémie de Covid-19. Il était prévu que 2020 soit l’année du tourisme et permette d’attirer 2 millions de touristes par an au Népal, contre 1,2 million, dont 30 000 Français, en 2019. Le coronavirus a tout arrêté, notamment le tourisme de montagne. Par ailleurs, des centaines de milliers de Népalais travaillant à l’étranger – il en existerait au total plus d’un million au moins – sont rentrés dans leur pays à cause de la crise, occasionnant d’importantes pertes de revenus pour leurs familles. Certes, le pays n’est actuellement pas confronté à un risque alimentaire aigu, mais des épisodes de sécheresse et de tempêtes ont fragilisé davantage la situation économique et sociale. La France a d’ailleurs apporté en 2020 une aide exceptionnelle de 250 000 euros en faveur du Népal via le Programme alimentaire mondial de l’ONU.

À M. Daniel SALMON, président, M. Damien SYED a fait observer que le Népal étant encore peu industrialisé, son tissu économique est essentiellement composé de petites et moyennes entreprises familiales et de coopératives, qui demeurent fragiles. La supervision des établissements bancaires par la banque centrale reste lacunaire. Comme dans beaucoup de pays de la région, l’économie informelle est très présente. Le gouvernement a toutefois relancé l’économie durement frappée par les séismes de 2015 et entrepris des réformes ces dernières années qui ont permis d’améliorer sensiblement le climat des affaires dans le pays. Mais beaucoup reste à faire, en termes de réformes structurelles et de renforcement de la gouvernance.

Répondant à M. Daniel SALMON, président, qui s’interrogeait sur l’évolution démographique népalaise, M. Damien SYED a indiqué que le Népal, avec près de 30 millions d’habitants sur un territoire assez réduit, présentait effectivement une démographie dynamique. La population est très inégalement répartie sur le territoire, essentiellement du fait du relief, ce qui pose d’ailleurs des défis en termes de développement : les vallées du Sud, proches de l’Inde, sont très peuplées, tandis que la haute montagne, au Nord, accueille surtout des villages isolés. Quant à la capitale, Katmandou, elle s’est développée de façon assez anarchique : elle est aujourd’hui engorgée et très polluée. Le projet de téléphérique envisagé pour réduire les embouteillages, et proposé par la société française Poma, n’avance pas, faute d’arbitrage politique. Katmandou présente aussi de gros besoins en matière d’adduction et de distribution d’eau. L’offre de la société française Vinci a d’ailleurs été retenue, mais le contrat n’est pas encore signé. L’hydroélectricité, qui présente un fort potentiel, commence à se développer, surtout sous la forme de partenariats avec l’Inde et la Chine. L’énergie solaire progresse également, et Total Eren se positionne pour répondre à la demande népalaise de fermes solaires.

M. Damien SYED a répondu à M. Daniel SALMON, président, que le dérèglement climatique commençait à être visible au Népal, où les hivers sont moins froids, avec des fontes de glaciers, et la saison des pluies moins marquée. Les Népalais disposent d’une bonne expertise du climat de haute montagne. Ils travaillent avec l’Institut de recherche pour le développement (IRD) et coopèrent depuis une quarantaine d’années avec le Commissariat à l’énergie atomique (CEA) en matière de sismologie. Le Népal accueille le siège de l’ICIMOD, le Centre international pour le développement intégré des montagnes, un centre intergouvernemental régional d’apprentissage et de partage des connaissances, regroupant huit pays.

Par ailleurs, le Népal est doté d’un réseau d’écoles fonctionnant plutôt correctement. Le français est la troisième langue étrangère enseignée dans le pays, après l’anglais et le chinois, mais le niveau des professeurs de français est inégal.

En réponse à une question de Mme Jacky DEROMEDI, vice-présidente, portant sur la présence de ressortissants français au Népal et sur leur attitude pendant la pandémie, M. Damien SYED a indiqué qu’une aide de l’État avait été versée, par la Société française de bienfaisance de Katmandou, à des Français travaillant au Népal. Plusieurs Français résidant au Népal sont rentrés lors de la pandémie, mais il en reste environ 200. L’ambassade de France à Katmandou a accompli un travail remarquable avec des moyens réduits pour rapatrier plusieurs centaines de Français au printemps 2020 par trois vols affrétés par le ministère des affaires étrangères.

À M. Daniel SALMON, président, qui s’inquiétait de l’ampleur de la pandémie de Covid-19 au Népal, M. Damien SYED a indiqué que la situation sanitaire y était sous contrôle. Le virus a tué environ 2 000 Népalais et contaminé 280 000 d’entre eux, ce qui reste limité. Les autorités ont décidé un confinement qui a affecté l’économie, mais qui a été progressivement allégé. Deux millions de Népalais sont d’ores et déjà vaccinés, par le vaccin Covishield mis au point par AstraZeneca et produit en Inde. Le Népal est éligible à l’initiative COVAX ayant pour but d’assurer un accès équitable à la vaccination contre le Covid-19. La Chine et l’Inde ont engagé une lutte d’influence au Népal à travers la vaccination. Les relations avec l’Inde se sont sensiblement améliorées grâce au don d’un million de doses, alors qu’elles s’étaient rafraîchies en 2020 après des déclarations sur l’Inde du Premier ministre Oli à des fins de politique intérieure. Toutefois, le Népal s’efforce de maintenir une relation équidistante avec les deux géants asiatiques, dans un contexte de relations sino-indiennes tendues.

En réponse à une question de M. Daniel SALMON, président, M. Damien SYED a indiqué que des entreprises françaises étaient très bien positionnées au Népal en matière de transport, en particulier ATR et Airbus Helicopters. La Direction générale de l’aviation civile coopère également avec les autorités népalaises pour les aider à sortir de la liste noire de l’Union européenne qui, en raison de problèmes de sécurité aérienne, interdit aux compagnies népalaises de voler dans le ciel européen. La coopération franco-népalaise a d’ailleurs été très active en 2019, année du 70e anniversaire de l’établissement de relations diplomatiques entre les deux pays, comme l’avait aussi montré le colloque organisé, au Sénat, le 3 juin 2019, par le groupe d’amitié. La France bénéficie d’une bonne image au Népal. En revanche, l’Union européenne n’y est pas encore suffisamment identifiée comme un partenaire majeur.

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