Réuni le mercredi 15 décembre 2021, sous la présidence de M. André REICHARDT (Les Républicains-A – Bas-Rhin), président, le groupe d’amitié France – Afrique de l’Ouest s’est entretenu, par visioconférence, avec M. Olivier SEROT ALMERAS, Ambassadeur de France au Cap-Vert.

Ont également participé à la réunion : MM. Laurent BURGOA (Les Républicains – Gard), président délégué pour la Gambie, Jean SOL (Les Républicains – Pyrénées Orientales), président délégué pour le Ghana, et Yves BOULOUX (Les Républicains – Vienne).

M. Olivier SEROT ALMERAS a regretté que le Cap-Vert soit un pays assez méconnu, hormis la chanteuse Cesaria Évora, et des images de carte postale qui lui sont attachées. Ce petit archipel comprenant dix îles de taille réduite, soit la superficie de la Corse, a obtenu son indépendance du Portugal en 1975, dans de bonnes conditions, quoiqu’étant dépourvu de ressources Il a réussi à affirmer son identité sur la scène internationale et à la faire reconnaître par ses partenaires et ses bailleurs. Le Cap-Vert est proche du monde créole, qui s’impose d’ailleurs de plus en plus au détriment des influences portugaises. Ainsi, lors de son récent discours d’investiture, le nouveau président de la République, José Maria NEVES, s’est exprimé à parité en portugais et en créole. Le pays est métissé, mais il garde néanmoins son cousinage lusophone, qu’il soit portugais ou africain.

L’Ambassadeur a indiqué que le Cap-Vert renvoie l’image d’un pays apaisé sur le plan intérieur. De fait, il constitue un modèle de stabilité, et même de maturité démocratique. Les trois scrutins organisés depuis 2020, municipaux, législatifs et présidentiels, se sont tenus sans heurts et dans une grande transparence. Le régime cap-verdien est semi-présidentiel : le Premier ministre a plus de pouvoirs que le président de la République, même si le Président NEVES a une forte personnalité et va tenter de donner une touche sociale à la politique de son gouvernement, d’inspiration libérale. Le système politique est essentiellement bipartisan, les petits partis ayant une faible audience (moins de 6 % des voix à la dernière élection présidentielle). La parité au sein des instances politiques et administratives, ainsi que dans les entreprises, progresse. Pour autant, le Cap-Vert a payé un lourd tribut à la pandémie de Covid-19.

M. Olivier SEROT ALMERAS a en effet expliqué que le secteur du tourisme, qui représentait 800 000 vacanciers par an avant 2020, est totalement à l’arrêt depuis le début de la pandémie. L’économie cap-verdienne en souffre beaucoup : le produit intérieur brut (PIB) a reculé de 15 points, la dette publique atteint 158 % du PIB, le déficit public a considérablement augmenté, et le taux de chômage, assez limité avant la crise, atteint désormais 20 % de la population active. Le pays est très pauvre ; il est notamment dépourvu de ressources naturelles, d’eau en particulier, et d’infrastructures. La compagnie nationale de transport aérien s’est effondrée, et le transport maritime entre les îles de l’archipel fonctionne mal. L'économie s’est repliée sur la solidarité intrafamiliale.

Par ailleurs, l’Ambassadeur a souligné le poids de la diaspora – il y a deux fois plus de Cap-Verdiens dans le monde qu’au pays, dont 200 000 aux États-Unis, dans la région de Boston, autant au Sénégal, et environ 80 000 en France, où cette communauté est bien intégrée. La diaspora cap-verdienne est essentielle au bon fonctionnement du pays. Enfin, l’aide internationale, apportée par la Banque mondiale, l’Union européenne et les bailleurs internationaux, continue de soutenir de façon décisive le Cap-Vert, comme le montre le budget 2022.

M. Olivier SEROT ALMERAS a indiqué que la pandémie de Covid-19 avait fortement touché le Cap-Vert, qui compte 38 000 cas, ce qui est substantiel pour une population de 560 000 habitants, mais qui est dépourvu de structures sanitaires et hospitalières de qualité – les médecins sont peu nombreux et le matériel médical souvent inutilisé faute de personnel formé. Dans ce contexte, les autorités cap-verdiennes ont pris des mesures drastiques de confinement. Le nombre de morts – environ 350 – est resté limité, la population étant relativement jeune. Par ailleurs, le Cap-Vert a bénéficié de ses bonnes relations avec le Portugal, mais aussi avec le Luxembourg, très présent dans ce pays, ainsi que de dons de la France en vaccins. La campagne de vaccination a été tardive, mais plutôt rapide : 70 % de la population a reçu deux doses de vaccin, et la campagne pour la troisième dose a débuté. Les Cap-Verdiens ont bien conscience que la vaccination est la condition sine qua non de la reprise du tourisme – les grands hôtels n’ont toujours pas rouvert.

Pour l’avenir, l’Ambassadeur a indiqué que le Cap-Vert cherche à continuer à s’ouvrir, à privatiser, à réorienter son secteur touristique vers l’éco-tourisme, à développer l’économie bleue et à investir dans le numérique, comme le démontre l’installation récente d’une ligne de fibre optique entre l’Amérique latine et le sous-continent africain proche.

M. Olivier SEROT ALMERAS a indiqué que le Portugal demeurait le principal partenaire du Cap-Vert, où il occupe une place privilégiée confinant au « droit de regard ». La Chine s’y affirme de plus en plus et fournit de nombreuses infrastructures et services (bâtiment du parlement, université, véhicules gouvernementaux, supérettes, etc.). Le Cap-Vert s’est rapidement tourné vers l’Union européenne avec laquelle il a souhaité avoir un partenariat privilégié : le Cap-Vert et l’Union ont signé en 2007 un partenariat spécial qui fonctionne bien. La délégation de l’Union européenne est aujourd’hui l’une des plus grosses structures diplomatiques présentes au Cap-Vert.

Abordant les relations bilatérales, l’Ambassadeur a rappelé que le Cap-Vert est membre de l’Organisation internationale de la francophonie (OIF) depuis 1996 – même s’il n’y est pas très actif. L’élite parle français et l’apprentissage de la langue française est obligatoire dans les écoles. L’Alliance française au Cap-Vert fonctionne bien. L’ambassade, au titre de son action de coopération, participe à la formation de policiers, de militaires et de douaniers cap-verdiens, et alloue des bourses scolaires. Par ailleurs, la France est également présente sur les questions de sécurité maritime et de lutte contre le trafic de drogues – neuf tonnes de cocaïne ont été saisies dans le port de Praia en 2020. Le défi le plus important pour l’ambassade est de réussir à faire venir des entreprises françaises au Cap-Vert. Certes, ces dernières sont présentes dans l’hôtellerie et la restauration, mais cela ne suffit pas, car il y a des marchés à conquérir, par exemple dans les infrastructures, les télécommunications, l’énergie renouvelable, l’énergie solaire en particulier, ou encore le dessalement des eaux. Il serait également souhaitable de disposer à l’ambassade d’un poste dédié aux questions consulaires. Enfin, le dialogue politique existe : le président de l’Assemblée nationale cap-verdienne s’était rendu à Paris avant la pandémie, et les relations ministérielles ont désormais repris – les ministres Jean-Baptiste LEMOYNE et Élisabeth MORENO, qui a la double nationalité française et cap-verdienne, se sont rendus au Cap-Vert. Les relations politiques mériteraient toutefois d’être plus régulières.

En réponse à M. André REICHARDT, président, M. Olivier SEROT ALMERAS a indiqué que la coopération décentralisée lui paraissait très adaptée à la situation de la diaspora cap-verdienne, qui se trouve à différents endroits du territoire français et qui agit généralement dans un cadre associatif. Des actions de coopération décentralisée, accompagnées par l’ambassade, sont menées avec la commune d’Amiens, par exemple dans l’adduction d’eau, l’assainissement et l’irrigation. Des associations cap-verdiennes locales sont également soutenues financièrement par l’ambassade.

À M. André REICHARDT, président, M. Olivier SEROT ALMERAS a répondu que le Cap-Vert n’était pas, pour l’instant, confronté à des risques terroristes ou djihadistes, même s’il convient de rester vigilant. Cette menace est surveillée par les services de renseignement cap-verdiens car le pays est un point de passage.

Répondant à M. Jean SOL, président délégué pour le Ghana, M. Olivier SEROT ALMERAS a indiqué que la place de l’énergie solaire et photovoltaïque au Cap-Vert restait marginale, et qu’il y avait une grande marge de progression dans ce secteur, les autorités ayant affiché l’objectif de porter à 50 % la part de l’énergie solaire dans le mix énergétique en 2030.

À M. André REICHARDT, président, qui l’avait interrogé sur ce point, M. Olivier SEROT ALMERAS a répondu que l’entreprise française Mascara, créée en 2014 près de Chartres, avait mis en place au Cap-Vert des petites unités de dessalement de l’eau de mer, mais qu’elle n’avait pas de représentant sur place. Le seul grand groupe français présent au Cap-Vert, Vinci, pourrait reprendre la concession des quatre aéroports internationaux de l’archipel. Mais, en règle générale, seules de petites entreprises françaises sont présentes dans le pays. Beaucoup d’entreprises françaises considèrent, souvent à tort, que le marché cap-verdien est trop étroit ou déjà occupé. En outre, l’absence de liaison aérienne directe entre les deux pays ne facilite pas les échanges.

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