Au cours d’une réunion qui s’est tenue le mercredi 15 décembre, sous la présidence de  M. Jean-Yves LECONTE, Président, et à laquelle a également participé M. Jean-Jacques LOZACH, le groupe d’amitié France-Croatie a entendu Mme Senka BURIC, chargée d’affaires de l’Ambassade de la république de Croatie et ses collaborateurs, Mme Ivana SADURA, 1ère secrétaire, chargée des affaires politiques et M. Duvar DUJIC, 1er secrétaire, chargé d’affaires économiques sur le bilan de la visite officielle du Président de la République, les objectifs stratégiques de la Croatie au sein de l’Union européenne (UE), la relation bilatérale et le contexte régional.

Accueillant Mme Senka Buric et ses collaborateurs, M. Jean-Yves Leconte, Président, a brièvement rappelé le contexte politique en Croatie. Evoquant les relations bilatérales avec la France, il s’est plus particulièrement réjoui de signature d’un partenariat stratégique entre les deux pays, à l’occasion de la récente visite officielle du Président Macron, et de l’accord finalisant la finalisation la fourniture à la Croatie de 12 avions de chasse Rafale pour un montant d’un milliard d’euros. Il a également souhaité que l’entretien permette de faire le point sur des perspectives d’adhésion de la Croatie à l’espace Schengen. Enfin, il a demandé à ses interlocuteurs de faire part aux membres du groupe de l’analyse que font les autorités croates de la situation en Bosnie-Herzégovine, et plus particulièrement de sa partie croate.

Mme Senka Buric a remercié les sénateurs pour leur accueil. Elle a énuméré les trois principaux  objectifs stratégiques de la Croatie : l’adhésion à l’espace Schengen, à la zone euro et à l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE).

Sur l’adhésion à l’espace Shengen, elle a rappelé que lors de sa réunion du 9 décembre dernier, le Conseil « Justice et affaires intérieures » avait conclu que la Croatie remplissait les conditions nécessaires à l’application de toutes les parties de l’acquis de Schengen. Cette vérification du respect des conditions est essentielle pour autoriser la levée des contrôles aux frontières intérieures croates.

Sur l’adhésion à la zone Euro, elle a  souligné que la Croatie remplissait les critères posés et pouvait, dans ces conditions espérer y adhérer le 1er janvier 2023, ayant déjà intégré le 10 juillet 2020 le mécanisme de taux de change (MCE II).

Enfin, elle a rappelé que Zagreb était candidate à l’OCDE depuis 2017 et poursuivait ses efforts pour remplir les critères d’adhésion.

La chargée d’affaires s’est félicitée de la visite officielle effectuée par le Président de la République française, M. Emmanuel Macron, en Croatie, les 24 et 25 novembre, soulignant qu’il s’agissait de la première visite officielle d’un président français depuis l’indépendance du pays en 1991. Elle a indiqué que les deux pays avaient décidé d’élargir et de renforcer le Partenariat stratégique franco-croate de juillet 2010, autour des axes suivants : 1) le renforcement du partenariat politique aux niveaux bilatéral et européen ; 2) l’action en faveur de la stabilité dans l’Europe du sud-est ; 3) la coopération dans le domaine de la défense et de la sécurité ; 4) la consolidation des relations économiques ; 5) le renforcement de la coopération universitaire et scientifique. Le partenariat stratégique comprend également un volet dédié au domaine spatial.

L’achat des 12 avions de chasse Rafale par la Croatie acté lors de la visite du Président de la République vise à renforcer les capacités et l’autorité stratégique croates tout en contribuant à l’architecture de défense de l’UE et de l’Organisation du Traité Atlantique Nord (OTAN). La Croatie a également signé trois contrats avec les entreprises françaises Dassault, MBDA et Safran Electronics & Defense dans le domaine de l’armement.

Mme Senka Buric a ensuite a précisé ce que seraient les priorités défendues par la Croatie en Europe, lors de la Présidence française du Conseil de l’Union européenne. Elle a mis plus particulièrement insisté sur la situation en Bosnie-Herzégovine et sur le problème des migrations, deux sujets de préoccupation majeure pour le gouvernement croate. Elle a rappelé que la Croatie constituait une frontière extérieure le l’Union européenne, et  était devenue récemment membre du groupe MED9.

M. Duvar Dujic a évoqué la coopération économique, estimant que celle-ci pouvait encore être renforcée. Il a indiqué que les échanges bilatéraux avaient augmenté de 46% entre 2016 et 2019. En échanges de biens, la France était le 10ème fournisseur de la Croatie et son 8ème client  en 2020. La même année, les échanges bilatéraux s’élevaient à 1 Mds d’euros.

M. Duvar Dujic a salué la signature du contrat d’achat d’avions de chasse Rafale, qui traduit le renforcement de la coopération européenne en matière de défense, dans le contexte d’une concurrence entre les avions de chasse français et les  F-35 américains. Cette coopération européenne est complémentaire à l’architecture de l’OTAN. De plus, cette acquisition est un atout pour la coopération franco-croate dans le cadre du Fonds européen de défense. M. Duvar Dujic a souligné, à cette occasion, l’expertise dont jouit la Croatie en matière d’armement, rappelant que l’entreprise croate HS Produkt, spécialiste des pistolets HS-2000 et du fusil d'assaut VHS, exportait sa production dans plusieurs pays dont la France.

Il a décrit l’importance des investissements français en Croatie, rappelant que l’entreprise Bouygues y était présente depuis 20 ans. Il a indiqué que la candidature de Bouygues élaborée en partenariat avec l’entreprise Aéroports de Paris (ADP), via leurs filiales respectives, et l’entreprise croate de construction Viadukt avait été retenue pour la conception et l’exploitation de l’aéroport de Zagreb. Il a également rappelé  que SUEZ avait remporté des contrats pour la conception et la construction de stations d’épuration dans le pays. La Croatie offrant un environnement favorable au développement de la bio raffinerie, la filiale d’IFP Énergies Nouvelles, Axens, allait, en association avec la société croate INA, convertir la raffinerie de Sisak en bio raffinerie pour produire du bioéthanol, dans le cadre de la « transition verte ».

M. Duvar Juvic a ensuite présenté le plan de relance croate, approuvé par la Commission en juillet 2021 : celui-ci s’élève à 9,9 Mds d’euros. Il compte 6,3 milliards d’euros de subventions dont 40% seront dédiés à la digitalisation et à la transition verte. Le gouvernement prévoit d’exploiter des centrales de cogénération dans les zones boisées du nord-est du pays pour produire de la biomasse. Il envisage également de pallier les inégalités de développement en réduisant notamment la fracture numérique.

En 2020, l’économie croate avait perdu 8 points de croissance, mais elle devrait retrouver cette année son niveau d’avant-crise. En 2020, le taux d’endettement représentait 88% de PIB, contre 73% l’année précédente. Grâce aux efforts menés par le Ministère des Finances, les performances économiques se rapprochent, malgré la crise, des critères de Maastricht et attestent de la discipline budgétaire du pays en vue de son adhésion à la zone euro. Y ont contribué les excédents budgétaires dégagés par l’économie croate entre 2016 et 2019, dans une période où la Croatie enregistrait des taux de croissance annuels de 3% et réalisait un excédent budgétaire oscillant entre +0,5% et +0,8%. Le 10 septembre dernier, la Commission européenne et les États membres de la zone euro ont signé avec la Croatie un protocole d’accord détaillant les modalités pratiques de production de pièces en euros qui entreront en vigueur dès lors que le pays aura reçu le feu vert pour rejoindre la zone euro. M. Duvar Dujic a relevé que les 2/3 de l’épargne investie par la population croate étaient déjà libellés en euro.

M. Jean-Yves Leconte, Président, a jugés remarquables  les efforts consentis par la Croatie.

Interrogé sur la contribution apportée par le secteur du tourisme à l’économie du pays, M. Duvar Dujic a indiqué que la saison 2021 avait été bonne, malgré l’impact des multiples séismes qui ont frappé le pays en 2020, et des mesures prises en réponse à la crise de la COVID-19 qui ont représenté 20% du budget.

En réponse à une question portant sur l’actualité politique croate et bosnienne, Mme Ivana Sadura a estimé que la dernière visite du Premier ministre croate, Andrej Plenković, en Bosnie-Herzégovine, avait été une réussite. Elle a rappelé que la Croatie soutenait l’élargissement de l’Union, nécessaire pour garantir la stabilité du voisinage, et qu’elle était favorable au changement de la Constitution bosnienne et à la mise en œuvre de réformes qui mettraient sur un pied d’égalité les trois peuples constitutifs, et permettraient à chacun d’entre eux d’élire ses propres représentants. M. Jean-Yves Leconte, Président, a cependant relevé que cette architecture n’était pas conforme aux accords de Dayton en vigueur et risquait donc de ne pas favoriser le succès d’une candidature de la Bosnie Herzégovine à l’Union européenne. Interrogée sur les liens économiques entre la Croatie et la Bosnie-Herzégovine à la suite de l’adhésion à l’UE de Zagreb, Mme Senka Buric a indiqué que les deux parties conservaient des liens étroits sur plusieurs volets. Aujourd’hui, la préoccupation majeure en Bosnie Herzégovine est le départ des jeunes en Croatie ou plus largement en Europe. L’ensemble des partis politiques de Croatie a convenu d’apporter de l’aide dans les domaines de l’éducation et de la santé notamment à destination de la population croate de Bosnie-Herzégovine.

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