Entretien en visioconférence entre M. Philippe Étienne, Ambassadeur de France aux États-Unis, et le groupe d’amitié FranceÉtats-Unis

Réuni le mardi 8 février 2022, sous la présidence de M. Antoine LEFÈVRE (Les Républicains –Aisne), le groupe interparlementaire d’amitié France-États-Unis s’est entretenu, par visioconférence, avec M. Philippe ÉTIENNE, Ambassadeur de France aux États-Unis.

Étaient également présents : Mme Marie-Christine CHAUVIN (LR – Jura), Mme Laure DARCOS (LR – Essonne, en visioconférence), M. Jérôme DURAIN (Socialiste, Écologiste et Républicain – Saône-et-Loire), M. Rémi FERAUD (SER – Paris), Mme Joëlle GARRIAUD-MAYLAM (LR – représentant les Français établis hors de France, en visioconférence), M. Fabien GENET (ratt. LR – Saône-et-Loire), Mme Else JOSEPH (LR – Ardennes), M. Éric KERROUCHE (SER – Landes), M. Jean-Yves LECONTE (SER – représentant les Français établis hors de France), M. Pierre-Antoine LEVI (Union Centriste – Tarn-et-Garonne), M. Thierry MEIGNEN (LR – Seine-Saint-Denis), Mme Catherine PROCACCIA (LR – Val-de-Marne), Damien REGNARD (LR – représentant les Français établis hors de France), M. Olivier RIETMANN (LR – Haute-Saône) et Mme Sylvie VERMEILLET (UC – Jura).

Les échanges ont principalement porté sur les différents aspects de la relation bilatérale à la suite de la crise dite des sous-marins de septembre 2021.

M. Philippe ÉTIENNE a indiqué que l’actualité ukrainienne illustrait l’état de la relation bilatérale. Avant son départ pour Moscou et Kiev, le Président de la République, M. Emmanuel MACRON, s’est entretenu à deux reprises avec le Président des États-Unis, M. Joe BIDEN. Les échanges bilatéraux sont denses à tous les niveaux et donnent lieu à un front uni dans les discussions avec la Russie., L’administration BIDEN a mis en avant la coopération et la coordination avec ses alliés. Ces consultations visent, selon l’Ambassadeur, à établir des objectifs communs tant sur l’intégrité territoriale et la sécurité de l’Ukraine que sur la préparation d’un nouvel ordre de sécurité européen. Vis-à-vis de Moscou la France et les États-Unis ont partagé la même détermination à défendre les principes de souveraineté et d’intégrité territoriale et la même ouverture au dialogue sur les garanties de sécurité en Europe, a ajouté l’Ambassadeur. Les lectures parfois différentes de la situation sur le terrain étaient liées aux renseignements disponibles, qui ont fait l’objet d’échanges fréquents.

S’agissant de la crise dite des sous-marins, l’Ambassadeur a rappelé la force de réaction de la France, à la suite de laquelle il a dit avoir constaté un changement d’attitude de ses interlocuteurs. Depuis la crise, Washington s’efforce d’alerter Paris sur des décisions qui pourraient la concerner, notamment dans la zone pacifique, soulignant l’intensification du travail bilatéral. La déclaration de Rome constitue, à cet égard, une feuille de route visant à rétablir la confiance entre les deux parties. La déclaration identifie plusieurs domaines de coopération ; dans la zone indopacifique où la présence française et les intérêts européens sont reconnus et valorisés ; dans la lutte contre le terrorisme international. Les États-Unis se montrent également réceptifs à l’importance d’une défense européenne. Nos deux pays sont également convenus de renforcer leur coopération dans le domaine des énergies durables. La France avec l’UE et les Etats-Unis sont engagés également dans le Conseil du commerce et des technologies (TTC). Dans le domaine spatial, la visite de la Vice-présidente américaine, Mme Kamala HARRIS, en novembre 2021, a acté le lancement d’un dialogue spatial en 2022. L’Ambassadeur a insisté sur l’importance de cette feuille de route, dans le cadre du renforcement de la coopération entre les deux pays.

M. Philippe ÉTIENNE a fait part des changements menés par l’administration BIDEN dans le cadre des relations avec la France et l’Union européenne (UE). Le 30 octobre 2021, les États-Unis et l’UE ont signé un accord pour lever les droits de douane additionnels sur les importations européennes d’acier et d’aluminium. Les deux parties ont également accepté de suspendre pendant cinq ans les droits de douane punitifs établis à la suite des subventions illégales accordées aux avionneurs Airbus et Boeing. Les États-Unis sont les premiers investisseurs étrangers en France. Ils constituent la deuxième destination des exportations françaises de biens. Les investissements français ont permis la création de 800 000 emplois aux États-Unis.

S’agissant du domaine culturel et de l’enseignement, l’Ambassadeur a fait part de sa satisfaction quant au lancement de la nouvelle institution Villa Albertine en octobre 2021, contribuant à moderniser l’image de la France aux États-Unis. L’Ambassadeur s’est également félicité de la relance des échanges universitaires. 52 établissements sont homologués aux États-Unis, soit une hausse de 5% depuis 2020. La communauté française compte aux États-Unis 350 000 résidents, dont 135 000 sont inscrits au registre en 2022. L’Ambassadeur a dit avoir constaté une baisse de ces échanges en raison de la pandémie et a espéré une reprise rapide au vu de la levée des restrictions de voyage liées à celle-ci. Il a souligné l’importance de la coopération parlementaire et a remercié les sénateurs de porter ce message. Il a rappelé l’importance des échanges réguliers avec le groupe interparlementaire du Congrès – French Caucus – créé à la suite de la guerre en Irak.

En réponse aux questions de Mme Joëlle GARRIAUD-MAYLAM portant sur la position des États-Unis vis-à-vis de Taïwan et la situation en Ukraine, l’Ambassadeur a rappelé que les États-Unis étaient très préoccupés par les tensions en mer de Chine.  Les  nombreuses déclarations et visites à Taïwan illustrent la position des États-Unis. S’agissant de la situation en Ukraine, l’administration BIDEN envisage plusieurs hypothèses compte tenu des incertitudes quant aux intentions du président russe et du Le regroupement massif de soldats russes à la frontière ukrainienne. Alors que le retrait d’Afghanistan avait dû être effectué dans des conditions ayant fait l’objet de critiques de la part de la population américaine,  les États-Unis ont décidé d’anticiper l’évacuation de leur personnel diplomatique de Kiev. La conférence de presse qui s’était tenue la veille à Moscou entre les présidents français et russe a été l’occasion de réaffirmer notre volonté de proposer des solutions à une situation critique.

L’Ambassadeur a ensuite répondu aux questions de M. Damien RÉGNARD, qui a fait part d’un point de vue divergent sur les relations entre Paris et Washington au Mali et à Haïti, et l’a interrogé sur le délai de la nomination de la nouvelle ambassadrice des États-Unis à Paris et sur les règles très contraignantes pesant sur les banques européennes. La réduction de la durée des visas destinés à la communauté d’affaires présentait également d’importantes difficultés. .

En ce qui concerne le Mali et Haïti, l’Ambassadeur a nuancé la position exprimée par M. Damien RÉGNARD. Il a indiqué que, depuis la crise des sous-marins, les États-Unis ont renforcé leurs aides en matière de renseignement et de capacités logistiques aux forces françaises au Sahel. Par ailleurs, l’analyse des États-Unis et de la France concernant le groupe Wagner et la junte au pouvoir à Bamako étaient largement convergentes. Les administrations française et américaine étaient en lien étroit s’agissant de  la situation en Haïti.

Malgré la hausse des tensions entre la Russie et les États-Unis, l’Ambassadeur a néanmoins rappelé qu’une certaine frange du milieu conservateur états-unien demeure proche de la Russie. Si cette frange n’est pas majoritaire au sein du camp républicain, elle le divise dans la définition de la politique étrangère du parti.

Sur l’interrogation quant au  délai de la nomination de la nouvelle ambassadrice des États-Unis en France, l’Ambassadeur a estimé que son arrivée tardive a été surtout dommageable pour les États-Unis. Bien loin d’une marque de distance, elle s’expliquait par la longueur du processus de nomination des ambassadeurs, dont la désignation doit être entérinée par le Sénat. La désignation des ambassadeurs des États-Unis au Royaume-Uni et en Allemagne avait nécessité un délai encore plus long. Ce temps de nomination s’explique par la forte opposition d’une partie des sénateurs Républicains, qui a retardé de plusieurs mois la confirmation des ambassadeurs.

Mme Laure DARCOS a ensuite interrogé l’Ambassadeur sur l’implication américaine en Afghanistan, et sur la responsabilité des États-Unis à l’égard de ce pays qu’ils ont quitté précipitamment. Les États-Unis considèrent l’aide apportée aux populations afghanes comme prioritaire, mais ne reconnaissent pas le gouvernement des talibans, selon l’Ambassadeur. Les États-Unis se montrent désormais attentifs à procurer une aide humanitaire aux populations afghanes. En réponse à une question de Mme DARCOS portant sur les GAFAM[1], l’Ambassadeur a souligné l’existence de nuances dans la position des États-Unis, constatant que ce sujet prenait de plus en plus d’ampleur au sein du Congrès. Même si à l’inverse des parlements européens, le Congrès des États-Unis peine à trouver des consensus face à ces préoccupations par l’adoption de dispositions législatives. S’agissant du Digital Market Act et du Digital Services Act, l’Ambassadeur a indiqué que les États-Unis ne sont pas opposés aux principes d’une régulation tout en reconnaissant que le fait que cette dernière viserait selon elles en premier lieu des entreprises états-uniennes pouvait être une source de préoccupation pour les autorités américaines. Enfin, l’Ambassadeur a salué l’accord sur la réforme du système fiscal international conclu par le cadre inclusif OCDE/G20.

Interrogé par M. Jérôme DURAIN sur la perception de l’Europe par les États-Unis, l’Ambassadeur a précisé qu’il s’agissait d’un thème qui a évolué avec les propositions portées par le Président de la République. Les États-Unis se disent favorables à la mise en place d’une défense européenne, bien que celle-ci reste encore à approfondir.

En réponse aux questions de M. Jean-Yves LECONTE portant sur les discussions avec l’Iran, la situation sur l’extraterritorialité du droit américain et la politique climatique des États-Unis, l’Ambassadeur a rappelé que l’administration BIDEN était prête à revenir à l’accord conclu avec l’Iran en 2015. S’agissant de l’extraterritorialité du droit, M. Philippe ÉTIENNE a précisé que ce sujet était identifié et l’objectif de simplification des obligations par les banques européennes vis-à-vis des États-Unis. L’Ambassadeur a également fait part du dialogue entamé avec les gouvernements français, néerlandais et le Trésor américain sur les accords Foreign Account Tax Compliance Act. Ces derniers envisagent la nationalité comme critère de rattachement au système fédéral fiscal. Dès lors, tous les citoyens américains entrent dans le champ d’application de l’impôt fédéral quel que soit leur pays de résidence. Les discussions entre les trois parties visent à simplifier la possibilité de renoncer à la nationalité américaine. S’agissant de la politique climatique des États-Unis, l’Ambassadeur a rappelé l’importance du retour de Washington dans l’accord de Paris. La conférence de Glasgow – la COP 26 – a entraîné une plus grande coopération dans la lutte contre le changement climatique. À l’inverse de l’Union européenne, les États-Unis ne disposent pas de mécanisme de tarification des droits d’émission de dioxyde de carbone. La coopération sur ce sujet se poursuit avec l’administration américaine.


[1] Google, Apple, Facebook (devenu Meta), Amazon et Microsoft.

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