Le 26 novembre 2019, le groupe d’amitié France-Vanuatu-Iles du Pacifique, présidé par Mme Catherine Procaccia (Les Républicains   Val-de-Marne), a organisé une réunion de travail sur le thème des luttes d’influence entre puissances dans la région Pacifique, en présence de Mme Marie-Pierre Giron, chef de la mission d’Océanie au ministère de l’Europe et des Affaires étrangères. Mmes Catherine Deroche, vice-présidente (Les Républicains   Maine-et-Loire) et Vivette Lopez, secrétaire (Les Républicains   Gard), et MM. Pierre Frogier, président délégué pour le Vanuatu (Les Républicains   Nouvelle-Calédonie) et Didier Marie, secrétaire (Socialiste et républicain – Seine Maritime), ont participé à cette réunion.


Mme Marie-Pierre Giron a d’abord rappelé que la région Pacifique est constituée d’une immensité océane parsemée de petits États insulaires ; l’État le plus peuplé est la Papouasie-Nouvelle-Guinée, avec neuf millions d’habitants, suivi des îles Fidji, avec près d’un million d’habitants ; les plus petits États, comme Nauru ou Tuvalu, comptent moins de 15 000 habitants. La plupart de ces pays ne disposent que de peu de ressources naturelles et le tourisme y est difficile à développer, en raison de leur éloignement géographique. Ils peuvent cependant vendre des licences de pêche à des flottilles étrangères, notamment chinoises ou coréennes, grâce à leurs vastes zones économiques exclusives (ZEE).


Mme Catherine Deroche a souligné la vulnérabilité de ces États face au changement climatique, l’élévation du niveau de la mer entraînant une salinisation des sols et de l’eau potable.


Mme Marie-Pierre Giron a ensuite indiqué que la Chine poursuit plusieurs objectifs dans le Pacifique. Elle cherche tout d’abord à étendre son influence dans la région, par le biais notamment de son aide au développement, qui peut prendre la forme de dons, par exemple avec la construction de bâtiments livrés clé en main, ou de prêts consentis à des taux avantageux.


Elle vise ensuite à isoler Taiwan, qui n’est plus reconnu que par quatre États dans la région, après la récente décision de Kiribati et des Îles Salomon de nouer des relations diplomatiques avec la République populaire. Chacun de ces États disposant d’une voix à l’assemblée générale des Nations Unies, il est important pour la Chine de s’en faire des alliés.


Enfin, la Chine cherche à renforcer sa présence stratégique dans le Pacifique Sud, y compris par l’implantation de bases militaires, et à avoir accès aux matières premières présentes en Papouasie-Nouvelle-Guinée et dans les Îles Salomon.


M. Didier Marie s’est interrogé sur la politique conduite par l’Australie et par la Nouvelle-Zélande pour préserver leurs intérêts dans la région et pour contenir l’influence de la Chine.


Mme Marie-Pierre Giron a indiqué que l’Australie et la Nouvelle-Zélande sont attachées à la stabilité de la région Pacifique, qui constitue leur « arrière-cour ». L’Australie a adopté une stratégie « Pacific Step-up » pour renforcer sa présence grâce à des investissements dans les infrastructures et à une coopération dans le domaine de la sécurité, passant notamment par la fourniture de patrouilleurs. Certains États lui reprochent cependant de rester en retrait sur la question climatique et la perçoivent comme une puissance hégémonique. Plus engagée en matière environnementale et culturellement plus proche, la Nouvelle-Zélande ne souffre pas du même déficit d‘image.


Préoccupé par l’avancée stratégique de la Chine, le Japon verse également des montants élevés au titre de l’aide publique au développement et se montre actif sur la question de la lutte contre le changement climatique.


Dans ce contexte, la France entretient un réseau diplomatique principalement implanté au Vanuatu, à Fidji et en Papouasie-Nouvelle-Guinée. Mais sa présence régionale tient surtout à la place occupée par la Nouvelle-Calédonie.


M. Pierre Frogier a déploré à cet égard que la France se soit considérablement désengagée de la région : la marine française n’a plus les moyens d’arraisonner un navire sans l’aide de l’Australie et est donc incapable de contrôler l’immense étendue de sa ZEE.
Mme Catherine Procaccia a souhaité obtenir des précisions sur le différend territorial qui oppose la France et le Vanuatu.


Mme Marie-Pierre Giron a expliqué que le désaccord porte sur deux îles inhabitées, situées au sud de la Nouvelle-Calédonie, ainsi que sur le tracé exact de la frontière maritime au nord des îles Loyauté. La France aimerait travailler à la résolution de ce différend avec le Vanuatu, qui fête l’an prochain le quarantième anniversaire de son indépendance.


Mme Catherine Procaccia a demandé où en était le référendum d’autodétermination en cours à Bougainville.


Mme Marie-Pierre Giron a rappelé que Bougainville est une province de la Papouasie-Nouvelle-Guinée qui fait partie, géographiquement, de l’archipel des Salomon. L’île a connu une période de violence dans les années 1990, liée à des mouvements séparatistes. Très meurtriers, les affrontements ont causé la mort d’environ 20 000 personnes. L’accord de paix conclu en 2001 a prévu la tenue d’un référendum sur l’indépendance de l’île à l’issue d’une période d’autonomie. C’est ce référendum, à valeur consultative, qui se déroule actuellement, les électeurs devant choisir entre l’indépendance ou une plus grande autonomie au sein de la Papouasie-Nouvelle-Guinée. Or il est vraisemblable que ces derniers se prononcent pour l’indépendance, ce qui pourrait raviver les tensions, le Parlement de Papouasie-Nouvelle-Guinée y étant hostile. Bien qu’elle dispose d’une mine de cuivre, Bougainville formerait un État fragile si elle devenait indépendante, et serait susceptible d’entrer dans la sphère d’influence de la Chine.


Mme Marie-Pierre Giron a enfin attiré l’attention sur l’épidémie de rougeole, favorisée par une insuffisante couverture vaccinale, qui touche actuellement les îles Samoa, Tonga et Fidji, et qui a déjà occasionné le décès de plusieurs dizaine de malades. La France examine l’assistance qu’elle pourrait apporter aux autorités des pays concernés.

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