Discours de clôture de Monsieur le Président du Sénat
Séance de conclusion de la conférence de consensus sur le logement
Jeudi 8 février 2018
Palais du Luxembourg – Salle Clemenceau



Monsieur le Ministre de la Cohésion des territoires, cher Jacques Mézard,
Monsieur le Secrétaire d’Etat, cher Julien Denormandie,
Monsieur le Président de la commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale, cher Roland Lescure,
Madame la Présidente de la commission des affaires économiques du Sénat, chère Sophie Primas, à laquelle je veux rendre hommage car elle a été la cheville ouvrière de cette conférence,
Mes chers collègues Vice-présidents et Questeur du Sénat,
Mes chers collègues présidents de groupes politiques,
Mes chers collègues députés et sénateurs,
Mesdames et Messieurs les présidents et représentants des associations d’élus,
Mesdames et Messieurs les présidents et représentants des acteurs de la politique du logement dans leur diversité : entreprises du bâtiment, de la promotion et de la construction, aménageurs, architectes, notaires, bailleurs sociaux, représentants des associations, banquiers, assureurs, agences nationales…
Mesdames et Messieurs,


Je remercie tout d’abord mes collègues sénateurs et députés pour la restitution qu’ils viennent de nous faire. Elle illustre la richesse des travaux menés au cours de ces cinq réunions thématiques, dont les comptes rendus vidéos seront mis en ligne sur la plateforme mise en place par le Sénat.

L’état d’esprit qui a prévalu au cours de cette conférence de consensus, la qualité d’écoute et d’échanges, le nombre de propositions concrètes formulées me paraissent très positifs.

Je le disais le 12 décembre, la raison d’être de cette conférence de consensus, c’est de nous permettre de dépasser clivages et stéréotypes. Je crois que vous y êtes parvenus.

Je remercie donc le gouvernement d’avoir accepté de s’engager dans cette démarche originale que j’ai proposée et que le Président de la République a acceptée. C’est une première. La mise en débat de l’intégralité de l’avant-projet de loi et de plusieurs travaux du Sénat a permis d’avoir des débats nourris, précis.

Elle permet, je le crois, de faire émerger des voies de consensus, mais aussi de faire surgir des questions, des manques, des besoins d’analyses complémentaires qui seront nécessaires pour permettre au Parlement de légiférer en toute connaissance de cause. Et donc de légiférer de la manière la plus éclairée possible, dans l’intérêt de la Nation.

Bien sûr, toutes les voies du consensus n’ont pas pu être atteintes au niveau des préconisations et ce n’est pas une surprise ! Mais des points ont pu être identifiés, partagés, et cela est utile pour pouvoir y travailler de manière efficace en vue de l’examen du projet de loi. Et tout naturellement en préservant le principe de liberté absolue de chaque parlementaire.

Je crois donc que cette conférence en valait la peine, car la politique du logement est un enjeu majeur pour l’ensemble de nos concitoyens. Et aussi, ne l’oublions pas, pour l’ensemble des entreprises du secteur du bâtiment et de l’aménagement, qui sont un pilier de notre économie.

Oui, je crois qu’elle en valait la peine, mais j’y mets une condition, bien sûr : qu’elle soit maintenant suivie d’effets concrets. Sans quoi elle ne serait jamais qu’un colloque de plus ! Et ce n’était assurément pas mon ambition. Je sais, Monsieur le Ministre, que ce n’est pas non plus la vôtre.
La conclusion de ce soir n’est donc pas un point final. C’est la fin du « prologue de la course législative ». Il appartient désormais au gouvernement et au Parlement d’engager une nouvelle étape.

Dans quelques jours, Monsieur le Ministre, vous transmettrez au Conseil d’Etat un projet de loi finalisé. Je ne doute pas qu’il tirera les conséquences des débats qui ont eu lieu au Sénat. Puis vous présenterez votre projet de loi en conseil des ministres et le déposerez sur le bureau de l’une des deux assemblées, ce qui marquera le point de départ formel du processus législatif.

Il nous reviendra alors à nous, sénateurs et députés, dans un dialogue avec le gouvernement et entre nous, d’en tirer également des conséquences concrètes, grâce en particulier aux travaux qui seront menés par les rapporteurs, en toute indépendance et en toute exigence.

Monsieur le Ministre, je vous laisserai naturellement le soin de dévoiler les conclusions que vous entendez tirer dès à présent, puis en vue de l’examen du projet de loi au Parlement.

Je vais pour ma part vous indiquer quelques points que je retiens particulièrement des interventions de mes collègues, en termes de méthode comme de fond.

La méthode d’abord : deux points qui portent sur le recours aux ordonnances et sur les études d’impact.

Vous le savez, Monsieur le Ministre, tout autant que moi : le Sénat n’est guère favorable aux ordonnances sur un texte comme celui-là. Votre avant-projet de loi en comportait plusieurs.

Compte tenu de la qualité des échanges qui ont eu lieu au cours de cette conférence, je sais que le gouvernement est désormais prêt à inscrire immédiatement de nombreuses dispositions dans le projet de loi. Je pense particulièrement à :
- la réorganisation du tissu des bailleurs sociaux,
- la transparence des données immobilières et foncières,
- la réquisition d’immeubles de bureaux vacants à des fins d’hébergement d’urgence,
- les agréments des observatoires locaux des loyers,
- les obligations d’économies d’énergie du secteur tertiaire,
- ou encore l’instauration d’un carnet numérique du logement et du bâtiment.
C’est un apport tangible de cette conférence. Il nous permettra de légiférer en toute clarté. J’espère que vous pourrez nous le confirmer dans un instant.

Nous pensons qu’au-delà de ce premier effort, il faudra réduire encore le nombre d’ordonnances. Notamment, vous l’avez compris dans le propos de Dominique Estrosi Sassone, concernant les règles d’organisation et de gouvernance de la copropriété. Oui, il faudra le réduire au maximum, c’est-à-dire tendre vers « zéro ordonnances ».

Second point de méthode et il est important : les études d’impact. En ouverture de cette conférence, vous aviez dit souhaiter mettre à disposition des acteurs, dès qu’elle serait disponible, l’étude d’impact associée à l’avant-projet de loi.

Les délais de finalisation de cette étude ne l’ont malheureusement pas permis. Chacun a pu mesurer au cours des débats combien les attentes sont fortes en ce domaine. Fortes et légitimes !

Monsieur le Ministre, nous comptons donc sur vos services pour produire une étude d’impact précise et détaillée. Ce sera en effet un élément important pour légiférer de manière efficace et en toute connaissance de cause. Je suis certain que les nombreuses contributions reçues vous y aideront.

Je souhaite aussi vous adresser un message, à vous tous qui avez participé à cette conférence : au moment où débutera le processus législatif formel, c’est-à-dire au moment du dépôt du projet de loi, nous, parlementaires, nous aurons encore besoin de vous.

Nous aurons besoin de vous, en particulier, pour que vous apportiez à nouveau votre propre expertise, votre propre contre-expertise en matière d’évaluation des effets des mesures envisagées. C’est essentiel et vous pourrez utiliser la plateforme mise en place par le Sénat pour nous les adresser.

Je voudrais maintenant aborder quelques sujets de fond, sans naturellement reprendre tout ce qui a été dit par mes collègues.

Je retiens tout d’abord, de manière transversale, deux messages forts :

Le premier message, c’est la nécessité d’adopter une approche pragmatique, qui prenne mieux en compte les besoins, les spécificités et les contraintes des territoires, qui prenne mieux en compte les expériences des acteurs de terrain, et en particulier des maires. Sophie Primas l’a clairement exprimé. Mathieu Darnaud l’avait également souligné lors de la réunion du 20 décembre ;

Les maires et les élus locaux sont des interlocuteurs que l’Etat doit considérer comme de vrais partenaires, auxquels il doit faire davantage confiance ! Oui, la confiance, ce mot qui était au cœur de mon intervention devant le Président de la République, ici même, lors de la première conférence nationale des territoires, le 17 juillet dernier. Car sans la confiance, nous ne pourrons pas avancer dans l’intérêt du pays !

Un message récurrent a été adressé sur l’exercice des compétences communales, qui ne doit pas être remis en cause de manière autoritaire. Je souhaite que ce message soit clairement entendu par le gouvernement.
Le second message transversal, c’est l’urgence de simplifier. Et, à tout le moins dans le cadre du futur projet de loi, de ne pas complexifier et de ne pas déstabiliser ce qui fonctionne ! Les acteurs ont besoin de sécurité juridique.

La proposition de loi de François Calvet et Marc Daunis, le rapport de la conseillère d’Etat Christine Maugüé, sont autant d’éléments importants à prendre en compte en matière d’urbanisme et d’aménagement.

Nous devons avoir des ambitions élevées de simplification, y compris des nouveaux dispositifs envisagés par le gouvernement, comme les grandes opérations d’urbanisme ou les projets partenariaux d’aménagement ! Et prendre en compte les interrogations ou inquiétudes qui ont pu s’exprimer, comme l’a rappelé Marc Daunis. Marc-Philippe Daubresse avait également souligné l’importance de cet enjeu de la simplification lors de la réunion du 10 janvier.

Au-delà de ces messages transversaux, je voudrais revenir sur quelques points plus sensibles, à propos desquels la conférence a permis de « décanter » des sujets, sans forcément permettre d’aboutir à des solutions consensuelles. Ce sera le rôle du Parlement que de les trouver, dans un dialogue avec le gouvernement, dans l’intérêt du pays.
Je relève tout d’abord avec satisfaction que la conférence de consensus a permis de faire évoluer et de clarifier l’approche du gouvernement concernant la réorganisation du tissu des bailleurs sociaux. Le dialogue a permis de souligner combien une approche territorialisée et pragmatique est nécessaire et combien aussi le critère de la taille est insuffisant. Valérie Létard l’a exprimé tout à l’heure. Je sais aussi combien Marie-Noëlle Lienemann et le Président Hervé Marseille y sont sensibles.

Pour reprendre la conclusion de la contribution du département du Val d’Oise, après une loi de finances qui a abordé les sujets « sous l'angle des chiffres, la future loi doit permettre de replacer le logement dans un objectif de cohésion sociale des territoires ».

Mes collègues sénateurs seront particulièrement vigilants sur les dispositions qui seront finalement proposées. Et Monsieur le Ministre, je me rendrai moi-même sur le terrain pour bien en mesurer les effets car c’est un sujet important pour la cohésion territoriale.

La conférence a également permis de mettre en lumière certaines interrogations concernant des points importants de l’avant-projet de loi, comme le bail mobilité ou encore les modalités de revitalisation des centres-villes.
Dominique Estrosi Sassone et Rémy Pointereau l’ont rappelé tout à l’heure, les débats ont été nourris et doivent amener à retravailler et à compléter les mesures envisagées par le gouvernement en la matière.

Le dialogue sur la revitalisation engagé dans le cadre de la conférence se poursuivra grâce aux travaux actuellement menés par Rémy Pointereau et Martial Bourquin. J’ai donc bon espoir que, d’ici l’examen du projet de loi, des solutions puissent être trouvées de manière convergente, notamment concernant la régulation des implantations commerciales qui a fait l’objet de nombreux débats.

Je retiens également que la conférence a permis d’inscrire au débat des sujets nouveaux, qui ne figuraient dans l’avant-projet de loi.

C’est vrai en matière de financement et de moyens fiscaux de la politique du logement, pour inciter les bailleurs privés et les bailleurs institutionnels à s’engager dans l’investissement locatif. Dominique Estrosi Sassone et Daniel Dubois l’avaient souligné le 18 janvier. Un consensus a émergé sur la nécessité de revoir les zonages des dispositifs fiscaux et il faudra donc y travailler dans la perspective de la prochaine loi de finances, cher Philippe Dallier.

J’ai bien relevé les remarques formulées en vue de la réforme de la fiscalité locale, sur les liens entre constructions nouvelles de logement, demandes de services publics et évolution de la fiscalité locale.

La conférence a aussi permis d’avoir des échanges nourris, parfois vifs et passionnés, sur l’application de la loi SRU, qui ne figurait pas dans le texte de l’avant-projet de loi. C’est un sujet que j’avais évoqué à l’ouverture de cette conférence car c’est un message qui remonte très fortement lorsque le me déplace dans les départements.

Il me semble qu’un double consensus apparaît. Un consensus pour ne pas remettre en cause l’objectif de mixité sociale qui est le cœur de la démarche de la loi SRU. Les messages portés notamment par les associations l’ont été fortement !

Mais un consensus est aussi apparu pour sortir de situations inextricables, voire absurdes car elles ne prennent pas en compte les réalités et les contraintes des territoires, ni la réalité intercommunale.

Plusieurs contributions de maires, de différentes sensibilités politiques, ont abordé de manière très concrète cet enjeu, de Lorient à Versailles en passant par une nouvelle contribution reçue du maire du Mesnil-le-Roi.
La solution de sortie n’a pas encore été trouvée de manière consensuelle mais nous disposons d’un panel de solutions intéressantes, Sophie Primas et Valérie Létard les ont évoquées. Le Sénat va les travailler de manière précise en vue de l’examen du projet de loi. Nous devons être capables d’avancer de manière pragmatique et je compte sur le gouvernement pour y parvenir. On ne pas maintenir le statu quo ! Soyons efficaces et non idéologues ! Prenons en compte les réalités territoriales !

Oui, prenons en compte les réalités territoriales, en métropole comme dans nos outre-mers. Je tiens à remercier les acteurs qui nous ont adressé des contributions faisant état des spécificités ultramarines, qui sont trop souvent mal appréhendées et reçoivent donc de mauvaises réponses.

De nombreux autres sujets ont été abordés au cours des réunions, concernant notamment l’accession sociale à la propriété ou la lutte contre l’habitat indigne, qui sont des éléments très importants, sur lesquels il nous faut continuer à travailler. Beaucoup de propositions innovantes et intéressantes ont été versées au débat, comme sur le statut fiscal du bailleur, la saisie immobilière, les solutions pour les étudiants et les jeunes actifs, la reconversion de bureaux en logement ou les enjeux fonciers. Toutes ces propositions nécessitent d’être analysées dans le détail et elles le seront. C’est un engagement que nous prenons et que nous tiendrons !

Je veux donc remercier une nouvelle fois l’ensemble des participants à la conférence de consensus car cette démarche originale nous permettra, je l’espère, d’apporter une réponse adaptée aux besoins de nos concitoyens !

Une réponse adaptée qui passe par quelques idées-clés qui résument, au fond, l’état d’esprit qui se dégage de cette conférence :
- la nécessité d’une confiance envers les acteurs de terrain, notamment des maires ;
- une meilleure prise en compte des réalités territoriales dans notre approche normative. C’est ainsi que nous pourrons répondre au défi numéro 1 qu’est la cohésion territoriale ;
- un besoin de simplification et de sécurisation juridique des acteurs.
C’est en ayant ces idées essentielles à l’esprit que nous pourrons adapter l’offre de logements aux besoins de nos concitoyens et des territoires, que nous pourrons redonner vie à nos centres-villes et à nos centres-bourgs.

Collectivement, nous ne pouvons pas nous permettre de rater l’examen du projet de loi dit « ELAN ». Je pense que cette conférence nous permettra de le réussir !

Seul le prononcé fait foi