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Le Sénat adopte à l’unanimité une proposition de loi portant diverses mesures d’urgence relatives à la chasse

Saisi d’une proposition de loi déposée par MM. Roland du Luart (RI, Sarthe) et Gérard Larcher (RPR, Yvelines), et cosignée par des sénateurs représentant l’ensemble des groupes politiques, le Sénat a adopté le rapport présenté par Mme Anne Heinis (RI, Manche), au nom de la commission des affaires économiques, dans la nuit du mardi 22 juin.

Cette proposition vise d’abord à mieux définir la chasse à la passée et la chasse de nuit au gibier d’eau en confortant leur régime juridique contesté par un arrêt récent du Conseil d’Etat. Constatant que six pays européens en dehors du nôtre pratiquent ce type de chasse, que la directive communautaire ne l’interdit pas explicitement et que ce mode de chasse est sélectif, le Sénat a précisé que :

– la chasse à la passée peut être pratiquée deux heures avant l’heure légale du coucher du soleil et deux heures avant son lever ;

– la chasse de nuit demeure autorisée dans les 42 départements où il a été constaté qu’il s’agissait d’un mode de chasse traditionnel.

Toutefois, le Sénat, dans le souci d’une bonne gestion cynégétique, a rendu obligatoire la déclaration en mairie des installations fixes de tir ainsi que la tenue d’un carnet de prélèvement.

Le Sénat a également voté une disposition visant à la fois à reconnaître le droit de " non chasse " et à préserver l’outil incomparable de gestion cynégétique que représentent les associations communales de chasse agréées (ACCA), afin de tirer les conséquences juridiques d’un arrêt récent de la Cour européenne des Droit de l’Homme.

Cette mesure reconnaît le droit d’opposition à tout propriétaire opposé à la chasse, et à lui seulement, sans considération de la superficie de son terrain et ne lui fait plus obligation d’être membre de l’ACCA. Toutefois, ce propriétaire devra en faire la déclaration en mairie et signaliser sa parcelle, tout en demeurant personnellement responsable des dégâts qui pourraient être commis par le gibier provenant de son fonds. La chasse sera alors interdite, sous réserve d’éventuelles mesures de police administrative, sur les parcelles ainsi déclarées et signalisées. A contrario, il demeurera interdit, sous réserve des critères inchangés de superficie en vigueur, aux propriétaires chasseurs de sortir de l’ACCA.

Au cours de la discussion générale, Mme Anne Heinis, rapporteur de la commission des Affaire économiques, après avoir rappelé l’économie du dispositif a souligné l’urgence de son adoption afin d’assurer un déroulement harmonieux de la prochaine saison de chasse. Elle a considéré que les conflits multiples opposant chasseurs et défenseurs parfois idéologues de la nature révélaient un malaise plus profond auquel les responsables politiques devaient apporter une réponse concertée pour assurer une gestion équilibrée des espaces naturels. Soulignant que le Sénat souhaitait sur ce sujet mener un débat ouvert et approfondi, elle a appelé de ses voeux une loi d’orientation réorganisant l’exercice de la chasse.

M. Roland du Luart, président du groupe chasse du Sénat, (Sarthe, R.I.) a insisté sur le souci des auteurs de la proposition de loi de permettre une gestion raisonnée du gibier d’eau à travers notamment la déclaration obligatoire des installations fixes et la tenue d’un carnet de prélèvement et sur la volonté du groupe chasse de poursuivre ses réflexions sur une réforme plus ambitieuse du droit de la chasse.

M. Jean Bizet (Manche, RPR) a jugé que l’exercice de la chasse représentait un espace de liberté à préserver et qu’il permettrait de gérer -sans peser sur les finances publiques- l’équilibre fragile des écosystèmes.

M. Jean-Louis Carrère (Landes, Soc), a souhaité qu’à travers le vote de la proposition de loi, il soit mis fin aux tracasseries multiples auxquelles sont soumis les chasseurs et il s’est étonné que le Gouvernement n’ait fait aucune proposition de modification législative alors que les arrêts du Conseil d’Etat et de la Cour européenne des droits de l’Homme ont été rendus en avril 1999. Il a jugé que l’aménagement de la " loi Verdeille " proposé à l’article 2 devait être adopté de toute urgence pour éviter l’éclatement des territoires de chasse. Il a enfin demandé au ministre d’organiser un régime de dérogation limité, sur le fondement de l’article 9 de la directive " Oiseaux ", afin de compléter l’arrêté de classement pris pour le bruant-ortolan.

M. Pierre Lefèbvre (Nord - CRC) s’est déclaré en faveur d’un débat général sur les problèmes de la chasse et a souhaité que soient renoués les fils du dialogue. Il a approuvé les dispositions relatives à la déclaration en mairie des postes fixes pour la chasse du gibier d’eau et à l’instauration des carnets de prélèvement. S’agissant de l’apport des terrains dans le cadre des ACCA, il a jugé que l’intérêt général poursuivi justifiait cette atteinte proportionnée au droit de propriété.

M. Jean-Guy Branger (Charentes-Maritimes, UC) s’est associé aux signataires de la proposition de loi en soulignant la nécessité d’adopter très vite un texte même transitoire pour résoudre les difficultés soulevées par les deux décisions de justice récentes.

M. Xavier Pintat (Gironde, RI) a souligné la part prépondérante prise par les acteurs ruraux, qui ne représentent plus que 5 % de la population, dans la gestion des espaces naturels, qui couvrent 80 % du territoire national et il a jugé que le Sénat, par son vote, devait adresser un message clair aux représentants des institutions européennes s’agissant de la défense de la chasse en France.

Mme Dominique Voynet, ministre de l’environnement, après avoir exposé de manière exhaustive les différents modes de chasse du gibier d’eau pratiqués à partir de postes fixes et retracé l’historique de la réglementation française à ce sujet, s’est opposée à une reconnaissance légale de la chasse de nuit. S’appuyant sur les pratiques constatées dans les Etats-membres s’agissant de la chasse à la passée, elle a considéré que le délai de deux heures après le coucher du soleil ou deux heures avant son lever était excessif et qu’il convenait d’en rester aux règles dégagées par la jurisprudence.

En ce qui concerne l’article 2 de la proposition de loi, elle a reconnu que le dispositif répondait en partie aux griefs soulevés par la décision de la Cour européenne des droits de l’homme, sans toutefois résoudre à ses yeux le régime discriminatoire instauré entre petits et grands propriétaires chasseurs.

Elle s’est déclarée hostile à l’adoption de l’ensemble de la proposition de loi, déclarant s’en remettre aux conclusions attendues de plusieurs experts ou groupes de travail pour élaborer un texte général sur l’organisation de la chasse.

A l’issue de ses travaux le Sénat, par 317 voix contre zéro, a adopté à l’unanimité des suffrages exprimés la proposition de loi.

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