Service des Commissions

COMMUNIQUE DE PRESSE

M. Alain Richard présente devant les sénateurs

le projet de budget de la défense pour 2000

Réunie sous la présidence de M. Xavier de Villepin, président, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat a entendu, le mercredi 22 septembre 1999, M. Alain Richard, ministre de la défense, sur les crédits de la défense inscrits dans le projet de loi de finances pour 2000.

Le ministre de la défense a tout d’abord souligné que la préparation du budget de la défense pour 2000 avait été guidée par une double préoccupation : assurer la continuité de notre politique de défense et renforcer l’efficacité de la dépense publique. Il a rappelé que l’année 2000 serait marquée par la fusion au sein du ministère de la défense des services du secrétariat d’Etat aux anciens combattants, les crédits d’intervention et de subventions au profit des anciens combattants demeurant toutefois inscrits dans un fascicule budgétaire séparé.

M. Alain Richard a également indiqué que ce budget serait le quatrième à s’inscrire dans le cadre de la loi de programmation militaire pour les années 1997-2002 qui devrait être ainsi la première, depuis le début des années 1980, à aller jusqu’à son terme sans être remise en cause. Il a insisté sur les efforts accomplis par le ministère de la défense pour améliorer ses méthodes de gestion ainsi que la présentation du budget.

Le ministre a souligné que de nombreuses mesures inscrites au projet de budget résultaient directement du dialogue entrepris avec le Parlement, et en particulier avec les rapporteurs et le président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat. Il a cité à ce titre l’extension du recours à la sous-traitance, l’augmentation des crédits d’équipement et de fonctionnement de la gendarmerie, le relèvement des crédits d’infrastructure de l’armée de terre et des crédits d’entretien programmé des matériels de la marine et, enfin, l’amélioration des crédits de fonctionnement courant des armées.

M. Alain Richard a ensuite présenté les principales caractéristiques du budget de la défense pour 2000 qui s’élèvera, hors pensions et hors apport des anciens combattants, à 187,4 milliards de francs en crédits de paiement, dont 104,5 milliards de francs pour le titre III et 82,9 milliards de francs pour le titre V.

En ce qui concerne les effectifs, a-t-il poursuivi, l’année 2000 verra la suppression de 36 000 postes d’appelés, 230 postes d’officiers et 4 500 postes de sous-officiers alors que, parallèlement, seront créés 8 300 postes de militaires du rang, 6 500 postes de volontaires et 1 600 postes de personnels civils.

Le ministre de la défense a également précisé que les mesures d’accompagnement de la professionnalisation seront renforcées, le fonds d’accompagnement étant doté de plus d’un milliard de francs alors que les aides à la mobilité et au départ représenteront 1,9 milliard de francs et que la progression de la dotation consacrée aux réserves sera poursuivie.

S’agissant des dépenses ordinaires, M. Alain Richard a relevé trois mesures nouvelles : une amélioration de la condition des personnels civils et militaires pour un montant de 326 millions de francs ; un effort important pour améliorer les moyens de fonctionnement courant des armées ; et un développement des actions de sous-traitance pour un montant de 216 millions de francs représentant l’équivalent d’un peu plus d’un millier de postes, afin de pallier le déficit en personnel civil. Il a souligné que ce redéploiement de crédits de rémunérations et de charges sociales vers les actions de sous-traitance était temporaire et réversible, les contrats de sous-traitance ayant vocation à être suspendus lorsque les postes de personnels civils pourront être pourvus en nombre suffisant.

Abordant les dépenses en capital, M. Alain Richard a précisé qu’elles se monteraient à 82,9 milliards de francs en crédits de paiement et à 87,5 milliards de francs en autorisations de programme. L’augmentation des autorisations de programme qui, pour la première fois depuis 1992, seront supérieures aux crédits de paiement, doit permettre de poursuivre l’engagement dans les années futures de programmes dont le financement n’avait pas été inscrit dans la loi de programmation –comme l’avion de transport futur ou les nouveaux transports de chalands de débarquement– et de poursuivre la politique de commandes pluriannuelles qui représenteront, à la fin de l’année 1999, un montant total d’engagement de 45 milliards de francs, auxquels 15 milliards de francs supplémentaires s’ajouteront en 2000.

Le ministre de la défense a ensuite commenté la diminution des crédits de paiement du titre V qui diminueront de trois milliards de francs d’un an sur l’autre. Il a indiqué que cette diminution résultait mécaniquement de la faiblesse des engagements opérés lors des années antérieures. Compte tenu du rythme de consommation des crédits, qui s’est redressé puisqu’il a atteint 92 % en 1998, il a jugé préférable, afin d’éviter un montant trop élevé de reports, de fixer les crédits de paiement pour 2000 à un niveau plus réaliste.

M. Alain Richard a toutefois précisé que la diminution des crédits de paiement du titre V s’accompagnait d’un double engagement du Premier ministre :

- les crédits de report de l’exercice 1999 seront mis à la disposition du ministère de la défense dès la fin du premier trimestre 2000 afin de faciliter leur gestion ;

- si cette enveloppe, complétée par les reports de la fin 1999, se révélait insuffisante, les crédits supplémentaires nécessaires seraient inscrits dans la loi de finances rectificative pour 2000.

Le ministre de la défense a ensuite présenté l’évolution des principaux programmes d’équipement :

- dans le domaine nucléaire, il a annoncé la commande du quatrième SNLE de nouvelle génération et la poursuite des programmes M 51 et ASMP amélioré dans le cadre de deux commandes globales ;

- dans le domaine spatial, le satellite Hélios I B sera lancé à la fin de l’année 1999, ce qui permettra d’économiser les crédits de maintien en condition opérationnelle qui lui étaient consacrés. D’autre part, dans le cadre de la contribution de la défense au budget civil de recherche et développement, qui atteindra 1,5 milliard de francs en 2000, le ministère de la défense poursuivra sa coopération avec le Centre national d’études spatiales ;

- en ce qui concerne l’équipement des forces classiques, le ministre a évoqué, pour l’année 2000, la passation de commandes globales relatives aux programmes de missiles Mica et aux moyens de transmission des bases aériennes, ainsi que le lancement de la commande de la première frégate antiaérienne Horizon. Il a précisé que d’importantes dotations seraient consacrées au programme Rafale, dans ses deux versions air et marine, ainsi qu’au char Leclerc.

Enfin, le ministre a souligné l’augmentation du montant des crédits de recherche et de développement qui permettra notamment de poursuivre les études relatives à un système spatial d’observation radar malgré les difficultés rencontrées sur le programme Horus.

M. Alain Richard a conclu en estimant que les premiers enseignements tirés du conflit du Kosovo démontraient la pertinence de la professionnalisation de nos forces et illustraient le haut niveau atteint par nos équipements militaires, la France ayant été le seul pays, en dehors des Etats-Unis, capable d’assumer la quasi-totalité des missions au cours du conflit. Il a précisé que le coût total de cette opération extérieure pour 1999 était actuellement évalué, conformément aux prévisions, à 3,260 milliards de francs. Il a indiqué qu’après la France, plusieurs autres pays européens, et notamment l’Italie, le Portugal et l’Espagne, avaient à leur tour décidé d’adapter leur outil de défense pour mieux répondre aux exigences des nouvelles formes de crise. Le ministre a souhaité que cette convergence des politiques de défense s’accompagne de la construction d’une Europe politique de la défense.

Un débat s’est ensuite instauré avec les commissaires.

M. Guy Penne a interrogé le ministre sur la possibilité, pour de jeunes Européens présentant un haut niveau de qualification technique, d’occuper des postes de volontaires. Il s’est par ailleurs inquiété du montant des dotations destinées à assurer la reconversion de certains sites d’industries de défense.

M. Emmanuel Hamel a demandé au ministre quelles conclusions avaient été tirées par le gouvernement des constatations faites par la commission sénatoriale dans son rapport sur les premiers enseignements de l’opération " Force alliée " au Kosovo. Il a ensuite interrogé M. Alain Richard sur l’état actuel des études relatives au second porte-avions.

M. Serge Vinçon s’est déclaré surpris devant la dotation réservée aux crédits de paiement du titre V du budget de la défense dans le projet de loi de finances pour 2000 ; il a rappelé qu’à la suite de la revue de programmes conduite par le gouvernement, il avait été prévu d’affecter annuellement 86 milliards de francs à cette ligne budgétaire durant les quatre années 1999-2002. Le sénateur a ensuite interrogé le ministre sur les perspectives d’industrialisation de l’hélicoptère NH 90, du missile antinavire futur (ANF) ainsi que sur le devenir du projet d’avion de transport futur (ATF). Il a enfin demandé confirmation des perspectives de commandes et de livraisons du char Leclerc.

M. André Boyer s’est inquiété du devenir du projet de frégate anti-aérienne Horizon après que la Grande-Bretagne eut annoncé son retrait partiel du programme. La perspective de coopération avec l’Italie sur ce programme permettra-t-elle à la France de disposer des quatre bâtiments dont elle souhaite se doter ?

M. Aymeri de Montesquiou a interrogé le ministre sur la possibilité pour la France de construire seule un second porte-avions nucléaire ou de s’en remettre totalement, en la matière, à un programme de coopération européen. Il a, plus généralement, qualifié d’" hybride " une tendance de notre politique de défense à ne pas choisir entre une démarche véritablement indépendante et une politique d’intégration européenne.

M. Xavier de Villepin, président, a tout d’abord souligné l’intérêt qu’avait représentée l’invitation faite à un certain nombre de membres de la commission de visiter le porte-avions Charles de Gaulle, qui constituait une réalisation tout à fait exceptionnelle.

Il a ensuite fait état de sa surprise quant à la dotation en crédits de paiement pour le budget d’équipement des armées en 2000 ; cette nouvelle " encoche " lui apparaissait d’autant plus étonnante que la situation financière actuelle du pays aurait dû permettre au gouvernement de tenir les engagements pris et que la crise du Kosovo avait par ailleurs révélé certaines insuffisances en matière de capacités militaires qu’il importait de combler au plus vite.

M. Xavier de Villepin, président, s’est ensuite inquiété de l’évolution négative de certains programmes d’équipement réalisés en coopération européenne (satellite radar Horus, programme de télécommunications Trimilsatcom, frégate Horizon).

Enfin, M. Xavier de Villepin, président, a interrogé le ministre sur la composition exacte de la participation française à la force internationale pour le Timor oriental .

Le ministre a alors apporté aux commissaires les réponses suivantes :

- l’ambition du ministre de la défense était d’être en mesure de consommer chaque année la totalité des crédits de paiement qui lui étaient consentis. Pour l’exercice 1998, le taux de consommation des crédits –a-t-il rappelé– avait atteint 92 %, mais pour l’exercice 1999 il sera sans doute difficile de dépenser la totalité des 5 milliards supplémentaires dont le ministère de la défense avait bénéficié au titre de ses crédits d’équipement en loi de finances initiale. L’existence de plusieurs dizaines de contrats interdépendants pour des programmes aussi importants que le Rafale expliquait en partie les difficultés rencontrées dans la consommation des crédits militaires. L’idée d’afficher une dotation de 86 milliards de francs pour 2000, alors même qu’il était dès le départ acquis que leur consommation ne pourrait être effective, n’avait pas été jugée opportune ;

- le programme du porte-avions nucléaire Charles de Gaulle symbolisait, d’une certaine façon, les difficultés inhérentes aux trop fréquents étalements de programmes et aux retards qui en résultaient. Certains des inconvénients, dont il convenait d’ailleurs de relativiser l’importance, liés à la mise en œuvre du bâtiment étaient en partie imputables à ces contretemps, dans la mesure où certaines spécifications avaient évolué depuis la conception initiale du projet ;

- la loi de programmation militaire actuellement en cours d’exécution conditionnait la construction d’un second porte-avions nucléaire à partir de 2003 à la situation économique nationale. L’hypothèse de ce second porte-avions constituerait l’une des questions clés de la prochaine loi de programmation militaire. Si une mise en commun de certains équipements militaires entre plusieurs nations européennes était concevable (à l’image de ce qui se pratique entre la France et l’Allemagne pour l’aviation de transport tactique), tel n’était pas, selon le ministre, le cas pour un porte-avions ;

- la durée excessive de réalisation de certains programmes en coopération européenne était sans doute à l’origine de certains abandons décidés par tel ou tel de nos partenaires. Il convenait donc, a estimé M. Alain Richard, de sélectionner strictement les programmes en coopération afin de ne conserver que ceux dont l’aboutissement était le plus certain. En tout état de cause, s’agissant de la frégate Horizon, la France conservait la cible finale de quatre bâtiments ;

- se référant au rapport d’information rédigé par le président Xavier de Villepin sur les premiers enseignements de la crise du Kosovo, le ministre a relevé que certaines des carences qui s’étaient fait jour en matière d’équipement seraient comblées dans le cadre même de la loi de programmation militaire actuellement en cours de réalisation. Tel était notamment le cas en ce qui concerne les capacités de renseignement spatial, l’acquisition de missiles de croisière et l’élargissement de la gamme de certaines munitions  ;

- l’hélicoptère NH 90 correspond à un besoin de renouvellement de la flotte existante ; le niveau de commandes est actuellement en cours d’élaboration. La décision concernant le missile anti-navire futur (ANF), qui fait appel à la technologie du stato-réacteur, est liée au financement de son développement et au souci d’assurer l’équilibre économique du programme. S’agissant du projet d’avion de transport futur (ATF), la phase d’analyse des offres (ATF européen, Antonov 70 ou C130J-C17) est en cours de réalisation par les 7 pays parties au projet ; la faisabilité du projet ATF européen (Airbus Industries) nécessiterait l’engagement de tous les partenaires au projet ;

- le projet de loi de finances prévoit, comme convenu, 44 commandes de chars Leclerc et 33 livraisons en 2000 ;

- la législation actuelle ne permet pas d’ouvrir les postes de volontaires du service national militaire à des candidats ne possédant pas la nationalité française ;

- la dotation globale destinée à la reconversion des sites industriels de défense –environ 1 milliard de francs– devrait permettre de faire face aux enjeux économiques et sociaux entraînés par leur restructuration ;

- les effectifs militaires français engagés dans le cadre de la force internationale au Timor oriental comprenaient les 119 hommes d’équipage de la frégate Vendémiaire, 191 personnels relevant de l’antenne chirurgicale et de son détachement de sécurité et les 338 hommes embarqués sur le transport de chalands de débarquement Sirocco.

Répondant enfin, sur ce dernier point, à des interventions de MM. Christian de La Malène et Philippe de Gaulle sur la position américaine dans cette crise du Timor oriental, M. Alain Richard a estimé que le rôle majeur joué par les Australiens dans la force multinationale et les réticences du Congrès devant la multiplication des crises régionales impliquant les Etats-Unis avaient conduit l’administration américaine à limiter sa participation à un soutien logistique.

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