Service des Commissions 

SIMPLIFIER ET DECENTRALISER : DEUX DEFIS POUR L’URBANISME

A l’occasion de l’examen des crédits de l’urbanisme inscrits au projet de loi de finances pour 1999, la Commission des Affaires économiques du Sénat a créé un groupe de travail sur la modernisation du droit de l’urbanisme, pour envisager les modalités d’un renforcement de la décentralisation et d’un allégement de procédures trop complexes. Depuis lors, ce groupe de travail a rencontré près de 200 interlocuteurs tant au cours d’auditions au Sénat que lors de déplacements en Ardèche, en Haute-Savoie, dans les Pyrénées-Atlantiques, en Seine-Maritime et dans le Val-de-Marne.

Le colloque du 22 mars 2000 est l’occasion de présenter les conclusions du rapport du groupe de travail et de débattre sur un sujet d’actualité puisque le Sénat examinera, en avril prochain, le projet de loi relatif à la solidarité et au renouvellement urbains dont le premier volet est consacré à l’urbanisme.

1. Achever la décentralisation du droit de l’urbanisme et favoriser l’élaboration de documents de planification souple

Dix-sept ans après le vote des lois de décentralisation 4 permis de construire sur 5 sont délivrés au nom des communes. Cependant, environ 65 % de ces décisions sont instruites par les services de l’État. En outre, le plan d’occupation des sols (POS) s’avère inadapté à la situation des petites communes où la pression foncière est faible. C’est pourquoi il faut poursuivre la décentralisation jusqu’à son terme. Enfin, le " projet communal " qui inspire les choix opérés dans le POS n’est, bien souvent, pas assez clairement exprimé. C’est pourquoi il convient de :

– Donner à toutes les communes pour lesquelles l’élaboration d’un POS est inadaptée, la faculté de réaliser seules des documents d’urbanisme simplifiés en faisant des cartes communales, soumises à enquête publique, des " miniPOS " ;

– Donner à toutes les communes dotées d’une carte communale qui le souhaitent le droit de délivrer des autorisations de construire en leur nom propre ;

– Transférer les moyens financiers correspondant aux coûts des documents d’urbanisme aux collectivités locales et " cibler " les aides avant tout sur les communes les moins riches ;

– Mettre un terme au triple exercice du conseil, du contrôle et de la maîtrise d’œuvre par les DDE ;

– Favoriser la mise en commun des savoir-faire et des compétences techniques en aidant les " syndicats de moyens " créés par des collectivités locales, afin de disposer de services communs d’urbanisme ;

– Instituer un débat public -d’une durée limitée- lors de la préparation des plans d’exposition au risque ;

– Assurer que les documents de planification reposent sur un projet de développement humain, économique et environnemental et généraliser des documents " glissants ", de 10 à 15 ans pour le schéma directeur, et 5 à 10 ans pour le POS ;

– Transférer au maire le pouvoir de déclarer d’utilité publique une zone d’aménagement concerté (ZAC) communale ;

2. Alléger et clarifier les procédures

Soumises à un formalisme rigoureux, les procédures prévues par le code de l’urbanisme, sont sources de délais et manquent de souplesse. Les difficultés rencontrées pour changer l’affectation d’un bâtiment -tant en zone urbaine qu’en zone rurale- prouvent la nécessité d’opérer une simplification. Aussi le rapport suggère-t-il de :

– Regrouper les procédures de consultation de toutes les instances lors de l’élaboration de documents de planification, dans le cadre d’un débat public ;

– Assurer l’unicité de la position de l’Etat face aux administrés, afin d’éviter les divergences d’interprétation entre DDE et services fiscaux, quant au statut des terrains ;

– Proroger la validité des permis de construire attaqués jusqu’au prononcé de la dernière décision juridictionnelle les concernant, à proportion de la durée des instances contentieuses, afin que le permis, déclaré légal par le juge, ne soit pas " périmé ", lorsque celui-ci rend sa décision ;

– Assouplir le régime du changement d’affectation des terrains ou des immeubles, qu’il s’agisse de la transformation du contenu des ZAC, dès lors que la modification envisagée ne remet pas en cause l’esprit du projet d’aménagement de la zone, ou du changement d’affectation des bâtiments en zone rurale ;

– Appliquer strictement aux architectes des bâtiments de France (ABF) les règles existantes relatives à l’exercice d’activités privées dans le secteur où ils exercent ;

– Doter l’Etat de moyens de suivi statistique de l’ensemble du contentieux de l’urbanisme ;

3. Favoriser l’émergence d’un droit plus négocié et moins contentieux

Chaque année, les juges annulent deux fois plus de POS que les maires n’en élaborent. C’est dire combien il est urgent de simplifier des procédures trop lourdes qui donnent lieu à un contentieux " pathologique ". Il est donc nécessaire de renforcer les procédures de concertation en amont des décisions et de conciliation en aval. C’est pourquoi il est proposé de :

– Faciliter l’accès à la règle d’urbanisme en généralisant les outils d’élaboration des POS " en trois dimensions ", et lancer des expérimentations afin d’utiliser le plus souvent les nouvelles techniques de la communication (NTC) lors de la préparation et de la mise à disposition au public des documents d’urbanisme ;

– Renforcer les procédures pré-contentieuses en réactivant les commissions de conciliation existantes pour l’élaboration des POS, en élargissant leur composition et en étendant leurs compétences ;

– Améliorer les procédures de concertation, lors de l’élaboration des documents de planification ou des opérations d’aménagement ;

– Limiter les recours abusifs en les sanctionnant plus lourdement ;

– Astreindre le juge administratif à examiner tous les moyens qui lui sont soumis pour éviter la multiplication des procès sur une seule affaire ;

– Permettre la consultation des demandes de permis de construire par le public afin de mettre un terme à la " culture du secret " ;

– Permettre au juge de déclarer un document d’urbanisme légal, sous réserve que des formalités négligées soient accomplies, afin d’éviter des annulations pour des motifs de pure procédure ;

4. Protéger l’environnement sans compromettre le développement de l’économie

La loi " littoral " et la loi " montagne " ont sauvé des parties du territoire menacées par une forte pression foncière. La très grande majorité des citoyens, des élus et des praticiens de l’urbanisme s’accordent à penser que leur bilan d’application est largement positif, même si chacun d’eux est susceptible de faire l’objet d’amodiations qui ne sauraient en modifier l’économie générale. Il serait donc souhaitable de :

– Appliquer les servitudes de passage perpendiculaires et longitudinales aux abords des plans d’eau de plus de 1000 hectares.

– Assouplir l’interdiction de construire sans continuité par rapport aux hameaux situés en montagne, dès lors que l’intérêt local le justifie ;

– Définir un zonage spécifique applicable aux zones " historiquement mitées " dans l’espace rural ;

– Appliquer les dispositions de l’article L.145-3-III du code de l’urbanisme, qui prévoient la possibilité de créer de hameaux nouveaux intégrés à l’environnement en zone de montagne ;

– Revoir la procédure d’autorisation des unités touristiques nouvelles (UTN) afin de l’alléger ;

– Favoriser la réhabilitation et, en tant que de besoin, la construction de logements (et notamment de logements sociaux) en zone rurale ;

– Punir les atteintes au domaine du conservatoire du littoral par des sanctions analogues aux contraventions de grande voirie, qui répriment les dommages occasionnés au domaine public et permettent de condamner le fautif à l’obligation de remettre en état ;

– Etendre aux herbiers du littoral maritime la procédure applicable aux " espaces boisés classés ", afin d’améliorer leur protection.

– Prendre en compte le droit du sous-sol ;

5. Accroître la qualité architecturale et urbanistique grâce au développement des organismes d’étude et de conseil

La qualité urbanistique et architecturale de certains projets laisse à désirer. Il faut donc la renforcer par :

– l’amélioration du statut des agences d’urbanisme,

– la valorisation des compétences et l’attribution de moyens substantiels aux CAUE.